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Full text of "Bibliothèque de l'École des chartes"

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BIBLIOTHEQUE 

DE  L'ÉCOLE 

DES  CHARTES. 


TOME  PREMIER. 

QUATRIÈME    SÉRFE. 


PARIS.  —  TYPOGRAPHIE  DE  FIRHIN   DIDOT   FRÈRES,   RUE   JACOB,  56. 


BIBLIOTHÈQUE 


DE  L'ECOLE 

Ml 


DES  CHARTES 

REVUE  D'ÉRUDITION 

CONSACREE   SPÉCIALEMENT  A   LÉTUDE  DU  MOYEN    AGE. 


SEIZIÈME  ANNÉE. 
TOME  PREMIER. 

QUATRIËMS    SÉRIE. 


PARIS, 

J.  B.  DUMOULIN, 


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LIBRAIRE  DE  LA  SOCIETE  DE  L  ECOLE  IMPERIALE  DES  CHARTES, 

QUAI    DES    AUGUSIIirS  ,    l3. 

M  DCCC  LV. 


D 


V 


LOUIS  XI, 
M.  DE  TAILLEBOURG 


ET 


M.  DE  MAIGNÊ. 


Dix-sept  lettres  missives  antérieures  à  l'année  1480,  toutes  inédites 
et  récemment  découvertes  au  château  de  Serrant,  en  Anjou,  dans  le 
chartrier  du  duché  de  Thouars,  sont  imprimées  ci-après  :  une  de  Marie 
de  Valois,  dame  de  Taiilebourg,  n"  I  ;  une  de  son  mari ,  n"  VIII  ;  une 
de  M.  de  Maigné,  n°  XIV  ;  deux  de  Jean  Chambon,  lieutenant  de  Poi- 
tou, n°*  XIII  et  XV  ;  la  dix-septième  d'une  dame  inconnue  \  et  les  onze 
autres  de  Louis  XL  Parmi  ces  dernières,  trois  sont  des  copies  contem- 
poraines, n°*  X ,  XI  et  XVI,  et  les  cinq  autres  des  pièces  originales, 
portant  la  signature  du  roi  de  France.  Celle  de  madame  de  Taille- 
bourg  est  olographe.  M.  de  Maigné  et  Jean  Chambon  ont  non -seule- 
ment signé  les  leurs,  mais  encore  écrit  la  formule  de  salutation.  La 
lettre  de  M.  de  Taiilebourg  est  une  minute.*  On  peut  aussi  considérer 
comme  telle  la  réponse  de  la  dame  inconnue  à  la  missive  de  Louis  XI 
datée  d'Arras,  le  28  juillet,  n°  XVII,  réponse  adressée  par  elle,  sous 
forme  de  lettre  close  scellée  en  cire  rouge,  a  mons""  de  Tailleboubg, 
pour  lui  faire  connaître  les  ordres  qu'elle  a  reçus  du  roi,  au  sujet  des 
filles  de  ce  seigneur.  Comme  la  plupart  des  documents  de  cette  nature 
et  de  cette  époque,  nos  lettres  n'indiquent  pas  l'année  à  laquelle  elles 
appartiennent.  Il  a  été  très-difficile  de  déterminer  cette  date.  Nous 

1.  Mous  disons  plus  loin  que  celte  dame  est  probablement  l'aïeule  paternelle  de 
François  I",  Marguerite  de  Rohan. 

I.  (Quatrième  série.)  1 


croyons  avoir  à  peu  près  réussi  pour  celles  qui  portent  les  n*"  V  à 
XVII  ;  du  reste,  le  lecteur  en  jugera  lui-même. 

Les  onze  dernières  missives  se  rapportent  toutes  à  un  même  objet , 
l'intervention  du  roi  de  France  dans  les  affaires  privées  de  M.  de  Tail- 
lebourg,  sur  lesquelles  nous  donnons  quelques  éclaircissements. 

Les  quatre  premières  ne  constatent  aucun  fait  remarquable  ;  mais, 
quand  même  elles  n'auraient  pas  l'incontestable  mérite  qui  résulte  de 
leur  caractère  confidentiel  et  du  nom  de  leurs  auteurs,  nous  n'aurions 
pas  eu  le  courage  de  séparer  ces  vénérables  textes,  qui,  après  avoir  été 
protégés  par  la  même  poussière,  en  sont  sortis  le  même  jour,  récla- 
mant, pour  ainsi  dire,  à  la  lumière  comme  dans  l'obscurité,  la  commu- 
nauté de  sort  qui  existe  entre  eux  depuis  près  de  quatre  siècles. 

Marie  de  Valois  nous  montre  dans  la  première  lettre,  nou-seulement 
une  écriture  belle  et  hardie ,  mais  encore  un  style  qui  fait  honneur  à 
la  fille  de  Charles  VII  et  d'Agnès  Sorel ,  ainsi  qu'aux  maîtres  dont  elle 
a  reçu  les  leçons  dans  le  château  de  Taillebourg  ï. 

Les  trois  suivantes  sont  de  Louis  XL  Celle  du  23  juillet,  n"  II,  est 
datée  du  Puy-Notre-Dame,  où  les  fidèles  vont,  encore  aujourd'hui, 
vénérer  la  ceinture  de  la  Vierge  2  ;  elle  témoigne  de  son  affection ,  plus 
ou  moins  sincère,  pour  M.  de  Taillebourg,  et  de  sa  dévotion  envers 
la  mère  du  Christ ,  dont  l'église,  située  en  Anjou  pour  le  temporel ,  et 
pour  le  spirituel  en  Poitou,  servait  de  prétexte  aux  dévots  pèlerinages 
dans  lesquels  le  roi  allait  épier  ce  qui  se  passait  dans  les  États  des  princes 
possesseurs  d'apanages  '^,  les  ducs  de  Guyenne  et  d'Anjou.  Les  lettres 
des  6  août  et  4  février,  n*'*  III  et  IV,  doivent  se  rapporter  aux  négocia- 
tions par  suite  desquelles  le  comte  et  la  comtesse  de  Penthièvre  trans- 
portent au  roi  de  France,  en  janvier  1480,  tous  leurs  droits  sur  le  du- 
ché de  Bretagne^.  M.  de  Taillebourg,  dernier  représentant  de  la 
famille  de  Coëtivy,  avait  peut-être  des  prétentions  au  duché  lui- 
même,  comme  nous  verrons  plus  loin  qu'il  en  élevait  sur  l'un  de  ses 
principaux  fiefs,  la  seigneurie  de  Raiz  «>.  En  tout  cas,  Louis  XI  atten- 
dait de  lui  des  renseignements  positifs  «  pour  faire  sa  matère  seure.  » 

i .  H  paraît  probable  que  Pierre  Daicon ,  en  faveur  duquel  sa  lettre  est  écrite,  était 
l'un  de  ses  maîtres. 

2.  Voy.  Notre-Dame  de  Béhuard,  par  M.  Jules  Quiclierat:  Revue  de  l'Anjou, 
année  1853,  pag.  136. 

3.  Voy.  Bodin,  Recherches  sur  Saumur,  F"  édit.,  vol.  I,  pag.  200. 

4.  Voy.  d'Argentré,  liv.  XIII,  cbap.  18. 

5.  Du  Paz  ne  porte  pas  les  Coëtivy  dans  son  tableau  des  prétendants  à  la  succes- 
sion de  Raiz.  Voy.  Histoire  généal.  de  plusieurs  maisons  illustres  de  Bretagne , 
pag.  233. 


3 

Les  cinquième  et  sixième  lettres ,  aussi  de  Louis  XI ,  inléressent  par- 
ticulièrement les  archéologues. 

Les  personnes  qui  visitent  Saintes  n'y  admirent  pas  seulement  les 
édifices  qui  remontent  à  la  domination  romaine;  de  belles  églises  at- 
tirent aussi  leur  attention,  celle  de  Saint-Eutrope  surtout.  A  l'entrée 
de  la  magnifique  crypte  dans  laquelle  a  été  découvert,  en  1843,  le  tom- 
beau de  l'apôtre  de  la  Saintonge,  patron  de  cette  basilique,  on  remarque 
sur  chacun  des  gros  piliers  de  droite  et  de  gauche  deux  inscriptions 
gothiques,  l'une  en  relief,  l'autre  en  creux*.  Elles  portent  qu'à  deux 
reprises  différentes ,  la  crypte  et  l'église  ont  été  restaurées  et  complé- 
tées ,  grâce  à  la  munificence  de  Louis  XI ,  la  première  fois  lorsqu'il 
n'était  que  dauphin  de  Viennois ,  la  seconde  en  1477.  Nos  deux  lettres 
concernent  la  dernière  et  la  plus  importante  de  ces  restaurations.  Il  est 
probable  qu'elle  fut  décidée  pendant  le  séjour  du  roi  à  Saintes,  au  mois 
de  mai  et  dans  les  premiers  jours  de  juin  1472;  mais,  avant  de  faire 
commencer  les  travaux,  Louis  XI  avait  voulu  qu'un  devis  en  précisât 
l'étendue  et  la  dépense.  Odon  de  la  Baume,  prieur  de  Saint-Eutrope, 
sous  l'administration  duquel  la  première  restauration  a  été  exécutée, 
remplit  incontinent  les  volontés  du  roi,  qui  reçoit  le  devis  à  Thouars, 
où  il  s'était  arrêté  au  retour  d'une  excursion  en  bas  Poitou. 

Les  deux  lettres  qu'il  écrivit  de  cette  ville  à  M.  de  Taillebourg,  la 
dernière  principalement ,  prouvent  que  les  projets  et  les  chiffres  du 
prieur  ne  le  satisfirent  pas,  à  beaucoup  près  :  il  croit  que  le  devis  n'a 
pas  été  loyalement  dressé,  et  il  accuse  la  Baume  ou  de  vouloir  le  trom- 
per, ou  de  s'être  laissé  tromper  lui-même.  Le  défiant  monarque  ne 
veut  pas  qu'on  abuse  de  sa  confiance  et  de  son  argent ,  soit  en  faveur 
des  églises  soit  en  l'honneur  des  saints,  même  lorsque,  par  leur  inter- 
cession ,  il  espère  obtenir  la  guérison  de  quelque  maladie  ou  infir- 
mité 2.  Il  sait  que  les  maîtres  maçons  ont  des  habitudes  dont  la  tra- 

1.  M.  Jules  Marion  les  a  publiées  en  même  temps  qu'il  a  décrit  les  monuments  de 
Saintes.  Voy.  Notes  d'un  voyage  archéologique,  pag.  i2  ;  et  Bibl.  de  l'École  des 
chartes,  2*  série,  vol.  III,  pag.lSG. 

2.  Nous  avons  trouvé  la  pièce  suivante ,  minute  écrite  sur  papier,  dans  un  des 
principaux  recueils  de  Mémoires  du  règne  du  roy  Louis  XI  (Bibl.  irap.,  Mss.,  coll. 
Béthune,  vol.  8445,  fol.  i  3)  : 

Martir  Christi  Eutropi,  tua  Deo  placita  prece ,  sana  me  semper  et  ubique  ab  ydro- 
pica  inUrmitale.Ora  pro  me,  béate  martir  Eutropi,  ut  ab  Eutropisi  valeani  per  te 
sanari. 

Oracio. 

Deus  qui  fidelibus  tuis,  per  oracioncm  beati  Eutropii,  martiris  tui  atque  pontifîcis 
canctis  ejusdem  memoriam  facieutibus,  de  quacumque  infirmitale  vel  adversitate 


dition  n'est  pas  perdue  de  nos  jours,  «  espéciallement  quant  ilz  ont 
à  faire  à  gens  qu'ilz  cuident  qui  ayeut  bonne  bourse  ;  «  et  il  ajoute 
(ce  que  devraient  se  dire  tous  les  jours  les  personnes  qui  président 
aux  innombrables  restaurations  de  nos  monuments  historiques)  : 
«  et  ne  s'en  fault  pas  fier  eu  euix.  »  C'est  pourquoi  Louis  XI  charge 
M.  de  Taillebourg  de  faire  vérifier,  par  un  homme  compétent  et  hon- 
nête, quelle  somme  il  faudra  «  pour  garder  que  l'église  ne  tumbe , 
«  et  reffaire  ce  qui  est  mauvais  et  en  dangier  de  cheoir.  » 

Catherine  de  Coëtivy  épousera-t-elle  M.  de  Maigué  ?  Quelle  dot  re- 
cevra-t-elle  de  son  père,  M.  de  Taillebourg?  Tel  est  l'objet  des  lettres 
placées  sous  les  n°*  Vil  à  XV,  la  première  du  10  novembre  1477,  la 
dernière  du  18  avril  suivant.  Ces  deux  questions  présentent  un  intérêt 
historique  assez  restreint.  M.  de  Maigné  passait  pour  l'un  des  bons 
chefs  de  guerre  de  cette  époque;  après.avoir  combattu  avec  distinctiou 
contre  les  Anglais,  M.  de  Taillebourg  vivait  retiré  dans  ses  terres  delà 
Saintonge;  à  la  vue  de  Catherine,  les  vieux  serviteurs  de  Charles  VII 
ont  pu  dire  avec  admiration  :  Belle  comme  son  aïeule  Agnès,  dame  de 
Beauté  1  Néanmoins,  le  rôle  de  ces  trois  personnages  ne  sort  guère 
des  recueils  généalogiques  et  des  histoires  locales  :  il  faut ,  pour  ainsi 
dire,  que  Louis  XI  vienne  les  prendre  par  la  main  pour  les  tirer  de  la 
demi-obscurité  dans  laquelle  ils  ont  été  laissés  par  les  historiens  de  son 
règne. 

Les  graves  préoccupations  du  monarque  n'ont  aucune  part  dans  cette 
correspondance  :  on  dirait  même  qu'il  s'est  étudié  à  ne  laisser  voir  que 
son  goût  naturel  pour  les  petites  affaires ,  et  fournir  des  pièces  justifi- 
catives à  ce  passage  de  Philippe  de  Commynes  :  «  De  maintes  menues 
«  choses  de  son  royaulme  il  se  mesloit,  et  d'assez  dont  il  se  fust  bien 
«  passé;  mais  sa  complexion  estoit  telle,  et  ainsi  vivoit  i.  »  L'autre  trait 
du  même  historien  :  «  Il  estoit  maistre  avec  lequel  il  fallolt  charrier 
«  droict  2,  »  est  aussi  pleinement  confirmé  par  le  post-scriptura  de  no- 
tre troisième  missive  :  «  Je  suis  de  la  nature  des  femmes  :  quant  l'on 
tt  me  dit  quelque  chose  en  termes  obscurs,  je  veulx  savoir  incontinent 
«  que  c'est.  » 

Olivier  de  Coëtivy  (M.  de  Taillebourg),  chevalier,  conseiller  et  cham- 
bellan du  roi,  prenait  les  titres  de  seigneur  de  Raiz,  Taillebourg, 

tenerentur,  liberari  concessisti,  presta  miclii,  queso,  famulo  tiio,  ut  per  amorem  et 
honorera  ipsius ,  sana  {sic)  me  ab  ydropico  morbo  et  ab  omnibus  malis,  per  Do- 
minum. 

1.  commynes,  édition  de  Mlle  Dupont,  vol.  Il,  pag.  273. 

2.  Ibid.,  pag.  216. 


Royan,  Moruac,  Rochefoit-sur- Charente,  etc.,  etc.;  mais  il  ne  parait 
pas  avoir  possédé  la  première  de  ces  seigneuries  ;  il  jouit  quatre  ans  à 
peine  de  la  troisième  et  de  la  quatrième,  et  perdit  même  momentané- 
ment les  deux  autres,  Taillebourg  et  Rochefort,  à  la  suite  de  la  guerre 
du  Bien  public  '. 

Quoiqu'il  fût  le  troisième  des  quatre  fils  d'Alain  III  de  Coëtivy,  sei- 
gneur de  Taillebourg,  et  de  Catherine  du  Châtel,  nièce  de  Tanneguy, 
il  avait  recueilli  toute  leur  succession.  Prégent,  son  frère  aîné,  amiral 
de  France,  après  avoir  combattu  les  Anglais  partout  où  il  y  avait  à  dé- 
fendre les  droits  de  Charles  VII  2,  périt  glorieusement,  frappé  par  un 
boulet  de  canon,  au  siège  de  Cherbourg,  en  1450;  et  il  ne  laissait  pas 
d'enfants  de  sa  femme  Marie  de  Laval,  fille  unique  et  héritière  du  trop 
célèbre  maréchal  de  France  Gilles  deRaiz,  dont  le  procès  est  l'un  des 
plus  affreux  épisodes  de  nos  annales.  Alain,  entré  dans  les  ordres,  était 
devenu  cardinal-évêque  d'Avignon,  et  Christophe,  le  plus  jeune,  mou- 
rut sans  postérité. 

Olivier  de  Coëtivy,  alors  sénéchal  de  Guyenne,  avait  épousé,  au 
mois  de  novembre  1458,  la  seconde  fille  naturelle  de  Charles  VII  et 
d'Agnès  Sorel  3.  Amenée  dès  son  enfance  dans  le  château  de  Taille- 
bourg, Marie  de  Valois  "*  y  était  restée  même  après  la  mort  de  Prégent, 

1.  Voy.  Documents  inédits  publiés  par  le  ministre  de  l'Instruction  publique,  Mé' 
langes,  1843,  pag.  384.  Bibl.  de  l'École  des  chartes ,  3*  série ,  vol.  1 ,  pag.  485.  Un 
arrêt  du  grand  con.seil,  13  septembre  1466,  lui  donne  le  titre  de  seigneur  de  Taille- 
bourg; et  nous  avons  aussi  trouvé,  dans  les  archives  de  Thouars,  son  acte  de  foi  et 
hommage-lige  rendu  au  roi,  le  13  janvier  1476,  pour  le  château  et  la  seigneurie  de 
Rocliefort,  tenus  au  devoir  d'une  espée  blanche  ou  vingt  solz  tournois. 

2.  On  lit  dans  les  lettres  patentes  de  ce  prince,  datées  de  Jumiéges,  an  mois  de 
janvier  1450,  N.  S.  :  —  «  Considérans  les  bons,  grans,  notables,  agréables  et  recom- 
«  mandables  services  à  nous  faiz  par  nostre  araé  et  féal  conseillier  Prigenl,  sei- 
«  gneur  de  Raiz  et  de  Coiclivy,  chevalier,  admirai  de  France,  nous  a  tout  son  temps 
«  et  dès  son  jeune  aage  continueiment  faiz  ou  fait  de  nos  guerres,  à  rencontre  de  nez 
«  anciens  ennemis  et  adversaires  les  Anglois,  tant  au  recouvrement  de  noz  pays  et 
«  seigneuries  de  France  comme  de  nostre  duchié  de  Guienne,  en  ce  (jue  y  avons  con- 
«  quis,  fait  de  présent  au  recouvrement  de  noslre  pays  et  duchié  de  Normandie  et 
«  autrement  en  maintes  manières ,  et  espérons  que  plus  face  an  temps  à  venir,  vou- 
«  lans  iceuk  services  recongnoistre  et  l'en  rémunérer  aucunement,....  à  icelui  nostre 
«  conseillier  et  chambellan....  avons  donné,  cédé,  ...  donnons,  cédons...  la  baronnie, 
«  chastel,  chasteUenie....  de  Lesparre,  assises  en  nostre  pays  de  Guyenne,  à  présent 
«  détenues  et  occupées  par  nosd.  ennemis  et  adversaires  les  Anglois,  à  nous  apparte- 
«  nant  par  droit  de  confiscacion ,  faulte  d'omme,  aubenage  ou  autrement ...  »  Origi- 
nal, Archives  de  Thouars. 

3.  Voy.  Recherches  historiques  sur  Agnès  Sorel,  par  M.  Vallet  de  Viriville;  Bihl. 
de  l'École  des  chartes,  3"  série,  vol.  I,  j).  479-486. 

4.  M.  Massiou,  Hist.  de  Sainlonge,  vol.  III,  p.  308,  la  nomme,  à  tort,  Marguerite. 


6 

auquel  le  roi  de  France  l'avait  donnée  à  élever.  Huit  ans  plus  tard, 
dans  sa  ;  vingt-troisième  année ,  elle  en  devint  dame  et  maîtresse.  Son 
affection  pour  la  famille  dont  elle  ne  s'était  pas  séparée,  et  où  elle  avait 
trouvé,  dans  Catherine  du  Châtel ,  une  véritable  mère  ,  veillant  à  son 
éducation  avec  la  plus  grande  sollicitude,  contribua  peut-être  plus  que 
tout  autre  motif  à  faire  choisir  pour  son  époux  le  compagnon  ou  le  té- 
moin de  ses  jeux  et  de  ses  études.  Charles  VII,  outre  les  1,600  livres 
tournois  qu'il  lui  fit  compter  «  pour  avoir  robes  et  abiliemens  à  son 
«  plaisir,  le  jour  et  feste  de  ses  nopces ,  »  l'avait  richement  dotée ,  par 
lettres  patentes  enregistrées  en  la  Chambre  des  comptes  i.  Elle  apporta 
en  dot  à  M.  de  Taillebourg  12,000  écus  d'or,  ou  16,000  livres,  et  deux 
belles  seigneuries  en  Saintonge  même,  Royan  et  Mornac,  confisquées 
sur  un  vassal  rebelle  ou  plutôt  mécontent  2,  qui  était  sorti  de  France. 
Un  fils  et  quatre  filles  naquirent  de  cette  union  :  Catherine  de  Coëtivy 
était  la  seconde  ^. 

Malgré  les  formules  et  protestations  amicales  contenues  dans  les  let- 
tres de  Louis  XI,  il  est  certain  que,  dès  son  avènement,  une  profonde 
mésintelligence  avait  éclaté  entre  M.  de  Taillebourg  et  son  royal  beau- 
frère.  Tous  les  personnages  tombés  dans  la  disgrâce  de  Charles  VII, 
dans  lesquels  le  nouveau  roi  de  France  pouvait  ou  voulait  voir  des 
compagnons  d'infortune  et  d'exil,  furent  rappelés  par  lui.  Le  sire  de 
Pons  était  de  ce  nombre,  et  la  faveur  du  monarque  lui  fit  même  recou- 
vrer ses  anciennes  possessions  ^  ;  ainsi  Royan  et  Mornac  sont  enlevés  à 
Olivier  de  Coëtivy  et  à  Marie  de  Valois.  Au  mois  de  septembre  1462, 

1.  M.  Vallet  de  Viriville  les  a  imprimées,  loc-  cit. y  p.  481. 

2.  Massiou,  loc.  cit.,  p.  303  et  318. 

3.  Charles,  comte  de  Taillebourg,  marié  à  Jeanne  d'Orléans,  sœur  de  Charles,  comte 
d'Angoulême,  et  tante  de  François  l".  Louise,  leur  fille  unique,  épousa  Charles  de  la 
Trémouille,  prince  de  Talmont.  Adelice,  mariée  à  Henri,  seigneur  de  Penmarch; 
Marguerite  à  François  de  Pons,  seigneur  de  Montfort  ;  et  Gillette  à  Jacques  d'Esloute- 
ville,  seigneur  de  Beyne ,  puis  en  secondes  noces  à  Antoine  de  Luxembourg.  Voyez  le 
P.  Anselme,  Hist.  généalog.,  vol.  Yll,  pag.  845. 

4.  L'arrêt  du  grand  conseil ,  eu  date  du  13  septembre  1466,  à  Montargis,  expose 
ainsi  ses  droits  :  «  Le  dit  sire  de  Pons  (  nostre  amé  et  féal  cousin  Jacques,  sieur  de 
«  Pons)  disoit  que  ou  pays  de  Xaintonge,  sur  la  mer,  a  deux  belles  places,  nommées 
«  Royan  et  Mornac,  lesquelles  lui  appartiennent  en  toute  justice,  et  en  avoit  pris,  de 
«  toute  ancienneté,  les  fruiz  et  iceulx  applicqué  à  son  prouflit;  et  que  pour  certaines 
«  causes  led.  S' de  Pons,  dès  pieçà ,  se  absenta  dud.  pays,  et  par  ce  lurent  lesd.  pla- 
«  ces  données  ausd.  S""  de  Taillebourg  et  sa  femme,  par  feu  nostre  très-chier  seigneur 
«  et  père,  que  Dieu  abseuilhe  ;  et  que  depuis  nostre  advenerueut  à  la  couronne,  pour 
«  certaines  grans  causes  qui  a  ce  nous  meuvent,  nous  lui  avions  rendues  lesd.  places 
«  et  le  restitué  en  tous  ses  biens  et  héritages  en  Testât  qu'il  estoit  au  temps  qu'il  s'es- 
»  toit  absenté. .  .  •>  Arch.  de  Thouars- 


Louis  XI  leur  donne,  à  la  vérité,  la  seigneurie  de  Roehefort  ' ,  ■  afin; 
«  dit-il,  que  durant  le  procès  qui  à  ceste  cause  pourra  mouvoir  et 
«<  prendre  long  trait,  ledit  de  Goetigny  (sic)  ayt  mieux  de  quoy  vivre 
«  et  entretenir  honorablement  Testât  de  luy  et  de  nostre  dicte  sœur  na- 
«  turelle;  »  mais  cette  concession,  outre  qu'elle  devait  être  et  fut  réelle- 
ment toute  transitoire ,  était  une  compensation  très-insuffisante  pour 
deux  terres  évaluées  à  600  livres  de  revenu  2.  M.  et  madame  de  Tail- 
lebourg  profitent  donc  avec  ardeur  de  la  faveur  que  leur  a  accordée  le 
roi,  de  «  faire  action,  poursuite  et  demande,  par  voye  de  justice,  des- 

«  dits  chasteaux ,  places,  terres  et  seigneuries ,  à  rencontre  dudit 

'<  sieur  de  Ponts.  »  Ils  s'adressent  tantôt  au  grand  conseil,  tantôt  au 
parlement  de  Bordeaux.  Leur  bon  droit  y  est  constamment  reconnu  et 
proclamé,  mais  le  mauvais  vouloir  de  Louis  XI  paralyse  toujours  le 
succès  de  leur  cause,  et  les  empêche  de  pouvoir  faire  exécuter  contre  le 
sire  de  Pons  les  nombreux  arrêts  de  ces  cours  souveraines  3. 

Olivier  reprochait  aussi  au  roi  d'entraver  et  même  de  combattre,  à 
l'avantage  du  duc  de  Bretagne,  ses  droits  à  la  succession  de  Raiz,  dont 
l'héritière ,  Marie  de  Laval ,  morte  sans  postérité  de  son  second  époux 
M.  de  Loheac,  avait  sans  doute,  lors  de  son  premier  mariage,  fait  quel- 
ques dispositions  en  faveur  de  la  famille  de  Coëtivy  *.  Enfin,  il  n'avait 
pas  encore  pu  obtenir  le  remboursement  de  diverses  sommes  très- 
fortes,  entre  autres  le  prix  de  la  rançon  et  les  frais  de  captivité  de  Jean 
de  Foix,  comte  de  Candale  et  captai  de  Buch,  fait  prisonnier  par  lui  à 
la  glorieuse  bataille  de  Castillon  ,  en  Bordelais.  Lorsque  ce  capitaine, 
rompant  enfin  les  liens  qui  le  retenaient  sous  la  domination  anglaise, 
se  rallia  à  la  France  et  rentra  en  grâce  auprès  de  Louis  XI,  le  roi,  par 
un  traité  formel,  17  mai  1462,  avait  garanti  le  payement  de  ses 
dettes  5,  et  il  ne  les  avait  pas  encore  acquittées  en  1477. 

Rappelés  dans  plusieurs  de  nos  missives,  avec  d'autres  qu'il  est  au- 

1 .  Les  lettres- patentes  ont  été  imprimées  par  M.  Vallet  de  Viriville,  l.  dt.,  p.  483. 

2.  Enquête  faite  le  7  novembre  1477.  Origin.,  arch.  de  Thouars. 

3.  Voy.  la  note  de  la  lettre  VIII». 

4.  «  Fut  dit  (mariage  faisant)  que  de  Coitivy  prendroit  le  nom ,  armes  et  cry  de 
Raix....  Mais  finalement  Dieu  le  créateur  se  despleut  de  ceste  maison,  qui  estoit 
fort  grande,  tellement  qu'il  n'en  sortit  point  d'enfans,  et  s'en  alla  en  dissipation- 
Dont  il  sortit  mil  et  mil  procez  qui  ont  duré  de  nostre  vivant,  et  n'y  auroit  aujour- 
d'huy  cent  livres  de  rente  ensemble  si  les  prétendans  en  icelle  ne  se  fussent  condes- 
cendus  à  mettre  leurs  portions  entre  les  mains  d'un  puissant  acliepteur  (Albert  de 
Condy,  maréchal  de  France),  qni  fait  reflorir  l'ancien  titre  de  ceste  seigneurie,  ra- 
massant les  pièces  démembrées,  «  D'Argentré,  liv.  XI,  cliap.  47. 

5.  Le  P.  Anselme,  vol.  III,  pag  382. 


8 

Jourd'hui  assez  difficile  d'expliquer,  ces  détails  sont  exposés  d'une  ma- 
nière plus  précise  dans  la  lettre  VIII^ ,  par  laquelle  M.  de  Taille- 
bourg  répond  aux  demandes  réitérées  que  le  roi  lui  a  faites  de  la  main 
de  sa  fille  Catherine  pour  M.  de  Maigné.  Antoine  de  Chourses ,  sei- 
gneur de  Maigné  et  d'Echiré ,  n'est  pas  d'une  aussi  petite  maison  que 
M.  de  Taillebourg  paraît  le  croire,  lorsqu'il  écrit  au  roi  :  «  Puisqu'il 
«  est  en  vostre  bonne  grâce,  suis  sûr  qu'il  ne  puyt  faillir  à  estre  le  plus 
«  grant  qui  fust  onques  de  son  lignage,  etc.,  etc.  »  Son  père ,  Guy  de 
Chourses,  seigneur  de  Malicorne ,  est  le  chef  d'une  des  principales  et 
des  plus  anciennes  familles  du  Maine.  La  terre  et  le  titre  sont  passés , 
il  est  vrai,  à  son  frère  aîné  Jean ,  né  d'un  premier  mariage  ;  mais,  du 
chef  de  sa  mère ,  Andrée  de  Varèze ,  issue  des  Chasteigner  du  bas 
Poitou  1,  veuve  elle-même,  et  dont  le  premier  mari  était  un  Vivonne, 
Antoine  n'est  pas  plus  dénué  de  bien  que  de  naissance.  Il  possède ,  en- 
tre autres ,  près  de  Niort,  le  fief  dont  il  porte  le  nom.  Louis  XI  a 
résidé  dans  l'hôtel  de  Maigné,  il  a  chassé  dans  ses  bois  avec  son  frère 
le  duc  de  Guyenne,  après  leur  réconciliation  faite  au  passage  du  Braud, 
non  loin  de  l'embouchure  de  la  Sèvre  Niortaise  2. 

Antoine  s'était  fait  remarquer  du  roi ,  tout  récemment  encore  au 
siège  d'Arras,  par  son  courage  et  ses  talents  militaires.  Louis  l'appelle 
un  des  bons  chefs  de  guerre  qui  soit  aujourd'hui  en  son  royaume 
(n**  VII).  II  lui  a  confié  le  commandement  de  six  cents  hommes  d'ar- 
mes, ainsi  que  des  quatre  mille  francs-archers  à  la  tète  desquels  était 
naguère  messire  Capdorat  3  ;  mais  il  ne  borne  pas  là  ses  faveurs.  At- 
tendant de  M.  de  Maigné  de  nouveaux  services ,  il  veut  se  l'attacher 
davantage,  même  en  faire  son  neveu. 

Dans  la  missive  si  pleine  de  franchise  qu'il  adresse  au  lieutenant  de 
Poitou  (n"  XIV),  on  aime  à  voir  les  scrupules  pleins  d'honneur  et  la 
générosité  toute  chevaleresque  avec  lesquels  Antoine  s'écrie  :  «  Par  Dieu  I 
«  non  pas  la  place  (Royan)  ne  mademoiselle  de  Taillebourg  ne  vouU 
«  droye  avoir,  s'il  ne  luy  plaîsoit  me  faire  cest  honneur  et  de  bon  vou- 
«  loir!  » 

Tandis  qu'Olivier  de  Coëtivy  s'épuisait  en  procédures  et  exploits  ju- 
diciaires pour  recouvrer  la  dot  de  sa  femme,  Louis  XI  s'était  fait  re- 


1.  Le  P,  Ânseirne ,  vol.  vil  et  Vili ,  et  Duchesne,  Hist.  des  Chasteigner,  p.  513- 
5t7. 

2.  Commynes,  vol.  UI,  pag.  261  et  267. 

3.  Tête  Dorée.  C'est  Aymar  de  Poisieux.  On  l'appelait  aussi  Cadural.  Voy.  Com- 
mynes, vol.  Iir,  pag.  274. 


9 

mettre  Royan  et  Mornac  par  l'héritier  de  Jacques  de  Pons,  probable- 
ment au  moyen  d'une  indemnité.  Peu  de  temps  après,  c'est-à-dire  au 
commencement  de  1477,  il  en  dispose  en  faveur  d'Antoine  de  Chourses. 
Le  désappointement  de  M.  de  Taillebourg  est  trop  naturel  pour  que 
cette  mesure  ne  l'ait  pas  rendu  encore  plus  hostile  au  protégé  du  roi. 
Ce  dernier  a  beau  lui  répéter  :  «  C'est  ung  gentilhomme  qui  vault 
«  beaucop ,  et  de  quoy  vous  et  les  voustres  serez  bien  serviz  au  temps 
«  à  venir  ;  »  le  père  de  Catherine  n'est  guère  disposé  à  croire  que  M.  de 
Maigné  ait  vraiment  reçu  l'ordre  de  lui  bailler  Royan  et  Mornac 
(n°  XII).  Cette  promesse  est  en  effet  très-éloignée  des  intentions  de 
Louis  XI ,  témoin  la  défense  formelle  qu'il  fait  à  M.  de  Maigné  de  se 
dessaisir  des  deux  seigneuries. 

Antoine  de  Chourses  est  plus  habitué  à  aller  droit  à  l'ennemi  qu'à  se 
prêter  aux  exigences  d'une  intrigue,  même  lorsqu'elle  doit  lui  faire 
épouser  une  belle ,  noble  et  riche  héritière.  L'impression  de  plus  en 
plus  défavorable  que  doivent  éprouver  à  son  égard  et  Catherine  et  son 
père  lui  cause  un  profond  désespoir.  Malgré  son  désir  de  voir  la  ma- 
tière venir  à  bonne  conclusion,  il  faut  toute  la  crainte  qu'il  éprouve 
d'encourir  la  disgrâcç  du  roi ,  qui  le  menace  de  ne  jamais  se  mêler  de 
ses  affaires ,  pour  triompher  de  sa  répugnance  à  subir  plus  longtemps 
un  semblable  rôle. 

Jean  Chambon,  conseiller  et  maître  des  requêtes  de  Louis  XI,  était 
aussi  son  lieutenant  en  Poitou.  Les  scrupules  de  son  honnête  conscience 
ne  fléchissaient  pas  devant  la  volonté  du  monarque  ^  ;  son  intervention 
dans  le  mariage  de  M.  de  Maigné  devait  donc  être  une  garantie  de 
succès.  Antoine  avait  pour  lui  autant  d'estime  que  de  confiance,  aussi 
lui  parle-t-il  à  cœur  ouvert;  et  M.  de  Taillebourg,  dans  les  fréquents 
rapports  qu'il  entretient  nécessairement  avec  le  lieutenant  de  Poitou  2, 
avait  pu  apprécier  son  esprit  conciliant  et  son  caractère  loyal.  C'est 
surtout  par  la  persuasion  qu'il  cherche  à  triompher  des  scrupules  de 
l'un  comme  du  mauvais  vouloir  de  l'autre  :  à  celui-ci  il  explique  com- 
ment le  don  de  Royan  et  de  Mornac  à  son  futur  gendre  n'est  qu'une 
affaire  de  forme,  une  imagination  du  roi,  à  laquelle  il  faut  d'autant  plus 
complaire  qu'elle  le  rendra  en  réalité  maître  des  places  qu'il  reven- 


I.  Voy.  Notice  sur  Philippe  de  Commynes,  par  Mlle  Dupont,  pag.  62  et  suiv. 

2-  Jean  Cliambon  s'était  en  plusieurs  circonstances  employé  activement  en  faveur 
de  M.  de  Taillebourg,  notamment  de  1467  à  1470,  pour  lui  faire  recouvrer  «  la  terre 
•«  et  seigneurie  des  Goux,  en  la  prévosté  et  suburbes  de  Xainctes.  >  Bibl.  imp.,  cab. 
des  titres,  Coëtivy. 


10 

dique  depuis  plus  de  seize  ans;  à  celui-là  il  recommande  la  patience, 
garantit  que  tout  s'arrangera  selon  ses  vœux,  et  promet  de  lui  faire 
obtenir  le  bon  vouloir  de  la  demoiselle  et  du  père.  La  précaution  qu'il 
prend  d^envoyer  à  Olivier  de  Coëtivy  la  lettre  d'Antoine  de  Chourses , 
est  certes  un  des  meilleurs  moyens  qu'il  ait  pu  employer  pour  le  faire 
revenir  sur  le  compte  du  gendre  que  lui  impose  Louis  XL 

Chambon  ne  réussit  pas  moins  à  lever  les  difficultés  qui  résultent  du 
chiffre  de  la  dot.  Dès  ses  premières  lettres  en  faveur  de  M.  de  Maigné, 
le  roi  avait  dit  à  M.  de  Taillebourg  que  ses  filles  ne  lui  coûteraient  rien 
à  marier.  Ce  dernier  lui  répond  qu'il  ne  s'attendait  pas  à  tant  de  bon- 
nes assurances;  et,  s'il  y  avait  ajouté  foi,  son  illusion  eût  été  de  courte 
durée.  Sur  ce  point  encore,  et  en  présence  des  promesses  royales  ,  pe 
mandat  de  Chambon  présentait  de  graves  difficultés.  Il  amène  cepen- 
dant M.  de  Taillebourg  à  offrir  10,000  francs,  plus  1,000  livres  de 
rente  ;  mais,  en  fait,  il  ne  payera  que  la  moitié  de  cette  somme,  le  sur- 
plus étant  assigné  sur  ce  qui  lui  a  été  alloué  par  le  parlement  de  Paris 
dans  l'arrêt  relatif  à  la  succession  de  Raiz.  Le  roi  n'est  pas  complète- 
ment satisfait  de  ces  propositions  :  la  crainte  de  froisser  le  duc  de  Bre- 
tagne l'empêchait  de  laisser  mettre  cet  arrêt  à  exécution.  Il  écrit  donc 
au  lieutenant  de  Poitou  de  gagner  ce  seul  point ,  que  la  dot  promise  ne 
soit  pas  imputée  sur  la  succession  de  Raiz.  Son  affection  pour  M.  de 
Maigné  lui  fait  même  ajouter  la  curieuse  mais  timide  demande  :  «  Et  si 
«  vous  pouez  faire  des  franz  escuz ,  aussi  cela  seroit  bien;  »  mais  il  est 
peu  probable  que  Chambon  ait  mis  en  avant  cette  nouvelle  demande , 
dans  la  crainte  de  détruire  le  fruit  de  ses  longues  et  pénibles  négocia- 
tions. C'est  déjà  un  grand  succès  d'obtenir  que  les  10,000  francs  soient 
payés  comptant ,  et  que,  sur  les  1,000  livres  de  rente,  il  n'y  en  ait  pas 
plus  de  600  imputées  sur  l'arrêt  de  Raiz  ;  c'est  aussi  la  preuve  évidente 
qu'un  changement  notable  s'était  opéré  dans  la  famille  de  Taillebourg 
à  l'égard  d'Antoine  de  Chourses. 

La  lettre  de  Louis  XI  à  madame  de  Malicorne,  n°X,  donne  lieu  de 
penser  que  son  fils  lui  avait  fait  partager  ses  scrupules  à  l'égard  d'un 
mariage  dont  les  préliminaires  blessaient  sa  droiture. 

A  l'égard  de  Catherine  de  Coëtivy,  d'après  toute  cette  correspon- 
dance, son  rôle  se  borne  à  obéir  aux  ordres  du  roi ,  pourvu  qu'ils  lui 
soient  transmis  par  son  père.  Afin  de  trouver  moins  de  résistance  de  sa 
part,  et  de  la  soustraire  aux  ennuis  et  à  l'influence  des  discussions  pré- 
liminaires ,  Louis  XI  l'a  éloignée  de  Taillebourg  et,  suivant  l'usage 
emprunté  aux  mœurs  féodales ,  il  l'a  placée  près  d'une  châtelaine  il- 
lustre et  vénérée. 


li 

L'es  deux  dernières  lettres  montrent  comment  il  agissait  en  sem- 
blable circonstance.  A  notre  avis,  elles  ne  se  rapportent  pas  à  Cathe- 
rine, et  sont  antérieures  de  quelques  mois  à  la  première  où  il  soit  parlé 
de  son  mariage;  elles  concernent  Adelice ,  sœur  aînée  de  Catherine,  et 
une  autre  plus  jeune  qu'elle.  Aucune  des  demoiselles  de  Taillebourg 
n'était  encore  mariée,  au  dire  de  leur  père  lui-même  ,  lorsqu'il  répon- 
dait au  roi  le  15  novembre  1477.  Ces  lettres  n'en  sont  pas  moins  inté- 
ressantes pour  cela. 

Après  de  longues  recherches  faites  dans  le  but  de  découvrir  le  nom 
de  la  dame  veuve  pour  laquelle  l'arrivée  des  deux  nièces  du  roi  est 
un  honneur  très-onéreux,  dont  elle  se  décharge,  du  reste,  aussitôt  que 
M.  de  Taillebourg  envoie  chercher  ses  filles,  nous  croyons  pouvoir  at- 
tribuer la  XVIl^  lettre  à  Marguerite  de  Rohan,  veuve,  depuis  1467, 
de  Jean  d'Orléans,  comte  d'Angouléme,  qui  habitait  alors  Cognac 
avec  ses  deux  enfants,  Charles  et  Jeanne ,  et  qui  mourut  à  la  fin  du 
quinzième  siècle  i.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  style  de  cette  lettre  a  beaucoup 
d'élévation;  elle  concourt,  avec  celle  de  Marie  de  Valois,  à  donner  une 
idée  favorable  de  l'éducation  des  femmes  au  quinzième  siècle  ;  enfin 
elle  a  assuré  la  conservation  du  document  qui  prouve  d'une  manière 
surabondante,  comme  nous  l'avons  déjà  dit  plus  haut,  la  passion  de 
Louis  XI  pour  les  petites  affaires. 

La  dignité  du  roi  n'a  rien  à  gagner,  il  est  vrai,  à  la  sollicitude  avec 
laquelle  il  s'occupe  de  ce  que  les  filles  doivent  manger  et  boire,  et  de  la 
façon  dont  leur  corset  doit  être  serré  ;  mais  quelle  singulière  liberté 
d'esprit  attestent  le  ton  et  les  termes  de  cette  lettre,  dictée  et  signée  au 
milieu  d'un  pays  tout  en  feu,  dans  la  malheureuse  ville  d'Arras ,  qui , 
à  deux  reprises  différentes ,  et  après  une  résistance  opiniâtre,  a  suc- 
combé sous  les  armes  du  roi,  où  il  a  voulu  entrer  à  cheval  par  la  brè- 
che, où  il  a  fait  dresser  le  gibet  et  l'échafaud,  dont  il  a  exilé  en  masse 
les  habitants,  pour  les  remplacer  par  des  familles  arrachées  à  toutes 
les  provinces  de  la  France,  et  dont  enfin  il  supprime  même  le  nom, 
par  lettres  patentes  enregistrées  au  parlement  2  ! 

Lorsque,  vers  le  milieu  de  1480,  Olivier  de  Coëtivy  alla  rejoindre, 
sous  les  dalles  de  la  chapelle  de  Taillebourg,  Marie  de  Valois,  dont  le 

1.  Le  p.  Anselme,  vol.  I,  p.  209.  Charles  épousa  Louise  de  Savoie,  et  fut  père  de 
François  1".  Jeanne  fut  mariée,  le  24  mai  1484,  avec  le  fils  d'Olivier  de  Coëtivy, 
comme  nous  l'avons  dit  plus  haut. 

2.  Et  comme  le  roi  lit  changer  les  habitans  d'icelle ,  pour  changer  les  couraiges,  il 
list  changer  le  nom  d'Arras,  et  la  fist  nommer  Franchise.  (Jean  Molinct,  cité  par 
Mlle  Dupont.) 


12 

corps  y  était  déposé  depuis  1473,  sa  fille  Catherine  et  Antoine  de 
Chourses  étaient  mariés  depuis  environ  denx  années.  Lors  du  mariage, 
probablement,  et  comme  cadeau  de  noces,  M.  de  Maigné  acheta  un 
beau  et  volumineux  manuscrit  en  parchemin,  orné  de  nombreuses  et 
splendides  miniatures,  sur  les  grandes  pages  duquel  il  fit  peindre  en 
bas  ses  armoiries  et  celles  de  sa  femme  i,  en  côté  leurs  initiales,  A  et 
K  2  entrelacés.  Ce  manuscrit ,  conservé  à  la  Bibliothèque  impériale  3, 
forme  deux  volumes  grand  in-folio;  il  contient  la  Légende  dorée,  que 
Jean  de  Vignay  avait  translatée  du  latin  en  français  pour  Jeanne  de 
Bourgogne,  reine  de  France,  femme  de  Philippe  de  Valois. 

Louis  XI  témoigna  toujours  une  grande  affection  à  son  protégé,  et 
ii  lui  fit  de  nombreuses  donations,  entre  autres,  en  1479  et  1482,  les 
villes,  seigneuries  ou  terres  de  Béthune,  Antraigues,  Roussy  et  Don- 
zenac  ^  ;  il  lui  confia  aussi  des  missions  importantes.  Deux  lettres  ori- 
ginales signées  par  lui  le  même  jour,  29  octobre  1480,  relatives  à  des 
démarches  recommandées  à  ses  plénipotentiaires  auprès  de  Maximilien 
d'Autriche,  pour  le  succès  des  négociations  qu'ils  suivent,  portent  la 
suscription  :  A  MM.  de  Baudbicourt  ,  Lb  Riche^  ,  db  Soullieks  , 
MON  NEPVEU  DE  Maigné  ,  s'iL  Y  EST  5.  En  l'année  1480,  le  22  juillet, 
le  roi  lui  avait  conflrmé  l'important  office  de  capitaine  et  garde  du 
château  d'Angers  6.  A  partir  de  cette  époque ,  Antoine  de  Chourses 
réside  constamment  dans  cette  place,  ne  la  quittant  qu'appelé  à  la  cour 


1.  Parti  :  au  premier  d'argent  à  cinq  fasces  de  gueules;  au  deuxième  coupé  :  au 
premier  fascé  d'or  et  de  sable  ;  au  deuxième  d'azur  à  trois  fleurs  de  lis  d'or,  au  filet 
d'argent  posé  en  bande  et  brochant. 

2.  Mademoiselle  de  Taillebourg  signait  Katherine  de  Coettivy. 

3.  Mss.  français,  n.  6889,  '•  ^  ou  Versailles,  n"  40.  Voy.  les  Manuscrits  français 
de  la  Bibliothèque  du  roi,  par  M.  Paulin  Paris,  vol.  Il,  pag.  256. 

4.  Bibl.  imp.,  cab.  des  titres,  Chourses. 

5.  Bibl.  imp.,  coll.  Béthune,  vol.  8448,  fol.  3  et  5. 

Louis  XI  écrit  aussi  «  de  Prayes  lez  le  Puy-Nostre-Dame,  le  vj«  jour  de  décembre,  » 
à  M.  Du  Bouchage  :  «  Je  vous  pry  que  M.  de  Maigné  s'y  en  voyse  iiicontinant ,  et 
«  qu'il  rompe  ses  praticques...  et  selon  qu'il  trouvera  il  conduira  la  matière.  Il  le 
•  conduira  par  sa  main,  car  la  pratique  vault  mieulx  en  sa  main  que  d'autres.  » 
Ibid.,  vol.  8449,  fol.  8,  v". 

6.  «  Loys,  par  la  grâce  de  Dieu,  roy  de  France,  à  tous  ceulx  qui  ces  présentes  let- 
tres verront,  salut.  Savoir  faisons  que,  par  considération  des  grans,  louables  et  agréa- 
bles services  que  nostie  amé  et  féal  conseillier  et  chambellan  Anthoine  de  Choursses, 
seigneur  de  Maigné,  nous  a  fais  par  cy-devant,  tant  à  l'entour  de  nostre  personne,  ou 
fait  de  nos  guerres  que  autrement;  confiens  à  plain  de  ses  sens,  loyaulté,  vaillance, 
preudommie  et  bonne  diligence;  à  iceluy,  pour  ces  causes,  et  pour  la  grant,  entière  et 
singulière  coiifienre  que  nous  avons  de  sa  personne,  avons  donné  et  octroyé,  donnons 


13 

par  les  affaires  du  roi.  11  était  aux  Moutils  lors  de  In  mort  de  Louis  Xï, 
et  fut  un  des  fidèles  officiers  qui  reçurent  son  dernier  soupir  *. 

Au  raois  de  février  1475,  ce  prince  avait  institué  la  mairie  d'Angers. 
Aussitôt  l'avènement  de  Charles  VIII,  un  parti  puissant,  Messieurs  de 
la  Chambre  des  comptes  et  Messieurs  de  la  Justice,  s'appliquent  de 
toutes  leurs  forces  à  empêcher  la  confirmation  de  ce  privilège,  ce  qui 
équivalait  à  une  suppression  pure  et  simple  de  la  mairie.  Les  défen- 
seurs de  la  ville  sont  peu  nombreux,  mais  leur  caractère,  leur  autorité, 
ont  une  juste  influence  auprès  de  la  régente,  Madame  de  Beaujeu.  En 
sacrifiant  quelques  articles  de  la  charte  municipale,  MM.  de  Maigné 
et  du  Plessis-Bourré  2  surent  faire  maintenir  l'œuvre  de  Louis  XI.  La 
reconnaissance  des  échevins  et  des  habitants  d'Angers  est  consignée 
dans  plusieurs  délibérations  de  la  mairie  pour  l'année  1484.  Des  re- 
mercîments  solennels  furent  adressés  à  ces  deux  hommes  d'État  lors 
de  leur  retour  en  Anjou  ;  des  présents  trop  modestes  pour  être  refusés, 
mais  qui  n'en  sont  peut-être  que  plus  honorables,  leur  furent  faits 
aussi  :  à  Jean  Bourré,  le  vendredi  15  octobre,  du  poisson  de  mer  et 
d'eau  douce,  qui  avait  coûté  la  somme  de  10  livres  10  sols,  et  lui  fut 
offert  à  son  château  du  Plessis-Bourré,  par  le  prévôt  et  le  procureur  de 
la  ville;  à  Antoine  de  Chourses,  le  24  mars  suivant 3,  deux  pipes  de 

et  octroyons  de  grâce  espécial,  par  ces  présentes,  l'oflice  de  nostre  cappitaine  et  garde 
de  noslre  chastel  d'Angiers,  qu'il  a  tenu  par  cy-devant  ou  vivant  de  feu  nostre  oncle 
René,  roy  de  Sicile,  duc  d'Anjou,  dernier  décédé;  vacant  à  présent  parce  que,  depuis 
que  les  pais  et  duchié  d'Anjou  sont  advenus  et  esclieus  en  nos  mains,  par  le  trespas  de 
nostredit  oncle,  n'y  a  esté  par  nous  aucunement  pourveu....  Donné  à  la  Mothe  d'Es- 
gry,  le  22*  jour  de  juillet,  l'au  de  grâce  1480,  »  Ibid.,  coll.  Housseau,  vol.  IX, 
n.  4065, 

t.  «  Aiijourd'huy,  l**"  jour  de  septembre  l'an  1483,  sont  venues  nouvelles  certaines, 
«  à  Messieurs  de  l'Église,  du  Conseil  et  de  la  Ville,  de  la  mort  du  roy  Loys,  à  qui  Dieu 
«  pardoient;  lequel  trespassa  le  sabmedi  pénultiesme  jour  d'aoust,  l'an  dessusdit,  aux 
«  Montilz-lez-Tours ,  entre  neuf  et  dix  heures  devers  le  soir,  ainsi  que  on  a  sceu  par 
«  lettres  sur  ce  escriptes  à  mesd.  sieurs  par  MM,  de  Maigné  et  maire  d'Angers.  Dieu 
«  en  ait  l'amme.»  Chambre  des  comptes  d'Angers,  Arch.  de  l'empire,  P.  1344,  f.  191 . 

2.  Trésorier  de  France  sous  Louis  XI  et  Charles  VIII.  Bodin,  Recherches  sur  An- 
gers, V  édition,  vol.  1,  pag.  490,  dit  qu'il  était  \cfils  d'tm  cordonnier  de  la  paroisse 
de  Bourg,  près  Angers,  ce  qui  n'est  pas  exact.  On  lit  en  effet  dans  le  testament  de  Jean 
Bourré,  en  date  du  11  avril  1505,  et  dont  les  archives  de  Maine-et-Loire  possèdent 
une  copie  laite  le  19  juin  1592  :  «  Item,  je  veulx  et  ordonne  qu'en  la  ville  de  Chasteau- 
«  gontier,  dont  je  suis  natif,  et  en  l'église  de  Mgr  Saint-Jehin  l'Évangéliste,  en  laquelle 
«  sont  inhumez  mes  feuz  père  et  mère,...  soit  dict  et  célébré  le  nombre  de  ce  messes 
«  basses,  etc.,  etc.  »  Le  château  du  Plessis-Bourré  est  un  des  plus  beaux  et  des  mieux 
conservés  de  tout  l'Aojou. 

3.  Le  lundi  de  la  sepmaine  sainte,  xxviij»  jour  de  mars  l'an  MCCCCLXxxni  (vieux 
style),  ou  conseil  tenu  en  la  maison  de  la  ville....  Sur  ce  que  M.  de  Maigné,  cappitaine 


14 

vin,  achetées  à  raison  de  16  livres  tournois.  Le  payement  de  cette 
somme,  et  des  6  sols  6  deniers  pour  le  charroi  des  deux  pipes  jusqu'au 
château  d'Angers,  fut  ordonnancé  le  8  avril;  mais  déjà  M.  de  Maigné 
n'existait  plus  K  Agée  de  moins  de  trente  ans,  Catherine  de  Coëtivy 
restait  veuve  de  ce  capitaine,  ayant  «  en  nom  et  comme  tuteresse,  le 
«  bail  et  gouvernement  <le  Anthoyne  de  Chourses,  mineur  d'ans  2,  « 
leur  fils. 

P.  MARCHEGAY. 


J.  Madame  de  TaiUebourg  à  son  mari. 

A  Monseigneur. 

Monseigneur,  je  me  recommande  à  vostre  bonne  grâce  tant 
et  si  très-humblement  comme  je  puis.  Et  vous  plaise  savoir  que 
mon  hoste  ,  messire  Pierre  Daicon,  porteur  de  cestes ,  est  venu 
devers  moy,  lequel  m'a  dit  qu'il  vouloit  aller  à  Tours,  pour  cer- 
taines affaires  de  l'église  de  Nostre-Dame  de  Coignes  de  la  Ro- 
chelle ,  dont  il  est  chanoyne  ;  et  m'a  prié  qu'il  me  pleust  vous 
escripre  que  l'eussiez  pour  recommandé  envers  monseigneur  le 
cardinal  ^ ,  touschant  certaine  prébende  que  messire  Falco  a  et 
tient  en  leglise  de  Saint-Pierre  de  Xainctes  et  dont  autres  fois 
escripvy  à  mondit  seigneur  le  cardinal  et  dont  aussi  parlay  au 

du  chastel  d'Angers,  arriva  de  court  en  ceste  ville  samedi  derrenier,  et  que, durant 
qu'il  a  esté  en  court ,  a  fait  plusieurs  plaisirs  et  services  à  la  ville,  en  plusieurs  matiè- 
res et  affaires,  a  esté  conclud.que  MM.  le  maire,  Jehan  Muret ,  Jehan  Barrault,  Jehan 
Aloff,  Jehan  Cochon  procureur,  Pierres  Thevin,  Jehan  de  la  Rivière,  yront  devers  luy 
le  remercier  desd.  plaisirs,  services  qu'il  a  faiz  à  la  ville  et  lui  prier  et  requérir  que 
tousjours  il  ait  en  recornmendacion  les  affaires  de  lad.  ville.  Et  oultre  lui  sera  donné 
deux  pippes  de  vin,  lesquelles  led.  Barrault  a  olfert  à  baiUer.  Et  pour  taster  et  gouster 

led.  vin,  ont  esté  commis  maistres  Jehan  Cochon  et  Pierres  Thevin Conclusions  de 

la  mairie  d'Angers,  année  1484,  fol.  97- 

1.  Comptes  de  la  ville  d'Angers,  vol.  III,  fol.  71  \°. 

2.  Bibl.  irap.,  cabint:t  des  titres,  Chourses. 

3.  Alain  de  Coetivy,  cardinal -évoque  d'Avignon,  auquel  se  rapporte  le  billet  sui- 
vant, adressé  par  Louis  XI  à  Jean  Bourré  :  «  Mons'"  Du  Plexis,  faictes  des  lettres  à  nos- 
«  tre  Saint  Père  pour  le  cardinal  d'Avignon  ,  en  enssuivaut  plusieurs  autres  que  je  ly 
«  en  ay  escriptes  et  selon  que  maistre  Pierre  Doriolle,  qui  les  a  faictes,  vous  dira,  tant 
«  pour  legacion  de  France  que  pour  gages  de  voiage  qu'il  a  fait;  aussi  d'avoir  sa  per- 
«  sonne  et  estât  pour  recommandé  es  premières  evesché  et  abbaye  vaquans  en  ce 
«  reaume.  —  Lovs.  •  Bibl.  imp.,  supp.  fr.,  n"  445,  f.  17. 


15 

clavîiyre  '  d'Aviguon.  Si  vous  prie,  Monseigneur,  que  il  vous 
plaise  iuy  estre  aydant  à  luy  faire  avoir  lad.  prébende,  si  pos- 
sible est,  car,  comme  vous  savez,  nous  luy  sommes  fort  atenuz, 
et  principalement  moy. 

Slonseigneur,  je  prie  à  Dieu  qu'il  vous  doint  bonne  vie  et 
longue,  et  brief  revenir  de  par  deçà. 

Escript  à  Taillebourg,  cestui  samedi  après  disner ,  xiiu*  jour 
de  janvier. 

La  toute  vostre 
Marie  de  Valoys. 

Aujourduy  avons  mis  Julienne  en  son  mesnage,  comme  dire 
vous  pourra  ledit  porteur,  qui  y  estoit. 

II.  Le  roi  à  M.  de  Taillebourg. 

A  mon  frère  Mons""  de  Taillebourg. 

Mons""  de  Taillebourg  ,  mon  frère  mon  ami ,  il  y  a  longtemps 
que  je  ne  vous  vy,  et  pour  ce  j'ay  grant  désir  de  vous  veoir  et 
savoir  comment  vous  vous  portez.  Je  vous  prie  que  vous  rendez 
audevant  de  moy  à  Tours,  où  j'espère  estre  de  retour  de  mon 
pèlerinage  ^  venredi  prouchain  Je  vous  prie  qu'il  n'y  ait  point 
de  faultfj.  Et  adieu. 

Escript  au  Puy  Nostre-Dame,  le  xxiij®  jour  de  juillet. 

LOYS. 

Tilhart. 
m.  Le  roi  à  M.  de  Taillebourg. 

A  nostre  amé  et  féal  conseiller  et  chambellan  le  sire  dé  Taillebourg. 

Mon  frère ,  je  vous  envoyay  l'autre  jour  une  fourme  d'un 
scellé  ,  afin  que  m'en  envoyissiez  ung  pareil  pour  envoyer  en 

1.  Receveur  des  deniers. 

2.  L'église  du  Puy  Notre-Dame  dépendait  de  l'abbaye  du  Montier-Neuf,  de  Poitiers. 
Le  prieuré  ne  fut  érigé  en  collégiale  qu'au  mois  de  janvier  1482;  mais  Louis  XI  s'y 
rendait  souvent,  lorsque  les  Bénédictins  l'occupaient  encore.  On  lit  notamment  dans 
un  fragment  de  registre  de  la  fabrique  du  Puy  Notre-Dame  :  «  Le  xv»  jour  dudit  moys 
(octobre  1475)  ouyt  le  roy  messe  céans  et  offry  trante  ung  escu.  »  Arch.  de  Maine- 
et-Loire. 


l(î 

Bretaigue;  et  depuis  ay  advisé  qu'il  n'est  pas  en  bonne  forme 
et  l'ay  fait  corriger  ,  ainsi  que  vous  verrez.  Et  pour  ce  je  vous 
prye,  tant  que  je  puis,  que  vous  le  me  renvoyez  ainsi  qu'il  a 
esté  corrigé  ,  le  plus  toust  que  vous  pourrez ,  et  vous  me  ferez 
grant  plaisir.  Si  desjà  vous  aviez  baillé  le  premier  dont  je  vous 
escripvoye,  je  vous  prye  que  pour  cela  vous  ne  laissiez  point  à 
m'envoyer  cellui  dont,  par  ce  porteur,  vous  escrips  ;  car  je  vous 
promect  que  je  feray  rompre  et  canceller  l'autre  et  le  vous  ren- 
voyray.  Et  adieu  mon  frère. 
Escript  à  Saint-Martin  de  Cande  *,  le  v®  jour  d'aoust. 

LOYS. 

Bastart. 
IV.  Le  roi  à  M.  de  Taillebourg. 

A  mon  frère  Mons'  de  Taillebourc. 

Mon  frère,  j'ay  receu  voz  lettres  par  lesquelles  m'eserivez  que 
mes  lettres  vous  ont  fait  bien  joyeux;  mais  les  vostres  ne  m'ont 
pas  fait  joyeux,  parce  que  vous  m'eserivez  qu'il  fault  bien  d'au- 
tres choses  pour  faire  ma  matère  seure ,  touchant  le  transport 
de  mons*^  de  Penthièvre  ,  et  ne  m'escripvez  point  quoy  ;  si  vous 
prie  que  incontinent  vueillez  faire  sercher ,  parmy  vos  besoi- 
gnes,  si  avez  aucune  chose  que  touche  cecy.  J'ay  fait  délivrer  à 
ceste  cause  vostre  procureur,  et,  le  plus  tost  que  pourrez,  faites- 
moy  savoir  nouvelles  de  ceste  matière.  Et  adieu  mon  frère. 

Escript  au  Plessis  du  Parc,  le  iiu^  jour  de  février  ^. 

Mon  frère,  je  suys  de  la  nature  des  femmes  :  quant  l'on  me 
dit  quelque  chose  en  terme  obscurs,  je  veulx  savoir  incontinent 
que  c'est. 

LOYS. 

Charpentier. 


1.  Louis  XI  y  passa  une  partie  du  mois  d'août  1476.  —  Dans  la  table  générale  des 
Ordonnances  des  rois  de  France,  on  a  imprimé  par  erreur  Candé;  ce  qui  peut  don- 
ner lieu  de  croire  que  Louis  XI  séjournait  alors  à  Candé,  en  Anjou,  et  non  pas  à  Can- 
des,  en  Touraine. 

2.  Ce  doit  être  en  t479.  Le  transport  eut  lieu  au  mois  de  janvier  de  l'année  sui- 
vante. 


17 

V.  Le  roi  à  M.  de  Taillebourg. 

  mon  frère  monsieur  de  Taillebourg. 

Mon  frère,  je  vous  envoyé  le  double  des  repparacions  de 
l'église  mons""  Saint  Eutroppe  de  Xaintes,  que  le  prieur  m'a  en- 
voyées. Je  vous  prie  que  vous  y  envoiez  homme  bien  entendu 
et  en  ce  connoissant,  qui  m'en  saiche  rapporter  au  vray  la  vérité 
desdictes  repparacions  nécessaires,  et  se  on  me  trompe  point  ;  et 
le  m'envoyez  incontinant.  Et  adieu. 

Escript  de  Touars,  le  xxvj^  jour  de  décembre. 

LOYS. 

Choisy. 

VI.  Le  roi  à  M.  de  Taillebourg. 

A  mon  frère  mons'  de  Taillebourg. 

Mon  frère,  je  vous  ay  envoyé  ce  que  le  prieur  de  mons""  Saint 
Eutrope  de  Xaintes  m'a  dit  qu'il  faut,  pour  garder  que  l'église 
ne  tumbe  etreffaire  ce  qui  est  pourry  et  mauvais  et  en  dangier 
de  cheoir.  Et  pour  ce  que  je  ne  sçay  s'il  l'a  mis  loyaument  et  s'il 
me  veult  tromper,  ou  s'il  y  est  trompé  lui  mesmes;  car  il  l'a 
fait  diviser  par  les  rnaistres  maçons  qui  sont  aud.  lieu  et,  comme 
vous  savez ,  les  ouvriers  le  devisent  à  leur  avantaige  pour  y 
gaigner  le  plus  qu'ilz  peuent ,  espécialement  quant  ilz  ont  à 
faire  à  gens  qu'ilz  cuident  qui  ayent  bonne  bourse,  comme  moy, 
et  ne  s'en  fault  pas  fier  en  eulx;  je  vous  pry ,  sur  tout  le  plaisir 
que  me  voulez  jamais  faire,  que  vous  envoiez  ung  des  vostres 
qui  se  y  congnoisse ,  et  qu'il  ne  me  trompe  point  et  qu'il  me 
mande  combien  il  me  fault  d'argent  pour  ce  que  je  vous  ay 
dessus  dit.  Et  ne  prenez  point  garde  aux  autres  lettres  que  vous 
ay  escriptes,  car  je  ne  les  ay  point  divisées  ,  mais  cestes  ycy  je 
les  ay  divisées  de  mot  à  mot.  Je  vous  envoyé  à  ceste  cause 
mons"^  de  Millandres,  pour  y  estre  avec  voz  gens.  Et  adieu,  mon 
frère. 

Escript  à  Touars,  le  premier  jour  de  janvier, 

LOYS. 

Choisy. 
I.  {Quatrième  xérie.)  2 


f8 

VII.  Le  roi  à  M.  de  Tailïebourg. 

A  nostre  très  cher  et  amé  frère  le  sire  de  Tailïebourg. 

Mon  frère,  mon  amy  ,  je  vous  prie  ne  délayez  plus  que  vous 
ne  me  mandez  ce  que  vous  vouldrez  donner  à  ma  uiepce ,  vostre 
fille.  Et  ne  vous  esbahissez  plus  de  mons'  de  Maigné,  car  je  vous 
asseure  que  c'est  ung  des  bons  chefz  de  guerre  qui  soit  aujour- 
duy  en  ce  royaume  ;  et  a  soubz  lui  les  iiu"  francs  archiers  que 
avoit  messire  Capdorat,  et  si  a  soubz  lui  vj"^  hommes  d'armes. 
Toutes  voies,  si  le  mariage  vous  desplaisoit,  je  ne  vous  en  voul- 
droye  plus  escripre;  et  pour  ce  je  vous  prie  que,  à  cesle  fois, 
vous  m'en  mandez  tout  en  ung  mot  ce  que  vous  en  avez  voulenté 
de  faire.  Et  adieu. 

Escript  au  Plessis  du  Parc,  le  x^  jour  de  novembre  * . 

LOYS. 

J.  Mesme. 

VIII.  M.  de  Tailïebourg  au  roi. 

Au  roi  mon  souverain  seigneur. 

Mon  souverain  seigneur,  tant  et  si  très- humblement  comme 
je  puis  je  me  recommande  à  vostre  bonne  grâce.  Et  vous  plaise 
sçavoir,  mon  souverain  seigneur,  que  j'ai  receu  les  lettres  qu'il 
vous  a  pieu  m'escripre ,  faisant  mancion  que  je  ne  délaye  plus 
que  je  ne  vous  mande  ceu  que  vouldroy  donner  à  vostre  nepce, 
ma  fille;  et  que  je  ne  me  esbaysse  plus  de  mons*"  de  Maigné, 
pour  ce  que  moy  assurez  que  c'est  ung  des  bons  chiefz  de  guerre 
qui  soit  aujourduhy  en  ce  royaulme ,  et  qu'il  a  soubz  luy  les 
nij™  francs  archers  que  avoit  messire  Cadorat,  et  aussi  vi'' hom- 
mes d'armes.  Aussi  m'escripvez  que  si  le  mariage  me  desplaist 
que  ne  m'en  vouldroyez  plus  escripre  et  que  sur  ce,  à  ceste  foy, 
vous  feisse  assavoir  ceu  que  j'ay  volunté  de  faire. 

Mon  souverain  seigneur,  tout  ce  que  vous  plaistme  doyt  bien 
estre  agréable.  Au  regart  de  mons^  de  Maigné ,  que  je  ne  croye 

1 .  D'après  les  lieux  où  Louis  XI  se  trouvait,  lorsqu'il  a  écrit  cette  lettre  et  les  sui- 
vantes, elles  se  rapporteraient  aussi  bien  à  1476  et  1477  qu'à  1477  et  1478;  mais  la 
réponse  de  M.  de  Tailïebourg  à  celle-ci  relate  des  faits  qui  doivent  faire  accorder 
la  oréference  à  cette  dernière  période. 


19 

beaucop  de  honneur  et  des  biens  eu  sa  personne,  si  foiz;  el  puis 
qu'il  est  en  vostre  bonne  grâce,  suis  sûr  qu'il  ne  puyt  faillir  à 
estre  le  plus  grant  qui  fust  onques  de  son  lignage  ,  voyre  de  la 
part  de  madame  sa  mère  ;  car  devers  le  père ,  je  ne  foiz  doubte 
qu'il  ne  soit  bien  aparenté. 

Au  regart  de  voz  humbles  servantes  ,  mes  filles ,  je  ne  moy 
attendoye  point  tant  de  bonnes  lettres  qu'il  vous  a  pieu  m'escri- 
pre ,  qu'elles  me  deussent  riens  couster  à  marier  ;  et  me  suys 
tousjours  attendu  qui  vous  eust  ])\eu  les  mettre  à  vostre  bon 
plaisir  et  les  faire  teul  bien  qui  vous  eust  pieu.  Aussi  aucune 
demande  jamais  ne  m'a  esté  faicte  ;  et  qui  m'eust  voulsu  riens 
demander  je  ne  eusse  sceu  que  respondre,  pour  ce  que  je  n'ay 
point  entre  mes  mains  ce  que  appartient  à  mes  enfans  et  à  moy. 

Vous  sçavez  que  vous  me  doyvés,  à  cause  du  compte  de  Can- 
dalle,  la  somme  de  dix-huit  mille  escux,  Oultre  pins,  sçavez  que 
feistes  prandre  à  Paris  la  somme  de  quarante  mille  cincq  cens 
vieulx  escux,  que  le  duc  de  Bretaigne  avoit  conciné  à  vostre  court 
de  parlement,  dont  la  moitié  appartenoit  à  mes  enfans  et  à  moy, 

Oultre  plus,  ne  sont  mis  à  excécucions  les  arrestz  que  j'ay 
obtenuz  sur  les  terres  et  seigneuries  de  Rays,  pour  les  empesche- 
mens  qui  par  vous  ont  esté  faictz.  Aussi  je  en  ay  obtenu  six  ar- 
restz '  à  rencontre  de  mons""  de  Pons,  touchant  Eoyan  et  Mour- 
nac ,  lesquelx  n'ont  peu  estre  mis  à  excucion  pour  les  grans 
rebellions  et  deshobéissance  que  ledit  seigneur  de  Pons  a  fait  à 
rencontre  de  mess^"  deux  de  voz  présidens,  et  d'autres  voz  con- 
seillers en  leur  compaignie ,  de  vostre  court  de  Parlement  de 

1.  NOHS  en  avons  retrouvé  trois  dans  les  archives  de  Thouars  :  le  premier,  du  grand 
conseil,  13  septembre  1466;  les  deux  autres,  du  parlement  de  Bordeaux,  14  août  1476 
et  6  septembre  1477.  Ces  derniers  avaient  ordonné  qu'il  serait  pourvu  à  leur  exécution 
par  la  saisie  dudit  sieur  de  Pons  et  autres  voies  raisonnables  ;  mais ,  comme  il  l'avait 
fait  en  1466,  il  refusa  de  laisser  pénétrer  les  commissaires  dans  les  cliâteaux  de  Royan 
et  Mornac ,  disant  qu'il  les  y  laisserait  volontiers  entrer  comme  personnes  privées. 
K  la  suite  de  l'arrêt  de  1476,  M.  de  Taillebourg  ayant  fait  crier  les  assises  de  Royan 
«  ses  officiers  n'y  osèrent  aller  les  tenir,  pour  ce  que  ledit  seigneur  de  Pons  avoit  en- 
«  voyé  certain  grant  nombre  de  gens  de  guerre  à  Saint-Pierre  de  Royan  ,  pour  courir 
«  sus  aux  officiers  dudit  seigneur  de  Taillebourg,  s'ilz  y  fussent  allez.  Et  de  ce  se  van- 
«  toient  les  gens  dudit  seigneur  de  Pons  communément  et  nothoireraent.  »  (Enquête 
du  7  novembre  1477.)  Néanmoins  ces  arrêts  eurent  pour  conséquence  de  lui  faire 
rendre  Royan  au  roi,  qui  en  confia  la  garde  à  M.  de  Saint-Mégrin  ;  mais  il  garda  Mor- 
nac ,  et  c'est  devant  cette  ville  que  l'un  des  présidents  de  Bordeaux  et  un  sergent 
royal  furent  si  mal  reçus ,  comme  le  dit  M.  de  Taillebourg,  en  voulant  faire  exécuter 
l'arrêt  du  6  septembre  1477. 

2.* 


20 

Bourdeaux.  Et  encore  n'a  pas  hnyt  jonrs  que  l'un  de  voz  prési- 
dens  s'en  est  venu  honteusement  de  devant  la  place  de  Mouruac, 
et  ung  de  voz  seregens  oultragé.  Et  pour  ce,  les  chouses  susdictes 
considérées  ,  je  ne  vous  sauroye  que  dire ,  car  le  tout  tient  en 
vous,  pour  faire  la  raison  ainsi  qu'il  appartient.  Vous  tennés 
entre  voz  mains  ladicte  place  de  Royan.  Quant  il  vous  plaira, 
sur  ce  et  aultres  chouses,  aurés  esgart  en  vostre  conscience,  car 
vous  me  faictes  souffrir  beaucoup  de  dommages. 

Mon  souverain  seigneur  ,  je  pri  Dieu  qu'il  vous  doint  bonne 
vie  et  longue,  et  accomplissement  de  voz  désirs. 

Escript  à  Taillebourg.  le  xv"  jour  de  novembre. 

IX.  Le  roi  à  M.  de  Taillebourg. 

A  mon  frère  mousr  de  Taillebourg. 

De  par  le  roy. 

Mons'  de  ïaillebourt ,  pour  ce  que  je  désire  que  le  mariage 
de  ma  nyepce,  vostre  fille,  et  de  mons""  de  Maigné  se  face  et 
acomplisse ,  j'envoie  par  devers  vous  maistre  Jehan  Chambon, 
pour  icellui  traicter  et  y  prandre  conclusion,  auquel  j'ay  parlé 
au  long  de  la  matière,  et  aussi  du  fait  de  voz  arrestz.  Si  le  croyés 
de  ce  qu'il  vous  dira  de  par  moy. 

Donné  au  Plessiz  du  Parc,  le  xv*  jour  de  décembre. 

Mon  frère,  je  vous  prie  que  ceste  matière  preigne  lin  à  ce  cop, 
car  je  le  désire  fort,  ainsi  que  vous  dira  led.  maistre  Jehan 
Chambon. 

LOYS. 

J.  Mesme. 
X.  Le  roi  à  madame  de  Malicorne. 

  madame  de  Malicorne. 

Madame,  je  me  recommande  à  vous.  J'ay  veu  les  lettres  que 
vous  m'avez  escriptes  et  sceu,  par  le  lieutenant  dePoictou,  qui 
est  passé  par  Tours  à  son  retour,  le  bon  vouloir  que  vous  avez, 
dont  je  vous  remercye  tant  que  je  puis  ;  mais  je  vous  prye  que 
vous  hastez  de  faire  ce  mariage  le  plustost  que  vous  pourrés,  car 
je  vouldroye  que  il  me  eust  beaucoup  costé  et  il  fut  fait,  et  vous 


21 

asseure  que,  de  ma  part,  je  m'y  emploieray  autant  que  si  c'estoit 
pour  ma  propre  fille.  Et  adieu,  madame. 

Escript  au  Plessis  du  Parc  lez  Tours  ,  le  premier  jour  de  jau- 
vier. 

Signé  :  Loys. 
Et  pour  le  secrétaire,  J.  Mesme. 

XI.  Le  roi  au  lieutenant  de  Poitou. 

Monsieur  le  lieutenant ,  je  vous  remercye  tant  que  je  puis  ; 
mais  il  fault  que  vous  gaignez  ce  seul  point  à  mou  frère  ,  c'est 
assavoir  qu'il  ne  mette  ne  les  v*"  frans  des  x"",  ne  les  v*'  livres  des 
mil  sur  l'arrest  qu'il  a  enRaix.  Et  si  vous  pouez  faire  des  frans 
escuz,  aussi  cela  seroit  bien. 

Les  Bretons  dient  que  la  cause  fut  tirée  de  première  instance 
en  parlement ,  et  les  fault  oyr  sur  cela  ,  et  la  chose  sera  longue, 
comme  vous  savez;  mais  il  ne  fault  pas  que  mous'  de  Taille- 
bourg  sache  que  je  vous  aye  rien  mandé  de  cecy,  car  il  cuideroit 
que  je  ne  voulsisse  pas  tenir  la  main  pour  luy,  touchant  l'arrest 
de  la  terre  de  Raix.  Et  pleust  à  Dieu  qu'il  l'eust  et  il  m'eust  costé 
beaucop;  mais,  comme  vous  savez,  je  ne  puis  pas  mal  conten- 
ter le  duc  ,  et  fauldra  qu'il  l'ait  par  la  raison  ,  qui  sera  longue. 
Et  vous  hastez  de  besoigner  ,  carj'ay  bien  à  besoigner  de  vous 
pour  mon  procès  de  Thoars. 

Escript  an  Plessis  du  Parc,  le  premier  jour  de  janvier. 

Ainsi  signé  :  Loys. 
J.  Mesme. 

XIL  Le  roi  à  M.  de  Tailîebourg. 

A  mon  frère  mous'"  de  Tailîebourg. 

Mon  frère,  j'ay  sceu  par  maistre.  Jehan  Chambon  ce  qu'il  a 
besoigné  avecques  vous ,  touchant  le  mariage  de  ma  nyepce, 
vostre  fille,  et  de  raons""  de  Maigné  ;  et  suis  content  des  dix  mille 
frans  et  mille  livres  de  rente,  prinse  la  moitié  de  la  rente  sur  le 
fait  de  vostre  arrest,  à  l'exécucion  duquel  suis  délibéré  vous  te- 
nir la  main,  ainsi  que  plus  amplement  ay  chargé  audit  Chambon 
vous  escripre.  Je  vous  prie  que  ,  incontinaut  ses  lettres  veues, 
vueillés  envoyer  par  deçà  homme  ayant  procuracion  et  puissance 


22 

de  vous  pour  passer  le  traicté  dudit  mariage  ;  et  mandés  à  ma- 
dicte  nyepce ,  vostre  fille ,  qu'elle  face  ce  que  je  luy  comman- 

deray. 

Et  touchant  l'exécucion  de  vostre  arrest ,  envolez  voz  gens  en 
parlement  quant  bon  vous  semblera,  affin  d'avoir  d'eulx  les 
provisions  qui  vous  seront  neccessaires  ,  car  de  ma  part  voul- 
droye  jà  qu'il  fut  exécuté. 

Mon  frère,  je  vous  prie  que,  à  toute  diligence,  m'envoiez  voz 
gens  et  procuracion ,  car  j'ay  envoyé  quérir  mondit  sieur  de 
Maigné  pour  tout  accomplir  ;  et  vous  asseure  que  c'est  ung  gen- 
tilhomme qui  vault  beaucop ,  et  de  quoy  vous  et  les  voustres 
serez  bien  serviz  au  temps  avenir. 

J'ay  Tnandé  à  madame  de  Malicorne  qu'elle  envoie  procura- 
cion pour  consentir  audit  mariage ,  affin  de  mieulx  asseurer  le 
fait  du  douère  de  madicte  nyepce.  Mondit  seigneur  de  Maigné 
venu ,  luy  commanderay  qu'il  vous  baille  Royen  et  Mornac  * . 
Et  adieu. 

Donné  au  Plessiz  du  Parc,  le  xvij™''  jour  de  janvier. 

LOYS. 

Parent. 
XIII.  Le  lieutenant  de  Poitou  à  M.  de  Taillebourg. 

A  mon  très  honnoré  et  doublé  seigneur  mons*'  de  Taillebourg. 

Mons^"",  je  me  recommande  à  vostre  bonne  grâce  tant  humble- 
ment que  faire  puis.  Je  suis  venu  devers  le  roy ,  auquel  ay  fait 
mon  rapport  de  ce  que  avoye  besoigné  avecques  vous  ;  lequel  est 
bien  contant ,  comme  il  vous  escript  :  c'est  assavoir  les  mille 
livres  de  rente ,  dont  les  six  cens  sur  le  fait  de  l'arrest  de  Raiz  et 
le  demourant  en  Xaintonge ,  et  des  dix  mille  frans  à  une  foys 
paier. 

Ce  fait ,  suis  entré  au  fait  de  l'exécucion  de  vostre  arrest,  et 
vous  asseure  qu'il  m'y  a,  bien  au  long  ,  ouy.  Je  luy  ay  recité  le 
temps  que  le  procès  commamça,  la  forme  du  procéder,  combien 
le  procès  a  duré ,  les  arrestz  qui  s'en  sont  ensuiviz ,  comme  la 
court  avoit  ordonné  que  l'exécucion  se  feroit  en  Poictou  ^  et  en 

1.  M.  de  Maigné  avait  été  mis  eu  possession  du  reveau  de  Royan  à  partir  de  Pâques 
(6  avril)  1477.  A  cette  époque,  le  roi  laissait  encore  M.  de  Pons  jouir  de  Mornac.  Ar-^ 
chives  de  Tliouars. 

2.  Sur  les  terres  de  Pouzange,  Tiffauge,  Palluan  ,  etc. 


23 

Anjou  ' ,  sur  les  terres  qui  furent  de  feu  inessire  Gilles  de  Haiz 
€t  de  feu  monsg*"  de  la  Suze,  son  frère,  et  que  jà  Ton  a  voit  eom- 
mamcé  l'exécueiou  et  que  ledit  arrest  ne  touchoit  en  riens  les 
privilèges  du  duc ,  et  comment  le  duc  Pierre  ^  avoit  douné 
congé  de  faire  voz  enquestes  en  Bretaigne. 

Et  après  qu'il  m'eust  bien  oy  et  entendu ,  m'a  fait  responce 
qu'il  estoit  très  contant  que  feissiez  exécuter  vostre  dit  arrest, 
et  que  c'estoit  bien  prins  de  faire  l'exécucion  hors  de  Bretaigne, 
s'ils  n'y  vouloieut  obéyr  ;  et  m'a  chargé  vous  escripre  que  feis- 
siés  toutes  les  poursuites  que  pourries  envers  mess"  de  parle- 
ment de  faire  exécuter  vostre  dit  arrest,  et  que  il  vous  y  tiendra 
la  main.  Et  pour  ce  me  semble,  mons^"" ,  que  à  toute  diligence 
devez  envoyer  voz  gens,  garniz  de  la  procuracion  que  le  roy  de- 
mande pour  le  fait  dudit  mariage,  et  avec  ce  pour  de  là  tirer  à 
Paris  devers  vostre  commissaire ,  pour  parachever  le  fait  de 
l'exécution  de  vostre  dit  arrest.  Ledit  traicté  fait,  le  roy  m'en- 
voye  à  Paris,  pour  aucunes  matières ,  et  nous  eu  pourrions  aller 
ensemble  voz  gens  et  moy  ;  et  me  semble  que  vous  serviray  à 
Paris  de  quelque  chose. 

Le  roy  m'a  dit  que  mous""  de  Maigné  venu ,  luy  commandera 
qu'il  vous  baille  Royen,  et  avec  ce  vous  fera  délivrer  Mornac.  Et 
ne  luy  ay  point  parlé  des  xviu™  escuz,  piour  la  cause  que  diray  à 
voz  gens  ;  mais  nous  ferons  bien  tout.  Et  après  autres  paroUes  , 
ainsi  que  m'en  voulaye  départir  de  luy  ,  m'a  dit  de  luy  mesmes  , 
de  rechief,  que'avois  esté  bien  ad  visé  de  faire  vostre  exécucion 
sur  les  terres  qui  sont  hors  de  Bretaigne,  et  que  vous  escrivisse 
que  le  missiez  avant. 

Mons^"",  n'oblyés  pas  à  escripre  à  ma  damoiselle  vostre  fille 
qu'elle  face  ce  que  le  roy  luy  commandera  en  ceste  matière, 
ainsi  qu'il  vous  escript  et  aussi  m'a  chargé  de  vous  escripre.  Et 
à  tant,  prie  à  Dieu,  monsS"",  qu'il  vous  donne  ce  que  désirés. 

Escript  à  Tours ,  le  xviu^  jour  de  janvier. 

Vostre  humble  serviteur, 
Jehan  Chambow. 

1.  Notamment  sur  Cliaiilocé. 

2.  Pierre  II ,  duc  de  Bretagne. 


24 
XIV.  M.  de  Maigné  au  lieutenant  de  Poitou. 

A  monsr  le  lieutenant  de  Poictou. 

Mons""  le  lieutenant,  je  me  recommande  à  vous  tant  et  de  si 
bon  cueur  comme  je  puis.  J'ay  receu  voz  lettres  ,  avecques  le 
double  des  contractz  et  la  procuracion  de  la  matière  où  vous 
vous  estes  tant  empesché,  qui  a  commamcement ,  par  ce  que  j'ay 
veu ,  de  venir  à  bonne  conclusion  :  dont  Dieu  doint ,  par  sa 
grâce,  que  les  parties  se  puissent  bien  accorder ,  et  y  trouver  si 
bonne  fortune  que  chascune  des  parties  s'en  puisse  louer. 

Mons"*  le  lieutenant,  je  ne  vous  sauroye  jamais  recompenser  de 
l'onneur  que  m'avez  pourchassé  et  de  la  grant  peine  que  y  avez 
prinse;  mais  se  j'estoye  homme  qui  peusse  jamais  avoir  sens  ou 
puissance  de  vous  faire  quelque  service ,  je  vous  donneray  à 
congnoistreque  je  vous  suys  tenu,  au  moins  je  le  croy  jusques 
ci.  Dieu  veille  que  je  puisse  trouver  les  choses  telles  que  jamais 
ne  bouge  de  ce  propoux. 

Touchant  ce  que  m'avez  escript  que  mons""  de  Taillebourg  est 
fort  desplaisant  qu'il  n'a  Royan  entre  ses  mains,  par  le  dampne- 
ment  de  mon  âme  ,  il  m'en  desplaist  autant  ou  plus  qu'il  fait  à 
luy  ;  et  s'il  estoit  mien  nuement,  veu  le  désir  qu'il  en  a,  il  l'au- 
roit  plus  tost  anuyt  que  demain.  J'en  parlay  ver  au  roy ,  qui 
me  deist  que  se  je  le  bailloye,  qu'il  me  laisseroit  courir  après 
mon  esteur  * ,  et  que  jamais  ne  se  mesleroit  de  mes  besoignes,  si 
les  choses  qui  estoient  commencées  devant  n'estoient  faictes.  Je 
vous  pri ,  mons''  le  lieutenant,  que  luy  en  veillez  escrire  et  me 
recommandez  très  humblement  à  sa  bonne  grâce;  et  l'asseurez 
hardiment  qu'il  ne  mette  point  en  ymaginacion  que  je  soye 
cause  de  la  détencion  de  la  dicte  place  :  car,  par  Dieu,  non  pas 
la  place,  s' elle  estoit  en  ma  puissance,  ne  de  ma  damoiselle  sa  fille 
ne  vouldroye  avoir,  pour  quelque  bien  qui  m'en  peust  advenir  , 
s'il  ne  luy  plaisoit  me  faire  cest  honneur,  et  de  bon  vouloir. 

Pour  ce  que  maistre  Guillaume  Aymeret  m'a  envoyé  ung  mé- 
moyre  que  le  procureur  de  mondit  seigneur  luy  a  donné,  pour 
avoir  lettres  adreçans  aux  commissaires  pour  l'exécucion  de  ces 
arreslz,  et  que  aussi  qu'il  venoit  ambassade  de  Bretaigne  pour 
ceste  matière  ,  le  roy  m'a  fait  response  que,  pour  ambassade  ne 

\.  Esloi ,  eslour,  o//aire,  joule,  terme  de  tournoi. 


25 

autre  qui  luy  en  veille  parler ,  il  ne  baillera  lettre  ne  ne  souf- 
frera  aller  contre  ce  qu'il  en  ordonna  autrefoiz  et  aussi  ce  qu'il 
en  a  escript  derrenierement  à  la  court,  et  m'a  dit  qu'on  face 
diligenter  la  matière. 

Mons""  le  lieutenant,  de  ma  part  vous  pouez  eslre  bien  seur, 
pour  l'augmentation  de  la  maison  ,  je  m'y  emploieray  comme 
celuy  qui  a  vouloir  d'y  faire  service  et  à  qui  le  bien  et  l'onneur 
de  la  maison  touche. 

J'escriz  à  mons""  maistre  Guillaume  Aymeret  aucunes  choses. 
S'il  vous  plaist,  vous  y  aurez  advis,  car  je  croy  qu'il  ne  vous  en 
est  pas  souvenu,  ne  à  son  frère  mons""  de  Chandenier. 

Mons"^  le  lieutenant,  je  vous  recommande  toujours  la  matière, 
vous  offrant  la  pouvre  puissance  de  Tomme. 

Etatant,  je  pri  à  Dieu  qu'il  vous  veille  donner  accomplisse- 
ment de  voz  désirs. 

Escript  Arras,  le  xj"  jour  d'avril. 

Le  plus  que  put  vostre, 

A.  DE  Choursses. 

XV.  Le  lieutenant  de  Poitou  à  M.  de  Taillebourg. 

A  mon  très  honnoré  et  doublé  seigneur  mons*^  de  Taillebourg. 

Monsg"",  je  me  recommande  à  vous  tant  humblement  que  faire 
puis.  Depuis  que  suis  venu  en  ceste  ville  de  Paris,  ay  escript 
unes  lettres  à  mons"^  de  Maigné ,  touchant  voz  affaires  et  aussi  ce 
que  avoie  fait  depuis  que  estoit  party  devers  le  roy.  Il  m'a 
escript  unes  lettres  que  ay  baillé  à  ce  porteur,  pour  vous  mons- 
trer;  et,  comme  vous  escripvy  d'Amboyse,  ne  vous  donnés  ma- 
laise de  Royen,  car  là  où  il  est,  est  en  vostre  puissance.  Il  fault 
complaire  à  l'ymaginacion  du  roy,  qui  est  telle  que  voyés  par 
les  lettres  de  mondits""  de  Maigné  ,  lequel,  comme  suis  certain, 
vouldroit  que  l'eussiez  entre  voz  mains.  Il  me  semble  que  devriez 
envoler,  à  toute  diligence ,  vostre  procureur  de  par  deçà  pour  le 
fait  de  vostre  arrest  de  Raiz ,  comme  tousjours  vous  ay  escript, 
et  vous  le  pourrés  veoir  par  ce  que  mondit  sieur  de  Maigné  me 
escript. 

Touchant  voz  lettres  de  Rochefort,  M"  Henry  vous  en  escript. 
Vostredit  procureur  venu ,  adviserons  une  autre  forme  de  les 


26 

reffaire.  Je  croy  bien  que  je  ne  bougeray  d'icy  encore»  d'un 
moys.  Et  à  tant  prie  à  Dieu ,  mons8%  qu'il  vous  doint  ce  que 
desirez. 

Escript  à  Paris,  le  xviiJ*  jour  d'avril. 

Vostre  humble  serviteur , 
J.  Chambon. 

XVI.  Le  roi  à  madame  de.  .  .  ? 

Madame,  je  me  recommande  à  vous  tant  que  je  puys,  et  vous 
prye  qu'il  vous  plaise  avoir  mes  deux  niepces  pour  recomman- 
dées. Je  ne  suis  pas  phisicien,  mais  il  me  semble  qu'on  ne  les 
doyt  point  garder  de  boyre  entre  deux  heures ,  quant  elles  au- 
ront soif,  et  leur  faire  mectre  beaucoup  d'eau  en  leur  vin,  et 
qu'elles  ne  boyvent  que  petiz  vins  de  Touraine  ;  et  ne  leur  don- 
ner point  de  salleures  ne  de  viandes  là  où  il  y  ayt  espices,  mais 
boully  et  toutes  viandes  moictes  %  et  ne  leur  donner  point  de 
fruict,  réservé  des  raisins  qui  soient  bien  meurs.  Il  me  souvient 
qu'on  dit  que  les  surains  ^  sont  bons ,  mais  il  y  en  a  d'autres 
qui  sont  bien  maulvays,  et  font  venir  le  flus  de  ventre.  Madame, 
je  le  vous  recommande  ;  et ,  s'il  vous  plaist ,  vous  ne  lairrez  pas 
estraindre  la  grande.  Madame,  je  ne  vous  sçay  autre  chose  que 
escripre,  fors  que  tenez  vous  sceure  que  je  ne  vous  fauldray  tant 
que  je  vive;  et  si  vous  fault  riens ,  ne  le  faictes  que  demander, 
car  je  me  tiens  tenu  et  obligé  de  le  faire.  Et  adieu  ,  Madame. 

Escript  à  Arras  le  xxviu®  jour  de  juillet. 

XVII.  Madame  de.  .  .au  roi. 

Sire ,  en  me  recommandant  très-humblement  à  vostre  bonne 
grâce,  vous  mercye  semblablement  des  lettres  que  vostre  plaisir 
a  esté  de  m'escrire,  et  des  belles  et  honnestes  parolles  que ,  de 
vostre  grâce,  il  vous  y  plaist  dire ,  dont  je  me  tiens  fort  obligée 
à  Dieu  et  à  vous  ;  car  bien  besoign  ai-ge  de  vostre  bonne  ayde, 
et  sans  icelleje  ne  puys  riens,  pour  ce  que  mon  cas  est  tel  que 
je  suys  si  despourveue  de  toutes  choses  que  je  ne  sçay  plus  que 

1.  Fraîche. 

7..  Espèce  de  raisin  blanc. 


27 

faire,  sinon  avoir  recours  à  vous  pour  me  mettre  hors  de  la 
grant  neccessité  où  je  suys,  qui  m'est  si  forte  à  porter  que  je 
n'en  puys  plus,  tant  pour  la  presse  des  debleurs  et  serviteurs 
de  feu  monsS'^  mon  mary,  dont  Dieu  veille  avoir  l'âme,  ausquelz 
n'ay  de  quoy  satisfaire  et  chascun  jour  me  pressent,  que  pour 
mon  vivre  et  celuy  de  mes  enffans  ;  car  ce  que  j'ay  pour  ceste 
heure  entre  mains  est  si  pou  que  je  n'en  saraye  honnestement 
vivre,  veu  que  ce  que  j'ay  par  decza  n'est  pas  grant  chose  ,  et  ce 
qui  est  en  Bretaignea  esté  toujours  empesché  par  mon  absence, 
en  manière  qu'il  couste  plus  à  poursuyr  qu'il  ne  vault.  Et  pour 
ce,  Sire,  que  je  vous  tiens  pour  mon  plus  grant  et  seur  reffuge , 
et  à  qui  je  vueill  de  tout  mon  cas  avoir  recours  comme  à  celuy 
à  qui  j'ay  toute  mon  espérance,  vous  supplye  très  humblement 
qu'il  vous  plaise  donner  provision  en  nos  nécessités,  tant  en 
mémoire  de  celuy  que  j'ay  perdu  que  pour  la  pitié  de  ses  enf- 
fans et  de  moy,  qui  sans  vostre  bonne  grâce  ne  pouvons  plus. 

Et  au  regart  de  mes  damoyselles  de  Taillebourg ,  dont  vostre 
plaisir  est  en  vos  dictes  lettres  parler,  elles  ne  sont  plus  icy , 
car  presque  aussi  tost  que  la  fortune  me  fut  avenue ,  leur  père 
les  envoya  quérir,  et  je  ne  les  eusse  osé  refuser. 


LE  TRESOR 


DE 


SAINT-MARTIAL  DE  LIMOGES 

AU  XIII"  SIÈCLE. 


On  a  compris  de  nos  jours  quels  services  les  anciens  catalogues 
d'objets  d'art  peuvent  rendre  à  l'archéologue,  et  quelle  lumière  ces  do- 
cuments répandent  sur  l'histoire  des  mœurs  et  des  usages  de  l'époque 
à  laquelle  ils  se  rapportent.  D'importantes  publications  ont  déjà  été 
faites  sur  ce  sujet,  et  de  grands  travaux  sont  actuellement  en  cours 
d'exécution.  Aussi  avons-nous  pensé  qu'il  ne  serait  pas  inutile  de  pu- 
blier un  texte  inédit  de  ce  genre ,  qui  se  rattache  à  l'histoire  d'une  des 
plus  anciennes  et  des  plus  célèbres  abbayes  de  la  France.  C'est  l'in- 
ventaire, composé  dans  la  première  moitié  du  treizième  siècle,  des  or- 
nements et  des  joyaux  qui  étaient  conservés  dans  le  trésor  de  Saint- 
Martial  de  Limoges. 

Cet  inventaire,  connu  seulement  par  les  quelques  extraits  qu'en 
ont  donnés  les  Bénédictins  continuateurs  du  Glossaire  de  du  Gange  i, 
paraît  pour  la  première  fois  en  entier  dans  ce  recueil.  Nous  l'avons 
tiré  du  n°  1139  des  mss.  latins  de  la  Bibliothèque  impériale,  dont  il 
occupe  les  feuillets  28  et  29.  Les  Bénédictins  en  ont  fixé  la  rédac- 
tion à  l'année  1227  ;  nous  ne  saurions  dire  à  l'aide  de  quels  documents 
ils  sont  parvenus  à  déterminer  cette  date  d'une  manière  aussi  précise , 
mais  nous  n'en  contesterons  pas  l'exactitude,  et  nous  l'adopterons  sur 
la  foi  de  ces  savants  religieux.  Nous  n'avions  pour  l'établir  avec  certi- 
tude que  le  nom  de  l'abbé  Raimond  Gaucelm,  élu  en  1225  et  mort  en 
1245.  Si  nous  avions  pu  constater  avec  exactitude  à  quelle  époque 
Matthieu  d'Uzerche  est  entré  en  fonctions  comme  trésorier  du  monas- 
tère, ou  seulement  découvrir  l'année  de  sa  mort,  la  connaissance  de 
l'un  ou  de  l'autre  de  ces  faits  aurait  résolu  la  question.  En  l'absence 

1.  Aux  mots  Cortibaldus ,  Cutella ,  Diasprus,  Estamineta,  Molle  /erreumy 
Textum  et  Vinaigeriae. 


29 

de  ces  renseignements  nécessaires,  nous  nous  arrêterons  à  la  date  pro- 
posée par  les  Bénédictins,  parce  que  nous  ne  doutons  pas  que  leurs 
calculs  ne  soient  fondés  sur  des  documents  peut-être  aujourd'hui  per- 
dus, ou  qu'il  ne  nous  a  pas  été  donné  de  consulter. 

Hec  est  summa  ornamentorum  tesaurarie,  quam  tempore 

BaIMXJNDI  ABBATIS  *,  MaTTHEUS  de  UsERCHIA  ^  CUSTODIENDAM 
ACCEPIT. 

xlvi  casulas;  xxx^  festales  de  cerico  '  et  xv  feriales. 

Centum  et  iiij"''  cappas  *. 

Tresdecim  dalmaticas. 

Novem  cortibaus  ^  festals  et  xYlii'"  feriales. 

Vestimenta  '^  de  cerico  iiij"""  decim. 

Vestimenta  parata  '  ixj.  Yestimenta  plana  centum  e  xlij. 

Unum  vestimentum  paratum  de  estamiuea  *. 

Colares  ^  xix. 

Très  stolas  cum  pernis  ■  *'. 

Sex  stolas  de  aurifrigio^*  cum  suis  manipulis. 


1.  c'est  l'abbé  Raimond  Gaucelm,  qui  fut  élu  le  6  juillet  1225,  et  qiii  mourut  le 
5  septembre  1245.  Voy.  D.  Bouq.,  t.  XVIII,  p.  237,  et  Gall.  Christ.,  t.  II,  col.  562. 

2.  Un  des  obituaires  de  Saint-Martial  nous  fait  connaître  quelques  particularités 
sur  le  compte  de  ce  Matliieu  d'Uzerclie  :  «  Nonas  (febr.),  ob.  Matheus  d'Usercha,  mo- 
nacbus  sancli  Marcialis,  qui  fecit  ibi  cappam  et  casulam  deauratam  de  samiz  rubeo, 
et  quatuor  vestimenta  et  uuum  prosarium.  »  Bibl.  imp.,  n"  5245  mss.  lat.,  fol.  138  y". 

3.  Pour  serico,  de  soie. 

4.  Une  note  écrite  de  la  main  de  Bernard  Itier  en  1216,  nous  apprend  qu'à  cette 
époque  le  monastère  ne  possédait  pas  moins  de  cent  six  cliapes.  Bibl.  imp.,  n°  1338 
mss.  lat.,  fol.  260  vo. 

5.  Ce  mot  désigne  une  espèce  de  tunique  que  portaient  les  diacres  et  les  autres  mi- 
nistres inférieurs  d»  culte.  v.Raynouard,  Glossaire  de  la  langue  romane. 

6.  Un  vêlement  complet  se  composait  d'une  cliasuble,  d'une  aube,  d'une  étole  et 
d'un  manipule.  Voy.  Mélanges  historiques  publ.  par  ChampoUion,  1. 1,  p.  627. 

7.  Parés,  par  opposition  à  plana,  unis. 

8.  Étoffe  très-légère.  Il  y  eu  avait  en  laine  et  en  soie.  Voy.  D.  d'Arcq,  Comptes  de 
l'argenterie,  p.  374. 

9.  Collets  de  soie  brodés  d'or,  quelquefois  ornés  de  perles,  de  pierres  précieuses 
et  de  plaques  d'émaux ,  qui  étaient  au  moyen  âge  l'accessoire  ordinaire  de  l'amict. 
Ils  retombaient  comme  les  collets  de  nos  habits  modernes.  V.  le  glossaire  de  M.  de 
Laborde,  placé  à  la  suite  de  sa  Descr.  des  émaux  du  Musée  du  Louvre. 

10.  Poar  per lis. 

11.  D'orfroi,  c'est-à-dire  bordés  d'un  galon  ou  d'une  frange  d'or  ou  d'argent. 


30 

vii'*'"  manipules  cuin  periiis. 

Très  balteos  '  cum  pernis. 

Tria  paria  candelabrorum  argenteorum. 

Duo  turibula  argentea  ^. 

Tria  texta  aurea  ^.  Quatuor  texta  argentea.  Duo  libri  evange- 
liorum  argenteorum. 

Vita  sancti  Marcialis  *  cum  argento. 

Quatuor  philacteria  ^  :  duo  sunt  aurea  cum  ligno  crucis; 
unum  servatur  in  tabulis  argenteis  *  ;  et  duo  sunt  argentea  ; 
unum  ad  signandum  ^  populum  *  et  aliud  cum  oleo  sancte  Ca- 
terine  *. 


1.  c'est  le  baudrier,  la  ceinture ,  une  des  pièces  de  l'habillement  sacerdotal.  Il  est 
ainsi  décrit  par  Guillaume  Durand  {Rational.  divin,  offic.)  :  «  Baltheus  .i.  zona  vel 
cingulum  latius  quasi  digitis  quatuor  sic  relicuiatus  ut  quasi  pellis  vipera  videretur, 
contextum  de  bisso,  cocco,  purpura  et  jacinte.  » 

2.  Une  note  écrite  de  la  main  de  Bernard  Itier  en  1216  porte  que  le  nombre  des 
encensoirs  de  Saint-Martial  s'élevait  à  quatre,  deux  de  plus  que  dans  notre  inven- 
taire. Bibl.  imp.,  n"  1338  mss.  lat.,  fol.  260  v". 

3.  Il  s'agit  ici  du  livre  des  évangiles,  peut-être  seulement  de  la  couverture  ou  de 
l'étui  enrichi  d'or  et  de  pierres  précieuses  qui  le  renfermait.  V.  du  Cange. 

4.  Le  catalogue  de  la  bibliothèque  de  Saint-Martial ,  rédigé  au  treizième  siècle  par 
Bernard  itier  ou  par  un  de  ses  successeurs,  nous  apprend  que  le  monastère  possédait 
cinq  manuscrits  de  la  vie  de  son  illustre  patron.  —  Bernard  Itier,  dans  une  note,  si- 
gnale le  moine  Adémar  comme  ayant  fait  écrire  une  vie  de  saint  Martial  en  lettres 

o       o 

d'or  :  «  Ânno  gratie  h",  xxx  ini,  obiit  Ademarus  monacus  qui  jussit  fieri  vitam  sancti 
Marcialis  cum  litteris  aureis  et  in  Jérusalem  migravit  ad  Christura.  »  Ms.  ii°  1338, 
fol.  36  r°. 

5.  C'étaient,  suivant  Giiiilaume  Durand  {Ration,  divin,  offic),  des  vases  d'or, 
d'argent,  de  cristal  ou  d'ivoire,  destinés  à  recevoir  les  cendres  ou  les  reliques  des 
saints. 

6.  Tabernacles  à  deux  battants  en  forme  de  diptyques,  dans  lesquels  on  plaçait 
les  reliques  des  saints.  On  trouve  dans  l'inventaire  de  la  Sainte-Chapelle  la  niention 
d'une  table  d'argent  doré  «  qui  se  clost  et  ferme  à  deux  clamydes  ou  guischetz ,  de- 
dans laquelle  il  y  a  plusieurs  et  diverses  reliques;»  notre  texte  désigne  sans  doute 
quelque  chose  de  semblable.  Voy.  du  Cange,  au  mot  Tabula. 

1.  Pour  donner  la  bénédiction,  «  signalio,  benedictio  quac  fit  signo  crucis,  »  dit 
du  Cange. 

8.  Le  ms.  porte  propulum,  faute  évidente  du  copiste. 

9.  Une  lettre  de  Roger,  abbé  de  la  Trinité  du  Mont,  à  Rouen,  fait  connaître  quelle 
était  celte  huile  de  sainte  Catherine.  Sous  la  date  du  24  août  1197  ,  il  annonce 
aux  prêtres  de  l'église  Notre-Dame,  près  la  cour  de  Valenciennes,  l'envoi  d'ime 
portion  :  «  de  illo  oleo  precioso  quod  sine  humani  ingenii  artificio  et  absque  alterius 
olei  naturalis  mixtura,  sed  per  divine  virlulis  et  pietatis  voluntatem,  définit  a 
tribus  parvis  ossibus  sanctissimi  corporis  beatissime  virginis  Katherine ,  que  ha- 
bemus  in  ecclesia  nostra.  »  Bibl.  iropér.,  Chartes  et  diplômes,  98,  25.  Citons  en- 


Très  calices  '  in  quibus  cantatur  '. 
Très  parvos  calices  ad  olferendam  i'aeiendam  *. 
Concha  *  argentea  cum  talpa  '\ 
Major  cntella  et  minor  argentœae. 
Unum  coclear  magnum  argenti  *. 

Vas  argenteum  cum  quo  ostie  in  refectorio  portantur,  quod 
"W""  La  Concha  '  donavit. 

core  un  passage  de  Boelhius  (Scotorum  historia,  éd.  sans  date  de  Jod.  Badius 
Ascensius,  fol.  xi)  :  «  Ab  lioc  oppido  (Edimburgum  )  plus  minus  diiobus  passuun) 
oiillibus.  Ions  cui  olei  gnltae  innatant  scalnrit,  ea  vi  ut,  si  niliil  inde  collegeris, 
nihilo  plus  confluât;  quantumvis  autem  abstuleris,  nihilo  plu>(  remaneat.  Natum  esse 
aiunt  effuso  illic  oleo  Divae  Catharinse  quod  ad  Divam  Margaritam  ex  Monte  Siual 
adierebatur.  Fidem  rei  fadunt,  fonti  nomen  divœ  Catliarinse  inditum,  atque  in  ejus- 
dem  bouorem  sacelliim,  juxta  divae  Margaritse  jussu  edificatum.  Valet  hoc  oleum 
contra  varias  cutis  scabrities.  » 

Mous  ajouterons  ici  la  note  des  reliques  contenues  dans  une  châsse  du  monastère 
deSaint-Martial  :  «  Reliquias  eas  babet  capsula  argentea  a  sinistro  latere  allari  senio- 
ris  posita  ;  sanctorum  Mari  et  Leodegarii,  sancta  Sussanna,  de  terra  quam  Dominu» 
calcavit,  sancti  Pauli  apostoli  et  sancli  Martini  episcopi,  s.  Briccii  episcopi  et  s, 
Menne  niartyris,  sancti  Eusebii  martyris  et  s.  Fastoris,  sancti  Pétri  apostoli  et  s. 
Mariae,  s.  Albini  et  s.  Sulpicii  et  s.  Susanna,  s.  Eparchii.  »  fiibl.  imp.,  n"  178à  mss. 
lat.,  fol.  2  r". 

1.  D'après  une  note  rédigée  par  Bernard  Itier  en  1216,  le  monastère  de  Saint>Mar- 
tial  possédait  alors  quatorze  calices  d'argent.  Ms.  lat.  1338,  fol.  260  v". 

2.  Qui  servent  à  la  célébration  des  saints  mystères;  c'est  dans  ce  sens  qu'on  dit 
chanter  la  messe.  Voy.  du  Gange,  au  mot  Cantare. 

3.  Ces  calices  servaient  sans  doute  à  recueillir  les  dons  en  nature  offerts  pour  la 
célébration  du  saint  sacrifice. 

4.  Un  bassin,  une  conque. 

5.  Couvercle,  «  a  Vasconio  tapo  vel  talpo,  operire,  »  dit  du  Gange  au  mot  Talpa, 
qui  cite  notre  texte  à  l'appui  de  cette  interprétation. 

6.  Serait-ce  la  grande  cuiller  dont  les  Grecs  se  servent  pour  distribuer  l'eucharistie? 
Voy.  le  glossaire  de  M.  de  Laborde. 

7.  Voici  les  détails  que  nous  avons  pu  recueillir  sur  ce  religieux  :  Il  figure  comme 
operarius  sur  une  liste  des  moines  de  Saint-Martial  dressée  vers  l'an  1209  (ms.  lat. 
n"  1993,  fol.  119  r").  Bernard  Itier  le  place  au  nombre  des  prédicateurs  qu'il  a  en- 
tendus, dans  une  note  rédigée  en  1210  (ms.  n"  1338,  fol.  230  r°).  Il  devint  sacristain 
en  1216  (D.  Bouq.,  t.  XVllI,  p.  234  E).  Il  était  grand  sacristain  en  121«  (ms.  lat. 
n°  3237,  fol.  ICI  v°).  Il  exerçait  encore  les  mêmes  fonctions  en  1223,  à  la  Pentecôte 
(ms.  n°  2400,  fol.  1  et  2).  Il  fut,  le  6  juillet  1225,  un  des  électeurs  de  l'abbé  Raimond 
Gaucelm  (D.  Bouq.,  t.  XVIII,  p.  237  G).  Il  figure  encore  à  divers  titres  dans  les  mss. 
1121,  fol.  247  v°;  2262,  fol.  166  V;  5137,  fol.  147  y",  et  5321,  fol.  14  v°.  Enfin  le 
ms.  lat.  n"  tl39  contient  (fol.  1  r°,  9  v°,  30  et  ,31  r")  la  mention  des  dons  qu'il  fit  au 
monastère,  avec  un  état  sommaire  des  travaux  exécutés  par  ses  soins,  et  un  compte 
des  fonds  qu'il  avait  dépensés.  L'obituaire  de  Saint-Martial  (n°  5243,  fol.  112  r°)  fixe 
sa  mort  au  vi  des  ides  de  juin. 


32 

Urceum  argenteum  et  aspersorium  *, 
Duo  parva  coclearia  ^  de  argento  '. 
un'""  cornua  *  de  ebore  ;  quedam  sunl  cum  argento. 
Duo  candelabra  deaurata  que  W"  La  Concha  fecit. 
Lxvi  pallia  *  et  tria  pallia  que  singulis  diebus  festivis  ponaa- 
tur  ante  majus  altare. 
Due  arauœe  de  cerico  *. 
^que  jjgjjg  Gaifîers  '. 

1.  Un  vase  propre  à  recevoir  l'eau  bénite,  avec  son  goupillon. 

2.  Sur  les  usages  de  ces  cuillers  d'église,  voy.  le  glossaire  de  M.  de  Laborde. 

3.  Outre  cette  argenterie  destinée  spécialement  aux  usages  sacrés ,  le  monastère  de 
Saint-'Martial  possédait  une  fort  belle  argenterie  de  table;  c'est  ce  que  prouve  le  do- 
cument qui  va  suivre  :  «  Anno  Incarnali  Verbi  m°.  ce",  xx»*^".,  dominica  quadrage- 
sinoe  qua  cantatur  Letare  Jérusalem,  coniputata  fuerunt  coclearia  argentea  conven- 
tu8  in  capitulo  sancii  Martialis,  Johanne  de  Faurias  refectuario  manente,  et  fuit 
surama  coclearioruni  cenlum  quinque  (ce  dernier  mot  est  effacé),  exceptis  decem  quae 
in  debito  remanebant.  Pondus  argeiiti  fuit  uudecini  marcbarum  et  dimidia ,  et  qarta 
pars  uncie.  »  (Ms.  lat.  1139,  fol.  228  v»  et  28  r°  ) 

4.  Qu'était-ce  que  ces  cornets  d'ivoire  dont  on  trouve  souvent  la  mention  dans 
les  inventaires  anciens,  notamment  dans  celui  de  la  Sainte-Chapelle,  au  n"  94  :  «  Deux 
grands  cornetz  d'ivoire  antiens,  etc.?  »  {Revue  archéolog.,  ann.  1848.)  C'est  ce  que 
nous  ne  pouvons  dire  d'une  manière  précise;  on  sait  que  le  mol  cornu  désigne  égale- 
ment un  cornet  pour  mettre  l'encre,  un  cor  ou  oliphant,  ou  simplement  un  vase  en 
forme  de  corne.  Voy  du  Cange  au  mot  Cornu. 

5.  C'est  ce  qu'on  appelait,  au  treizième  siècle,  parement  d'autel  (voy.  dans  la  Rev. 
archéol ,  année  1848,  l'inventaire  de  la  Sainte-Chapelle,  art,  157  et  suiv.),  frontal  à 
parer  autel  {Mélanges  historiques ,  par  Champoilion,  t.  I,  p.  427),  et  aussi  touaille 
(voy.  du  Cange,  au  mot  Pallium). 

6.  Nous  n'essayerons  pas  d'expliquer  ce  mot ,  qui  semble  réveiller  l'idée  d'un  tissu 
excessivement  délié.  Voy.  du  Cange  au  mot  Aranea,  et  Fr.  Michel,  Recherches  sur 
les  étoffes  de  soie,  t.  H,  p.  207 

7.  Notre  ms.  n'autorise  pas  la  leçon  gans  Gaifier,  qui  a  été  adoptée  par  les  conti- 
nuateurs de  du  Cange.  Peut-être  s'agit-il  de  ces  «  vexilla  quinque  preciosa  quœ 
appellantur  banum  Gulferii  de  Turribus  *  »  signalés  par  Geoffroi  de  Vigeois,  qui  rap- 
porte l'usage  où  étaient  les  moines  de  Saint-Martial  de  les  porter  dans  leurs  proces- 
sions le  jour  des  Hameaux  (Labbe,  Nova  Bibl.  manuscr.  libr.,  tom.  II,  pag.  312). 
Cependant  il  ne  faut  pas  oublier  qu'au  dire  d'Adhémar  de  Chabannais  (Labbe,  Nov. 
Bibl.  manuscr.  libr.) ,  Pépin  offrit  à  Saint-Martial  la  bannière  d'or  qu'il  avait  enlevée 
à  Waiffre  dans  le  combat.  D'un  autre  côté ,  on  lit  dans  la  Chronique  de  Saint-Denis  , 
sous  l'aimée  726,  que  le  roi  de  France  prit  «  les  aournemens  d'or  et  de  pierres  pré- 
cieuses que  Waiffre  mettoit  en  ses  bras  aus  festes  sollempnex,  que  on  apele  encore  les 

*  Il  résulte  d'une  note  écrite  de  la  main  de  Bernard  Hier  que  ce  Gulferius  mourut  en  1210  : 
«  Hanc  prefationem  scripsit  Bernardus  Iterii  hujus  loci  arraarius  vu""  anno  quo  factus  fuit  ipse 
armarius  in  festo  apostolorum  Symonis  et  Jude,  anno  gratie  m°.  ce",  decimo,  Gulferio  de  Tur- 
ribus defuncto  et  tumnlato  a  Alasac.  »  Ms.  lat.  n°  a455,  fol,  i  r°. 


33 

Due  vinatgerie  de  argento  ' . 

Duo  texti  deaurati,  qui  fuerunt  P.  abbati  '. 

Tria  scrinia  ;  duo  reliquit  Aimericus  Arelli  '. 

Molle  ferreum  cum  quo  fiunt  ostie  \ 

Duo  pectenes  eburnei  ^  cum  quibus  dominus  abbas  et  ebdo^ 
madarius  se  pectunt. 

Mitra  W"'  episcopi  " . 

Tria  auricularia  et  unum  auriculare  novura  quod  fecit  W"  La 
CoDcha. 

vous  Gaifier*;  »  le  chroniqueur  ajoute  qu'ils  furent  suspendus  comme  trophées 
«ians  l'église  de  Saint-Denis,  et  qu'on  les  voyait  encore  de  son  temps  derrière  le  mat- 
ire-autel  (D.  Bouq.,  t.  V,  p.  223  E).  Nous  ne  croyons  pas  que  notre  texte  désigne  de 
riches  bracelets  de  ce  genre ,  et  il  est  difficile  d'attacher  au  mot  ban  un  autre  sens 
que  celui  de  bannière,  d'élendard.  Il  est  probable  que  les  infortunes  de  Waiffre,  et  la 
guerre  d'extermination  qu'il  avait  eu  à  soutenir  contre  l'usurpateur,  avaient  laissé  eu 
Aquitaine  des  souvenirs  qui ,  sous  l'influence  des  idées  superstitieuses  du  moyen  âge, 
s'étaient  transformés  en  une  espèce  de  culte  religieux.  C'est  ce  qui  expliquerait  com- 
ment ,  au  treizième  siècle,  on  faisait  des  bannières  auxquelles  on  donnait  le  nom  de 
ce  prince  malheureux.  Du  Cange,  au  mot  Gaiferus ,  cite  un  texte  qui  viendrait  à 
l'appui  de  cette  induction  ;  il  est  tiré  d'un  fragment  d'obituaire  (ms.  lat.  5239,  fol.  3)  : 
«  VIII  Kal.  junii  (ob.)  Dulrannus.  Iste  jussit  fieri  bannum  qui  vocatur  Gaiferus,  etc.  « 

1.  Les  burettes  qui  contiennent  le  vin  pour  le  sacrifice  de  la  messe.  V.  du  Cange, 
au  mot  Vinageriae,  qui  cite  ce  passage  de  notre  inventaire. 

2.  Peut-être  s'agit-il  de  l'abbé  Pierre  du  Barri ,  qui  est  cité  comme  ayant  fait  deux 
petits  textes  d'argent.  Ce  personnage,  d'abord  abbé  de  Saint-Augustin,  gouverna  le 
monastère  de  Saint-Martial  depuis  1 161  jusqu'en  1174  (v.  le  ms.  lat.  1338,  fol.  161  r", 
174  r",  et  252  r"). 

3.  C'est  lui  qui  est  mentionné  comme  trésorier  (thesaurarius)  en  l'année  1218  (ms. 
lat.  n<>3237,  fol.  101  v");  il  figure  encore  en  cette  qualité  en  1223,  à  la  Pentecôte 
(ms.  2400,  fol.  1  et  2).  L'obituaire  de  Saint-Martial  (n°  5243,  fol.  127  r")  fixe  sa  mort 
au  VI  des  ides  de  décembre. 

4.  Un  moule  de  fer  à  fabriquer  les  hosties. 

a.  C'était  alors  l'usage  que  les  prêtres  donnassent  quelques  soins  à  leur  chevelure 
avant  de  se  présenter  à  l'autel  pour  y  célébrer  les  saints  mystères.  Voy.  du  Cange, 
au  mot  Pecten.  Guillaume  Durand  atteste  aussi  cet  usage. 

6.  C'est  peut-être  la  mitre  d'un  évêque  de  Limoges,  Guillaume  d'Uriel  (1098-1 100), 
qne  B.  Hier  mentionne  dans  sa  liste  des  évoques  du  diocèse  :  «Willelmus  prior  hujus 
cenobii  »  (fol.  237  r"  du  ms.  1338). 

*  M.  Paulin  Paris,  d'accord  avec  les  mss.  des  grandes  chroniques  signalés  par  l'abbé  Le- 
beuf  comme  les  plus  anciens,  a  adopté  dans  son  édition  la  leçon  n  bons  Gaiffier,  »  qui  est  celle 
du  ras.  de  la  bibliothèque  Sainte-Geneviève  coté  i324  (n°  rouge),  fol.  io6  r",  col.  2.  Un  autre 
ms.  de  la  même  bibliothèque  coté  iSaS  (n°  ronge),  porte  »  les  bons  bras  Gaiffier;»  un 
ras.  de  la  bibliothèque  Mazarioe,  qui  paraît  être  du  quatorzièioe  siècle,  et  coté  H.  522,  porte 
H  brasse'ez  GaifSer;  u  uue  édition  gothique  de  l'an  1476  :•<<  bons  Gaiffiers  ;  »  d'autres,  post«- 
riruresi  à  cette  date  :  «  gans  GaifBers.  » 

I.   (Quatrième  série.)  3 


34 

Navicula  argent!  '  in  qua  ponitur  iucensum. 

Octo  baculi  processionales  :  duo  sunt  argentei. 

Très  baculi  pastorales  :  duo  sunt  eburnei. 

Duo  candelabra  deaurata  de  letonio  Espanol  ^. 

x"""  intersigna  ^  minora  et  xj'""'"  intersignum  crismatis. 

v''"*  cortine  magne  :  due  ponuntur  in  xl™"  ante  crucifixum 
sancti  salvatoris;  tercia  super  majus  altare;  quarta  ante  cruci- 
fixum sancte  crucis  ;  \'*  ponitur  ante  ostium  cori  ;  altéra  ponitur. 
\idelicet  vj*%  singulis  noctibus  super  majus  altare. 

Cutella  argenti  ''  iu  qua  dominicis  diebus  sal  ponitur  et  alla 
multa  sunt  ibi  ^ 

ORNAMENTA   SEPULCRI   S.    MARCIALIS. 

Sex  casule  festales  :  una  pulcra  que  fuit  capellano  sancti 
Micaelis  ^  ;  altéra  est  quam  rex  Anglie  '  dédit  ;  tercia  est 
de  samiz*,  quam  G.  Trobat  ®  fecit;    quarta   est   rubea    cum 


1.  Une  navette.  C'est  le  vase  destiné  à  contenir  les  grains  d'encens.  On  lit  dans 
l'inventaire  des  reliques  de  la  Sainte-Chapelle,  n°  115  :  «  Une  petite  nef  à  mettre  en- 
cens. » 

2.  Sur  le  métal  d'Espagne ,  voy.  Vie  de  Gauzlin,  publiée  par  M.  Delisle  dans  les 
Mém.  de  la  Société  archéologique  de  VOrléanais,  t.  11,  p.  267  et  269. 

3.  «  Signtim ,  insigne ,  gall.  enseigne  ,  bannière,  «  dit  du  Cange  au  mot  Intersi- 
gnum. 

4.  L'écuelle  dans  laquelle  on  met  le  sel  le  dimanche,  pour  la  bénédiction  de  l'eau. 
Cet  article  est  rapporté  dans  du  Cange,  au  mot  Cutella. 

5.  Ici  se  trouve  dans  le  manuscrit  un  blanc  d'environ  trois  lignes. 

6.  C'est  à  Pierre  de  Verteuil ,  bibliothécaire  de  Saint-Martial,  qu'on  devait  la  cons- 
truction de  la  chapelle  de  Saint-Michel;  il  mourut  en  1211.  Voy.  D.  Bouq.,  t.  XVIH, 
p.  229  B. 

7.  Peut-être  Henri  m,  roi  d'Angleterre,  qui  est  mentionné  dans  la  chronique  de 
B.  Itier  comme  l'auteur  de  plusieurs  dons  d'objets  précieux  offerts  à  l'abbaye  de 
Saint-Martial.  D.  Bouq.,  t.  XVIll,  p.  224  D. 

8.  Étoffe  de  soie  se  rapprochant  beaucoup  du  satin. 

9.  Il  était,  eu  1218,  chevecier  du  sépulcre  (capicerius  de  sepulcro),  ms.  lat.  3237. 
Une  note  de  B.  Itier  nous  apprend  qu'il  l'était  encore  en  1223,  à  la  Pentecôte  (ms. 
n"  2400,  fol.  1  et  2).  Il  est  question  de  lui  dans  le  ms.  lat.  1139 ,  fol.  25  et  28  r°,  et 
dans  lems,  1785,  fol.  1  v°,  à  la  date  de  1221.  Peut-être  est-ce  lui  que  la  chronique 
de  B.  Itier  désigne  comme  prévôt  de  chambre  en  1214;  la  variante  W.  Prova  vel 
Proua,  qui  indique  l'incertitude  du  rédacteur,  semblerait  autoriser  cette  hypothèse 
(voy.  D.  Bouq.,  t.  XVIII,  p.  232' D).  Enfin  il  figure  à  divers  titres  dans  les  mss.  1338, 
toi.  227  V;  1121,  fol.  247  V;  1993,  fol.  119  v";  1785,  fol.    2   v"  ;  2770,  fol.  178  v. 


35 

scuto  ';  due  sutit  albe  de  diaspro  ^.  —  Alie  due  sunt  de  pur- 
pura septimanales. 

V''"*^  cappe  :  una  est  alba  ;  altéra  rubea  ,  quam  G.  ïrobat  fecit  ; 
très  sunt  septimanales. 

De  vestimeutis  usque  ad  xxv'^"%  et  plura  alia  ornamenta  tara 
argentea  quam  aurea. 

1.  Peut-être  un  écusson;  à  moins  qu'il  ne  faille  lire  scuta,  mot  qui ,  suivant  du 
("ange,  désigne  une  espèce  de  vêtement  ecclésiastique. 

2.  Sur  le  diapré,  voy.  Fr.  Michel,  Recherches  sur  les  étoffes  de  soie,  t.  I,  p.  236 
et  suiv. 

H.  DUPLÈSAGIER. 


OBSERVATIONS 

SDR   LES 

ACTES  D'AFFRANCHISSEMENT 

DU    CARTULAIRE 

DE  NOTRE-DAME  DE  PARIS. 


La  plupart  des  actes  d'affranchissement  du  cartulaire  de  No- 
tre-Dame de  Paris  renferment  de  nombreuses  restrictions  appor- 
tées à  la  liberté  des  affranchis.  Notre  savant  et  regrettable 
maître,  M.  Guérard,  a  particulièrement  remarqué  un  acte  de 
l'année  1255,  dans  lequel,  dit-il,  «  les  conditions  de  l'affran- 
«  chissement  paraissent  fort  onéreuses ,  bien  qu'il  soit  dit  dans 
«  la  charte  qu'elles  n'ont  pas  été  faites  dans  l'intention  de  char- 
«  ger  la  liberté,  non  causa  onerandx  Ubertatis  * .  »  Cette  formule 
se  rencontre  en  termes  identiques  ,  ou  tout  à  fait  équivalents  , 
dans  plusieurs  actes  semblables  du  même  cartulaire  ^  ;  elle  est 
purement  de  style ,  ainsi  que  je  vais  le  démontrer  ;  mais  il  n'est 
pas  sans  intérêt  de  la  noter,  comme  se  référant  aux  principes 
du  droit  romain. 

  Rome,  le  préteur  refusait  l'action  en  justice  au  patron  à  rai- 
son de  tout  ce  qui  avait  pu  être  imposé  à  l'affranchi  au  moment 
de  l'affranchissement,  onerandx  Ubertatis  causa.  Cette  locution 
consacrée  est  ainsi  expliquée  par  Ulpien  :  «  Onerandae  libertatis 
'■  causa  facta  bellissime  definiuntur,  quae  ita  imponuntur,  ut,  si 
«  patronum  libertus  offenderit,  petantur  ab  eo ,  semperque  sit 
«  metu  exactionis  ei  subjectus,  propter  quem  metum  quodvis 
«  sustineat  patrono  prœcipiente  ' .  » 

1.  Cartulaire  de  l'église  Notre-Dame  de  Paris,  préface,  pag.  cxcriii,  el  t.  il, 
p.  378. 

2.  Cartulaire  N.-D.,  II,  p.  99,  173,  380-386;  lll,  p.  139,  171,  342. 

3.  Loi  1,  §  5,  au  DigesJe,  Quarum  rerum  actio  non  datur  (XLIV,  5). 


37 

Des  actes  graves  d'oppression  contre  les  affranchis  avaient 
motivé  cet  édit  du  préteur  ' ,  et  la  loi  yElia  Sentia  l'avait  con- 
firmé ^. 

La  prohibition  des  conditions  imposées  onerandœ  lihertatis 
causa,  avait  donné  naissance  à  une  théorie  savante  sur  la  nature 
des  services  (operœ)  qui  pouvaient  être  exigés  de  l'affranchi. 

Cette  théorie,  aussi  bien  que  tout  le  système  du  droit  de  pa- 
tronat, est  étrangère  à  la  société  du  moyen  âge.  Ce  système  n'y 
avait  plus  aucune  raison  d'être  ,  car  la  transition  entre  la  servi- 
tude et  la  liberté  n'a  pas  besoin  d'être  ménagée  là  où ,  d'une 
part,  le  lien  de  servitude  se  relâche,  et  où,  d'autre  part,  la  po- 
pulation libre  est  tenue  dans  un  rapport  d'étroite  sujétion. 

Aussi  voyons-nous ,  dès  les  premiers  siècles  du  moyen  âge , 
le  patronat  romain  remplacé  par  le  mundeburdium ,  pouvoir  qui 
s'étend  aussi  bien  sur  les  hommes  libres  de  naissance  ^  ;  et,  le 
langage  du  droit  se  modifiant  avec  les  institutions  elles-mêmes , 
l'affranchissement,  dans  tous  les  recueils  de  formules,  est  appelé 
ingenuilas  ^ . 

Au  treizième  siècle ,  là  propagation  des  sources  anciennes  du 
droit  romain  remet  en  honneur  les  locutions  classiques.  Mais 
l'emploi  de  ces  locutions  ne  constitue  encore  qu'un  artifice  de 
style ,  et  n'indique  aucun  retour  aux  institutions  romaines.  Le 
rapport  qui  survit  à  l'affranchissement  n'est  pas  celui  de  patron 
à  affranchi,  mais  celui  de  seigneur  justicier  à  sujet  ^  et  celui  de 

1.  Loi  2  pr.,  au  Digeste,  De  operis  libertorum  (XXXVIH,  1)  :  «  Hoc  edictum 
«  Praetor  proponit  coarctandae  persecutionis  libertalis  causa  impositorum.  Animad- 
«  vertit  enim  rem  istam ,  libertatis  causa  impositoruni  prsestationem,  inirum  in  mo> 
«  dum  excrevisse,  ut  premeret  atque  oneraret  libertinas  peisonas.  » 

2.  Loi  32,  §  1,  au  Digeste,  Qui  et  a  quibus  (XL,  9)  -.  «  Non  protiibentur  lege  ^Elia 
«  Sentia  patroni  a  libertis  raercedes  capere ,  sed  obligare  eos.  »  L'édit  du  préteur 
était-il  antérieur  à  la  loi  jElia  Sentia P  Je  n'en  ai  pas  la  preuve  positive,  mais  ce 
que  j'en  dis  est  conforme  à  la  marche  ordinaire  du  droit,  et  notamment  à  ce  que  rap- 
porte Gaius  (in,  56)  des  antécédents  de  la  loi  Junia  Norbana. 

3.  Voyez  toutefois  les  observations  de  M.  Pardessus,  Loi  salique,  Dissertation  VU, 
pag.  529  et  530. 

4.  Voyez  notamment  dans  les  recueils  de  formules  récemment  publiés  par  M.  de 
Rozière,  Strasbourg,  XIII,  Saint-Gall,  II  et  III,  et  l'observation  très-juste  de  M.  de 
Rozière  sur  la  première  des  formules  wisigothiques ,  page  I,  note  2.  Remarquons 
d'ailleurs  qu'un  développement  parallèle  s'était  produit  dans  le  droit  byzantin.  Justi- 
nien  (Novelle  78,  ch.  1  et  2)  avait  accordé  aux  affranchis  le  titre  et  les  prérogatives 
honorifiques  de  l'ingénuité,  mais  sans  porter  aucune  atteinte  aux  droits  des  patrons. 

5.  Le  nom  de  sujet ,  au  seizième  siècle,  était  officiellement  employé  pour  désigner 


38 

propriétaire  à  tenancier  '.  Dans  l'acte  du  mois  de  mai  1255,  par 
exemple,  le  chapitre,  après  s'être  réservé,  par  une  clause  de 
style,  «  honorera,  debitam  reverenciam  et  ea  que  soient  liberti 
«  patronis  suis  exhibere ,  »  retient ,  d'une  façon  beaucoup  plus 
sérieuse,  «  census,  redditus,  corveias,  reddibiciones  et  omnes 
«  alias  consuetudines  prius  débitas.  »  Il  retient ,  en  première  li- 
gue, la  taille  annuelle  à  volonté  ^,  qui  est  en  opposition  directe 
avec  la  théorie  romaine  sur  les  operse  libertorum  ;  et ,  de  prime 
abord ,  on  ne  voit  pas  bien  ce  que  les  affranchis  gagneront  à 
payer  la  taille  à  volonté  et  toutes  les  autres  redevances  en  qua- 
lité de  sujets  ou  hommes  de  poesté,  au  lieu  de  les  payer,  comme 
précédemment,  en  qualité  de  serfs  ou  hommes  de  corps.  L'avan- 
tage, toutefois,  est  considérable  :  hommes  de  corps,  ils  faisaient 
partie  intégrante  du  domaine,  et  pouvaient  être  poursuivis  en 
cas  de  fuite  '  ;  hommes  de  poesté  et  tenanciers  libres,  ils  peuvent 
s'exonérer  de  leurs  devoirs  de  sujets  en  quittant  le  ressort  de  la 
justice  "*,  et  de  leurs  redevances  foncières,  en  se  démettant  de 
leurs  tenures  ''. 

La  différence  devint  plus  sensible  avec  le  cours  des  temps  :  la 

«  ceux  qui  demeurent  dans  l'étendne  de  la  seigneurie  d'un  seigneur  ayant  justice.  » 
(De  Perrière,  Dictionnaire  de  droit  et  de  pratique,  v"  Sujets.)  Voy.  l'art.  71  de  la 
Coutume  de  Paris,  et  les  actes  cités  par  Ferrière.  Cette  locution  subsistait  encore  an 
dix-buitième  siècle;  mais  on  voit,  par  les  explications  que  donne  Ferrière,  qu'elle 
avait  besoin  d'apologie  pour  ne  pas  porter  ombrage  à  la  .souveraineté  du  roi.  Au  trei- 
zième siècle,  la  relation  de  seigneur  justicier  à  sujets  est  exprimée  par  le  nom 
d'hommes  de  poesté.  Voy.  Beaumanoir,  cb.  45,  n°  30.  —  Ragueau  et  de  Laurière, 
Glossaire ,  \°  Posté  ou  Poesté —  Voy.  toutefois  Boubier,  ch.  51 ,  n°  176  (édition  de 
1742,  t.  Il,  p.  28). 

1.  Cette  double  relation  est  nettement  distinguée  dans  les  actes  d'affrancbissement 
publiés  par  M.  Guérard  {Polyptyque  d'Jrminon ,  Appendix ,  w"  XL  et  XLI) ,  par  la 
formule  suivante  :  «  Salvis  nobis  et  ecclesie  nostre  omnimoda  justitia  et  dominio.  » 
On  lit  également  dans  les  actes  du  cartulaire  de  Kotre-Dame  :  «...  In  terra  et  justi- 
«  cia  ecclesie  B.  Marie.  »  (N.-D..  II,  p.  100  et  p.  378.) 

2.  N--D.,  II,  379:  «Talliam,  singulis  annis,  si  placuerit  capitulo  ante  dicte.  » 
Plus  précisément  encore ,  dans  un  acte  d'avril  1280-81  {N.-D.,  II,  lOt)  :  «  Talliam  ad 
«  voluntatem  sive  ad  beneplacitum  dictorum  decaui  et  capituli.  « 

3.  Que  le  droit  de  suite  existât  sur  les  serfs  du  cbapitre  de  Notre-Dame,  c'est  ce 
qui  me  parait  résulter  formellement  de  la  qualification  d'hommes  de  corps.  Mais,  s'il 
était  besoin  d'autre  preuve,  on  pourrait  l'établir  par  induction  de  l'acte  IX  de  V Ap- 
pendix {N.-D.,  111,  356). 

4.  N.-D.,  H,  379  :  «  . . .  Dum  lamen  in  terra  ejusdem  capituli  bostisias  vel  posses- 
«  siones  babuerint  seu  fuerint  résidentes.  » 

5.  Voyez  des  exemples  de  ces  démissions  ou  abandons  dans  les  Olim,  n"'  24  et  25. 


39' 

taille  jusiicière  était  un  impôt  levé  en  vertu  du  droit  de  souve- 
raineté; la  taille  de  corps,  une  redevance  exigée  en  vertu  du 
droit  de  propriété.  Or,  jusqu'à  la  lin  du  dix-huitième  siècle, 
même  dans  le  célèbre  édit  du  8  août  1779,  le  roi  respecta  le 
droit  de  propriété  des  seigneurs  sur  la  personne  de  leurs  serfs  *  ; 
au  contraire,  le  roi  restreignit  en  toute  occasion  le  pouvoir  des 
seigneurs  justiciers  :  dès  le  seizième  siècle,  notamment,  il  leur 
enleva  le  droit  de  taille  sur  leurs  sujets.  «  A  nous  seul  appar- 
ff  tient  lever  les  deniers  en  nostre  Royaume ,  »  dit  l'ordonnance 
de  Moulins  (art.  23),  «  et  faire  autrement  seroit  entreprendre  sur 
«  nostre  Majesté.  »  —  »<  En  conséquence  de  laquelle  ordonnance,  » 
dit  Loyseau  ^,  «  Bodin  estime  que  le  droit  prétendu  par  plu- 
«  sieurs  seigneurs,  et  qui  est  autorisé  par  plusieurs  coustumes, 
«  de  lever  tailles  aux  quatre  cas  ^  sur  leurs  sujets ,  est  mainte- 
<>  nant  aboly.  »  —  «  Et  tiennent  les  gens  du  roy  en  parlement,  » 
nous  dit  Coquille  \  «  qu'au  roy  seul  appartient  lever  presta- 
«  tions  personnelles  sur  ses  sujets  :  les  dits  gens  du  roy  ex- 
«  ceptent  si  c'est  prestation  personnelle,  procédant  de  servitude 
«  de  personne,  et  la  raison  est  que  les  serfs  sont  censez  immeu- 


1.  «  Retenu  par  les  égards  que  nous  aurons  dans  tous  les  temps  pour  les  droits  de 
•<  la  propriété,  que  nous  considérons  comme  le  plus  sûr  fondement  de  l'ordre  et  de 
«  la  justice »  {Préambule  de  redit  du  8  août  1779.)  Toutefois  le  roi  recon- 
naît qu'il  est  un  excès  dans  l'exercice  du  droit  des  seigneurs  sur  leurs  serfs  qu'il  ne 
peut  différer  d'arrêter  et  de  prévenir.  «  Nous  voulons  paiier  du  droit  de  suite  sur  les 
«  serfs  ou  mainmortables,  droit  en  vertu  duquel  des  seigneurs  de  fiefs  ont  quelquefois 
«  poursuivi  dans  les  terres  franches  de  notre  royaume,  et  jusque  dans  notre  capitale, 
«  les  biens  et  les  acquêts  des  citoyens  éloignés  depuis  un  grand  nombre  d'années 
«  du  lieu  de  leur  glèbe  et  de  leur  servitude,  etc.  »  En  conséquence,  le  roi  ordonne 
(art.  6)  «  que  le  droit  de  suite  sur  les  mainmortables  demeurera  éteint  et  supprimé 
«  dans  tout  le  royaume ,  dès  que  le  serf  ou  inainmorfable  aura  acquis  un  véri- 
«  table  domicile  dans  un  lieu  franc.  »  Précédemment,  on  admettait  généralement 
contre  la  poursuite  du  seigneur  la  prescription  de  dix  ou  vingt  ans  ;  l'édit  restreint 
ce  délai  au  temps  nécessaire  «  pour  acquérir  un  véritable  domicile  dans  un  lieu 
K  franc,  »  mais  il  ne  supprime  pas  le  droit  de  suite  d'une  manière  absolue.  Voyez,  au 
surplus,  la  Revue  bibliographique  de  droit  français  et  étranger,  t.  il,  p.  31. 

2.  Loyseau,  des  Seigneuries,  cli.  111,  n"  47 Bodin,  République,  liv.  I,  ch.  10. 

—  Voy.,  en  sens  contraire,  Ferrerius  in  queest.  57  Guidonis  Pap.e,  et  le  résumé  de  la 
controverse  dans  Legrand,  sur  Troyes,  tit.  I,  ait.  3,  glose  2,  n"  6. 

3.  A  plus  forte  raison  la  taille  à  volonté.  Ajoutons  toutefois  qu'au  seizième  siècle 
la  taille  à  volonté  est  universellement  présentée  comme  devant  être  à  volonté  rai- 
sonnable.  Voy.  notamment  Pasquier,  Inslitïites,  liv.  1,  di.  27. 

4.  Coquille,  sur  Nivcnwis,  cli.  Vlll,  art.  5. 


40 

«  blés.  Loi  Longse,  ti..,  de  diversis  et  temporalibus  prsescriptioni- 
«  bus  '.  » 

En  résumé,  le  rapprochement  dont  le  cartulaire  de  Notre- 
Dame  nous^  fourni  l'occasion  accuse  la  marche  différente  qu'a 
suivie,  chacune  dans  son  développement,  la  société  romaine  et 
la  société  du  moyen  âge. 

Les  savants  modernes  ont  cependant  trouvé ,  aux  premiers 
siècles  de  Rome ,  les  germes  d'une  espèce  de  féodalité  ^  ;  et ,  à 
prendre  ce  mot  dans  le  sens  le  plus  large ,  je  crois  leur  pensée 
juste  et  profonde.  La  féodalité,  en  effet,  si  l'on  entend  par  là 
une  certaine  subordination  hiérarchique  des  personnes  et  des 
terres ,  n'est  pas  un  état  social  exclusivement  propre  à  l'Europe 
du  moyen  âge.  C'est,  au  contraire,  un  phénomène  régulier,  mar- 
quant une  phase  déterminée  de  la  civilisation  à  certaines  épo- 
ques de  l'histoire  des  peuples.  A  Rome,  les  éléments  d'un  état 
de  ce  genre  se  rencontrent  aux  premiers  siècles  :  la  subordina- 
tion des  personnes  dans  le  rapport  de  clientèle ,  dans  le  droit  de 
patronat ,  et  peut-être  dans  le  droit  de  gentilité  ^  ;  la  subordina- 
tion territoriale  dans  les  concessions  précaires  de  Vager  publi- 
cus  ^.  Mais  cette  féodalité  naissante  est  vite  étouffée  dans  son 
germe  :  le  rapport  de  clientèle  disparaît  dans  la  lutte  des  deux 
ordres  ;  le  droit  de  patronat  est  contenu  par  les  lois  ;  le  droit  dé 
gentilité  tombe  en  désuétude  sous  les  premiers  Césars  ^  ;  les  te- 
nures  du  domaine  public,  régularisées  par  les  lois  agraires  ®, 
aboutissent  à  l'emphytéose ,  et  le  contrat  de  louage ,  réglant 
d'une  manière  simple  et  uniforme  la  tenure  des  terres  privées  ', 


1.  L.  3,  au  Digeste,  de  div.  et  temp.  (XLIV,  3). 

2.  M.  de  Savigny,  Possession,  §  12  a  et  §  42. 

3.  Si  l'on  admet  l'opinion  défendue  en  Allemagne  par  Hugo  {Rechtsgeschichte , 
XI,  263,  et  Civilistisches  Magazin,  vol.  VI,  p.  465),  en  France  par  M.  Ortolan  {Revue 
de  législation ,  1. 1  de  I840,  p.  257,  et  Institutes ,  liv,  III,  lit.  2),  et  par  M.  Holtius 
{Recueil  de  l'Acad.  de  législation  de  Toulouse,  t.  III,  p.  43).  —  En  sens  contraire, 
\oy.  M,  Giraud  {Revue  de  législation,  t.  III  de  1846,  p.  385,  et  1. 1  de  1847,  p.  242), 
M.  Troplong  {ibid.,  1. 1  de  1847,  p.  5),  M.  Laferrière,  Histoire  du  droit,  t.  I,  p.  451. 

4.  Niebulir  (l.  H,  p.  167  de  la  2"=  édition  allemande,  t.  III,  p.  199  de  la  traduction 
de  M.  de  Golbéry).  --  M.  de  Savigny,  Possession,  §  12  a  et  §  42.  —  M.  Giraud ,  Re- 
cherches sur  le  droit  de  propriété  chez  les  Romains ,  pag.  159  à  209. 

5.  Gaius,  m,  17. 

6.  Voy.  M.  Laboulaye  {Revue  de  législation,  1846,  t.  II,  p.  385,  et  t.  III,  p.  5). 

7.  L'emphytéose,  à  l'origine,  n'était  pas  usitée  pour  la  tenure  des  terres  privées. 
Ghïus,  ni,  145,  L.  1  pr,,  au  Digeste,  Si  ager  vecligalis  (VI,  3). 


41 

met  obstacle  à  la  complication  des  rapports  qu'engendre  à  la 
longue  la  division  du  domaine  '. 

A  Rome,  la  société  arrive  donc  de  bonne  beure  à  cet  état  rc- 
gulier,  où  l'état  des  personnes  et  la  constitution  de  la  propriété 
sont  réglés  par  la  loi.  De  là  les  proportions  grandioses  et  la 
valeur  scientifique  de  sa  jurisprudence. 

Au  moyen  âge,  le  droit  se  dégage  laborieusement  de  l'infinie 
variété  des  conventions  et  des  coutumes,  et  il  a  fallu  plusieurs 
siècles  de  luttes  pour  le  coordonner  dans  l'unité  du  droit  mo- 
derne. 

Voilà  comment  je  conçois  l'étude  comparée  du  droit  romain 
et  des  institutions  du  moyen  âge.  Éclairée  par  la  critique,  cette 
étude  peut  être  féconde;  car  il  est  peu  de  matières  où  le  droit 
romain  n'ait  été  invoqué ,  et  où  il  n'ait  fini  par  modifier,  à  la 
longue,  les  institutions  de  notre  pays.  Mais  il  faut  se  garder  àr 
conclure  de  là  à  l'origine  romaine  de  ces  institutions.  Je  trouve 
dans  la  matière  même  des  Operx  liber torum  ,  un  exemple  de  la 
méthode  vicieuse  que  suivaient  trop  souvent,  en  pareil  cas,  les 
jurisconsultes  du  seizième  siècle. 

L'affranchi  s'obligeait  par  serment  à  la  prestation  des  operœ. 
Cnjas  et  Ragueau  ^  ne  manquent  pas,  à  ce  propos,  de  rappro- 
cher les  operce  du  droit  dejurée,  usité  sous  certaines  coutumes. 
Ce  droit  était  certaine  redevance  annuelle,  acquittée,  en  Cham- 
pagne, par  celui  qui  voulait  être  justiciable  immédiat  du  comte 
«  pour  l'honneur  qu'il  recevoit,  sortant  iraischement  d'une  ser- 
«  vitude,  d'estre  mis  au  rang  de  ceux  qui  estoient  anciens  bour- 
«  geois  ^  »  Si  l'on  veut  chercher  dansPasquier  l'étymologie  de 
ce  mot,  on  y  verra  qu'  «  au  demeurant  ce  droit  de  jurée  fut 
«  ainsi  nommé  parce  qu'il  est  vraisemblable  que  ceux  qui  se 
«  rendoient  justiciables  du  comte,  faisoient  un  nouveau  serment 
«  pardevant  le  juge  des  lieux ,  ou  bien  que  ceux  qui  estoient 
«  tous  les  ans  esleuz  pour  faire  le  département  sur  ceux  qui 
«  estoient  contribuables  à  cette  redevance ,  faisoient  le  serment 


1.  La  division  du  domaine  dont  parle  Gains  (II,  4")  n'a  aucnne  espèce  d'analogie 
avec  la  distinction  du  domaine  direct  et  du  domaine  utile.  Cette  derrdère  distinction 
est  étrangère  au  droit  romain  pur. 

2.  Cujas,  Observât.,  XVII,  14.  —  Ragueau  et  de  Laurière,  Glossaire,  v"  Jurer. 
—  A  la  même  époque,  tous  les  jurisconsultes  citent  à  profusion  le  titre  De  operis  li- 
Imtorum  à  propos  des  tailles  et  des  corvées. 

3.  Pasqiiicr,  Recherches,  IV,  7. 


42 

«  d'y  procéder  sans  faveur.  »  Ni  pour  le  fond,  ni  même  pour  la 
forme,  il  n'y  a,  comme  on  voit,  matière  à  aucun  rapproche- 
ment entre  les  operse  libertorum  et  le  droit  de  jurée  des  bour- 
geois de  Champagne, 

Gabriel  DEMANTE. 


SIGNATUUES  DU  ROI  JEAN. 


■  «»■  <m 


Il  y  a  quelques  années ,  M.  Paulin  Paris  ^  découvrit  dans  un  ma- 
nuscrit de  la  Bibliothèque  impériale  2  une  signature  du  roi  Jean.  ISous 
venons  aujourd'hui  signaler  un  second  autographe  de  ce  malheureux 
prince.  11  nous  est  fourni  par  une  lettre  close  qu'il  envoya  à  son  fils 
pendant  sa  captivité ,  et  dont  nous  donnons  le  texte  d'après  l'original 
en  papier  conservé  à  la  Bibliothèque  impériale,  dans  la  collection  de 
dom  Grenier  3. 

A  nostre  très-cher  fils  le  duc  de  Normandie  dalphin  de  Vien- 
nois. 

De  par  le  roy. 

Charles,  comm^e  pièça  vous  eussions  fait  dire  de  par  nous  par 
Jehan  de  Dainville,  nostre  escuier,  que  l'office  de  la  chastellenie 
de  Lonchamp  *  en  la  forêt  de  Lions  nous  avions  octroiée  à  Guer- 
riot  Haubergon  ,  nostre  vallet  trenchant,  \acant  par  la  mort  de 
Jehan  Boudarl '^^  qui  le  tenoit,  et,  avant  ce  que  vous  sceussiez 
nostre  volenté,  eussiez  le  dit  office  donné  à  Jehan  de  Montigny  ; 
mais,  non  obstant  ce ,  feistes  response  au  dit  Jehan  de  Dainville 
que,  se  il  nous  plaisoit  que  le  dit  Guerriot  eust  le  dit  office, 
vous  voulies  que  il  l'eust  et  le  li  feries  mettre  au  délivre.  Si  sa- 
vons bien  que  le  dit  Guerriot  n'en  fist  onques  puis  nulle  pour- 
suitte,  combien  que  il  ait  plus  cher  le  dit  office  que  nul  autre 
profit  ailleurs,  et  pour  cause.  Si  nous  plairoitbien  que  il  l'eust, 
et  vous  saurions  bon  gré  de  le  li  mettre  au  délivre ,  pour  ce  que 
nous  le  li  donames  et  que  à  lui  seroit  bien  séant  et  aussi  que  de 
li  et  de  son  service  nous  nous  tenons  à  bien  content.  Et  au  dit 
Jehannin  de  Montigny  faittes  et  pourveez  d'aucun  autre  prof- 
fit  ailleurs.  Donné  à  Londres,  le  XIX"  jour  de  juillet.  Jehan. 


t.  Manuscrits  françols,  I,  79. 

2.  Fonds  français,  n»  674;}. 

3.  Vol.  238  (autrefois  paq.  27,  art.  %,  A). 

4.  Longchamp,  déparleraeiit  de  l'Kure,  canton  d'Élrépagui . 

5.  Sur  ce  porsoniiaî^e,  voy,  le  P.  Anselme,  VIII,  619.  ' 


44 

La  lettre  est  sans  date  d'année  ;  mais,  comme  ie  roi  Jean  resta  sur  le 
sol  anglais  du  4  mai  1357  au  5  juillet  136o  ^  et  que  nous  savons  qu'il 
passa  le  mois  de  juillet  1359  au  château  de  Hereford  2,  il  est  certain 
que  notre  lettre  appartient  à  l'année  1357  ou  à  l'année  1358. 

1.  Douet  d'Arcq,  Comptes  de  Vargenterie,  p.  278. 

2.  Ib.,  p.  279. 

A.  GIRAUD. 


SÉANCE  PUBLIQUE 

DE  L'ACADËMIË 

DES  INSCRIPTIONS  ET  BELLES-LETTRES. 


C'est  le  18  août  dernier  que  l'Académie  des  inscriptions  et 
belles -lettres  a  tenu  sa  séance  publique,  sous  la  présidence  de 
M.  Lenormant.  Si,  cette  année,  l'École  des  chartes  n'a  obtenu  que 
de  modestes  succès  aux  concours  ouverts  par  l'Académie ,  elle 
n'en  regarde  pas  moins  la  dernière  séance  comme  une  solennité 
dont  le  souvenir  doit  être  religieusement  conservé  dans  ses  an- 
!)ales.  Aucun  de  nous,  en  effet,  n'est  resté  indifférent  à  l'hom- 
mage rendu  à  la  mémoire  de  notre  illustre  confrère  Eugène 
Burnouf.  C'est  donc  un  devoir  pour  nous  de  reproduire  ici  les 
principaux  passages  du  discours  de  M.  Naudet. 

Après  avoir,  dans  la  première  partie  de  sa  Notice  historique , 
raconté  la  vie  de  M.  Burnouf  père,  et  décrit  la  position  précaire 
dans  laquelle  il  se  trouvait  quand  son  fils  Eugène  naquit,  le  8 
avril  1801,  M.  le  secrétaire  perpétuel  a  continué  en  ces  termes  : 

....  Mais  à  peine  Eugène  Burnouf  commença-t-il  à  se  connaître, 
qu'il  n'avait  plus  à  être  témoin  ni  à  souffrir  sa  part  de  ces  misères.  Tout 
souriait  autour  de  lui ,  chez  lui  ;  tout  respirait  l'allégresse  dans  le  bien- 
être  de  la  fortune  présente,  dans  la  sécurité  de  l'avenir  garanti  par  le 
mérite  et  le  courage.  Le  père  de  famille  venait  d'être  rendu  à  la  dignité 
de  sa  vocation,  à  sa  patrie  littéraire,  à  sa  liberté  studieuse;  et  l'enfant, 
plus  favorisé  que  lui,  n'eut  pas  à  recevoir  du  secours  d'autrui  le  bienfait 
de  l'éducation  ;  il  trouvait  dans  la  maison  paternelle  le  maître  qu'il  eût 
choisi  entre  tous,  s'il  avait  eu  à  choisir. 

Ses  progrès  furent  brillants  et  rapides  ,  mais  non  hâtés  prématuré- 
ment, par  urgence  et  par  contrainte.  A  un  tel  disciple,  il  n'était  pas 
besoin  de  l'instance  du  pédagogue  ;  et  un  tel  mentor  voulait  que,  dans 
cette  intelligence  dont  il  observait  avec  bonheur  les  qualités  rares  et 
la  vigueur  naissante,  l'instruction  fût  le  fruit  du  libre  amour  d'appren- 


46     - 

dre.  Hélas  !  E.  Burnouf  n'a  que  trop  bien  rempli,  trop  persisté  à  remplir, 
à  dépasser  de  tels  vœux. 

Son  père  ,  attentif  à  interroger  tous  ses  instincts  précoces  et  à  leur 
offrir  les  objets  d'application  les  plus  divers  et  les  plus  solides,  le  con- 
duisit, en  sortant  du  collège  ,  aux  leçons  de  l'École  des  chartes.  Elle 
n'existait  alors  qu'en  germes,  en  rudiments,  et  ne  laissait  point  soup- 
çonner, ne  soupçonnait  pas  elle-même  les  heureux  développements 
que  son  organisation  recevrait  un  jour,  et  qui  l'ont  placée,  depuis 
quelques  années,  au  rang  des  établissements  les  plus  notables  d'ins- 
truction publique.  Toutefois  les  conversations,  je  ne  dirai  pas  les  cours, 
du  savant  abbé  de  l'Épine ,  et  les  essais  de  lectures  paléographiques 
sous  sa  direction ,  avaient  bien  quelque  analogie  avec  les  déchiffrements 
d'autres  manuscrits  dont  le  jeune  étudiant  devait  un  jour  pénétrer  les 
obscurités;  et  ce  fut  pour  lui,  sans  qu'il  s'en  doutât,  comme  une 
gymnastique  préparatoire  pour  des  travaux  plus  ardus. 

Il  suivit ,  dans  le  même  temps ,  les  cours  de  l'École  de  droit  avec 
plus  de  persévérance  et  d'éclat,  et  il  y  signalait  la  fin  de  ses  exercices 
par  une  thèse  dont  elle  a  gardé  le  souvenir.  Ainsi  s'ouvrait  devant  lui 
la  carrière  du  barreau,  où  son  père  désirait  l'engager,  et  à  laquelle 
paraissaient  l'appeler  ses  facultés  baillantes  et  solides.  Mais ,  par  les 
habitudes  de  la  maison  ,  par  les  entraînements  involontaires  et  conti- 
nuels des  discours  et  des  exemples ,  M.  Burnouf  déconcertait  lui-même 
ses  projets  pour  l'état  de  son  fils.  Tous  les  entretiens  roulaient  sur  la 
philosophie  du  langage ,  sur  les  grammaires  comparées,  sur  l'histoire 
de  la  parole,  et  le  jeune  élève  en  droit  y  prenait  un  plaisir  singulier, 
et  s'y  faisait  déjà  remarquer  par  la  sagacité  de  ses  réflexions  et  de  ses 
aperçus. 

C'était  le  temps  où  M:  de  Chezy  venait  d'inaugurer  l'enseignement 
public  du  sanscrit  en  Europe.  M.  Burnouf  père  se  fit  aussitôt  le  plus 
assidu  de  ses  disciples,  et  en  1819,  dans  la  sixième  édition  de  sa  Gram- 
maire grecque ,  il  déposait  le  fruit  de  ses  récentes  études ,  révélant  à 
ses  collègues  de  l'Université  la  communauté  d'origine  des  dialectes 
helléniques  avec  le  sanscrit.  La  révélation  se  faisait  aussi  pour  E.  Bur- 
nouf, et  l'inspiration  s'ensuivit,  et  le  changement  des  desseins  pour 
l'avenir.  Son  père  ne  voulut  pas  le  contrarier,  et  c'eût  été  un  irrépa- 
rable dommage  pour  la  lumière  des  lettres  qu'il  en  fût  arrivé  autrement. 
Les  avocats  ne  manqueront  jamais  aux  passions  des  plaideurs  et  à  la 
gloire  de  l'éloquence;  mais  l'érudition  ne  rencontre  pas  aussi  aisément 
de  ces  esprits  merveilleusement  doués,  et,  par  fortune  rare,  unis  à  on 
caractère  de  modestie  et  de  constance  qui  les  élève  et  les  maintient 


47 

dans  les  régions  supérieures  aux  tentations  d'intérêt  et  d'ambition , 
auxquelles  les  exposerait  plus  que  d'autres  l'énergie  même  de  leurs  émi- 
nentes  facultés. 

Les  leçons  de  M.   de  Chezy  achevèrent  très-heureusement 

de  ruiner  les  projets  de  profession  lucrative  qu'on  avait  formés  pour 
E.  Burnouf.  Son  père  avait  commencé  par  mégarde  et  malgré  lui  d'en 
faire  un  philologue  ;  M.  de  Chezy  en  fit  un  indianiste  qui  ne  fut  pas  de 
son  école. 

Chezy,  douce  et  mélancolique  nature  ,  imagination  élégante  et  clas- 
sique ,  s'était  épris  surtout  des  formes  et  de  la  poésie  de  ce  langage  qui 
lui  semblait  une  émanation  de  l'Éden;  et,  soit  esprit  de  système,  soit 
désir  d'attirer  plus  facilement  son  auditoire  à  cette  littérature  incon- 
nue, il  n'en  montrait  les  beautés  que  parées  de  gaze  et  de  broderies,  et 
il  s'appliquait  à  ramener  aux  proportions  et  au  dessin  de  la  physiono- 
mie française  ces  étranges  et  gigantesques  figures,  substituant  un  idéal 
artificiel  à  l'idéal  véritable. 

E.  Burnouf  se  proposa  un  objet  plus  viril  et  plus  sérieux  ,  il  voulut 
rechercher  les  traces  de  la  filiation  des  peuples ,  les  liens  de  parenté 
entre  l'Orient  et  l'Occident,  et  les  titres  héréditaires  des  races  euro- 
péennes, conservés  dans  les  analogies  des  signes  de  la  pensée  ;  démêler 
et  promulguer  les  lois  de  décomposition  des  idiomes  originaires  dans 
les  langues  anciennes  et  dans  les  langues  modernes ,  retrouver  enfin 
par  la  grammaire  les  grandes  époques  de  l'histoire  de  la  famille  hu- 
maine. 

A  la  fin  du  siècle  dernier,  l'Angleterre ,  grâce  aux  succès  de  ses  ar- 
mes et  de  sa  politique  dans  la  presqu'île  du  Gange,  obtenait  sur  la 
France  un  avantage  scientifique  dont  elle  n'avait  pas  sans  doute  alors 
le  loisir  d'être  sensiblement  touchée.  Elle  devança  la  France  dans  la 
connaissance  et  la  pratique  de  la  langue  sacrée  des  Hindous. 

Nous  dûmes  à  E.  Burnouf  de  reconquérir  la  priorité  dans  plusieurs 
branches  de  cette  science,  et  la  supériorité  à  certains  égards.  Des  dic- 
tionnaires, des  grammaires,  des  livres  en  quelque  sorte  usuels,  des  tra- 
ductions de  poèmes ,  étaient  le  fruit  d'un  estimable  labeur  aidé  par  les 
brahmanes  et  borné  à  la  littérature  sanscrite.  Ce  qui  avait  été  jus- 
qu'alors le  but  final  des  études  ne  fut  pour  E.  Burnouf  qu'un  instru- 
ment. 

Il  se  sentait  attiré  et  poussé  vers  les  parties  inconnues  et  les  moins 
accessibles  de  la  science,  non  par  un  caprice  d'orgueil  pour  la  difficulté 
à  vaincre,  ni  par  une  manie  d'innovation  et  de  singularité,  mais  par 
la  conscience  en  quelque  sorte  d'une  obligation  spéciale  et  personnelle, 


48 

et  par  l'autorité  d'une  voix  intérieure  qui  l'avertissait  qu'il  y  avait  là 
une  vérité  à  découvrir,  appréciable  seulement  au  petit  nombre,  et  en- 
veloppée d'ombres  si  épaisses,  cachée  dans  les  profondeurs  si  abstruses, 
que,  pour  l'atteindre  ou  seulement  la  poursuivre,  il  fallait  un  homme 
qui,  à  la  vivacité  pénétrante  et  à  la  ténacité  invincible  de  l'esprit, 
joindrait  une  parfaite  abnégation  de  la  renommée  facile  et  populaire. 

Imaginons  que  dans  un  de  ces  pays  lointains  de  la  haute  Asie ,  dont 
les  habitudes  de  langage  sont  séparées  des  nôtres  par  la  différence  si 
profonde  des  systèmes  d'écriture  et  de  prononciation  et  des  procédés 
de  syntaxe  et  de  grammaire ,  on  entende  parler  de  latin  pour  la  pre- 
mière fois,  et  que  pour  la  première  fois  on  en  lise,  on  en  explique  des 
exemples  écrits  ;  imaginons  qu'un  docte  brahmane  apprenne  la  vieille 
itinité  d'une  manière  si  nette  et  si  sûre ,  qu'ayant  rencontré  ensuite 
des  manuscrits  de  théologie  subtile,  de  scolastique  obscure  en  langue 
italienne,  il  sache  tout  d'abord,  à  travers  les  altérations  des  radicaux, 
les  déformations  des  désinences,  les  idiotismes  de  création  relativement 
récente  et  les  mélanges  de  sources  étrangères ,  deviner  les  rapports 
originels  des  deux  langues,  puis  déterminer  les  lois  de  dégénérescence 
et  de  transfiguration  de  la  première  en  la  seconde,  et  enfin  composer 
du  dépouillement  des  manuscrits  un  dictionnaire  et  une  grammaire,  et 
reconstruire  ainsi  une  langue  ignorée  chez  lui  :  on  admirerait  un  tel 
prodige  de  logique  et.de  sagacité. 

Voilà  ce  que  fit  E.  Burnouf  pour  la  langue  pâlie,  issue  du  sanscrit, 
comme  l'italien  du  latin  ;  voilà  son  coup  d'essai  à  l'âge  de  vingt-cinq 
ans.  Il  faut  dire  qu'il  s'était  associé  dans  cette  entreprise  un  de  ses  con- 
disciples au  collège  de  France,  nom  célèbre  aussi,  M.  Lassen,  pour  qui 
ne  furent  point  interrompues  dans  la  suite  ses  communications  ami- 
cales et  confidentielles. 

Dès  lors  E.  Burnouf  comptait  entre  les  maîtres  de  premier  ordre 
dans  l'estime  des  juges  compétents.  L'Université  voulut  l'engager  dans 
Tes  rangs  de  ses  professeurs,  non  pas  pour  un  enseignement  ordinaire  , 
mais  pour  la  fondation  d'une  chaire  dont  on  n'avait  pas  encore  eu  l'idée, 
quoiqu'elle  dût  être  la  hase  et  le  couronnement  de  toutes  les  autres 
dans  l'ordre  des  lettres. 

....E,  Burnouf,  dansson  cours  de  l'Écolenormale,  créa  l'enseignement 
de  la  grammaire  comparée  en  France.  Le  professeur  était  tout  au  plus 
l'aîné  de  son  auditoire  ;  il  le  domina  tout  d'abord,  à  défaut  de  l'autorité 
des  ans,  par  l'ascendant  de  l'intelligence.  Cette  jeunesse  de  l'Ecole , 
instruite  assez  pour  acquérir  l'instruction  supérieure  et  définitive ,  et 
pour  juger  ceux  qui  la  lui  donnent,  sévère,  mais  équitable,  comme  on 


49 

l'est  à  cet  âge,  goûta  avidement  et  reçut  avec  respect  cette  doctrine 
austère,  forte  et  lucide.  C'était  pour  eux  la  science  nouvelle,  dont  ils 
n'avalent  point  vu  d'exenople  dans  les  livres,  ni  de  modèle  dans  les 
cours  publics ,  et  qui  leur  offrait  le  double  intérêt  de  la  solidité  du  fond 
et  de  l'excellence  de  la  méthode.  Avec  quel  soin  ils  recueillaient  dans 
leurs  cahiers  la  substance  de  ces  entretiens  si  utiles  !  Avec  quelle  fidé- 
lité ils  se  sont  transmis  de  promotion  en  promotion  et  se  rappellent 
encore  cette  tradition  écrite ,  comme  parole  du  maître  et  oracle  de 
l'École  ! 

L'épidémie  de  1832  éprouva  cruellement  le  collège  de  France;  trois 
de  ses  professeurs,  dans  la  maturité  de  l'âge,  du  talent,  des  succès,  trois 
inaugurateurs  de  cours  sans  précédents  en  Europe,  succombèrent.  Mais 
le  sein  de  la  France  est  inépuisable  à  réparer  les  désastres  causés  par 
les  fléaux  de  la  nature  ou  par  les  fautes  des  hommes:  à  Champollion , 
le  révélateur  de  l'antique  Egypte,  succédait  Letronne ,  l'interprète  de 
l'Egypte  grecque  et  romaine;  à  l'ingénieux  Abel  Rérausat,  un  homme 
qui  a  reçu  du  ciel  le  don  des  langues,  et  qui  a  pris  le  pas  devant  tous 
les  sinologues  de  l'Occident  '  ;  à  de  Chézy,  E.  Burnouf. 

Je  n'ai  pas  eu  le  bonheur  d'assister  à  son  cours;  mais  j'ai  souvent 
ouï  dire  à  ceux  qui  l'ont  suivi  qu'on  ne  connaît  pas  tout  à  fait  E.  Bur- 
nouf ,  quand  on  n'a  point  entendu  cette  parole  tour  à  tour  familière  et 
élevée,  aiguisée  et  douce,  grave  et  passionnée,  toujours  claire,  naturelle 
et  facile  ;  ces  démonstrations  sur  des  sujets  obscurs,  toujours  compré- 
hensibles aux  cerveaux  les  moins  ouverts  ;  ces  réflexions  profondes  et 
inattendues  sur  l'histoire  du  langage  ;  ces  aperçus  vastes  et  nouveaux 
sur  la  marche  de  l'esprit  humain  ;  cette  logique  si  forte  et  si  agile  à 
saisir  les  rapports  les  plus  capricieux,  les  subtilités  les  plus  fugitives , 
les  fantaisies  les  plus  rêveuses  de  la  pensée  indienne ,  que  cette  force 
devenait  une  beauté ,  cette  agilité  une  grâce  qui  charmait  l'auditoire 
en  l'instruisant. 

Mais  l'instruction  qui  semblait  couler  par  un  jet  si  naturel  de  cette 
source  abondante  ne  se  livrait  pas  gratuitement  à  celui  qui  la  prodi- 
guait aux  autres.  De  ces  leçons  qui  se  répétaient  deux  fois  par  semaine , 
il  n'y  en  avait  pas  une  qui  ne  lui  coûtât  sept  ou  huit  heures  de  prépa- 
ration :  exemple  à  méditer  pour  qui,  dans  le  ministère  du  professorat, 
se  croirait  dispensé  d'un  labeur  assidu  par  la  science  acquise  et  par  les 
dons  de  l'esprit,  E.  Burnouf  continua  ainsi  vingt  années,  non-seule- 
ment avec  la  régularité  soutenue  du  devoir ,  mais  avec  la  passion  ar- 

(t)  M.  Stanislas  Julien. 

I.  {Quatrième  s^rie.)  .  4 


50 

dente  de  l'apostolat ,  pour  un  petit  nombre  d'auditeurs ,  ces  apparentes 
improvisations,  qui,  par  l'unité  du  plan  et  par  l'élégante  correction  du 
discours,  furent  comme  un  grand  et  excellent  livre. 

Pourquoi  n'en  a-t-il  pas  répandu  dans  le  monde  et  conservé  pour 
l'avenir  quelques  pages  au  moins  par  l'impression  ?  Mais  il  était  trop 
enfermé  dans  le  silence  laborieux  de  son  cabinet  pour  se  livrer  aux 
distractions  de  la  publicité.  Et ,  quand  il  avait  rempli  son  devoir  de 
professeur,  la  liberté  des  travaux  de  son  choix  ne  se  portait  pas  sur  des 
terrains  ameublis  et  préparés  pour  la  moisson;  il  lui  fallait  des  landes 
et  des  forets  sauvages  à  défricher. 

Observons  que  pour  lui  s'effaçaient  les  différences  de  pays  et  de  na- 
tions dans  le  domaine  de  la  science;  il  n'y  voyait  que  le  patrimoine 
universel  et  indivis  du  genre  humain  ,  et  il  s'abstenait  d'entreprendre 
ce  qui  lui  paraissait  bien  entrepris  ailleurs ,  soit  par  un  sentiment  de 
délicatesse  à  l'égard  des  personnes,  soit  pour  éviter,  dans  l'intérêt  com- 
mun, un  double  emploi  des  forces. 

C'est  ce  qui  détermina  plus  tard ,  lorsqu'il  eut  à  choisir  le  sujet  d'une 
publication  sous  les  auspices  du  gouvernement,  sa  préférence  pour  un 
des  Pouranas ,  à  l'exclusion  des  Védas.  Il  n'était  pas  possible  que  l'Im- 
primerie impériale  ne  demandât  pas  à  l'illustre  professeur  de  sanscrit 
la  traduction  d'un  ouvrage  pour  sa  splendide  collection  orientale.  Des 
savants  d'Allemagne  et  d'Italie  avaient  commencé  ou  annonçaient  les 
éditions  traduites  des  principaux  monuments  de  la  littérature  sacrée 
de  rinde:  tranquille  de  ce  côté,  il  prit  pour  lui  la  part  la  plus  humble 
et  la  plus  fastidieuse ,  le  Baghavata-Pourana ,  et  il  la  traita  comme  si 
elle  eût  été  la  plus  magnifique.  L'exécution  la  rendit  telle  en  effet. 

Vers  la  fin  du  siècle  dernier,  la  France  délicate ,  voluptueuse  et  fri- 
vole de  Louis  XV  s'entretint  pendant  quelques  jours,  les  uns  avec  ad- 
miration, les  autres  avec  une  pitié  railleuse,  d'un  savant,  d'un  héros 
qui,  n'ayant  pas  assez  de  bien  pour  payer  son  passage  aux  Indes, 
s'enrôla  dans  une  troupe  de  marine,  puis  traversa  quatre  cents  lieues 
de  pays  inconnus  et  sans  routes,  sous  le  soleil  des  tropiques,  souffrit 
la  faim,  la  soif,  le  plus  triste  déniîment,  plusieurs  maladies  ordinaire- 
ment mortelles  dans  ces  climats ,  les  humiliations  de  la  mendicité  et 
de  la  servitude,  lutta  contre  les  périls  et  les  dégoûts  que  lui  suscitaient 
des  haines  superstitieuses,  tout  cela  pour  rapporter  dans  sa  patrie  les 
textes  avec  une  traduction  des  livres  religieux  de  la  Perse  antique. 

Anquetil-Duperron  publia ,  en  1771,  sa  traduction  du  Zend- 

Avesta,  et  déposa  à  la  Bibliothèque  du  roi  dix-huit  manuscrits  zends, 
ou  pehlvis ,  qui  devaient  servir  à  vérifier  l'exactitude  de  sa  version  ; 


51 

car  il  voulait ,  avant  tout ,  uniquement  la  vérité,  qu'elle  vint  de  lui  ou 
par  un  autre,  dùt-il  encourir  les  rigueurs  de  la  critique. 

...  Longtemps  son  livre  fut,  pour  tous  ceux  qui  écrivaient  sur 
l'histoire  des  adorateurs  d'Ormuzd ,  une  autorité  fondamentale  et  in- 
dubitable. Cependant  on  n'avait  encore  du  Zend-Avesta  qu'une  ver- 
sion dont  personne,  en  comptant  le  traducteur  lui-même,  ne  lisait  bien 
l'original ,  personne  en  Europe  ni  en  Asie,  personne  chez  les  Perses 
mêmes  de  l'Inde,  qui  le  gardaient  comme  gage  et  symbole  de  leurs 
croyances. 

Enfin ,  poussé  par  son  instinct  d'investigation  et  par  un  de  ces  pres- 
sentiments que  le  ciel  envoie  à  ceux  qui  ont  su  s'y  préparer,  E.  Burnouf 
examina  les  manuscrits  zends  d'Anquetil-Duperron,  Il  avait,  de  plus 
que  lui,  une  traduction  sanscrite  du  Zend-Avesta,  mais  qui  n'était 
encore  qu'une  traduction  de  la  traduction  pehlvie,  tant  la  connaissance 
de  la  parole  primitive  s'était  retirée  du  commerce  des  hommes  dans 
une  profondeur  ténébreuse.  E.  Burnouf  aperçut,  malgré  les  altérations 
subies  dans  ces  transmissions  successives,  l'identité  d'origine  entre  le 
zend  et  le  sanscrit.  Le  voilà  sur  la  route,  il  ne  se  reposera  pas  qu'il  n'ait 
touché  le  but. 

Il  veut  réhabiliter  et  d'abord  ressusciter  une  littérature  qu'on  com- 
mençait à  rejeter  dans  le  néant  des  inventions  apocryphes  et  des  décep- 
tions ridicules. 

Cuvier  refait ,  avec  un  os  maxillaire  ou  un  fragment  de  tibia ,  toute 
une  espèce  perdue.  E.  Burnouf,  résolvant  chaque  mot  du  texte  zend 
en  ses  parties  les  plus  élémentaires,  recherchant  à  la  trace,  ressaisissant 
les  radicaux  dans  les  Védas,  dans  le  grec,  dans  le  latin,  et  jusque  dans 
les  idiomes  germaniques,  dégageant  les  accessoires  modifîcatifs  et  les 
expliquant  par  l'analogie,  recompose  et  ranime  la  parole  morte,  la 
la  pensée  ensevelie  dans  la  poussière  des  nations  éteintes.  Il  a  dit  à 
ce  livre  inaccessible  et  muet  depuis  des  milliers  d'année  :  «  Tu  sor- 
tiras de  ton  antique  silence ,  tu  seras  entendu  des  races  vivantes,  » 
et  le  miracle  s'opère.  Demandez  aux  orientalistes,  à  ses  savants  amis 
qui  ont  assisté  aux  progrès  de  ce  travail  immense  dans  ses  résultats 
d'une  si  minutieuse  exactitude  dans  le  détail  ;  demandez-leur  par  quels 
prodiges  de  sagacité  et  de  persévérance  il  a  pu  arracher  à  ce  sphinx 
de  l'antiquité  des  secrets  qu'il  tenait  cachés  sous  le  voile  de  caractères 
indéchiffrables  et  de  signes  inconnus,  déchirer  maille  par  maille  ce 
tissu  mystérieux,  qui  avait  désespéré  les  curieux  et  pieux  efforts  de  tant 
de  générations ,  tirer  de  ces  obscures  énigmes  l'histoire  lumineuse 
et  authentique  d'une  langue  et  d'une  religion  ,  et  parvenir  à  nous 

4. 


52 

donner  le  dictionnaire  et  la  grammaire  de  l'idiome  qui  se  parlait  chez 
les  ancêtres  de  Zoroastre  et  de  Darius,  fils  d'Hystaspe. 

E.  Burnouf  avait  alors  trente-deux  ans. 

La  solution  de  ce  problème  lui  donnait  la  clef  d'un  autre  non  moins 
compliqué,  non  moins  important.  Que  pouvaient  signifier  les  pages 
écrites  sur  les  rochers  de  Persépolis  et  d'Hamadan  en  traits  bizarres, 
inextricables,  devant  lesquelles  tant  de  siècles  avaient  passé  sans  y 
comprendre  rien,  depuis  que  TAsie,  hellénisée  par  la  conquête  d'A- 
lexandre et  le  règne  des  Séleucides,  avait  vu  ensuite  les  derniers  restes 
des  traditions  persanes  fuir  au  loin  l'invasion  de  l'islamisme  ou  se 
perdre  sous  son  empire?  Sur  des  rapprochements  ingénieux  de  cir- 
constances locales  et  de  quelques  récits  des  auteurs  grecs,  sur  des 
présomptions  tirées  de  la  place  et  du  retour  de  certains  mots,  on  avait 
tenté  un  essai  d'interprétation  probable,  hasardeuse;  Grotefend  avait 
deviné  les  noms  de  Darius  et  de  Xerxès;  Saint-Martin  et  le  docteur 
Rask  de  Copenhague ,  le  titre  de  roi  des  rois.  Mais,  pour  déterminer 
la  valeur  de  ces  caractères  et  de  ces  syllabes,  connaissait-on  l'ortho- 
graphe des  mots?  Savait-on  à  quelle  langue  ils  appartenaient?  On 
conjecturait  très-habilement,  très-doctement,  mais  on  ne  savait  pas 
lire.  L'interprète  des  textes  zends  débrouilla  ces  obscurités,  et  remplaça 
les  hypothèses  par  l'explication  démonstrative.  11  connut,  lui,  le 
langage  de  l'inscription.  Il  rétablissait  les  mots  orthographiquement, 
et  des  mots  rétablis  il  déduisait  les  caractères,  il  lisait;  il  était  près 
de  rendre  aux  vieilles  annales  de  [la  Perse  un  ordre  nouveau  de  mo- 
numents historiques,  autant  que  les  actes  officiels  peuvent  enseigner 
le  vérité  de  l'histoire,  autant  que  le  témoignage  de  l'historiographe 
peut  égaler  le  récit  de  l'historien. 

Là  E.  Burnouf  est  encore  le  premier,  et  nul  ne  peut,  même  en  se 
prévalant  d'une  priorité  de  publication,  lui  disputer  l'initiative,  la 
priorité  de  la  découveite. 

On  ne  sait  ce  qu'il  faut  le  plus  admirer  en  lui ,  de  cette  force 
d'intuition  qui  triomphait  des  sujets  les  plus  réfractaires,  ou  de  cette 
application  consciencieuse  à  préparer  la  matière  de  ses  ouvrages.  Pour 
l'édition,  avec  traduction  en  regard,  du  Baghavata-Pourana ,  vingt 
mille  vers  scandés,  vérifiés  un  à  un ,  toute  la  métrique  notée,  toutes  les 
variantes  recueillies.  Pour  ses  autres  livres,  des  centaines  de  manus- 
crits zends,  sanscrits,  palis,  et  des  divers  dialectes,  disséqués  mot 
par  mot,  tous  les  mots  transportés  en  caractères  parfaitement  peints 
sur  des  cahiers  dans  un  ordre  alphabétique,  avec  l'indication  des 
radicaux  et  l'explication  des  formes  grammaticales;  des  traductions 


53 

littérales  de  la  plupart  de  ces  écrits,  liturgies,  poëraes  ou  histoires; 
enfin  plus  de  dix  mille  pages  in-folio  remplies  de  ces  études  élémen-^ 
taires  d'un  maître  consommé,  dont  lui  seul  était  capable  :  voilà  ce 
qu'il  laisse  inédit.  Je  lésai  vues,  je  les  ai  touchées,  ces  précieuses  reli- 
ques de  celui  qu'on  a  justement  appelé  un  érudit  de  génie,  et  qui  était 
persuadé  que  le  génie  ne  peut  vivre  et  mûrir  qu'à  la  chaleur  continue 
du  travail. 

. . .  C'est  à  une  telle  probité  de  méthode  que  nous  devons,  avec  le 
Lotus  de  la  bonne  loi,  V Introduction  à  r histoire  du  bouddhisme^  expo- 
sition et  histoire  d'une  espèce  de  religion  athée,  embrassée  aujourd'hui 
par  deux  cents  millions  de  sectateurs,  qui  n'a  cessé  d'agiter  et  de  réfor- 
mer l'Asie  orientale  depuis  plus  de  vingt-cinq  siècles. 

...  Un  Anglais,  ou  plutôt,  par  la  libéralité  de  son  caractère,  un 
citoyen  du  monde  savant,  M.  Hodgson,  avait  procuré,  par  son  entre- 
mise, et  aussi  par  ses  propres  dons,  à  la  Société  asiatique  de  Paris,  qua- 
tre-vingt-huit manuscrits  rassemblés  dans  le  Népal,  foyer  primitif  du 
bouddhisme  ;  c'étaient  les  textes  originaux  de  la  doctrine.  On  n'avait  eu 
jusqu'à  présent  que  des  traductions  pâlies,  cinghalaises,  thibétaines, 
mongoles. 

Il  fallait  non-seulement  lire,  interpréter,  comparer  des  centaines  de 
traités  nébuleux  et  confus,  mais  discerner  les  âges  des  traditions  qu'ils 
renferment,  à  la  brièveté  élémentaire  ou  aux  amplifications  successives 
des  préceptes  de  mœurs  et  de  liturgie,  à  la  simplicité  native  ou  à  l'élé- 
gance plus  ou  moins  ornée  de  l'exposition,  aux  formes  plus  ou  moins 
vieillies  du  langage,  et,  de  plus,  exercer  cette  critique  d'une  philologie 
si  délicate,  d'un  sentiment  littéraire  si  fin,  sur  des  écrits  et  des  idiomes 
tels,  que  c'est  avoir  déjà  beaucoup  profité  que  d'en  pouvoir  comprendre 
bien  quelques-uns.  Voilà  ce  qu'il  fit  avec  un  plein  succès. 

Il  n'est  pas  possible  de  satisfaire  à  tout  et  à  tous  ;  le  monde  se  plai- 
gnait de  lui ,  et  le  monde  avait  raison  à  son  point  de  vue.  Pourquoi 
refuser  au  commerce  de  la  société  les  dons  heureux  qui  pouvaient  en 
faire  l'ornement  et  l'agrément  à  la  fois  ;  ce  bon  ton,  cette  bonne  grâce 
de  manières  et  de  langage,  cette  solidité  de  conversation  revêtue  d'élé- 
gance, instructive  sans  pédanterie,  aimable  sans  affectation,  ce  ton 
exquis  d'une  douce  malice  qui  se  jouait  avec  tant  de  finesse  et  de  légè- 
reté sur  ses  lèvres  pour  s'échapper  en  traits  inattendus  et  piquants,  et, 
ce  qui  réussit  plus  que  toute  autre  chose  auprès  des  hommes  qui  veulent 
qu'on  les  amuse,  l'art  de  se  moquer  d'eux  sans  qu'il  y  paraisse  ?  Abel 
Rémusat  l'avait  connu  tout  jeune  encore,  et  s'était  attaché  à  lui  pur 
goût  et  par  sympathie  ;  c'étaient  deux  esprits  de  même  race. 


54 

Mais  le  monde  réclamait  inutilement.  Le  moyen  d'aller  veiller  le  soir 
dans  les  salons?  Il  serait  rentré  souvent  à  l'heure  où  sa  matinée  com- 
mençait; car  il  ne  se  croyait  matinal  qu'en  se  mettant  à  l'ouvrage  à 
trois  heures  après  minuit.  Il  ne  sortait  guère  que  pour  vaquer  à  ses  de- 
voirs d'académicien  et  d'inspecteur  des  caractères  orientaux  à  l'Impri- 
merie impériale.  Et  ne  trouvait-il  pas  chez  lui,  dans  les  entretiens  de 
quelques  amis  et  au  sein  de  sa  famille,  tout  ce  qui  plaît  à  l'esprit  et  au 
cœur? 

Cependant  de  tels  hommes,  quelle  que  soit  leur  modestie,  ne  peuvent 
pas  s'ignorer  eux-mêmes;  ils  ont  conscience  de  ce  dont  ils  sont  capa- 
bles, et,  partant,  de  ce  qu'on  a  droit  d'exiger  d'eux.  E.  Burnouf  pressen- 
tait tous  les  services  qu'il  rendrait  à  l'Académie  par  l'aménité  attrayante 
de  son  esprit,  par  la  vertu  pratique  autant  que  spéculative  de  son  in- 
telligence, par  le  tempérament  conciliant  de  son  caractère,  si  la  compa- 
gnie venait  un  jour  à  lui  confier  le  soin  de  son  régime  intérieur.  Dans 
sa  pensée,  le  bien  qu'il  pouvait  faire  devenait  un  devoir;  ses  amis  l'en- 
courageaient dans  ce  dessein  ;  et  ce  fut  une  des  fortes  préoccupations, 
une  des  visées  dominantes  de  sa  vie  académique,  et  à  laquelle  il  fit  même 
de  certains  sacrifices. 

Une  circonstance  extraordinaire  vint  tout  à  point  pour  vérifier  cette 
destinée  et  autoriser  une  si  légitime  prétention. 

Au  lendemain  du  renversement  d'une  tyrannie  très-débonnaire,  lors- 
que surgit  une  liberté  qui  faisait  peur,  le  gouvernement  rendit  à  l'Ins- 
titut ses  comices  trimestriels  intérieurs  des  cinq  Académies.  Certains 
moralistes  arithméticiens  ont  remarqué  que  la  facilité  des  délibérations 
n'augmente  pas  toujours  eu  proportion  du  nombre  des  délibérants,  et 
que,  même  chez  les  gens  d'esprit,  l'intelligence  commune  de  l'assemblée 
n'est  pas  toujours  égale  à  la  somme  des  intelligences  individuelles. 
E.  Burnouf  se  trouvait,  cette  année,  président  de  l'Institut.  Ceux  qui  ne 
le  connaissaient  pas  auraient  pu  craindre  que,  sortant  pour  la  première 
fois  de  l'ombre  de  son  cabinet,  il  n'éprouvât  quelque  embarras  à  domi- 
ner ce  forum  ou  plutôt  ce  sénat  littéraire.  Il  commença  par  atteindre  le 
modèle  de  la  perfection.  Empêcher  les  discours  de  se  heurter  confusé- 
ment sans  froisser  l'amour-propre  de  personne  et  sans  tenir  le  frein  trop 
serré  à  la  discussion,  ramener  dans  le  droit  chemin  et  à  l'unité  les  opi- 
nions qui  se  dispersent  et  se  fourvoient,  faire  respecter  l'autorité  de  la 
présidence  par  la  seule  force  de  la  raison  manifeste,  saisir  l'à-propos  du 
moment  où  la  délibération  se  débrouille  et  s'éclaircit,  pour  marquer  le 
point  de  transaction  auquel  tout  le  monde  voudra  se  réunir  :  tel  fut  pour 
E.  Burnouf,  dans  une  épreuve  imprévue,  le  triomphe  de  cette  logique 


55 

et  de  cette  parole  qui  lui  tinrent  lieu  soudainement  de  l'expénence  et  de 
la  maturité. 

Dès  lors  il  fut  Institué,  dans  l'opinion  unanime  de  l'Académie,  l'héri- 
tier présomptif  de  notre  vénérable  secrétaire  perpétuel.  Mais  quatre  ans 
après,  lorsque  s'ouvrit  la  successioii,  ses  travaux  l'avaient  épuisé;  il  n'a- 
vait plus  la  force  de  paraître  ni  à  l'Académie,  ni  au  Conseil  supérieur  de 
l'instruction  publique,  dont  il  était  membre  depuis  quelques  mois.  Nous 
ne  pûmes  que  déposer  un  honneur  tardif  sur  le  lit  d'un  mourant;  il  suc- 
combait, non  à  la  peine,  comme  quelques-uns  l'ont  semblé  dire,  mais  à 
l'ardeur  de  sa  noble  passion. 

N'ajoutons  pas  à  nos  regrets  de  l'avoir  perdu,  la  douleur  d'imaginer 
qu'il  ait  mené  une  vie  de  souffrance  et  de  captivité  volontaire.  C'est  se 
méprendre  étrangement  sur  la  nature  de  ces  âmes  d'élite,  de  penser 
qu'il  leur  en  coûte  pour  vivre  ainsi,  et  de  les  appeler  les  martyrs  de  la 
science  et  les  victimes  de  leur  dévouement.  Le  monde  et  les  lettrés 
mondains  peuvent  juger  de  la  sorte  :  le  travail  est,  en  effet,  à  leurs 
yeux  un  effort  pour  monter,  un  moyen  de  parvenir,  le  prix  d'acquisi- 
tion plus  ou  moins  onéreux  d'un  avantage  de  fortune  ou  d'ambition, 
et  non  une  habitude  naturelle ,  un  besoin ,  une  jouissance.  Croira-t-on 
que  ce  fût  par  un  vœu  d'ascétisme  et  par  une  contrainte  morale  que 
E.  Burnouf  s'enfermait  de  longues  heures  dans  la  solitude  de  son  cabi- 
net? Ahl  que  l'on  serait  détrompé  ,  si  l'on  pouvait ,  témoin  invisible , 
assister  aux  méditations  du  savant  inspiré,  voir  cette  allégresse  et  cette 
ardeur  profonde  de  la  pensée  en  travail  pour  résoudre  un  grand  pro- 
blème ;  l'enthousiasme  de  cette  évocation  de  l'esprit  des  peuples  endor- 
mis sous  leurs  antiques  ruines  et  qu'il  semblait  impossible  d'en  faire 
jamais  sortir;  ces  tressaillements  de  bonheur  à  l'apparition  de  la  vérité 
qui  se  découvre,  et  cette  joie  ineffable  de  connaître,  qui  retombe  sur 
l'âme  comme  une  délicieuse  rosée  après  une  chaleur  brûlante,  comme 
une  intermittence  de  repos  après  l'effervescence  de  la  fièvre  :  on  com- 
prendrait alors  qu'il  cède  sans  ménagement  et  jusqu'à  l'imprudence  à 
l'attrait  irrésistible  d'une  studieuse  volupté ,  à  l'amour  de  son  œuvre 
qui  grandit  et  qui  va  s'achever. 

En  vain  les  médecins  inquiets  lui  ordonnent  de  se  distraire  ;  en  vain 
les  amis,,  la  famille  alarmée,  le  supplient  de  prendre  un  peu  de  relâche, 
quelques  semaines,  quelques  jours  seulement:  «Non,  un  peu  plus 
tard  ;  encore  ce  mémoire  à  finir ,  ces  épreuves  à  corriger  ,  »  jusqu'à  ce 
que  la  plume  tombe  de  sa  main  défaillante  pour  toujours. 

Et  nous  les  pleurons  ces  égoïstes  sublimes,  qui  abrègent  une  exis- 
tence si  précieuse  à  tous  par  les  jouissances  de  l'étude  et  par  l'intempé- 


60 

raiice  du  travail.  Non,  ne  les  plaignons  pas;  ne  plaignons  pas  ce 
confrère  illustre  dont  la  perte  nous  est  si  amère.  Ce  n'est  pas  avoir 
acheté  à  trop  haut  prix,  d'une  grande  part  de  ses  jours,  de  telles  féli- 
cités pendant  la  vie,  une  telle  gloire  après  la  mort.  Le  deuil,  la 
plainte  est  pour  sa  famille ,  à  qui  sa  présence  était  si  charmante  et 
si  nécessaire  ;  pour  ses  disciples,  qui  n'entendront  plus  l'oracle  de  sa 
parole;  pour  le  monde  savant,  qui  espérait  de  lui  encore  tant  de  ri- 
chesses nouvelles;  pour  l'Académie,  qu'il  aurait  gouvernée  si  utilement, 
avec  une  autorité  supérieure  autant  qu'acceptée,  et  qui  ne  peut  plus 
attendre  de  ceux  qui  lui  succèdent  que  le  service  du  dévouement. 

Je  me  souviens  que,  le  jour  où  nous  assistions  à  ces  funérailles  si 
tristement  prématurées ,  nous  nous  représentions  quelle  eût  été  la 
douleur  du  père  de  E.  Burnoui,  si,  ce  que  l'âge  rendait  possible,  il 
avait  vu  cette  tombe  s'ouvrir  sous  ses  yeux.  Heureux  père,  à  qui  la 
mort  est  venue  assez  à  temps  pour  lui  épargner  l'inconsolable  douleur 
de  survivre  à  un  tel  fils,  à  son  fils  !  Heureux  ,  lorsqu'il  sentit  son  re- 
gard s'éteindre  doucement,  de  n'avoir  vu  de  ce  fils  tant  aimé,  et  si  digne 
de  l'être,  que  les  succès  éclatants  ,  les  progrès  assurés ,  les  espérances 
sans  autre  horizon  qu'une  lumière  toujours  croissante  !  Et  maintenant 
ces  deux  belles  intelligences  ,  qui  se  comprirent  si  bien  ,  qui  s'entr'ai- 
dèrent  si  affectueusement  pendant  la  vie ,  sont  unies  et  s'embrassent 
dans  l'éternel  repos;  leurs  noms  seuls  peuvent  être  séparés  dans  la 
mémoire  des  hommes  par  la  différence  qu'ils  mettent  entre  l'estime  et 
!a  gloire,  entre  le  profond  savoir  et  le  génie  inventeur ,  entre  ceux  qui 
font  l'honneur  d'une  famille  et  ceux  dont  le  pays  s'honore ,  et  qui  ont 
acquis  le  droit  de  lui  léguer  leurs  veuves  à  doter,  en  lui  laissant  leur 
gloire.  La  Francp,  depuis  le  commencement  de  ce  siècle,  compte 
trois  noms  dans  la  science  envers  qui  une  généreuse  initiative  du  gou- 
vernement a  pris  soin  d'acquitter  la  dette  nationale,  Cuvier,  Cham- 
pollion,  E.  Burnouf. 

Après  l'éloge  des  Burnouf,  on  a  écouté  avec  intérêt  le  rapport 
fait  par  M.  Berger  de  Xivrey,  au  nom  de  la  commissipn  des  anti- 
quités de  la  France.  Les  médailles  du  concours  ont  été  décernées 
à  M.  Cochet,  pour  f,ii  Normandie  souterraine  ;  à  M.  Bouthors, 
pour  ses  Coutumes  locales  du  bailliage  d'Amie^is;  et  à  M.  Maury, 
pour  son  Mémoire  (ms.)  sur  les  forêts  de  la  France.  —  Des 
mentions  très-honorables  ont  été  accordées  à  M.  d'Arbois  de  Ju- 
bainville,  pour  son  Pouillé  du  diocèse  de  Troyes  ;  à  M.  Rossignol, 
pour  son   Histoire  de  la  Bourgogne  ;  à  M.  Salmou  ,  pour  ses 


67 

Chroniques  de  Touraine;  à  M.  Taillandier,  pour  son  Histoire  de 
Blandi;  à  M.  Anatole  de  Barthélémy,  pour  ses  Mélanges  sur  la 
Bretagne  ;  à  M.  Morin  ,  pour  sa  Numismatique  féodale  du  Dau- 
phiné;  à  M.  l'abbé  Pascal,  pour  son  Gabalum  christianum.  — 
Parmi  les  mentions  honorables,  nous  citerons  celles  qu'ont  obte- 
nues M.  Boutaric,  pour  son  mémoire  ms.  intitulé  :  Organisation 
judiciaire  du  Languedoc  au  moyen  âge  ;  et  M.  Lecaron ,  pour 
son  Histoire  (ms.)  du  commerce  par  eau  de  la  ville  de  Paris,  et 
de  la  corporation  des  marchands  hanses  ou  municipalité  pari- 
sienne. 

L'École  des  chartes  a  donc,  au  concours  de  1854,  remporté 
trois  mentions  très-honorables  et  deux  mentions  honorables.  Les 
extraits  suivants  du  rapport  de  M.  Berger  de  Xivrey  montrent 
que ,  sans  la  variété  et  la  force  extraordinaire  de  ce  concours , 
nous  eussions  dû  nous  attendre  à  des  succès  plus  brillants  : 

Le  mémoire  manuscrit  sur  V  Organisation  judiciaire  du  Languedoc 
est  un  de  ces  travaux  solides  dont  les  assertions  ne  s'appuient  que  sur 
des  sources  authentiques  parfaitement  vérifiées.  Les  élèves  de  l'École 
des  chartes,  d'où  est  sorti  l'auteur,  M.  Boutaric,  savent  faire  de  ces 
documents  un  utile  emploi.  Il  n'est  pas  de  concours  où  nous  n'ayons  à 
proclamer  quelque  succès  de  cette  école  laborieuse ,  dont  l'Académie 
ne  cesse  de  suivre  les  travaux,  non-seulement  par  un  patronage  offi- 
ciel ,  mais  par  l'intérêt  qu'elle  met  à  la  sûre  épreuve  du  vrai.  La  com- 
plication de  l'organisation  judiciaire,  dans  une  partie  de  la  France  où 
ces  juridictions  très-multipliées  se  référaient  si  souvent,  soit  au  droit 
romain,  soit  à  la  jurisprudence  des  petits  royaumes  espagnols,  est 
démêlée  ici  par  le  secours  des  pièces  judiciaires^  documents  qui,  comme 
le  remarque  l'auteur,  ont  été  peu  employés  par  dom  Vaissète.  Mais  ce 
docte  historien  avait  fait  un  fréquent  usage  d'un  genre  de  pièces  dont 
l'absence  est  une  lacune  sensible  chez  M.  Boutaric.  Ce  sont  les  actes 
rédigés  en  langue  romane.  Il  est  impossible  d'examiner  à  fond  l'histoire 
du  midi  de  la  France,  sans  tenir  compte  de  ces  sources  locales,  si 
nombreuses  et  si  fécondes  en  renseignements,  qu'on  ne  rencontre  pas 
ailleurs. 

La  variété  du  concours  se  fait  sentir  au  rapporteur  par  la  difficulté 
des  transitions  pour  passer  d'un  sujet  à  un  autre  dans  l'énumération 
de  ces  différents  mémoires.  Celui  que  M.  Lecaron  vous  a  adressé  en 
manuscrit  est  l'Histoire  du  commerce  par  eau  et  de  la  corporation  des 


58 

marchands  hanses  de  la  ville  de  Paris ,  ou  municipalité  parisienne 
au  moyen  âge.  L'auteur  est  encore  sorti  de  l'École  des  chartes  ;  on  s'en 
aperçoit  aisément  à  ce  qu'il  y  a  d'authentique  et  de  bon  aloi  dans  les 
documents  qu'il  met  en  œuvre.  Il  prend  à  l'origine  et  suit  jusqu'à  l'or- 
donnance de  1415  l'organisation  du  commerce  de  la  ville  de  Paris, 
dont  le  premier  magistrat  municipal  fut  toujours  honoré  du  titre  de 
prévôt  des  marchands ,  depuis  saint  Louis  au  moins  jusqu'à  la  révo- 
lution de  1789.  M.  Lecaron  a  bien  proportionné  son  travail;  il  passe 
rapidement  sur  l'obscurité  des  premiers  commencements.  Mais  le  peu 
qu'il  en  dit  aurait  pu  être  plus  soigné;  et  l'on  est  en  droit,  par  exemple, 
de  reprocher  à  un  esprit  judicieux  d'avoir  attribué  à  la  rapide  conquête 
de  Jules  César  ces  voies  romaines  d'une  solidité  indestructible  ,  œuvre 
des  époques  d'une  domination  tranquille  et  bien  établie. 

...  En  1842,  le  concours  parut  trop  faible  pour  l'application 
d'une  première  médaille  :  cette  année  nous  avons  regretté  de  n'en 
avoir  pas  le  double.  Nous  aurions  décerné  la  quatrième  à  M.  d'Arbois 
de  Jubainville ,  archiviste  de  l'Aube.  Il  est  placé  en  tète  des  mentions 
très-honorables  pour  sa  publication  du  Pouillé  du,  diocèse  de  Troyes. 
Ce  pouillé,  dressé  en  1407,  est  comparé  par  l'éditeur  avec  une  même 
statistique  diocésaine  rédigée  eu  1754.  A  cette  publication  sont  encore 
jointes  vingt-quatre  pièces  justificatives,  bien  choisies,  sur  le  revenu 
du  clergé  de  Troyes  en  divers  temps,  sur  le  prix  du  blé  dans  la  même 
ville  pendant  quarante-quatre  années  du  quatorzième  siècle  et  vingt- 
cinq  du  dix-huitième,  etc.  Du  rapprochement  de  ces  différentes  pièces 
l'éditeur  tire  des  inductions  sûres  pour  établir  le  fait  de  la  diminution 
continuelle  des  revenus  ecclésiastiques,  et  mesurer  la  marche  décrois- 
sante de  la  valeur  de  l'argent.  Peut-être  manque-t-il  un  peu  de  clarté 
pour  faire  apprécier  aisément  les  bases  des  calculs  longs  et  compliqués 
nécessaires  à  ce  travail. 

Voici  encore  un  ancien  élève  de  l'École  des  chartes,  M.  André  Sal- 
mon.  L'ouvrage  qui  lui  mérite  la  troisième  mention  très-honorable  est 
la  publication  des  Chroniques  de  Touraine.  Ce  recueil  ouvre  la  série 
de  documents  originaux  que  la  Société  archéologique  de  Touraine  se 
propose  de  publier  sur  cette  province.  Sur  seize  chroniques  dont  se 
compose  ce  volume,  six  sont  entièrement  inédites,  et  deux  n'ont  été 
précédemment  imprimées  que  par  fragments.  Tous  ces  textes  sont 
donnés  ici  en  entier.  M.  Salmon  fait  précéder  les  seize  chroniques  d'au- 
tant de  notices  très-substantielles ,  où  il  établit  solidement  l'authenti- 
cité de  ces  documents,  en  montre  l'utilité  historique,  fait  connaître 


les  voies  par  lesquelles  ils  nous  sont  parvenus,  et  donne  sur  les  auteurs 
les  renseignements  qu'il  a  été  possible  de  rassembler.  Des  tables  abon- 
dantes fournissent  les  indications  nécessaires  sur  les  lieux,  les  per- 
sonnes et  les  faits.  Tout  porte  la  trace  d'une  exactitude  scrupuleuse, 
et  l'on  passe  aisément  à  l'auteur  un  style  négligé  et  quelque  inexpé- 
rience des  matières  archéologiques. 

Une  autre  mention  très-honorable  revient  à  M.  Anatole  de  Barthé- 
lémy, le  cinquième  élève  de  l'École  des  chartes  distingué  dans  ce  con- 
cours. Il  y  apporte  ses  Mélanges  historiques  et  archéologiques  sur  la 
Bretagne.  Cependant  il  emploie  moins  l'archéologie,  comme  le  titre 
l'annoncerait,  que  la  géographie  et  les  études  généalogiques,  cette  fois 
traitées  sûrement,  avec  une  érudition  qui  vérifie  tout  et  qui  sait  où 
puiser  les  vérifications.  Ce  n'est  qu'une  brochure,  subdivisée  en  quatre 
dissertations,  mais  toutes  d'un  intérêt  incontestable.  Nous  signalerons 
principalement  ce  qui  se  rapporte  à  l'évêché  de  Tréguier  et  à  l'abbaye 
de  Bégard. 

L'accentuation  romaine  était  le  sujet  du  prix  ordinaire  de 
l'Académie.  Deux  mémoires  avaient  été  présentés.  Celui  de 
M.  Raphaël  Garucci  a  été  couronné. 

Le  premier  des  prix  fondés  par  le  baron  Gobert  a  été  accordé 
à  M.  Ch.  Weis,  auteur  de  VHistoire  des  réfugiés  protestants  de 
France,  depuis  la  révocation  de  Védit  de  Nantes  jusqu'à  nos  jours 
(2  vol.  in-12);  le  second,  à  M.  Francisque-Michel,  auteur  des 
Recherches  sur  le  commerce ,  la  fabrication  et  l'usage  des  étoffes 
de  soie  {2  vol.  in-4°). 

Sont  mises  au  concours,  pour  l'année  1855,  les  questions 
suivantes  : 

1**  Restituer,  d'après  les  sources,  la  géographie  ancienne  de  VInde, 
depuis  les  temps  primitifs  jusqu'à  l'époque  de  l'invasion  musulmatie. 

2°  Quelles  notions  nouvelles  ont  apportées  dans  V histoire  de  la 
sculpture  chez  les  Grecs,  depuis  les  temps  les  plus  anciens  jus- 
qu'aux successeurs  d'Alexandre,  les  monuments  de  tous  genres, 
d'une  date  certaine  ou  appréciable,  principalement  ceux  qui ,  depuis 
le  commencement  de  ce  siècle,  ont  été  placés  dans  les  musées  de 
l'Europe? 

3**  Étudier  l'état  politique,  la  religion,  les  arts,  les  institutions  de 


60 

toute  nature  dans  les  satrapies  de  l'Asie  Mineure  sous  les  Perses  et 
depuis ,  particulièrement  dans  les  satrapies  déjà  héréditaires  ou  qui 
le  devinrent  après  la  conquête  d'Alexandre,  c'est-à-dire  le  Pont ^ 
la  Cappadoce ,  la  Lycie  et  la  Carie. 

4°  Faire  l'histoire  des  biens  communaux  en  France,  depuis  leur 
origine  jusqu'à  la  fin  du  treizième  siècle. 


Voici  le  sujet  du  prix  à  décerner  en  1856. 


Rechercher  l'origine  de  l'alphabet  phénicien  ;  en  suivre  la  propa- 
gation chez  les  divers  peuples  de  l'ancien  monde;  caractériser  les 
modifications  que  ces  peuples  y  introduisirent ,  afin  de  l'approprier 
à  leur  organe  vocal,  et  peut-être  aussi  quelquefois  en  le  combinant 
avec  des  éléments  empruntés  à  d'autres  systèmes  graphiques. 


BIBLIOGRAPHIE. 

Recherches  historiques  sur  l'origine;  l'élection  et  le  couronnement 
du  pape  Jean  XXII,  par  M.  Bertrandy.  Paris,  Treuttel  et  Wùrtz,  in-S", 
71  pages. 

Le  titre  de  cette  brochure  promet  un  fragment  de  l'histoire  pontificale  ; 
mais  les  événements  qui  y  sont  racontés  se  rattachent  si  étroitement  à 
notre  pays,  que  c'est  aussi  un  chapitre  intéressant  de  l'histoire  de  France 
au  quatorzième  siècle.  Clément  V  venait  de  mourir  après  avoir  vécu  à  la 
dévotion  de  Philippe  le  Bel.  Ce  roi  voulut  trouver  la  même  obéissance 
dans  le  successeur  de  Bertrand  de  Got  ;  les  Italiens  désiraient,  de  leur  côté, 
restaurer  l'indépendance  du  saint-siége  et  le  rétablir  au  Vatican,  que  Clé- 
ment V  avait  abandonné  pour  Avignon.  Les  cardinaux,  assemblés  pour 
élire  un  pape,  ne  purent  s'accorder  et  se  séparèrent,  malgré  les  démarches 
et  les  intrigues  du  roi  de  France.  Louis  le  Hutin,  qui  régnait  depuis  peu, 
avait  de  puissants  motifs  de  souhaiter  que  la  chaire  de  saint  Pierre  fût  oc- 
cupée. Marguerite  de  Bourgogne,  son  épouse,  que  ses  désordres  avaient 
fait  reléguer  au  Château-Gaillard,  était  un  obstacle  au  nouveau  mariage  qu'il 
avait  arrêté  avec  Clémence  de  Hongrie.  Déjà  la  fiancée  royale  était  débar- 
quée en  France,  et  il  n'y  avait  pas  encore  de  pape  ;  par  conséquent,  le  di- 
vorce ne  pouvait  être  prononcé  entre  le  roi  et  Marguerite  :  cette  malheu- 
reuse princesse  mourut  alors  si  à  propos  qu'on  peut  soupçonner  un 
crime. 

M.  Bertrandy  raconte  ensuite  comment  le  comte  de  Poitiers,  qui  fut  de- 
puis Philippe  le  Long,  rassembla  à  Lyon  les  cardinaux,  sous  prétexte  de 
célébrer  un  service  pour  le  repos  de  l'âme  du  roi  son  frère,  dont  il  venait 
d'apprendre  la  mort  ;  comment  il  les  enferma  dans  un  couvent^  sous  la 
garde  du  comte  de  Forez  et  du  sire  de  la  Voûte,  auxquels  il  avait  fait  ren- 
dre hommage  et  prêter  serment  de  fidélité  pour  les  fiefs  qu'ils  tenaient  de 
la  couronne,  s'assurant  ainsi  de  leur  obéissance  à  ses  ordres.  Le  résul- 
tat de  ce  conclave  fut  l'élection  de  Jacques  Duèze,  qui  prit  le  titre  de 
Jean  XXII.  C'était  un  Français,  natif  de  Cahors.  Les  auteurs  italiens,  et 
une  tradition  populaire  conservée  encore  de  nos  jours  dans  le  Querci,  le 
font  fils  d'un  savetier.  Baluze  lui  assigne  une  origine  noble.  M.  Bertrandy 
prouve,  au  moyen  de  documents  inédits,  que  son  père^  Arnaud  Duèze,  était 
un  des  principaux  bourgeois  de  Cahors. 

Nous  ne  suivrons  pas  l'auteur  dans  le  récit  de  la  vie  de  Jacques  Duèze 
jusqu'à  son  pontificat  ;  nous  nous  contenterons  de  signaler  une  rectification 
qu'il  fait  au  Gallia  christiana,  qui  appelle  à  tort  Philippe  de  Caturco, 
évêque  d'Évreux  et  chancelier  de  France  sous  saint  Louis,  Philippe  de 
Chaource.  Le  vrai  nom  de  ce  prélat  est  Philippe  de  Cahors.  M.  Bertrandy 
a  publié,  à  la  suite  de  son  travail,  plusieurs  documents  inédits  tirés  de  la 


62 

Bibliothèque  impériale  et  des  Archives  de  l'empire.  Nous  y  remarquons 
des  comptes  de  dépenses  des  envoyés  du  roi  auprès  des  cardinaux  (les 
sommes  importantes  qu'on  y  voit  figurer  attestent  que  l'or  était  un  moyen 
d'action  dont  la  cour  de  France  connaissait  toute  la  valeur);  l'acte  d'hom- 
mage du  sire  de  la  Voûte,  que  M.  Bertrandy  a  interprété  habilement,  les 
lettres  d'anoblissement  par  Philippe  le  Long  de  Pierre  Duèze,  frère  du 
nouveau  pape,  et  surtout  une  pièce  en  langue  française,  contenant  une  dé- 
nonciation contre  le  cardinal  Cajetan,  neveu  de  Boniface  VIII  et  par  con- 
séquent ennemi  de  la  France.  Un  ecclésiastique  l'accusa  d'avoir  envoûté 
le  roi  Louis  X  dans  l'intention  de  le  faire  périr.  L'original  de  ce  document 
se  trouve  dans  les  Mélanges  de  Clairambauit  à  la  Bibliothèque  impériale. 
On  ne  peut  douter  de  son  authenticité;  il  n'en  est  pas  de  même  de  l'accu- 
sation qu'il  renferme.  Elle  n'a  pourtant  rien  d'impossible  pour  qui  connaît 
les  mœurs  du  temps.  La  croyance  aux  sortilèges  était  générale,  et  les  mem- 
bres les  plus  éminents  du  clergé  n'étaient  pas  exempts  de  cette  supersti- 
tion. Guichard,  évêque  de  Troyes,  avait  été  quelques  années  auparavant 
l'objet  d'une  accusation  semblable.  On  lui  imputait  la  mort  de  la  reine, 
femme  de  Philippe  le  Bel,  et  il  finit  misérablement  ses  jours  en  prison.  On 
trouve,  dans  cette  pièce,  de  curieux  détails  sur  les  profanations  qui  ac- 
compagnaient les  bizarres  cérémonies  de  Venvoultement. 

Dans  le  travail  de  M.  Bertrandy,  on  louera  sans  réserve  la  recherche  la- 
borieuse des  documents,  la  sagace  interprétation  des  textes,  la  défiance 
contre  toute  hypothèse  hasardée,  l'appréciation  impartiale  des  faits.  Ce 
qu'on  peut  blâmer,  c'est  la  prétention  et  le  dramatique  du  style.  A  quoi 
bon  ces  exclamations,  ces  interrogations  qui  continuent  quelquefois  pen- 
dant des  pages  entières?  Le  style  de  la  dissertation  historique  doit  être 
simple,  clair  et  sobre  ;  le  but  est  d'instruire  et  de  prouver.  M.  Bertrandy 
prouve  et  instruit;  qu'il  laisse  donc  là  de  côté  cette  fausse  chaleur  et  ces 
prétendus  ornements,  qui  sont  tout  au  moins  déplacés. 

Il  prépare,  nous  a-t-on  dit,  une  histoire  complète  de  Jean  XXIL  L'essai 
dont  nous  venons  de  rendre  compte  nous  fait  espérer  que  ce  sera  un  livre 
sérieux,  instructif  et  nouveau.  Car  tout  n'a  pas  été  dit  sur  les  papes  d'Avi- 
gnon :  nous  ne  les  connaissons  guère  que  par  les  pamphlets  de  M.  de 
Sismondi,  et  Jean  XXII  est  un  de  ceux  que  l'historien  genevois  a  le  plus 
maltraités. 

E.    BOUTARIC^ 

Pathologie  cursus  complefus... ,  accurante  J.  P.  Migne.  Tomi 
CXLVII,  CLIV,  CLVI,  CLX  et  CLXVII.  —  1853  et  1854.  —  Grand  in-8° 
à  deux  colonnes. 

Nous  nous  reprochons  de  n'avoir  pas  fait  assez  exactement  connaître  à 
nos  lecteurs  les  rapides  progrès  de  la  collection  que  M.  l'abbé  Migne  publie 
sous  le  titre  de  Patrologiae  cursus  conipletus.  En  effet,  beaucoup  des  ou- 
vrages compris  dans  ce  vaste  recueil  touchent  l'histoire  d'aussi  près  que  la 


63 

théologie;  et  les  réimpressions  de  M.  Migne  peuvent,  jusqu'à  un  certain 
point,  dispenser  de  recourir  aux  éditions  originales,  qu'il  est  souvent  im- 
possible de  rencontrer  en  province,  et  qu'à  Paris  même  on  ne  consulte  pas 
toujours  sans  difûculté. 

Le  plan  de  la  Patrologie  a  été  largement  conçu.  Tous  les  auteurs  y  sont 
rangés  dans  l'ordre  chronologique,  et  leurs  ouvrages  sont  fidèlement  don- 
nés d'après  les  meilleures  et  les  plus  récentes  éditions.  Le  dépouillement 
des  principales  collections,  et  notamment  des  recueils  de  pièces  anecdotes, 
a  permis  de  rapprocher  et  de  réunir,  pour  la  première  fois,  les  opuscules 
jusqu'alors  dispersés  d'un  grand  nombre  d'écrivains.  Pour  servir  d'intro- 
ductions, des  notices  biographiques  et  littéraires  ont  été  empruntées  à 
d'excellents  critiques  :  à  Fabricius,  à  Cave,  à  Ughelli,  à  Mansi,  aux  Bol- 
landistes ,  à  Mabillon,  aux  auteurs  du  Gallia  christiana,  à  ceux  de  VHis- 
toire  littéraire  de  la  France. 

En  reproduisant  textuellement  les  travaux  de  ses  devanciers,  le  compila- 
teur a  singulièrement  simplifié  sa  tâche  ;  mais  il  n'en  a  pas  moins  trouvé 
plus  d'une  fois  l'occasion  de  montrer  qu'il  n'est  pas  étranger,  tant  s'en  faut, 
aux  meilleures  habitudes  de  l'érudition. 

Pour  apprécier  l'utilité  du  Patrologiœ  cursus  completus,  il  suffit  d'en 
ouvrir  quelques  tomes  et  de  parcourir,  seulement  par  les  titres,  les  princi- 
paux ouvrages  qu'ils  renferment.  Prenons  donc  quatre  ou  cinq  des  volumes 
parus  depuis  un  an. 

TOMUS  CXLVII.  —  1853;  1328  *coL 

I  (col.  1).  JEAN  D'AVRANCHES  :  Jean ,  évêque  d'Avranches,  et  en- 
suite archevêque  de  Rouen  ,  a  composé,  vers  1085,  sous  le  titre  de  Liber 
de  ofjiciis  ecclesîasticîSj  un  traité  bien  connu  de  tous  les  savants  qui  étu- 
dient la  liturgie  et  la  symbolique  chrétienne.  Deux  éditions  en  ont  été 
publiées  au  dix-septième  siècle.  La  première  est  introuvable;  la  seconde, 
assez  rare  et  fort  chère.  C'est  celle-ci  que  M.  Migne  a  reproduite,  en 
conservant  les  notes  de  Jean  Le  Prévost,  et  l'Appendice  dans  lequel  le 
savant  chanoine  a  fait  entrer  de  précieux  documents,  qui,  pour  la  plupart, 
n'ont  point  été  imprimés  ailleurs.  Ce  sont,  entre  autres,  des  extraits  d'an- 
ciens rituels  et  les  titres  de  fondation  de  deux  collèges  de  Rouen  ,  remon- 
tant au  treizième  et  au  quatorzième  siècle.  — Aux  notes  de  Jean  Le  Prévost, 
le  nouvel  éditeur  a  ajouté  :  1»  la  charte  de  1074,  portant  érection  de  l'ab- 
baye de  Saint-Victor  en  Caux  (  il  eût  été  bon  d'avertir  le  lecteur  que  cette 
pièce  n'est  pas  à  l'abri  du  soupçon  )  ;  —  2°  une  transaction  conclue  en  1061 
entre  l'évêque  d'Avranches  et  l'abbé  du  Mont  Saint-Michel;  —  3"  les  actes 
du  concile  de  Rouen,  célébré  en  1072;  — 4°  les  actes  des  archevêques  de 
Rouen,  tels  que  Mabillon  les  a  donnés  dans  ses  Analecta. 

II  (col.  279).  ARNOUD,  clerc  de  Milan  :  Reproduction  des  Gestes  des 


64 

archevêques  de   Milan^  publiés  par  Bethmann  et  Wattenbach,  dans  le 
tome  VIII  des  Scriptores  de  Pertz. 

III  (col.  333).  THIERRI ,  chanoine  de  Paderborn  :  Commentaire  sur 
l'Oraison  dominicale,  d'après  le  Thésaurus  de  Pez. 

IV  (col.  339).  BERTHOUD,  prêtre  de  Constance  :  Annales,  d'après  le 
t.  VII  des  Scriptores  de  Pertz, 

V  (col.  443).  JEAN,  abbé  de  Fécamp  :  Extraits,  d'après  Mabillon,  de  son 
Lîbellus  de  scripturis  et  verbis  patrum  collectus,  et  de  son  Libellus  de 
dioina  contemplatione.  —  Lettres  recueillies  par  Mabillon  et  Martène.  — 
Charte  de  Roger,  comte  de  Saint-Paul,  pour  l'abbaye  de  Fécamp, —  Préface 
des  Collectiones  patris  Joannis,  cognomento  Hominis  Dei,  de  verbis  se- 
niorum,  d'après  Martène.  —  Chronique  de  Fécamp  et  catalogue  des  abbés 
de  ce  monastère,  d'après  Labbe. 

VI  (col.  485).  BRUNO,  clerc  de  Magdebourg  :  Livre  de  la  guerre  de 
Saxe,  d'après  Pertz. 

VII  (col.  585).  TOMELLUS  :  Histoire  du  monastère  de  Hasnon,  d'après 
Martène. 

VIII  (col.  599).  RENALLUS,  maître  de  Barcelone  :  Fragment  d'un  poème 
sur  l'eucharistie,  qu'Augustin  Theiner  a  découvert  dans  un  manuscrit  de 
la  bibliothèque  Barberini. 

IX  (col.  601).  MARIANUS  SCOTUS  :  Partie  de  sa  chronique,  d'après 
le  travail  que  Waitz  a  inséré  dans  le  t.  V  des  Scriptores  de  Pertz.  L'éditeur 
de  la  Patrologie  aurait  dû  rétablir  les  deux  premiers  livres  de  Marianus  et 
les  additions  de  Florent  de  Worcester,  que  M.  Waitz  a  dû  négliger  comme 
ne  présentant  point  d'intérêt  pour  l'Allemagne. 

X  (col.  803).  LANDULFUS,  clerc  de  Milan  :  Histoire  de  Milan,  suivie 
d'un  catalogue  des  archevêques  de  cette  ville,  d'après  l'édition  de  Beth- 
mann et  dé  Wattenbach  (t.  VIII  de  Pertz);  avec  les  prolégomènes  de  Mu- 
ratori  et  la  dissertation  de  Jean-Pierre  Puricelli  :  «  Utrum  sanctus  Am- 
brosius  clerc  sua  Mediolanensi  permiserit  ut  virgini  nubere  semel 
posset.  » 

XI  (col.  1003).  SAINT  GÉRAUD  :  Vie  de  ce  saint  abbé  par  un  contem- 
porain, d'après  Mabillon.  —  Vie  et  miracles  de  saint  Adalard,  abbé  de 
Corbie,  d'après  le  même.  —  Deux  pièces  relatives  aux  associations  de  l'ab- 
baye de  Sauve-Majeure,  d'après  Martène. 

XII  (col.  1083).  FOUCARD,  moine  de  Saint-Bertin  :  Vie  et  miracles  de 
saint  Bertin,  avec  la  relation  de  l'abbé  Bove,  d'après  Mabillon.  —  Vie  de 
saint  Jean  de  Beverlei,  d'après  les  Bollandisles.  —  Vers  sur  saint  Vigor  de 
Bayeux,  d'après  d'Achery.  —  Vies  de  saint  Omer  et  de  saint  Oswalde,  d'a- 
près Mabillon. 

XIII  (col.  1199).  EUSÈBE  BRUNO,  évêque  d'Angers  :  Lettre  à  Beren- 
ger,  publiée  en  1656  par  François  de  Roye. 

XIV  (col.  1205).  GEBUIN,  archevêque  de  Lyon  :  Lettre  à  Raoul  de 
Tours,  d'après  la  Bibliothèque  des  Pères. 


XV  (col.  1211).  GAUTIER,  évêque  de  Meaux  :  Lettre  de  Hugue,  évêque 
deNevers,  pour  l'abbaye  de  Vendôme,  d'après  Mansi. 

XVI  (col.  1213).  ALPHAINUS,  archevêque  de  Salerne  :  Poèmes,  sermon 
et  vie  de  sainte  Christine,  d'après  Ughelli  et  Ozanam. 

XVII  (col.  1281).  GUAIFFIER  DU  MONT-CASSIN  :  Poèmes  d'après 
Ozanam.  —  Vie  de  saint  Secundin,  d'après  Ughelli.  —  Vie  de  saint  Luce, 
pape,  d'après  les  BoUandistes. 

XOMUS  CLIV.  —  1853;  1456  col. 

I  (col.  1).  HUGUE  DE  FLAVIGNI  :  Chronique,  d'après  Pertz. 

II  (col.  403).  Vie  de  saint  Wolphelme,  abbé  de  Brauveiler  près  Cologne, 
d'après  Mabillon. 

III  (col.  433).  EKKEHARD  :  Chronique,  d'après  W^aitz  (collection  de 
Pertz). 

IV  (col.  1063).  Gestes  des  évêques  de  Trêves,  d'après  Waitz  (ibid.). 

V  (col.  1337).  Chronique  de  saint  Hubert  en  Ardennes,  d'après  Beth- 
mann  et  Wattenbach  (ibid.). 

TOMUS  CLVI.  —  1853;  1268  col. 

Ce  volume  est  la  reproduction  littérale  de  l'édition  que  d'Achery  a  don- 
née, en  1651,  des  OKuvres  de  Guibert  de  Nogent.  On  y  retrouve  les  notes 
et  les  appendices  qui  donnent  tant  de  prix  à  l'édition  bénédictine.  Toute- 
fois la  chronique  de  Robert  du  Mont  a  été  retranchée  :  mais  les  lecteurs 
de  la  Patrologie  ne  s'en  plaindront  pas,  puisque  le  volume  dont  nous  allons 
parler  contient,  grâce  à  la  critique  allemande,  un  texte  de  Robert  bien 
supérieur  à  celui  que  d'Achery  avait  pu  établir  au  dix-septième  siècle. 

TOMUS  CLX.  —  1854;  1252  col. 

I  (col.  1).  SIGEBERT  DE  GEMBLOURS.  —  Chronique,  avec  les  addi- 
tions et  les  continuations.  C'est  la  reproduction  du  travail  de  Bethmann, 
qu'on  sait  être  au-dessus  de  tout  éloge.  —  Livre  des  écrivains  ecclésias- 
tiques, d'après  Fabricius.  —  Gestes  des  abbés  de  Gemblours,  vie  et  mira- 
cles de  Wicbert,  et  vie  de  Déodric,  évêque  de  Metz,  d'après  Pertz.  —  Courte 
vie  de  saint  Sigebert,  d'après  Duchesne.  —  Vie  de  saint  Malo,  d'après  Su- 
rius.  —  Vie  de  saint  Théodard,  d'après  les  BoUandistes.  —  Deux  vies  de 
saint  Lambert,  d'après  Chapeaville  et  les  BoUandistes.  —  Sermon  sur 
sainte  Luce,  d'après  Meurisse  {Hîst.  de  Metz).  —  Deux  lettres  sur  les 
Quatre-Temps,  d'après  Martène.  —  Fragments  d'un  rhythme  sur  sainte 
Luce  et  d'une  vie  de  saint  LuUe,  d'après  Mabillon. 

II  (col.  333).  Chronique  des  Polonais,  d'après  Szlachtowski  et  Koepke 
(dans  Pertz). 

I.  {Quafrième  jérie.)  5 


66 

III  (col.  935).  BERENGOSUS,  abbé  de  Saint-Maximin  de  Trêves  :  OEii- 
vres  d'après  la  Bibliothèque  des  Pères. 

IV  (col.  103.^).  JEAN  DE  MARSI  :  Discours  et  lettre,  d'après  Ba- 
ronius. 

V  (col.  1039).  EUDE,  évêque  de  Cambrai  :  Opuscules,  d'après  la  Biblio- 
thèque des  Pères.  L'éditeur  de  la  Patrologie  y  a  joint  l'homélie  sur  l'évan- 
gile du  mauvais  fermier,  découverte  par  Martène,  et  huit  chartes  publiées 
par  Le  Mire. 

VI  (col.  1159).  GAUTIER,  évêque  de  Châlon  :  Huit  chartes  ou  lettres, 
d'après  le  Gallia  christiana. 

VII  (col.  1171).  RAOUL  TORTAIRE  :  Miracles  de  saint  Benoît,  en 
prose  et  en  vers,  d'après  Mabillon  et  les  Bollandistes. 

TOMUS  CLXVL  —  1854;  1600  col. 

I  (col.  1).  COME  DE  PRAGUE.  —  Chronique  des  Bohémiens,  avec  les 
continuations,  d'après  Koepke,  dans  Pertz. 

II  (col.  387).  ALBERT  D'AIX.  —  Histoire  de  la  croisade,  d'après 
Bongars. 

III  (col.  715).  FRANCON,  abbé  d'Afflinghem  :  Traité  en  douze  livres 
sur  la  grâce,  avec  deux  lettres,  d'après  la  Bibliothèque  des  Pères. 

IV  (col.  831).  HUGUE  DE  RIBEMONT  :  Lettre  à  G.  d'Angers,  d'après 
Martène. 

V  (col.  835).  PONCE,  abbé  de  Cluni  :  Statuts,  lettres  et  chartes  se 
rapportant  à  son  administration,  d'après  Baluze,  Martène  et  la  Bibliothèque 
de  Cluni. 

VI  (col.  851).  PIERRE  DE  LÉON  et  GRÉGOIRE  :  Deux  lettres  de  ces 
légats  pour  l'abbaye  de  Saint-Vast,  d'après  Martène. 

VII  (col.  853).  JEAN  MICHAELENSIS  :  Règle  des  Templiers,  d'après 
Labbe. 

VHI  (col.  873).  GAUTIER  DE  TÉROUANNE  et  GALBERT  DE  BRU- 
GES ••  Vie  et  martyre  de  Charles  le  Bon,  comte  de  Flandre,  d'après  les 
Bollandistes,  dont  les  observations  préliminaires  sont  reproduites. 

IX  (col.  1049).  BAUDRl  DE  BOURGUEIL  :  Histoire  de  la  croisade, 
d'après  Bongars.  —  Translation  du  chef  de  saint  Valentin  à  Jumièges,  d'a- 
près les  Bollandistes.  '—  Vie  de  saint  Hugue,  archevêque  de  Rouen,  d'après 
le  Neustria  pia.  —  Lettre  aux  moines  de  Fécamp,  d'après  le  même  recueil. 
—  Poésies,  d'après  Duchesne  et  Mabillon.  —  Actes  de  saint  Valérien,  d'a- 
près Chilïlet  [Hist.  de  l'abbaye  de  Tournus).  —  Charte  de  l'an  1109  pour 
Saint-Florent  de  Saumur,  d'après  d'Achery.  —  Dans  d'autres  volumes  de  la 
collection,  on  trouve  la  vie  de  Robert  d'Arbrissel,  et  un  Traité  sur  la  visite 
des  malades,  qu'on  a  parfois  attribué  à  saint  Augustin,  mais  qu'il  faudra 
restituer  à  Baudri,  si  l'on  s'en  rapporte  à  un  manuscrit  de  la  bibliothèque 
Lambeth,  récemment  examiné  par  D.  Pitra.  —  On  ne  saurait  reprocher  à 


G7 

l'éditeur  de  la  Patrologle  de  n'avoir  pas  donné  les  opuscules  inédits  de 
Baudri,  qui  sont  conservés  au  Vatican  ;  mais  il  aurait  peut-être  dû  ne  pas 
négliger  quelques  pièces  précédemment  publiées,  qu'on  cherche  vainement 
dans  sa  collection. 

X  (col.  1213)  HONORIUS II,  pape  :  112  lettres,  tirées  de  différents  re- 
cueils, et  classées  d'après  l'ordre  proposé  par  Jaffé  ;  plus,  trois  lettres  adres- 
sées à  Honorius. 

XI  (col.  1319).  VIVIEN  DE  PRÉMONTRÉ  :  Harmonie,  ou  Traité  du 
libre  arbitre  et  de  la  grâce,  d'après  Martène. 

XII  (col.  1335)/ G.,  abbé  :  Lettre  à  A.,  prieur  de  Saint-Victor  de  Mar- 
seille, d'après  Martène. 

XIII  (col.  1339).  ABBAUD,  abbé  :  De  fractione  corporis  Christi,  d'a- 
près Mabillon. 

XIV  (col.  1347).  BRUNO,  évêque  de  Strasbourg  :  Lettre  au  prévôt  Ge- 
rhodus,  d'après  Bernard  Pez. 

XV  (col.  1349).  FRÉDÉRIC,  archevêque  de  Cologne  :  Six  lettres  ou  char- 
tes, d'après  Martène. 

XVI  (col.  1357).  RICHARD,  abbé  de  Préaux  :  Prologue  d'un  commen- 
taire sur  le  Lévitique,  d'après  Martène. 

XVII  (col.  1361).  SAINT  ETIENNE,  abbé  de  Cîteaux  :  Commentaire  des 
Bollandistes  sur  la  vie  de  saint  Etienne.  —  Opuscules  de  cet  abbé,  suivis 
des  statuts  connus  sous  les  noms  de  Charta  charitatis  et  de  Usus  antiquio- 
res,  avec  l'histoire  des  origines  du  monastère  et  de  l'ordre  de  Cîteaux 
{Exordium  cœnobii  etordinis  Cistercîensis) ,  le  tout  publié  d'après  Mabil- 
lon, Manrique  et  le  Nomasticon  Cisterciense. 

XVIII  (col.  1507).  JEAN,  moine  :  Lettre  à  Adalbéron,  archevêque  de 
Trêves,  d'après  Martène. 

XIX  (col.  1513).  DROGON,  cardinal  d'Ostie  :  Opuscules,  d'après  la  Bi- 
bliothèque des  Pères. 

XX  (col.  1565).  SAINT  HUGUE,  évêque  de  Grenoble  :  Cinq  lettres,  d'a- 
près Mabillon  et  les  Mémoires  pour  V histoire  du  Dauphiné. 

L.  D. 

Notices  et  extraits  des  documents  manuscrits  conservés  dans  les  dé- 
pôts publics  de  Paris,  et  relatifs  à  rhistoire  de  la  Picardie,  par  M.  Hip. 
Cocheris.  Tome  P'.  Paris,  Durand  ,  1854, 1  vol.  in-S"  de  693  pages. 

Les  recherches  bibliographiques  occasionnent  une  énorme  dépense  de 
temps  et  d'activité ,  sans  pour  cela  rapporter  à  ceux  qui  s'y  livrent  les  avan- 
tages qu'ils  auraient  retirés  d'études  moins  arides.  D'un  autre  côté,  les 
travaux  qui  en  résultent  sont,  entre  les  mains  des  savants,  des  instruments 
d'une  inappréciable  valeur.  La  patience  des  bibliographes  ne  saurait  donc 
être  trop  admirée  ni  trop  encouragée,  et  c'est  une  véritable  cruauté  que  de 
relever  chez  eux  avec  complaisance  des  omissions  et  des  méprises  qu'il  leur 
était  souvent  impossible  d'éviter. 


68 

Nous  tenions  à  faire  ces  observations  générales  avant  de  parler  de  l'ou- 
vrage qu'un  de  nos  confrères  a  entrepris,  et  que  la  Société  des  antiquaires 
de  Picardie  a  encouragé  par  une  médaille  et  par  l'insertion  dans  ses  Mé- 
moires. On  pourrait  sans  doute  reprocher  à  l'auteur  l'altération  de  quelques 
noms  propres  et  de  quelques  chiffres ,  la  rédaction  vicieuse  de  plusieurs 
notices  analytiques,  et  l'omission  d'articles  dont  la  place  semblait  marquée 
d'avance.  Mais,  au  lieu  d'insister  sur  ces  imperfections,  que  les  suppléments 
et  les  tables  feront  en  partie  disparaître ,  il  nous  semble  juste  de  donner  des 
éloges  à  la  simplicité  du  plan  conçu  par  M.  Cocheris,  et  au  zèle  persévérant 
qu'il  met  à  le  remplir. 

C'était  déjà  une  lourde  tâche  que  de  rechercher  dans  les  immenses  dépôts 
de  Paris  et  d'indiquer  sommairement  les  pièces  concernant  la  topographie 
et  l'histoire  d'une  aussi  vaste  province  que  la  Picardie.  Notre  confrère  est 
allé  plus  loin  :  il  a  minutieusement  examiné  toutes  les  pièces  qui  rentraient 
dans  son  cadre;  il  les  a  décrites  dans  leurs  moindres  détails;  souvent  il  en 
discute  la  valeur,  et,  par  des  exemples  bien  choisis,  montre  le  parti  qu'on 
en  peut  tirer. 

Une  section  préliminaire  comprend  les  pièces  relatives  à  la  Picardie  en 
général  ;  toutes  les  autres  sont  rangées  suivant  l'ordre  alphabétique  des 
lieux  qu'elles  concernent.  Les  pièces  relatives  à  un  même  lieu  sont  partagées 
en  groupes  distincts,  suivant  qu'elles  se  rattachent  à  la  topographie ,  à 
l'histoire  civile ,  à  l'histoire  religieuse  ,  à  l'histoire  littéraire.  De  plus,  pour 
la  plupart  des  localités,  M.  Cocheris  a,  sous  le  titre  de  :  Recueil  de  chartes 
originales  ou  copies  de  chartes  tirées  des  collections  des  bibliothèques  de 
Paris  et  des  Archives  de  l'empire,  ouvert  un  chapitre  dont  le  titre  fait 
assez  bien  connaître  l'objet. 

Les  cartulaires  ont  été  traités  avec  une  prédilection  particulière  ;  48  pages 
d'un  caractère  compacte  sont  consacrées  à  celui  de  l'abbaye  de  Beaupré, 
13  à  celui  de  Bucilli ,  65  à  ceux  de  Chaaiis ,  34  à  ceux  de  Saint-Corneille  de 
Compiègne,  et  96  à  ceux  de  Corbie.  C'est  assez  dire  que  M.  Cocheris  a 
indiqué  un  à  un  tous  les  actes  conservés  dans  ces  précieux  recueils.  S'il  n'a 
pas  toujours  donné  à  ses  analyses  une  exactitude  et  une  précision  sufû- 
sante,  il  a  pris,  en  revanche,  un  soin  extrême  d'ajouter  au  bas  des  pages 
les  équivalents  modernes  des  noms  de  lieu  contenus  dans  les  documents 
qu'il  décrit.  Ces  seules  annotations  ont  demandé  beaucoup  de  travail,  et 
«eront  fort  utiles  à  tous  ceux  qui  s'occupent  de  la  géographie  du  moyen 
âge. 

On  doit  encore  savoir  gré  à  M.  Cocheris  de  s'être  par  moments  un  peu 
écarté  de  son  plan  primitif  pour  donner ,  soit  de  longs  extraits  ,  soit  même 
le  texte  intégral  de.  quelques  pièces  importantes.  Les  coutumes  de  Corbie 
qu'il  a  publiées  (pag.  556  et  suiv.)  présentent  un  véritable  intérêt,  et  ser- 
vent à  compléter  le  beau  recueil  de  M-  Bouthors,  L.  D. 


69 

HisTOiBE  DE  Chartres,  par  E.  de  Lépinois.  Tome  1"^.  Chartres,  Gar- 
nier,  1854.  —  1  vol.  iii-8"  de  668  pag.,  avec  planches. 

La  ville  de  Chartres  compte  déjà  bon  nombre  d'historiens.  Mais  M.  Lé- 
pinois, par  la  méthode  qu'il  a  suivie,  a  renouvelé  un  sujet  que  bien  des 
gens  auraient  pu  croire  épuisé.  Ce  qui  distingue  son  livre,  c'est  l'abondance 
des  renseignements,  tous  puisés  aux  sources  originales  et  souvent  inédites, 
tous  classés  dans  un  ordre  satisfaisant. 

Après  avoir  chronologiquement  retracé  l'histoire  de  Chartres  depuis  les 
origines  gauloises  jusqu'à  l'avènement  des  Valois,  M.  Lépinois  passe  suc- 
cessivement en  revue  les  institutions  religieuses ,  civiles  et  commerciales 
de  la  cité.  S'il  nous  était  possible  de  faire  un  choix  parmi  les  innombrables 
détails  que  l'auteur  a  principalement  recueillis  dans  les  collections  de  titres 
et  dans  les  registres  capitulaires ,  nous  signalerions  de  savantes  recherches 
sur  les  croisés  du  pays  chartrain,  sur  les  affranchissements,  sur  les  grandes 
familles  nobles  ou  bourgeoises,  sur  l'administration  intérieure  et  les  usages 
du  chapitre  de  la  cathédrale,  sur  les  corporations  industrielles  et  sur  la 
topographie  de  la  ville.  —  L'auteur  a  plus  d'une  fois  tiré  un  parti  fort 
heureux  d'un  poëme  écrit  au  treizième  siècle  sur  les  miracles  de  Notre- 
Dame,  et  dont  il  nous  fait  espérer  la  prochaine  publication.  Les  détails 
qu'il  en  a  tirés  (p.  194)  sur  une  colonie  de  Bretons  établis  dans  un  quartier 
de  Chartres,  sont  fort  remarquables ,  et  permettent  d'entrevoir  ce  qu'était 
la  bretonnerie  de  Paris  et  de  plusieurs  autres  villes. 

Entre  les  documents  dont  M.  Lépinois  a  donné,  dans  son  Appendice,  un 
texte  correct ,  nous  avons  remarqué  ;  l'article  du  nécrologe  de  la  cathédrale 
relatif  à  Philippe-Auguste;  -^  les  titres  énonçant  à  quelles  conditions 
étaient  inféodés  les  offices  de  charpentier,  de  portier,  de  closier  et  de  maré- 
chal de  l'évêque  ;  —  le  tarif  des  menues  coutumes  qui  se  prélevaient  sur  la 
vente  des  marchandises  au  treizième  siècle;  —  la  transaction  conclue,  en 
1306,  entre  le  comte  et  le  chapitre;  —  un  tableau  du  prix  du  blé,  année 
par  année,  pour  tout  le  quatorzième  siècle. 

Le  livre  dont  nous  entretenons  nos  lecteurs  est  écrit  avec  la  simplicité 
qui  convient  aux  ouvrages  d'érudition.  Nous  regrettons  seulement  que 
l'auteur  ait  adopté  pour  certains  noms  propres  une  orthographe  bizarre  et 
peu  régulière  (le  roi  Lother,  Walter,  Gauzfrid,  Guilhem,  saint  Taurain, 
lesKordmans,  Marmoutiers,  etc.). — Autre  peccadille.  Les  faits  du  do- 
maine de  l'histoire  générale  ne  sont  pas  toujours  traités  avec  autant  de  ri- 
gueur que  les  détails  particuliers  à  la  localité.  Ainsi ,  le  concile  de  Clermont 
est  de  1095,  et  non  de  1096  (p.  78).  —  Les  officialités  n'existaient  pas  au 
commencement  du  douzième  siècle  (p.  82).  —  Le  naufrage  de  la  Blanche- 
]\ef  arriva  en  1120,  non  en  1119;  les  princes  s'étaient  embarqués  à  Bar- 
fleur,  non  à  Rouen  (p.  91).  —  Ce  fut  le  i^"  novembre,  et  non  le  1"  octobre, 
que  Philippe-Auguste  fut  sacré  (p.  ilO).  —  On  ne  peut  pas  dire  que  le  séné- 
chal Thibaud  apposa  son  sceau  au  testament  de  ce  roi  (p.  1 15).  —  La  pris« 
d'Acre  n'eut  point  lieu  le  20  août  1191  (p.  115). 


70 

Ces  imperfections,  que  RI.  Lépiuois  n'aura  guère  de  peine  à  l'aire  dispa- 
raître dans  ses  prochains  ouvrages,  n'empêcheront  pas  son  livre  de  prendre 
une  place  fort  honorable  dans  la  collection  déjà  si  nombreuse  de  nos  his- 
toires de  villes  et  provinces.  L.  D. 

Histoire  de  la  Chambre  des  comptes  de  Bretagne ,  par  H.  de  Four- 
mont.  Paris,  de  Signy  et  Dubey,  1854.  —  Un  vol.  in-8*>  de  vi  et  446  pag. 

Dans  la  monographie  qu'il  a  consacrée  à  l'histoire  de  la  Chambre  des 
comptes  de  Bretagne,  M.  de  Fourmont  prend  ce  tribunal  au  temps  où  les 
documents  locaux  commencent  à  en  faire  mention,  et,  le  suivant  pas  à  pas 
à  travers  toutes  les  phases  de  son  existence,  il  le  conduit  jusqu'en  1791, 
époque  de  la  suppression  définitive  des  chambres  des  comptes  par  l'Assem- 
blée nationale. 

L'auteur  a  divisé  son  travail  en  deux  parties.  Dans  la  première ,  il  exa- 
mine l'histoire  politique  et  administrative  de  la  Chambre  des  comptes  de 
Bretagne ,  ses  attributions  et  son  organisation  intérieure  aux  diverses  épo- 
ques, La  deuxième,  d'un  intérêt  beaucoup  plus  restreint,  comprend  la  liste 
chronologique  des  membres  de  la  Cour,  depuis  le  duc  Jean  V  jusqu'à  la 
grande  révolution  ;  elle  se  termine  par  une  notice  qui  aurait  mieux  sa  place 
dans  la  première  partie ,  et  qui  concerne  les  fonctions  respectives  des  offi- 
ciers de  la  Chambre,  les  formes  de  leur  nomination,  de  leur  réception,  et 
l'honorariat. 

A  la  fin  du  livre  se  trouve  une  table  indiquant,  d'après  l'ordre  des  cha- 
pitres, les  matières  comprises  dans  la  première  partie  et  dans  la  notice  de 
la  seconde;  une  autre  table  renferme,  par  ordre  alphabétique,  les  noms 
des  membres  de  la  Chambre  dont  il  est  question  dans  le  cours  de  l'ou- 
vrage. 

Le  travail  de  M.  de  Fourmont  n'est  irréprochable  ni  pour  le  fond  ni  pour 
la  forme.  L'auteur  est  quelquefois  plutôt  le  panégyriste  de  la  Chambre  des 
comptes  de  Bretagne  que  son  historien;  il  exagère  un  peu  les  sympathies 
que  doit  inspirer  la  vieille  indépendance  armoricaine.  Ou  pourrait  désirer 
une  indication  plus  détaillée  des  sources,  une  étude  plus  approfondie  des 
questions  qui  se  rapportent  au  sujet,  une  appréciation  plus  nette  des  faits, 
plus  de  méthode  dans  la  distribution  des  détails,  des  citations  moins  lon- 
gues et  moins  multipliées,  sauf  renvoi  à  des  pièces  justificatives  qui  se- 
raient placées  à  la  fin  du  volume,  la  suppression  ou  la  modification  de  cer- 
tains passages  peu  importants  du  reste,  et  peu  nombreux,  où  l'auteur 
paraît  compléter  ses  recherches  par  les  rêves  de  son  imagination. 

Nonobstant  les  imperfections  que  nous  venons  de  signaler,  Vflisfoire  de 
la  Chambre  des  comptes  de  Bretagne ,  par  M.  de  Fourmont,  est  m\  ou- 
vrage intéressant  et  utile  à  consulter  ;  elle  retrace,  dans  un  cadre  étendu  et 
avec  des  développements  assez  considérables ,  toute  l'existence  d'une  insti- 
tution importante  dont  les  historiens  généraux  de  la  province  ont  d'ordi- 
naire peu  parlé;  les  renseignements  contenus  dans  le  texte  sont  le  plus 


71 

souvent  empruntés  à  des  documents  originaux  et  en  grande  partie  inédits. 
—  De  semblables  publications  constituent  des  éléments  précieux  pour  l'his- 
toire de  nos  anciennes  provinces,  et  par  là  même  pour  l'histoire  générale  de 
la  France.  Ch.  Tb. 


Essai  sur  l'histoire  du  commerce  maritime  de  Narbonne,  par  M.  Cé- 
lestin  Port.  Paris,  Durand  et  Dumoulin,  1854.  —  In-8°  de  208  p. 

Les  lecteurs  de  cette  revue  ont  déjà  entendu  parler  de  l'ouvrage  de  notre 
confrère,  qui,  dès  ses  premiers  débuts,  et  par  une  simple  thèse  écrite  pour 
un  examen ,  et  pour  se  conformer  aux  prescriptions  du  règlement  de  l'É- 
cole, a  dernièrement  mérité  l'honneur  si  disputé  d'une  des  trois  médailles 
décernées  par  l'Académie  des  inscriptions  au  concours  des  antiquités  de  la 
France.  Nous  ne  pouvons  rien  ajouter  aux  éloges  qui  résultent  de  la  déci- 
sion d'une  aussi  grande  autorité ,  et  qu'a  formulés  d'une  manière  si  flat- 
teuse le  rapporteur  de  la  commission  académique.  Nous  nous  bornerons  à 
faire  connaître,  autant  qu'il  est  possible  d'y  parvenir  par  une  analyse  suc- 
cincte, le  bon  travail  de  M.  Célestin  Port. 

Dès  avant  la  conquête  romaine ,  Narbonne  florissait  par  son  commerce. 
Elle  dut  au  génie  de  Rome  un  port  au  midi,  et  au  nord  une  route  facile 
qui  lui  manquait  ;  dès  lors  ce  commerce  prit  des  développements  inouïs 
jusque-là. 

Sidoine  Apollinaire  s'adresse  à  elle  avec  admiration  :  «  C'est  à  toi,  dit-il, 
que  les  marchands  de  l'Aurore,  que  les  mers  de  l'Ibérie  envoient  leurs  tré- 
sors ;  pour  toi  voguent  les  flottes  de  Sicile  et  de  Libye  ;  et  tous  les  vais- 
seaux qui  traversent  les  fleuves  et  les  mers  ne  parcourent  le  monde  que 
pour  revenir  à  tes  rives.  »  Mais  déjà  les  barbares  définitivement  vainqueurs 
envahissaient  l'empire.  Il  n'est  pas  nécessaire  de  songer  longtemps  aux 
fléaux  qui,  dès  les  premières  années  du  cinquième  siècle,  commencèrent  à 
frapper  le  monde  romain  :  on  comprend  aussitôt  ce  que  dut  rapidement 
devenir  un  commerce  alimenté  par  la  civilisation  et  les  richesses  d'un  peu- 
ple ruiné  et  ramené  si  douloureusement  à  la  barbarie.  A  ces  causes  d'uni- 
verselle misère,  se  joignirent  pour  Narbonne  des  malheurs  locaux.  Les 
Wisigoths,  les  Bourguignons,  les  Francs,  la  prirent  et  la  saccagèrent  tour 
à  tour.  A  deux  reprises ,  elle  tomba  aux  mains  des  Sarrasins.  Cependant 
son  génie  commercial  persévéra  au  milieu  des  obstacles  et  des  ruines ,  et 
quand  cette  féodalité  qu'on  a  tant  maudite  eut  rendu  un  peu  de  stabilité  au 
monde  occidental ,  Narbonne  se  retrouva  ce  qu'elle  avait  été ,  plus  grande 
peut-être  qu'elle  n'avait  été  jadis  et  aux  beaux  temps  de  la  civilisation 
antique.  Investie  du  droit  de  s'administrer  elle-même ,  elle  joint  à  l'éclat 
vulgaire  des  libertés  communales  un  luxe  que  ses  lois  somptuaires  cons- 
tatent éloquemment,  et  qui  rend  manifeste  à  tous  les  yeux  les  abondantes 
richesses  de  sa  population.  Ces  richesses ,  elle  les  doit  sans  doute  un  peu  à 
son  industrie,  à  ses  teintures ,  à  ses  florissantes  fabriques  de  draps ,  mais 
c'est  surtout  son  commerce  qui  les  produit.  On  peut  voir  dans  le  livre  de 


M.  Port  rénuinération  des  objets  qui,  vers  la  fin  du  treizième  siècle,  se 
trouvaient  sur  le  marché  de  Narbonne;  la  liste  en  serait  trop  longue  pour 
trouver  place  dans  cet  article  ^  Ces  marchandises,  elle  ne  se  contente  pas 
de  les  vendre  aux  acheteurs  qui  viennent  les  chercher,  elle  les  porte  elle- 
même  au  loin  :  à  Gênes,  à  Nice,  à  Savone,  à  Vintimille,  à  Pise,  à  Venise, 
en  Sicile,  à  Chypre,  à  Rhodes,  à  Constantinople ,  en  Syrie,  en  Asie,  en 
Egypte,  à  Tunis,  dans  le  Maroc,  l'Aragon,  la  Catalogne.  C'était  au  dou- 
zième, au  treizième  siècle,  au  commencement  du  quatorzième.  Mais  le 
terme  de  cette  prospérité  approchait  :  par  les  privilèges  d'Aigues-Mortes, 
puis  de  Montpellier,  les  rois  français  donnent  à  Narbonne,  dans  son  voisi- 
nage, une  rivale  à  la  concurrence  de  laquelle  il  n'est  pas  possible  de  résis- 
ter. L'expulsion  des  Juifs  prive  le  pays  des  ressources  immenses  qu'il  tirait 
de  l'industrie  et  des  richesses  de  cette  race  si  féconde  et  si  active.  Le  pillage 
sur  mer  était  devenu  une  des  branches  de  commerce  de  Gênes  et  de  l'Ara- 
gon, et  leurs  pirates  faisaient  de  Narbonne  une  de  leurs  principales  vic- 
times. Enfin,  en  1320,  l'Aude  emporta  la  digue  qui,  détournant  ses  eaux, 
la  forçait  à  passer  par  Narbonne.  Narbonne  perdit  cette  voie  de  communi- 
cation si  facile,  par  laquelle  les  navires  de  commerce  étrangers  pénétraient 
dans  son  sein,  par  laquelle  elle  envoyait  les  siens  à  la  mer. 

Depuis  lors,  cette  malheureuse  ville  n'a  plus  fait  que  languir.  Narbonne, 
qui,  au  treizième  siècle,  avait  6,229  feux,  n'en  conserve  que  250  en  1378. 
La  destinée  commerciale,  c'est-à-dire  la  grandeur  de  Narbonne,  est  ter- 
minée. 

Cette  esquisse  serait  trop  incomplète  si ,  nous  bornant  au  tableau  qu'elle 
résume,  nous  ne  signalions  pas  des  chapitres  fort  intéressants  sur  les  con- 
suls d'outre-mer,  sur  les  marques,  sur  les  impôts  qui  frappaient  le  com- 
merce de  Narbonne.  Mais  nous  sommes  obligé  de  respecter  les  limites  né- 
cessaires de  cet  article.  Il  y  a  des  ouvrages  que  l'on  ne  peut  facilement 
résumer,  et  celui-ci  est  du  nombre  ;  car  il  n'élait  guère  possible  de  nous 
apprendre,  dans  un  travail  aussi  peu  volumineux,  plus  de  choses  intéres- 
santes et  utiles  que  ne  l'a  fait  M.  Port.  Nous  ne  pouvons  que  renvoyer  à 
son  livre^  H.  d'A.  de  J. 

1.  Les  prisonniers  sarrasios  étaient  une  des  marchandises  qu'on  trouvait  à  vendre 
ou  à  acheter  sur  le  marché  de  Narbonne.  (Voir  pag.  71-72.)  Un  sentiment  de  notre 
confrère  que  nous  ne  partageons  pas ,  c'est  la  surprise  qu'il  éprouve  en  voyant  que 
l'Église  «  n'a  pas  beaucoup  tonné  contre  ce  commerce  honteux.  »  Chaque  époque  a 
ses  nécessités.  Souvent  ces  nécessités  sont  dures,  mais  elles  n'en  existent  pas  moins. 
A  part  quelques  rapports  commerciaux  qui  n'étaient  qu'un  accessoire,  les  chrétiens 
et  les  musulmans  du  douzième  et  du  treizième  siècle  n'avaient  entre  eux  d'autres  re- 
lations normales  que  celles  de  la  guerre.  Quand  on  faisait  un  prisonnier,  il  n'y  avait 
ordinairement  d'autre  alternative  que  de  le  tuer  ou  de  le  réduire  en  esclavage.  Lequel 
était  le  plus  humain? 


73 

LuDOVicus  Ilenricus  Briennx  cornes,  etc.,  de  pinacotheca  sua,  ad 
Constantinum  Hugenium.  1662.  (Réimprimé  à  Paris,  in-8",  chez  Guirau- 
det  et  Jouliaust,  par  les  soins  de  MM.  Arnauldet,  P.  Chéron  et  A.  de  Mon- 
taiglon,  1854.) 

Louis-Henri  de  Loménie,  comte  de  Brienne,  secrétaire  d'État  sous 
Louis  XIV,  mort  fou  en  1698,  et  auteur  de  Mémoires  que  M.  F.  Barrière 
a  publiés  en  1828,  aimait  les  objets  d'art  et  savait  les  apprécier.  Il  avait 
réuni  une  nombreuse  et  précieuse  collection  de  tableaux,  dont  il  se  défit 
plus  tard,  quand  l'idée  lui  vint  de  se  retirer  à  l'Oratoire.  Une  description 
de  cette  collection,  composée  par  lui-même  en  latin,  et  adressée  au  poète 
diplomate  Constantin  Hiiygbens,  a  été  imprimée  en  1662,  à  Paris,  chez 
Pierre  le  Petit  (in^"  de  15  pag.).  On  y  voit  que  Brienne  possédait,  entre 
autres,  des  ouvrages  de  Raphaël ,  Dominiquin,  Lanfranc,  Guide,  Albert 
Durer,  Paul  Véronèse,  Titien,  Carrache,  Guerchin,  Albane,  Jules  Romain, 
Stella,  Claude  Lorrain,  Téniers,  Van-Dick,  Caravage,  Giorgion,  Andréa 
del  Sarto,  Tintoret,  Rubens,  Bassano,  etc. 

Trois  amateurs  de  l'art  et  de  son  histoire  viennent  de  réimprimer 
l'exemplaire,  peut-être  unique,  de  l'opuscule  du  comte  de  Brienne;  ils  ont 
enrichi  leur  édition  d'une  préface ,  de  notes  qui  permettent  de  suivre  jus- 
qu'au temps  actuel  plusieurs  des  tableaux  dont  le  texte  fait  mention  ,  et 
d'un  extrait  curieux  des  Mémoires  de  Brienne ,  relatif  au  goût  du  cardinal 
Mazarin  pour  la  peinture,  et  à  la  collection  de  tableaux  et  de  statues  que 
le  ministre  avait  formée.  Cette  publication  mérite  d'être  accueillie  avec  fa- 
veur ;  elle  est  le  fruit  d'une  idée  heureuse  que  nous  voudrions  voir  se  réali- 
ser complètement.  Espérons  que  les  éditeurs  ne  s'arrêteront  pas  en  si  bon 
chemin.  F.  Bourquelot. 

LivES  of  the  princesses  of  England,  by  Mrs.  Anna  Everett  Green  ; 
t.  V  '.  London,  H.  Golburn,  1854.  -  In-80,  fig. 

Ce  volume  touche  à  la  biographie  de  trois  princesses  royales  d'Angle- 
terre :  r  Marie  Tudor,  troisième  fille  de  Henri  VU  et  d'Elisabeth  d'York, 
née  en  1496,  morte  en  1533;  2o  Catherine,  sa  sœur,  quatrième  fille  de 
Henri  VII,  née  et  morte  en  1503  ;  3°  Elisabeth,  reine  de  Bohême,  etc., 
fille  de  Jacques  1",  née  en  1596.  L'étendue  de  la  notice  historique  consa- 
crée à  cette  dernière  princesse  n'a  pas  permis  à  l'auteur  de  la  comprendre 
tout  entière  dans  ce  tome  cinquième.  De  ces  trois  biographies ,  la  première 
est  donc  celle  qui  captive  de  préférence  l'attention  et  l'intérêt  du  lecteur 
français.  Marie  d'Angleterre  appartient  à  la  France  par  le  titre  de  reine, 
que  lui  valut  son  mariage  éphémère  avec  le  roi  Louis  XII,  et  par  les  sou- 
venirs romanesques  qui  s'attachent  à  sa  courte  carrière  de  souveraine. 
Sans  négliger  complètement  ce  côté  de  la  physionomie  morale  du  person- 

1.  Voir,  pour  les  quatre  premiers  volumes  de  cet  ouvrage,  Biblioth.  de  V École 
des  chartes,  3»  série,  t.  I,  p.  279,  et  t.  IV,  p.  83. 


74 

nage,  madame  Green  a  touché  ces  points  délicats  d'une  main  chaste  et  sé- 
vère. L'auteur  s'est  livré  à  des  recherches  assidues  et  approfondies  sur  les 
documents  originaux  relatifs  à  cette  princesse,  qui  nous  ont  été  conservés 
dans  les  archives  et  dans  les  bibliothèques  de  la  France  et  de  l'Angleterre. 
Les  particularités  historiques  qui  ont  été  le  fruit  de  ces  investigations  sont 
propres  à  intéresser  les  érudits  des  deux  pays.  On  sait  que  l'une  des  plus 
anciennes  grammaires  *  de  notre  langue  eut  pour  auteur  John  Palsgrave , 
natif  de  Londres,  et  maître  es  arts  de  l'université  de  Paris  2.  Palsgrave, 
après  avoir  été  le  maître  de  français  de  la  princesse  Marie,  l'accompagna, 
en  qualité  de  chapelain,  à  la  cour  du  roi  son  époux.  Le  livre  de  madame 
Green  ajoute  ^  quelques  rectifications  et  quelques  renseignements  de  détail 
au  peu  de  notions  biographiques  réunies  jusqu'à  ce  jour  sur  la  personne  de 
ce  grammairien.  On  y  trouve  également  quelques  notions  relatives  à  Pierre 
Gringore ,  autre  personnage  littéraire ,  plus  célèbre  ;,  jusqu'à  ce  jour,  dans 
le  domaine  du  roman,  que  réellement  connu  dans  celui  de  l'histoire.  Lors 
de  l'entrée  de  la  reine  à  Paris,  le  6  novembre  1514,  Pierre  Gringore,  qui 
déjà  précédemment  avait  rempli,  sous  les  auspices  de  la  ville,  les  fonctions 
d'auteur  dramatique  et  d'entrepreneur  de  représentations  théâtrales ,  fut 
chargé  de  la  direction  des  mystères  qui  servirent  à  la  célébration  de  cette 
fête  publique.  Le  manuscrit  original  qui  contient  le  récit  de  ces  solennités 
fut  offert  par  l'auteur,  Pierre  Gringore ,  à  la  reine ,  et  se  conserve  aujour- 
d'hui dans  la  bibliothèque  cottonienne,  au  British  Muséum  de  Londres  ''. 
Madame  Green  a  reproduit  dans  son  ouvrage  ^  un  résumé  de  ce  récit,  qui 
paraît  différent  de  celui  qu'a  publié  Godefroy  dans  le  Cérémonial  français. 
L'indication  de  cet  ouvrage  de  Gringore  manque  à  la  liste  de  ses  oeuvres 
imprimées,  que  contient  le  Manuel  du  Libraire.  Il  est  demeuré  également 
inconnu  de  M.  Henri  Lepage,  auteur  d'une  intéressante  notice  sur  ce  per- 
sonnage ^.  V.  DE  V. 

Charles  le  Bon.  Causes  de  sa  mort,  ses  vrais  meurtriers^  Thierry 
d'Alsace  des  comtes  de  Metz,  seigneur  de  Bitche  et  comte  de  Flandre; 
par  le  comte  van  der  Straten  Ponthoz.  Metz,  1853.  —  47  et  XL  p.  in-S". 

L'histoire  tragique  du  comte  de  Flandre,  Charles  le  Bon,  est  fort  popu- 
laire, grâce  aux  trois  récits  contemporains  de  Gautier  de  Térouanne,  de 

1.  L'Esclaircissement  de  la  langue  française ,  etc.,  Londres,  1533,  in-4°,  réim- 
primé par  M.  Génin  dans  la  Collection  des  documents  inédits,  1852,  in-4°, 

2.  On  peut  consulter,  comme  une  nouvelle  source  d'information,  les  registres  cor- 
respondants de  la  faculté  des  arts,  qui  portent  les  numéros  to,  12, 13,  83  et  85.  Voir 
le  catalogue  que  j'ai  publié  dans  mon  Histoire  de  l'instruction  publique ,  pag.  356 
et  357. 

3.  Voy.  pag.  36  et  50. 

4.  Vespasien,  B.  Il  (ou  II?). 

5.  P.  56. 

6.  Pierre  Gringore,  Nancy,  1849,  in-S'- 


75 

Galbert  de  Bruges  et  de  Suger,  qui,  vingt  fois  copiés,  publiés,  traduits  ou 
arrangés,  ont  trouvé  place,  dans  ces  derniers  temps,  jusque  dans  la  Biblio- 
thèque des  chemins  de  fer  de  M.  Hachette.  M.  le  comte  van  der  Straten 
Ponthoz,  supposant  sans  doute  le  fait  de  l'assassinat  en  lui-même  sufû- 
samment  connu ,  a  jugé  inutile  d'en  remettre  les  détails  sous  les  yeux  de 
ses  lecteurs  ;  son  seul  but  a  été  de  démontrer  que  les  Straten,  loin  d'y  avoir 
pris  part,  comme  les  en  accusent  plusieurs  historiens  modernes,  étaient  au 
contraire  à  la  tête  du  parti  dévoué  au  comte,  et  que  c'est  par  une  déplora- 
ble méprise  que  leur  nom,  introduit  au  seizième  siècle  dans  la  proclama- 
tion qu'on  faisait  tous  les  ans  devant  la  cathédrale  de  Bruges ,  en  souvenir 
du  crime  et  de  sa  punition,  a  depuis  figuré ,  avec  cette  tache,  dans  toutes 
les  annales  et  chroniques  flamandes.  Ce  but,  M.  van  der  Straten  l'a  com- 
plètement atteint ,  en  corroborant  par  une  foule  de  témoignages  l'opinion 
que  les  boUandistes  déjà  avaient  soutenue  en  tête  de  la  Vie  de  Charles,  dans 
le  premier  volume  de  mars  des  Acta  Sanctorum;  mais  il  a  cru  devoir  ajou- 
ter, outre  quelques  pages  sur  le  successeur  de  Charles,  Thierry  d'Alsace, 
une  polémique  assez  vive  contre  les  tendances  démocratiques  des  historiens 
modernes,  et  une  protestation  en  faveur  des  nobles  féodaux,  dignes  ancê- 
tres des  nobles  actuels. 

L'ouvrage  entier  d'ailleurs  sent  son  grand  seigneur  amateur.  Il  est  im- 
primé avec  luxe,  orné  d'un  portrait  de  Charles  le  Bon  et  Au  fac-similé  d'une 
miniature  qui  représente  sa  mort;  enfin,  enrichi  d'un  immense  tableau  gé- 
néalogique des  maisons  de  Flandre  et  d'Alsace  et  de  l'analyse  critique  de 
cent  quatorze  ouvrages  relatifs  à  Charles  le  Bon.  Quelque  respectable  que  soit 
ce  chiffre,  il  eût  été  fort  facile  de  l'augmenter  encore,  à  la  manière  dont  pro- 
cède l'auteur;  car  dans  sa  liste  on  trouve,  à  côté  des  ouvrages  les  plus  sé- 
rieux, des  compilations  peu  dignes  de  se  trouver  en  si  bonne  compagnie. 

A.  H. 

Publications  historiques  de  l'Académie  impériale  de  Fienne,  pen- 
dant les  années  1852  et  1853. 

Fidèles  à  notre  promesse,  nous  continuons  à  analyser  les  travaux  his- 
toriques de  l'Académie  impériale  de  Vienne,  sur  lesquels,  à  deux  reprises 
déjà  (Bihl.  de  l'École  des  Chartes,  3*  série,  t.  III,  p.  285,  t.  IV,  p.  520), 
nous  avons  appelé  l'attention  de  nos  lecteurs. 

Pour  ce  qui  est  des  Fontes  rerum  austriacarum,  le  premier  groupe, 
celui  des  sources  relatives  à  l'archiduché  d'Autriche ,  continue  à  être  seul 
représenté  ;  il  paraît,  il  est  vrai,  que  le  tome  premier  des  sources  relatives 
à  la  Hongrie ,  à  la  Croatie ,  à  l'Esclavonie  et  à  la  Transylvanie  est  sous 
presse,  et  va  nous  apporter  sous  peu  uncartulaire  de  ce  dernier  pays;  mais, 
en  attendant,  les  volumes  récemment  publiés  rentrent  tous  les  trois,  comme 
les  précédents,  dans  les  Diplomataria  et  Acta  ausiriaca.  Ils  donnent  qua- 
tre nouvelles  collections  de  pièces,  dont  deux,  le  Codex  tvangianus  (t.  V, 
1852,  XXVII  et  560  p.  in-8°)  ou  cartulaire  de  l'évêché  de  Trente,  commencé 


76 

sous  Frédéric  II,  par  l'évêque  Frédéric  deWangen,  et  \e  Cartulaire  du 
monastère  de  femmes  de  Saint-Bernard  en  basse  Autriche  (t.  VI,  1853, 
p.  125-346  in-8o),  nous  touchent  assez  peu  pour  que  je  puisse  me  conten- 
ter de  les  indiquer  en  passant.  Par  contre,  je  m'arrêterai  un  peu  plus  long- 
temps aux  deux  autres.  C'est  d'abord  (t.  VI,  1853,  p.  1-123  in-8°)  la 
Summa  de  literis  missilibus  in  curiis  principum  et  aliorum  nobilium, 
c'est-à-dire  une  collection  de  290  formules  diplomatiques  et  juridiques, 
qui  fait  partie  du  Processus  judiciarius,  ou  Manuel  théorique  et  pratique 
du  notariat,  composé  en  1337  à  Vienne  par  le  notaire  impérial  Pierre  de 
Hall  en  Sourbe  {Petrus  de  Hallis),  et  que  l'éditeur,  M.  Firnhaber,  a  tirée 
du  manuscrit  de  Gôttweih,  qui  est  l'autographe  de  l'auteur.  Les  chartes 
données  comme  modèles  par  Pierre  de  Hall  paraissent  toutes  avoir  été 
prises  sur  des  originaux  authentiques  de  la  fin  du  treizième  siècle,  et,  autant 
qu'on  peut  en  juger  par  certaines  d'entre  elles  dont  nous  avons  les  origi- 
naux, avoir  été  copiées  fort  fidèlement;  l'éditeur  n'a  cependant  repro- 
duit intégralement  que  celles  qui  offraient  de  l'intérêt  pour  les  mœurs,  us 
et  coutumes  du  temps,  et  s'est  contenté  d'indiquer  les  titres  des  autres. 
Quant  au  quatrième.ouvrage,  le  Copey  Buc.h'der  gemainen  Stat  fVienn,  ou 
Procès-verbaux  de  la  ville  de  Fienne,  1454-1464  (t.  VII,  1853,  439  p.  in-S")» 
c'est  une  collection  de  295  diplômes  ou  rapports,  tous  inédits,  tirés  des 
procès-verbaux  de  la  municipalité  de  Vienne,  et  qui  jettent  une  vive  lu- 
mière sur  l'histoire  politique  et  civile  des  pays  autrichiens,  principalement 
à  l'époque  des  querelles  entre  l'empereur  Frédéric  III  et  son  frère  Albert 
(1457-1463).  Dans  ses  Analecta  monumentorum  omnis  sévi  Findobo- 
nensia,  1762,  t.  II,  p.  827-1403,  Kollar  avait  déjà  donné,  sous  le  nom  de 
Publici  actorum  Commentarii  civitatis  Findobonensis ,  la  première  par- 
tie de  ces  procès-verbaux,  relative  à  Ladislas  le  Posthume  et  à  Frédéric  III, 
mais  sa  mort  en  avait  non-seulement  interrompu  la  publication,  mais 
aussi  causé,  à  ce  qu'il  paraît,  la  perte,  probablement  irréparable,  du  manus- 
crit original.  C'est  d'après  une  copie  du  dix-huitième  siècle,  trouvée  par  lui 
à  Rlosterneubourg ,  que  M.  Zeibig  publie  aujourd'hui  tout  ce  qu'il  a  trouvé 
de  pièces  inédites  dans  la  seconde  moitié  de  la  compilation  du  greffier 
viennois  du  quinzième  siècle.  Parmi  ces  curieux  documents,  je  n'en  citerai 
qu'un  seul,  à  savoir  l'historique  de  l'ambassade  envoyée  en  France  en  1457, 
pour  demander,  pour  Ladislas  le  Posthume,  la  main  de  la  princesse  Made- 
leine de  France  (p.  125-129).  On  y  voit  les  évêques  et  seigneurs  hongrois, 
bohèmes  et  allemands,  l'archevêque  de  Colocza  en  tête,  se  mettre  en  mou- 
vement avec  une  suite  de  sept  cents  chevaux,  et  rejoindre  la  cour  à  Tours, 
eu  passant  par  Strasbourg,  Nancy,  la  Champagne  ',  Orléans  et  Amboise. 
Le  mariage  ne  tarde  pas  à  se  conclure,  et  est  célébré  par  des  danses,  des 
comédies  en  plein  air  et  des  dîners  sans  fin.  Mais  des  songes  fâcheux  du 

1.  La  Cliaiiipagne  i>'ap|)cl]e  dans  uolie  iclation  Tschannppangy .  Tous  les  auli\s 
noms  sont  à  ravenanl. 


77 

roi  et  de  la  jeuue  princesse  tempèrent  l'allégresse  universelle,  qui  se  change 
tout  à  coup  en  un  deuil  profond,  quand  arrive  la  nouvelle  inopinée  de  la 
mort  du  roi  Ladislas,  décédé  le  23  novembre  1457.  On  n'ose  prévenir  de 
ce  coup  terrible  le  roi,  déjà  malade,  de  peur  que  l'émotion  ne  le  tue;  mais 
les  petits  enfants  pleurent  et  gémissent  dans  les  rues,  en  se  disant  les  uns 
aux  autres  :  «  Hélas!  hélas!  le  roi  Lasslab  est  mort.  »  Les  ambassadeurs 
désespérés,  après  un  magniûque  service  célébré  à  Saint-Martin,  reprennent 
le  chemin  de  leur  patrie,  en  passant  par  Paris,  où  une  procession  de  douze 
mille  étudiants  vient  à  leur  rencontre. 

A  ces  trois  volumes  de  Fontes,  nouvellement  publiés,  vient  s'ajouter  le 
tome  \"  d'une  publication  qui ,  plus  restreinte  par  son  sujet,  paraît  cepen- 
dant devoir  également  devenir  extrêmement  volumineuse.  Je  veux  parler 
des  Monumenta  habsburgica,  vaste  recueil  de  pièces  et  de  lettres  relatives 
à  l'histoire  de  la  maison  d'Autriche,  et  destinées  à  éclairer  d'un  jour  nou- 
veau les  relations  de  tout^genre  de  cette  illustre  maison,  depuis  les  premières 
négociations  du  mariage  bourguignon  (1473),  jusqu'à  la  mort  de  l'empereur 
Maximiiien  II  (1576).  Le  présent  volume  (1853,  XXXVI  et  565  p.  in-S"), 
qui  commence  la  seconde  section ,  consacrée  à  Charles  V  et  à  Philippe  II,  va 
d'octobre  15i3  à  décembre  1521,  et  contient  170  pièces  tirées  des  archives 
impériales  de  Vienne,  dont  les  deux  tiers  ont  rapport  à  l'année  1521.  Ce 
sont,  en  général,  des  correspondances  de  l'empereur  Charles  avec  son 
chancelier,  Mercurin  de  Gattinara,  ses  ministres  et  ses  ambassadeurs;  les 
affaires  de  France ,  d'Angleterre ,  de  Portugal  et  d'Allemagne ,  s'y  trou- 
vent tour  à  tour  débattues;  il  y  a  surtout  un  nombre  considérable  de  dé- 
pêches relatives  à  la  médiation  offerte  par  Wolsey  à  Calais  en  1521.  L'édi- 
teur, M.  Ch.  Lanz,  déjà  connu  par  des  publications  analogues  sur  le  même 
règne,  devait  mettre  en  tête  du  volume  une  introduction  détaillée;  mais  le 
guignon  habituel  de  l'Académie  impériale  de  Vienne  s'est  jeté  en  travers» 
sous  forme  de  maladie,  et,  en  attendant  le  volume  suivant,  qui  doit  nous 
l'apporter,  nous  n'avons  pour  nous  guider  au  milieu  de  ces  documents  que 
des  tables  des  matières  et  des  noms  propres ,  absolument  comme  dans  les 
Fontes. 

Les  Acta  conciliorum  seculi  XV  sont  moins  avancés  encore  que  les 
Monumenta  habsburgica;  en  effet,  on  n'a  pas  même  terminé  encore  l'im- 
pression du  premier  volume  des  Actes  du  concile  de  Bâle,  par  lesquels  l'A- 
cadémie a  résolu  de  commencer.  Elle-même  elle  ignore  encore  quelle  sera 
l'étendue  de  cette  publication,  faite  in-4''  pour  qu'elle  se  rattache  plus  étroi- 
tement au  concile  de  Constance  de  von  der  Hardt.  Les  matériaux  s'accu- 
mulent à  fur  et  à  mesure  qu'on  avance,  et  notre  Bibliothèque  impériale 
surtout,  dans  laquelle  est  venu  se  fondre  le  riche  héritage  littéraire  de  Ba- 
luze,  est  une  mine  presque  inépuisable  de  découvertes.  Par  bonheur,  le 
principal  éditeur,  M.  Palacky,  y  a  trouvé  dans  la  personne  de  notre  con- 
frère, M.  Léopold  Delisle,  un  collaborateur  aussi  complaisant  qu'érudit, 
comme  il  se  plaît  à  le  constater  dans  son  rapport  officiel. 


78 

Quant  aux  Archives  pour  la  connaissance  des  sources  historiques  au- 
trichiennes (1852-1853,  in-8°) ,  je  passe  sous  silence  tous  les  mémoires  ou 
collections  de  pièces  d'un  intérêt  par  trop  local,  et  me  contente  de  citer 
l'un  ou  l'autre  travail  qui  m'a  frappé  davantage.  Ainsi  MM.  Duemniler  et 
André  de  Meiller  y  ont  donné  de  curieuses  études  topographiques,  l'un  sur 
les  Marches  S.  E.  de  l'empire  franc  sous  les  Carlovingiens  (795-907), 
l'autre  sur  la  vieille  Autriche  entre  les  années  800  et  1000,  en  employant 
tous  les  deux  à  la  fois  les  historiens,  les  diplômes  et  les  codices  traditio- 
num.  Le  même  M.  de  Meiller  a  réuni  une  série  de  droits  municipaux  au- 
trichiens du  douz-ième  et  du  treizième  siècle,  tandis  que  M.  Pichler  a  fait 
un  recueil  de  règlements  des  marchés  de  Saltzbourg  au  quinzième  et  au 
seizième  siècle,  d'après  des  documents  en  grande  partie  inédits ,  et  publié 
nn  récit  de  la  funeste  bataille  de  Mohacz,  fait  par  un  témoin  oculaire, 
qui  n'hésite  pas  à  représenter  le  roi  Louis  comme  une  pauvre  brebis  que 
mène  à  la  boucherie  la  noblesse  hongroise.  La  même  idée  se  retrouve  dans 
une  autre  pièce  du  seizième  siècle  donnée  par  M.  Zeibig,  et  qui  est  tout 
simplement  un  Dialogue  des  morts,  composé  en  latin  pour  l'instruction 
politique  du  nouveau  roi  de  Hongrie,  Ferdinand  de  Habsbourg. 

Signalons  enfin  quelques-uns  des  mémoires  contenus  dans  les  Comptes 
rendus  des  séances  de  la  classe  philosophico-historique  de  V Académie 
(1852-1853,  in-8°).  Dans  un  travail  sur  les  diptyques  et  les  calendarii 
du  moyen  âge,  M.  Zappert  a  réuni  les  renseignements  les  plus  circonstan- 
ciés et  les  plus  divers  sur  les  différentes  espèces  d'obituaires.  M.  Hopf  pré- 
sente, comme  spécimen  d'une  histoire  de  l'Attique  au  moyen  âge,  un  Pré- 
cis des  destinées  de  la  seigneicrie  de  Karystos  enEubée,  depuis  \20b  jus- 
qu'en 1470,  d'après  des  documents  presque  exclusivement  inédits.  M.  Phil- 
lips a  soumis  à  une  étude  longue  et  approfondie^/a  Fie  et  les  œuvres  de 
Gautier  Map ,  mais  surtout  son  de  Nugis  curiaHum,  publié  en  1850  par 
M.  Wright  pour  la  Camden-Society.  Enfin,  M.  Wattenbach  publie,  d'après 
un  manuscrit  de  Gotha,  une  Passio  Sanctorum  IV  coronatorum ,  bien 
plus  complète  que  tout  ce  qu'on  a  eu  jusqu'ici  sous  ce  nom,  et  que,  d'accord 
avec  M.  de  Karajan,  il  n'hésite  pas  à  attribuer  au  quatrième  siècle  de  no- 
tre ère.  A.  H. 

Geschichte  der  deutschen  Privatrechts  ;  —  Histoire  du  droit  privé 
allemand,  par  J.  H.  K.  Fôrster.  Kënigsberg,  1853. 

Nous  ne  donnons  place  à  cet  ouvrage  dans  notre  bulletin  que  pour  en- 
gager nos  lecteurs  à  ne  pas  l'acheter  sur  la  foi  du  prospectus.  On  croirait , 
en  le  lisant ,  qu'il  a  quarante  ans  de  date;  l'auteur  ne  semble  pas  se  douter 
que  Pertz  a  publié  les  Capitulaires  ;  Merkel  et  Gaupp,  les  lois  barbares 
citées  perpétuellement  d'après  les  éditions  de  Georgisch ,  Lindenbrog  et 
Canciani  ;  la  Lex  saxonum ,  de  Gartner ,  est ,  à  ses  yeux ,  une  «  très-bonne 
édition»  (p.  34).  Pour  donner  une  idée  des  nouveaux  résultats  auxquels 
est  arrivé  M.  le  conseiller  d'appel  Fôrster,  citons  quelques  exemples, 


79 

pris  dans  les  premières  pages  seulement.  Pag.  1  :  La  loi  des  Wisigoths 
est  la  plus  ancienne  des  lois  barbares;  —  p.  2  :  La  lex  salica  reformata 
est  beaucoup  plus  germanique  que  \e  pactus  antiquior  ;  le  major  de  la 
loi  salique  est  un  -nédecin;  —  p.  6  :  Les  antrustions  sont  des  membres  de 
la  noblesse.  —  Ici  l'auteur  nous  avertit,  dans  une  note,  que  Waitz  a  une 
autre  opinion! 

Uber  die  kistorische  Entwickelung  des  Systems  des  deutschen  Rechts; 

—  Études  sur  le  développement  historique  du  système  du  droit  ûllC' 
mand,  par  V.  Platner.  ï.  I  et  II.  Marbourg,  1854. 

Cet  ouvrage  ne  tient  pas  non  plus  ce  que  le  titre  promet  :  les  recherches 
historiques  y  sont  rares  et  peu  intéressantes.  Le  plan  de  l'auteur,  qui 
traite  successivement  des  principes  généraux  de  droit  sur  la  preuve ,  les 
ordalies,  les  actions,  l'erreur,  l'usufruit,  etc.,  etc.,  lui  aurait  permis 
cependant  de  faire  des  monographies  étendues  qui  eussent  justifié  le  titre 
et  la  préface;  tandis  que  son  livre  n'a  de  valeur  que  comme  collection  de 
textes  et  de  matériaux  sur  les  questions  qui  y  sont  traitées. 

Ad.  t. 

Anselminus  de  Ohto  super  contractibus  emphytheosîs  et  precarii 
et  libelli  atque  investiture;  textum  ex  libris  mss.  primus  recensuit  et 
commentariis  quinque  imtruxit^Kwà.  Jacobi.  Vimarise,  Bœhiau.  — 
95  pag.  in-8. 

Anselme  est  le  fils  du  consul  de  Milan  Obertus  ab  Orto ,  dont  on  a,  dans 
le  II«  livre  des  Libri  feudorum,  une  lettre  à  ce  même  Anselme.  On  sait 
peu  de  chose  sur  sa  vie  ;  il  était  vraisemblablement  praticien.  On  a  déjà 
de  lui  un  Instrumentum  actionum.  Les  deux  ouvrages  ont,  du  reste,  peu 
d'importance  et  de  valeur.  Cette  édition  a  été  faite  sur  une  copie  préparée 
par  M.  Merkel,  d'après  quatre  mss.:  le  ms.  4676  de  laBibl.  impériale,  du 
treizième  siècle;  le  ms.  1435  du  Vatican,  également  du  treizième  siècle  ;  le 
ms.  n°  73  du  collège  des  Espagnols ,  à  Bologne ,  du  douzième  siècle;  et  un 
ms.  du  quatorzième  siècle ,  conservé  à  Saint-Marc  de  Venise  :  dans  trois, 
le  Traité  d'Anselme  est  à  la  suite  des  livres  des  fiefs.  Le  Commentaire  de 
M.  Jacobi  est  beaucoup  plus  intéressant  que  le  texte  qu'il  publie;  il  traite 
avec  érudition  :  Iode  emphyteusi;  2°  de  juribus  cognatis  emphyteuticario  ; 
3°  de  precaria  vel  prestario,  vel  commendaticia;  4°  de  jure  libellario  vel 
livellario;  5°  de  investitura  vel  concessione.  Ad.  T. 

Gebmanïstische  Abhandlungen.  —  DissEBTATiONS  sur  le  droit 
germanique^  par  E.  Th.  Gaupp.  Manheim,  Bassermann  et  Mathy,  1853, 

—  VII  et  139  p.  in-8. 

Dans  la  première  dissertation ,  l'auteur  traite  du  wehrgeld  et  des  com- 
positions dans  l'ancienne  loi  des  Frisons ;,et  il  soutient  que,  dès  l'époque 
de  la  rédaction  de  la  loi,  le  wehrgeld ,  dont  il  est  qiiestion  dans  le  premier 


80 

titre ,  n'était  plus  payé  au  simple ,  mais  au  triple.  —  La  deuxième  disser- 
tation est  consacrée  à  rechercher  si  la  Lex  antiqua  wisigothique  est  de 
Reccared,  comme  le  prétendent  Blume  et  Merkel,  ou  du  roi  Euric ,  comme 
l'a  déjà  soutenu  l'auteur  ;  les  nouveaux  arguments  qu'il  produit  donnent 
au  moins  une  grande  probabilité  à  cette  opinion.  —  Dans  la  troisième  dis- 
sertation, sur  quelques  principes  du  droit  allemand ,  l'auteur  se  livre  à  des 
recherches  sur  la  manière  de  compter  la  parenté,  et  sur  les  droits  de  pro- 
priété de  la  femme  pendant  le  mariage.  —  La  quatrième  dissertation  est 
une  critique  des  travaux  récents  sur  l'époque  de  la  rédaction  du  Miroir  de 
Saxe  :  Gaupp  réfute  l'opinion  de  Sachsse,  de  F.  Walter,  de  Daniels,  et  in- 
cline à  rapporter  cette  rédaction  à  la  fin  du  douzième  siècle  ou  au  commen- 
cement du  treizième.  —  La  cinquième  et  dernière  dissertation  traite  de 
l'importance  du  Miroir  de  Saxe  et  du  Miroir  de  Souabe  pour  les  temps 
postérieurs.  Comme  tous  les  travaux  de  Gaupp,  ces  dissertations  se  font 
remarquer  par  leur  simplicité,  leur  clarté  et  leur  caractère  éminemment 
scientifique.  Ad-  ï. 

Le  Comte  Lucawob,  apologues  et  fabliaux  du  quatorsième  siècle , 
traduits  pour  la  première  fois  de  l'espagnol,  et  précédés  d'une  notice 
sur  la  vie  et  les  œuvres  de  Bon  Juan  Manuel,  ainsi  que  d'une  disserta- 
tion sur  l'instruction  de  l'apologue  d'Orient  en  Occident,  par  M.  Adolphe 
de  Puibusque.  —  1  vol.  in-S"  de  500  pages.  Paris,  Amyot,  1854. 

Don  Juan  Manuel  était  un  infant  de  Castille ,  petit-fils  du  roi  Ferdi- 
nand III.  Il  joua  un  grand  rôle  sous  le  règne  d'Alfonse  XI ,  d'abord  en- 
traîné dans  les  guerres  civiles  que  suscita  la  minorité  de  ce  prince,  long- 
temps persécuté ,  et  enfin  rétabli  dans  ses  honneurs ,  où  il  eut  l'occasion 
de  s'illustrer  par  ses  exploits  contre  les  Maures.  Il  mourut  en  1347,  lé- 
guant aux  dominicains  de  PeiïaUel  les  manuscrits  de  plusieurs  ouvrages 
qu'il  avait  composés.  Le  Comte  Lucanor  était  du  nombre.  A  la  fin  du  sei- 
zième siècle,  Argote  de  Molina,  ayant  par  hasard  déterré  ce  livre,  le  trouva 
si  beau  qu'il  se  hâta  de  le  faire  imprimer.  On  en  connaît  deux  autres  édi- 
tions données  depuis  à  Madrid  et  à  Stuttgart.  Telle  est,  en  peu  de  mots,  la 
destinée  du  livre  dont  M.  Ad.  de  Puibusque  vient  d'enrichir  notre  langue. 

Le  Comte  Lucanor,  malgré  le  peu  de  retentissement  qu'il  a  eu  jusqu'à 
présent,  même  en  Espagne,  peut  passer  pour  l'une  des  plus  remarquables 
productions  de  l'ancienne  littérature  castillane.  C'est  un  livre  de  morale 
pratique,  conçu  sur  le  plan  du  Pantcha-Tantra ,  et,  jusqu'à  un  certain 
point,  imité  de  ce  vieux  code  de  la  sagesse  indienne.  Il  est  divisé  en  cin- 
quante chapitres,  qui  sont  autant  de  conversations  entre  le  comte  Lu- 
canor, personnage  imaginaire,  et  un  confident  appelé  Patronio.  Le  comte 
Lucanor  est  un  seigneur  appliqué  à  bien  faire,  mais  défiant  de  lui- 
même  au  plus  haut  point.  Toutes  les  fois  qu'il  a  un  parti  à  prendre , 
il  consulte  Patronio,  et  Patronio  lui  répond,  à  la  manière  orientale,  par 
un  conte  ou  par  une  fable,  dont  il  résume  la  morale  dans  un  distique.  Au- 


81 

tant  de  chapitres,  autant  de  paraboles,  et  de  là  le  nom  d'Ejemplo  que  le 
texte  espagnol  donne  à  chacun  d'eux.  Trente-cinq  exemples  peuvent  être 
classés  parmi  les  fabliaux,  anecdotes  ou  légendes;  quinze  rentrent  directe- 
ment dans  le  genre  de  l'apologue.  Dix  de  cette  dernière  catégorie  ont  une 
origine  indienne  facile  à  constater.  D.  Juan  Manuel  a  rencontré  Ésope  et 
Phèdre  dans  trois  autres,  mais  probablement  d'nprès  des  paraphrases  ara- 
bes de  ces  fabulistes.  Parmi  les  contes,  il  y  en  a  trois  qui  ont  la  France 
pour  théâtre,  ou  des  Français  pour  acteurs.  Voici  leurs  titres  :  «  De  ce  qui 
advint  au  comte  de  Provence,  et  comment  il  fut  délivré  de  captivité  par  le 
conseil  que  Saladin  lui  donna  (n"  25).  —  Du  jugement  que  rendit  un  car- 
dinal dans  un  procès  entre  le  clergé  et  les  frères  mineurs  de  Paris  (n°  31). 
—  Pourquoi  un  sénéchal  de  Carcassonne  perdit  son  âme  (n"  40).  » 

M.  dePuibusque  est  à  la  fois  un  littérateur  et  un  savant.  Il  n'ignore  au- 
cun des  procédés  de  la  critique.  Son  Histoire  comparée  des  littératures 
espagnole  et  française  a  donné  la  preuve  de  son  érudition  et  de  son  bon 
goût.  Les  mêmes  qualités  recommandent  sa  traduction  du  Comte  Lucanor. 
Ce  livre,  d'une  lecture  agréable  par  l'élégance  avec  laquelle  a  été  rendu  le 
style  simple  et  mâle  de  Don  Juan  Manuel,  est  encore  une  source  des  plus 
utiles  renseignements  pour  l'histoire  de  l'apologue.  Indépendamment  d'un 
traité  complet  sur  ce  que  l'Espagne  a  fourni  en  ce  genre ,  on  y  trouve,  à  la 
suite  de  chaque  exemj)le,  un  commentaire  particulier  sur  les  diverses  for- 
mes que  le  même  sujet  a  reçues  dans  d'autres  langues. 

N'oublions  pas  de  dire  que  M.  de  Puibusque,  laissant  de  côté  les  édi- 
tions, toutes  vicieuses  et  incomplètes,  a  pris  pour  base  de  son  travail  les 
manuscrits  de  Madrid  :  attention  consciencieuse  dont  il  a  été  récompensé 
par  la  découverte  d'un  chapitre  qui  avait  échappé  à  Argote  de  Molina, 

J.  Q. 

Andbé  Boulle,  ébéniste  de  Louis  XI F.  Alençon,  1854,  in-S»  de 
13  pag.,  extrait  du  Journal  d' Alençon  et  tiré  à  25  exemplaires,  par 
M.  Charles  Asselineau.  —  Jean  de  Schelandbe,  par  le  même.  Paris, 
1854,  in-S"  de  30  pag.,  extrait  de  l'Athenœum  français  et  tiré  à  100  exem- 
plaires. 

Ces  deux  brochures  se  rapportent  à  des  sujets  différents  ;  mais,  comme 
elles  sont  l'œuvre  du  même  auteur,  on  nous  permettra  de  les  réunir  dans 
une  notice  commune.  La  première  est  plutôt  une  note  qu'un  travail.  On 
sait  l'art  particulier  de  Boulle,  dont  le  nom  est  passé  dans  la  langue,  à 
l'état  de  substantif  technique,  pour  signifier  l'incrustation,  sur  un  fond 
d'écaillé,  de  dessins  de  cuivre  découpé  et  gravé,  tandis  que  l'incrustation 
de  dessins  d'écaille  sur  un  fond  de  cuivre ,  qu'on  se  mit  à  faire  ensuite  en 
renversant  la  donnée  du  premier  inventeur,  est  désignée  sous  le  nom  de 
contre-bouUe.  M.  Asselineau  a  réuni  les  quelques  renseignements  que  l'on 
possède  sur  cet  habile  artiste.  Malheureusement,  ils  sont  peu  nombreux  et 
l)ien  courts.  L'abbé  de  Fontenay ,  dans  son  Dictionnaire  des  artistes 
Il  {Qunlrihne  série.)  q 


82 

(I,  236),  ne  fait  que  copier  le  Diclionnaire  de  IVoland  le  Virloys  (I,  23r>)  ; 
et  Lempereur,  dans  son  Dictionnaire  manuscrit  des  artistes^  compilation 
assez  insignifiante  conservée  au  cabinet  des  estampes  de  la  Bibliothèque 
impériale,  ne  fait  (I,  148)  que  reproduire  l'excellente  note  de  Mariette, 
qui ,  d'abord  publiée  dans  le  Cabinet  de  l'amateur  et  de  l'antiquaire,  se 
retrouve  à  sa  place  alphabétique  (I,  166)  dans  la  publication,  encore  inache- 
vée, de  son  Abecedario  ;  quand  celle-ci  sera  terminée,  on  y  trouvera,  non 
pas  de  nouveaux  renseignements  sur  l'homme,  mais  d'autres  détails  sur  sa 
merveilleuse  collection  de  dessins  et  d'objets  d'art,  que  Mariette  connaissait 
bien,  dont  il  déplore  tant  la  perte,  et  qu'il  cite  très-souvent.  A  ces  rensei- 
gnements, ]M.  Depping  a  ajouté,  dans  la  Correspondance  administrative 
(II,  843) ,  faisant  partie  des  Documents  inédits^  une  lettre  de  Pontchartrain 
à  Mansart,  datée  du  29  août  1704,  et  relative  aux  contraintes  que  les 
créanciers  du  malheureux  artiste  voulaient  exercer  contre  lui  jusque  dans 
l'enceinte  privilégiée  des  galeries  du  Louvre.  De  cette  lettre,  M.  Asselineau 
a  tiré  la  conclusion  inexacte  que  c'était  précisément  pour  le  protéger  de  ces 
poursuites  que  le  roi  lui  avait  donné  cet  asile.  M.  de  Chennevières  a  publié, 
dans  les  Archives  de  l'art  français  (I,  222-4),  les  brevets  de  deux  loge- 
ments accordés  à  Boulle ,  et  les  dates  sont  trop  antérieures  à  cette  lettre 
de  1704,  pour  qu'il  y  ait  entre  les  deux  faits  le  moindre  rapport.  Le  pre- 
mier,  daté  du  20  rnai  1672,  et  donné  par  la  reine  Marie-Thérèse  à  Saint- 
Germain,  accorde  au  sieur  André-Charles  Boulle,  ébéniste,  faiseur  de 
marqueterie,  doreur  et  ciseleur,  le  logement  occupé  par  Macé,  c'est-à-dire 
Jean  Macé,  habile  ébéniste,  natif  de  Blois.  Le  second ,  daté  du  29  octobre 
1679 ,  et  donné  par  le  roi ,  lui  accorde  le  logement  laissé  vacant  par  la 
mort  de  Petit,  et  ce  n'est  pas  un  changement;  car  la  phrase  :  «  Voullant  que 
ledit  Boulle  en  jouisse  conjointement  avec  celui  qui  lui  a  été  accordé  par 
brevet  du  28  may  1672,  »  prouve  bien  qu'il  ne  quittait  pas  le  premier.  La 
faveur  et  les  occupations  de  Boulle  avaient  grandi  dans  l'intervalle,  et  c'est 
afin  de  lui  donner  plus  de  place  pour  ses  travaux  que  Louis  XIV  lui  ac- 
corda, chose  rare,  le  don  de  deux  des  logements  du  Louvre;  aussi  les 
chefs-d'œuvre  que  l'artiste  fit  pour  Louis  XIV  ont-ils  été  très-nombreux. 
Et  son  travail  ne  se  bornait  pas  à  des  meubles;  on  connaît,  par  exemple, 
le  fameux  cabinet  de  marqueterie  de  l'appartement  du  grand  Dauphin,  sur 
lequel  on  peut  conférer  les  Mémoires  de  Dangeau  (I,  27). 

A  un  endroit,  M.  Asselineau  suppose,  quoique  avec  doute,  d'après  le 
titre  de  graveur  qui  est  donné  à  Boulle,  qu'il  ne  serait  pas  impossible  de 
retrouver  des  épreuves  de  planches  qu'il  aurait  gravées.  Le  mot  ne  me  pa- 
raît pas  impliquer  ce  sens  ;  il  doit  s'appliquer  seulement  au  travail  de  gra- 
vure en  creux  que  Boulle  employait  sur  les  incrustations  de  métal  dont  il 
décorait  ses  ouvrages.  Puisque  j'en  suis  sur  les  titres  donnés  à  Boulle,  je 
ferai  remarquer  que  Roland  le  Virloys,  sans  doute  d'après  une  pièce  au- 
thentique, lui  donne,  avec  les  titres  de  sculpteur  en  mosaïque  et  d'artiste 
ébéniste,  ceux  d'architecte,  de  peintre,  d'inventeur  de  chiffres  et  de  gra- 


veur  ordinaire  des  sceaux  royaux.  On  sait  aussi  par  Piganiol  {Descr.  de 
Versailles,  éd.  de  1751 ,  II,  311)  les  dates  exactes  de  sa  naissance  et  de  sa 
mort  :  il  naquit  à  Paris  le  lO  novembre  1G42,  et  mourut  le  29  février  1732. 
Mais  en  somme,  et  malheureusement,  ce  qu'on  a  sur  Boulie  ne  suffit  pas 
encore  pour  constituer  les  éléments  d'une  biographie  ni  d'une  notice  de  ses 
ouvrages.  Ces  éléments  existent  bien,  mais  il  faudrait  les  rechercher  dans 
les  comptes  des  bâtiments  du  roi,  conservés  au*  Archives,  cette  mine  iné- 
puisable où  se  trouve  réellement  l'histoire  entière  de  tous  les  arts  sous 
Louis  XIV ,  et  qu'il  faudra  bien  un  jour  ou  l'autre  se  mettre  à  publier,  si 
l'on  ne  veut  rester  volontairement  dans  l'ignorance,  et  se  priver,  de  gaieté 
de  cœur ,  de  tant  de  documents  nouveaux  sur  des  hommes  et  sur  des  tra- 
vaux, que  l'histoire  des  arts  dans  notre  pays  et  le  soin  pieux  de  leur  gloire 
nous  commandent  de  connaître. 

La  notice  sur  le  poète  Jean  de  Schelandre  est  nécessairement  plus  com- 
plète, et  se  fait  lire  avec  intérêt.  La  partie  biographique  est  tirée  de 
["Histoire  des  poètes  français ,  de  CoUetet ,  où  l'on  a  déjà  tant  et  si  habi- 
lement puisé,  notamment  M.  Sainte-Beuve,  dans  son  Tableau  de  la  poésie 
au  seizième  siècle ,  qui  est  encore  inédite ,  et  qui  ,  si  excellents  et  si  abon- 
dants qu'aient  été  les  emplois  qu'il  en  a  faits ,  mériterait  d'être  imprimée 
elle-même,  pour  donner  une  bonne  fois  et  complètement  tout  ce  qu'elle 
peut  contenir  de  renseignements.  Jean  de  Schelandre,  seigneur  de  Sau- 
mazènes,  et  flis  de  Schelandre,  gouverneur  de  Jamet,  qui  attaqua  Verdun 
en  1587,  est  né  en  1585  dans  le  Verdunois,  et  mourut  en  1635.  Calviniste 
comme  d'Aubigné ,  il  a  aussi  avec  lui  ce  point  de  ressemblance,  qu'écrivant 
au  dix-septième  siècle,  et  quand  Malherbe  était  déjà  venu,  il  a  conservé 
toute  la  forme  du  seizième.  M.  Asselineau  analyse  d'abord  ce  que  dit  CoUe- 
tet de  la  vie  et  de  quelques  œuvres  de  cet  auteur  que  M.  Asselineau  n'a  pas 
rencontrées ,  et  à  ces  renseignements  de  CoUetet,  il  faut  ajouter  le  fait  d'un 
voyage  en  Angleterre^  indiqué  dans  la  Nouvelle  Biographie  générale  de 
MM.  Didot  (II,  col.  603),  à  l'article  Daniel  des  Anchères,  anagramme  sous 
lequel  Jean  de  Schelandre  a  publié  quelques-uns  de  ses  ouvrages.  On  y 
voit  que  la  première  édition  de  la  pièce  de  Tyr  et  Sidon,  publiée  en  1608  , 
fut  dédiée  à  Jacques  I"  par  l'auteur,  qui  annonçait  dans  sa  préface  l'in- 
tention d'aller  en  Angleterre  solliciter  le  patronage  du  roi.  «  Ce  dessein  » 
continue  l'auteur  de  l'article,  «fut  exécuté  dès  l'année  suivante,  à  en 
«juger  par  les  trois  premiers  de  sept  tableaux  de  pénitence.  Paris,  1609, 
«  in-4°.  L'exemplaire  qu'Anchères  présenta  au  roi  se  conserve  actuellement 
«  au  Musée  britannique  ;  la  page  du  titre  n'est  pas  imprimée,  mais  écrite  à 
«  la  main  avec  des  lettres  d'or  sur  vélin  ,  et  on  remarque  au  bas  les  iui- 
«  tiales  I.  R.  (lacobus  Rex),  »  On  comprend  mieux  par  là  la  raison  d'être 
de  son  poëme  de  la  Stuartide,  publié  en  1611.  Il  est  en  même  temps  pro- 
bable que  les  trois  premiers  tableaux  de  pénitence ,  publiés  en  1609,  se 
retrouvent  dans  les  sept  excellents  tableaux  de  ia  pénitence  de  saint 
Pierre,  que,  d'après  CoUetet,  M.  Asselineau  indique  comme  publiés  à 

6. 


84 

Sedan  en  1636,  un  an  après  la  mort  de  Schelandre.  Après  cette  sorte  d'in- 
troduction, M.  Asselineau  en  vient  à  ce  qui  est  la  plus  personnelle  et  la 
meilleure  partie  de  son  étude,  à  l'analyse  de  la  pièce  de  Tyr  et  Sidon,  qui 
est  une  seconde  édition  des  Funestes  amours  de  Belcar  et  de  Meliane , 
publiés  en  1608,  si  l'on  peut  prendre  pour  une  seconde  édition  une  œuvre 
dans  laquelle  une  première  tragédie  est  arrivée  à  se  transforn)er  en  deux 
tragédies.  Nous  ne  pouvons  suivre  ici  l'auteur,  parce  que  nous  n'aurions 
à  faire  que  l'analyse  d'une  analyse  ;  il  nous  suffira  de  dire  que  la  sienne 
est  laite  avec  talent  et  relevée  par  des  citations  bien  choisies.  Cependant, 
malgré  de  la  force  et  une  certaine  originalité  dans  le  style,  Schelandre  ne 
restera  connu  que  des  curieux;  mais,  dans  un  choix  de  poésies  de  son  époque, 
quelques  extraits  donneraient  de  lui  une  idée  plus  grande  qu'on  ne  le  croi- 
rait en  voyant  l'oubli  où  son  nom  est  demeuré.  M,  Asselineau  cite  notam- 
ment deux  sonnets  vraiment  excellents,  et,  en  fait  d'art,  l'importance  ma- 
térielle des  choses  n'est  rien ,  en  comparaison  de  leur  qualité  :  un  bijou 
inventé  avec  bonheur  et  un  vase  de  terre  d'une  forme  exquise,  peuvent  être 
supérieurs  à  un  grand  édifice  de  mauvais  goût.  A.  de  M. 

LIVRES  NOUVEAUX. 

Juillet  —  Août  1854. 

t.  Patrologiaî  cursus  complelus,  sive  Bibliotheca  universalis,  etc.  Séries 
secunda.  Accurante  J.  P.  Migne.  T.  CXXVII  -  CXXIX. 

Anasiasius  bibliotliecarius,  Steplianus  V,  Formosus,  Stephaniis  VI,  Erchembertus 
Angilbertus,  S  Tiitilo ,  Grimiaiciis,  Wolfardus,  Anamodus.  3  vol.  in-S",  ensemble  de 
132  feuilles.  Prix  des  3  vol.  :  21  fr. 

Tomus  CXXX,  Isidorus  Mercator,  Marcus  Valerius  Probus.  Tomus  unicus.  In-8<»  de 
39  feuilles  1/4.  Prix  :  7  fr. 

Tomns  CXXXII.  Régine  Pnimiensis,  Hucbaldus  Elnonensis|;  JoannesX,  Léo  VI, 
Stephanus  VII ,  Léo  VIT,  Stepbaniis  VIII;  S.  Radbodus  Trajectensis,  Waidrammns 
Argentinensis,  Salmo  Constantiensis,  Stephanus  Leodiensis ,  Walteriiis  Senonensis, 
Dado  Virdunensis,  episc;  Hervœus  Rhemensis,  Agio  Narbonensis,  Seulfus  Rbemensis, 
archiep.;  Odilo  monacbus  S.  Medardi  Snessionensis,  Radbodus  Dolensis,  AbboSan- 
germanensis,  Cyprianus  Cordiibensis.  Tomus  unicus.  In-8°  de  35  feuilles  1/4  — 7  h-. 

Tomus  CXXXIII.  S.  Odo  Cluniacensis ;  MarinusII,  Agapetusll,  JoannesXII;  S.  Odo, 
episcopus  Cantuariensis,  Rorico  Lauduncnsis;  Artlialdus,  Odalricus,  Rhem.  archiep.; 
Cappidus  Straviensis  ;  Cosmas  Japygiis  Materiensis,  Joanues  Italus,  Laurentius  Cas- 
sin.;  Sigeliardus,  monach.  S.  Maximini;  Fridegodiis,  Bened.  monach.  Tomus  unicus. 
In-S"  de  32  feuilles  1/4.  —  7  fr. 

Tomus  CXXXIV.  Atto ,  Vercellensis  episcopus  ;  Léo  VIII  ;  Bruno  Coloniensis,  Wi- 
boldus,  Cameracensis ,  archiep.;  Utho,  Argentinensis  episc;  Adalgerus ,  episc.  incerla». 
sedis  ;  Guillelmus,  Cabilonensis  monach.  Tomus  unicus.  In-8°  de  32  feuilles.  — 7  fr. 

Tomus  CXXXV.  Flodoardus,  canonicus  Remensis;  Joannes  XIH  et  Benedictus  VI, 
sancta  Mathildis,  Gumpoldus  Mantuanus,  Eraclius  Leodiensis,  Udalricus  Augustaniis, 
«pisc.opi.  Tomus  unicus.  ln-8"  de  34  feuilles  3/4.  —  7  fr. 

Tounis  CXXXVI.  Ratiierius.Veron.    episc;  Liutprandus  Creraonensis;  Foiqninus, 


85 

s.  Bel  Uni  monacli.;  Gunzo,  diac.  Novar.;  Ricliardus,  abbas  Floriacensis  ;  Adalberl»i«, 
Mctensis  schol.  Tomus  uiiiciis.  In-S"  de  42  feuilles  1/4.  —  7  l'r. 

Tomiis  CXXXVll.  Hrolsuitliae  moniaiis  Gandersheimensià  opéra  omnia.  Bene- 
dicti  VII,  Joannis  XIV,  Gregorii  V  epistolœ  et  conslitutiones.  Tomus  unicus.  In-8°  de 
38  feuilles  1/4.  — 7  fr. 

Tomus  CXXXVIII.  Ricberu8,S.  Remigii  monachus;  auctores  incerli  anni  ;  monu- 
inenta  diplomatica;  monumenta  liturgica;  monnmentu  monaâtica.  Tomus  unicus. 
In-8"  de  42  feuilles  1/4 —  7  fr. 

Tomus  CXXXIX.  Silvester  II ,  Joannes  XVIII,  Sergius  IV,  Benediclus  VIII  ;  Arnulfus 
Hem.,  OElfricus  Cantuar.  aicliiep.;  Thielmarus  Merseburg,  Notgerns  Leod.,Henri- 
cus  Parm. ,  Bruno  Lingon.,  Arnoldus  Halberst.,  ejiiscopi;  S.  Abbo  Floriac,  Alber- 
tus  Miciac ,  Herigerus  Lob.,  Constanliaus  S.  Sympb.,  Gospertus  OErgen.,  abbales; 
Aimoinus  Floriac,  Tielpaldus  Tegern.,  Benediclus  S.  Andr.,  Piircbardus  Aug.  Div., 
Rorico  Moissiac. ,  Joannes  Diac.  Venet.,  Bridfertus  Rames.,  monacbi.  Tomus  uni- 
cus. In-s^de  52  feuilles.  —  7  fr. 

Tomus  CXL.  S.  Henricus,  imperator;  Tbangmariis,  presbyter  Hildesbeimensis  ;  Al- 
pertus,  monaclius  S.  Symphoriani  Metensis;  Burcliardus ,  Vormatiensis  episcopus; 
Adelboldus,  Trajectensis  episcopus;  sancfus  Romualdus,  ordinis  Camaldulensis  insti- 
lutor.  Tomus  unicus.  In-S"  de  35  feuilles  1/2.  — 7  fr. 

Tomus  CXLI.  Ademarus  S.  Cibardi  nionacbus,  Bernardus  Andegavensis,  S.  Fulbei- 
lus  Carnotensis  episcopus,  etc.  Tomus  nnicus.  In-S"  de  36  feuilles  3/4.  —  7  fr. 

Tomus  CXLII.  S.  Bruno  Herbipolensis  episcopus,  S.  Odilo  abbas  Cluniacensis,  Berno 
abbas  Augiensis,  Gregorius  VI,  Clemens  II,  romani  pontifices  ;  Rodulfus  Glaber,  Wippo 
presbyter,  etc.  Tomus  unions.  45  feuilles  3/4.  —  7  fr. 

Tomus  CXLIII.  Hermaniius  Conlractus  monacbus  Augiae  Divitis,  Humbertus  S.  R.  F. 
cardinalis,  S.  Lco  IX,  Victor  II,  Steptianus  IX,  Nicolaus  II,  RR.  PP.;  Stepbaniis  car- 
dinalis,  B  Maurilius  Rolliomageusis,  Gervasius  Remensis,  Raimbaldus  Arelatensis, 
Leodegarius  Viennensis,  S.  Anno  Coloniensis,  arcbiepiscopi ,  etc.  Tomus  unicus.  50 
feuilles  1/4.  —  7  fr. 

Tomi  CXLIV,  CXLV.  S.  Peiri  Damiani.  2  vol.,  ensemble  de  71  feuilles  1/2.  —  14  fr. 

Tomus  CXLVI.  Otlilo  monacbus  S.  Emmerammi,  Adamus  canonicus  Bremensis,  S. 
Joannes  Gualbertus  abbas  Vallumbrosanus,  Gundecbarus  Eicbstettensis  episcopus,  etc. 
Tomus  unicus.  44  feuilles  3/4.  —  7  fr. 

Tomus  CXLVIII.  Sancti  Gregorii  VII  epistol%  et  diplomata  pontificia.  Tomus  unicus. 
4  feuilles.  —  7  fr. 

Tomus  CXLIX.  Victor  HT,  rom.  pont.,  S.  Anselmus  Lucensis,  Wuilleimus  primus 
Anglorum  rex,  Guitmundus  arcbiepiscopus  Aversanus,  S.  Anastasius  monacbus  et  ere- 
niita,  etc.  Tomns  nnicus.  49  feuilles  1/4,  —  7  fr. 

Tomus  CL.  B.  Lanfrancus  Cantuar.,  Raynaldus  Rem.,  arcbiepiscopi;  Deusdedit  S. 
R.  E.  card. ,  Gerardus  II  Camerac,  Herimannus  Met. ,  Bonizo  Placent.,  Durandus 
daromont.,  Bernardus  Lutev.,  Radbodus  II  Tornac.  et  Noviom.,  Agano  Augustodun. , 
Rufmus  incertœ  sedis,  episcopi,  etc.  52  feuilles  3/4.  —  7  fr. 

Impr.  de  Migne,  au  Pelit-Montrouge.  —  A  Paris,  aux  ateliers  catholiques ,  barrière 
d'Enfer. 

2.  Le  droit  du  seigneur  au  moyen  Age,  par  L.  Veuillot.  Paris,  Vives.  In- 18 
de  13  f.  7/9  (3fr.  50  c.). 

3.  Clément  XIII  et  Clément  XIV,  par  le  P.  de.Ravigoan.  Au  Mau.s , 
chez  Julien ,  Lanier  ;  à  Paris,  même  maison,  ln-8"  de  30  f.  1/4  (6fr.)- 


86 

Il  paraîtra  un  volume  supplémentaire  contenant  les  documents  historiques  et  cri- 
tiques. 

4.  The  Bible.  —  La  Bible  au  moyen  âge ,  avec  des  remarques  sur  les 
bibliothèques,  les  écoles  et  l'état  social  et  religieux  de  l'Europe  au  moyen 
âge,  par  Leicester  A.  Buckingham.  Londres.  In-S"  de  306  p.  (8fr.). 

5.  Lateinische  Hymnen.  —  Hymnes  latines  du  moyen  âge,  publiées  d'a- 
près les  missels  et  expliquées  par  le  docteur  Mone,  t.  L  Fribourg.  Herder. 
gr.  in-8°de  479  p.  (7fr.). 

6.  Die  Sagen  von  Merlin.  — Les  traditions  sur  Merlin,  avec  des  poésies 
galloises,  bretonnes,  écossaises,  italiennes  et  latines  de  et  sur  lui.  Pub!, 
par  San-Marte(A.  Schulz).  Halle  (1853).  Gr.  in-8°  de  357  p.  (7  fr.  25  c.). 

7.  Die  Sage.  —  La  tradition  de  sainte  Ursule  et  des  onze  mille  vierges, 
par  Osk.  Schade.  Hanovre,  Rùmpler.  Gr.  in-S»  de  132  p.  (3  fr.). 

8.  Waltharius,  poëma  S.  X ,  ex  éd.  Provan,  repetendum  curavit  Neige- 
baur.  Monachii ,  Franz.  (1853).  Gr.  in-8''  de  48  p.  (1  fr.  35  c). 

9.  De  pecuniis  publicis.  Quomodo  apud  Romanos  quarto  postChristum 
sseculo  ordinarentur.  Breviter  disseruit  F.  Levasseur.  Paris,  Franck  ,  rue 
Richelieu,  67.  In-8°  de  6  f. 

10.  Du  traité  de  Salvien  sur  le  gouvernement  de  Dieu.  Thèse,  par  An- 
toine Flobert.  Colmar,  irapr.  de  madame  veuve  Decker.  In-8°  de  2  f. 

11.  Description  de  cinq  monnaies  franques  inédites,  trouvées  dans  le  ci- 
metière mérovingien  d'Envermeu ,  précédées  de  considérations  historiques 
sur  les  systèmes  monétaires  en  usage  chez  les  Franks  aux  cinquième  et 
sixième  siècles,  par  E.  Thomas.  Dieppe,  impr.  de  Delevoye.  In-S"  de  3  f.  1/4, 
pins  une  pi. 

12.  Vie  de  saint  Grégoire,  évêque  de  Tours,  par  l'abbé  A.  Dupuy.  Pa- 
ris, Louis  Vives.  ln-8°  de  38  f.  1/4  (5  fr.). 

13.  Flodoardi  historia  Remensis  ecclesiae.  —  Histoire  de  l'église  de 
Reims,  par  Flodoard,  publiée  par  l'Académie  impériale  de  Reims,  et  tra- 
duite avec  le  concours  de  l'Académie,  par  M.  Lejeune.  Reims,  Régnier, 
2  vol.  in-80,  ensemble  de  66  fr. 

OEuvres  de  Flodoard.  Tomes  I  et  II.  C'est  pour  la  première  fois  que  l'Histoire  de 
l'église  de  Reims,  comme  la  Chronique  de  Flodoard,  est  publiée  en  français,  con- 
jointement avec  le  texte.  La  Chronique,  texte  latin,  avec  une  traduction  nouvelle, 
par  feu  M.  l'abbé  de  Bandeville,  formera  nn  volume  in-S".  Elle  sera  suivie  de  la  Chro- 
nique de  Richer,  complétant  et  continuant  celle  de  Flodoard.  Un  vol.  in-8°. 

14.  Die  Biographien.  —  Les  biographies  des  troubadours  en  langue  pro- 
vençale, publiées  par  le  docteur  Mahn.  Berlin  ,  Dùramler  (1853).  In-8°  de 
62  p.  (2  fr.). 

15.  Altfranzoesische  Lieder.  — Poésies  en  vieux  français,  publiées  et 
commentées  par  Ed.  Maetzner,  avec  glossaire.  Berlin,  Dùmmler  (1853). 
Gr.  in-8"  de  §02  p.  (10  fr.). 


87 

16.  Essai  sur  la  fondation  de  l'école  de  Saint-Victor  de  Paris,  par  l'abbé 
Hugonin.  Paris,  Eug.  Belin.  In-S"*  de  12  feuilles. 

17.  Notice  biographique  et  littéraire  sur  les  deux  Poréc,  par  M.  Al- 
leaume,  ancien  élève  de  l'École  des  chartes,  etc.  Caen,  Hardel.  In-8">  de  G  f. 

Ouvrage  couronné  par  l'Académie  des  sciences,  arts  et  belles-lettres  de  Caen, 
séance  du  24  novembre  1853.  Extrait  des  Mémoires  de  l'Académie. 

18.  Histoire  de  France  depuis  les  temps  les  plus  reculés  jusqu'en  1789, 
par  M.  Henri  Martin.  Nouvelle  édition,  t.  XIX.  Paris,  Fume.  In-S^de^SS  f. 
1/4,  plus  une  carte  (5  fr). 

Ouvrage  terminé. 

19.  Le  cabinet  historique,  revue  trimestrielle,  contenant,  avec  un  texte 
et  des  pièces  inédites,  intéressantes  et  peu  connues,  le  catalogue  général 
des  manuscrits  que  renferment  les  bibliothèques  publiques  de  Paris  et  des 
départements  touchant  l'histoire  de  l'ancienne  France  et  de  ses  diverses  lo- 
calités, sous  la  direction  de  Louis  Paris.  F*  livraison.  Août  1854.  Paris, 
rue  d'Angoulême-Saint-Honoré,  25.  In-8"  de  8f.  Prix  annuel  pour  Paris 
et  les  départements  :  12  fr. 

Le  Cabinet  historique  paraîtra  tous  les  trois  mois,  par  caliiers  de  8  feuilles  ou  128 
pages  (3  feuilles  de  texte  historique  et  5  feuilles  de  catalogue,  contenant  rindicatic>\ 
de  800  manuscrits  environ). 

20.  Histoire  de  la  conquête  de  la  Normandie,  par  Philippe-Auguste,  en 
1204,  par  A.  Poignant.  Paris,  Sagnier  et  Bray.  In-S"  de  15  f.  1/2,  plus 
une  vignette  (tiré  à  300  exemplaires). 

21.  Vie  de  Jeanne  d'Arc;  par  Abel  Desjardins.  Paris,  F.  Didot  frères. 
In-18  de  II  f. 

22  Journal  d'un  bourgeois  de  Paris  sous  le  règne  de  François  I"  (1515- 
1556),  publié  pour  la  Société  de  l'histoire  de  France,  d'après  ini  manus- 
crit inédit  de  la  Bibliothèque  impériale,  par  Ludovic  Lalanne.  Paris,  Jules- 
Renouard.  In-8«  de  32  f.  3/4  (9  fr.). 

23.  Mémoires  de  Théodore  Agrippa  d'Aubigné,  publiés  pour  la  pre- 
mière fois  d'après  le  manuscrit  de  la  bibliothèque  du  Louvre,  suivis  de  frag- 
ments de  l'Histoire  universelle  de  d'Aubigné  et  de  pièces  inédites,  par 
M.  Ludovic  Lalanne.  Paris,  Charpentier.  In-18  de  13  f.  5/9  (3  fr.  50  c.) 

L'auteur  se  propose  de  compléter  les  OEuvres  de  d'Aubigné  par  la  publication  de 
trois  autres  volumes,  qui  comprendront  ses  ouvrages  principaux,  savoir  :  la  Confes- 
sion de  Sancij,  le  baron  de  Fœnesle,  et  le  pocme  satirique  intitulé  :  les  Tragiques, 
ouvrages  depuis  longtemps  rares  ou  introuvables. 

24.  Hôtel  de  Ville  de  Paris,  mesuré  et  dessiné  par  Victor  Caillât,  avec 
une  histoire  de  ce  monument  et  des  recherches  sur  le  gouvernement  mu- 
nicipal de  Paris,  par  Leroux  de  IJncy,  T""  et  2"  partie.  Liège,  Noblet, 
éditeur.  In-fol.  de  1  f.  servant  de  titre,  et  14  pi. 

25.  Précis  historique  et  archéologique  sur  Vie  sur-Aisne,  suividu  poëine 


88 

de  sainte  Léochade  par  Gaultier  de  Coinsi ,  par  l'abbé  Poquet.  Paris,  Vic- 
tor Didron.  In-S"  de  4  f.  3/4. 

26.  Les  fortifications  de  Soissons  aux  différentes  époques  de  son  histoire, 
soixante-six  ans  avant  .Tésus-Chrisi,  1850,  par  Jules  Leclercq  de  La- 
prairie.  Laon,  inipr.  de  Fleury.  In-8°  de  3  f. 

27.  Notice  historique  sur  Neuville-en-Laonnais,  par  M.  Melleville.  Paris, 
Dumoulin.  In-8°  de  l  f.  3/4. 

28.  Extraits  originaux  d'un  manuscrit  de  Quentin  de  la  Fons,  intitulé  : 
Histoire  particulière  de  l'église  de  Saint-Quentin,  publiés  pour  la  première 
fois  par  Charles  Gomart,  t.  L  Paris,  Dumoulin.  In-8»  de  33  f.,  plus  4  pi. 
et  fac-similé  (10  fr.). 

29.  Les  abbés  de  Scint-Bertin,  d'après  les  anciens  monuments  de  ce 
monastère,  par  M.  Henri  de  Laplaue.  Saint-Omer,  inipr.  de  Chauvin  fils. 
In-S"  de  27  f.  1/2. 

Publication  de  la  Société  des  antiquaires  de  la  Morinie •  F«  partie,  648-1450, 

comprenant  radministration  de  63  abbés,  pendant  nne  période  de  798  ans.  La  2*  par- 
tie embrassera  un  espace  de  341  ans.  Elle  comprendra  le  gouvernement  des  20  der- 
niers abbés,  1460  à  1791. 

30.  Spécimens  des  antiquités  architecturales  de  la  Normandie,  par  Au- 
guste Pugiu,  architecte  archéologue.  Le  texte  historique  et  descriptif, 
par  John  Britton;  traduit  par  L.  Delobel,  lieutenant-colonel  d'artillerie. 
Liège,  Noblet  ;  Paris,  Borrani  et  Droz.  In-4<'  de  3/4  de  f.,'plus  20  pi.  (2  fr.). 

L'ouvrage  se  composera  de  80  plancbes  avec  texte.  Il  sera  divisé  en  20  livraisons 
de  4  plancbes  cliactme,  accompagnée  d'une  notice.  Prix  de  la  livraison  :  2  fr. 

31.  Essai  d'une  bibliothèque  historique  de  l'Angoumois  ,  par  J.  F.  Eu- 
sèbe  Castaigne.  Angouléme,  impr.  de  Lafraise  (1847).  In-8''  de  6f.  1/4. 

32.  Les  souvenirs  historiques  du  château  d'Angoulême,  parChancel. 
Angouléme,  impr.  de  Grobot.  In-8°  de  9  f.  1/2,  plus  une  pi. 

33.  Monographie  de  l'insigne  basilique  de  Saint-Saturnin,  puhliée  sous 
les  auspices  de  la  Société  impériale  d'archéologie  du  midi  de  la  France 
Paris,  Victor  Didron.  In-16  de  10  f.,  plus  une  pi. 

34.  Ariége,  Andorre  et  Catalogne.  Guide  historique,  pittoresque  et  des- 
criptif aux  bains  d'LTssat  et  d'Aix,  contenant  l'histoire  de  l'ancien  pays  de 
Foix  et  de  ses  comtes  jusqu'à  Henri  IV,  et  l'histoire  de  la  vallée  d'Andore 
jusqu'à  nos  jours,  parL.  Boucoiran.  Paris,  Giraud.  In-8''  de  13  f.,  plus  20 
dessins  imprimés  à  deux  teintes  (7  fr.  50  c.). 

35.  Description  du  musée  lapidaire  de  la  ville  de  Lyon.  Épigraphie  an- 
tique du  département  du  Rhône,  par  le  docteur  A.  Comarmond.  Lyon, 
Dumoulin  (1846-1854).  Gr.  in^"  de  64  f.,  plus  19 pi. 

36.  Histoire  de  Saint-Étienne  et  de  ses  environs, avecl 2 planches  litho- 
graphiées ,  par  Eugène  Bonnefous.  Livraisons  4  à  la  (in.  Paris,  Dentu. 
In-S"  de  26  f.  1/4, plus  10  lithogr. 

Ouvrage  terminé. 


80 

37.  Esquisse  historique  sur  la  viJîe  de  Craponne,  par  M.  l'abbé  Ad.  Mai- 
trias.  Craponne,  Savinel.  In-8"  de  11  f.  3/4. 

38.  Monograpliie  de  la  cathédrale  de  INevers,  suivie  de  l'histoire  desévê- 
(jues  de  Nevers,  par  M.  l'ahbé  Crosnier,  etc.  JSevers,  l\Iorel.  Gr.  in-S»  de 
27  f.  1/4,  plus  7  pi. 

39.  Notice  historique  et  statistique  sur  la  ville  de  Dole,  par  A.  Rousset. 
Besançon,  Bintot.  In-S»  de  18  f.  3/4. 

40.  Esquisses  historiques  de  l'ancien  comté  de  Ferrctte,  dans  la  haute 
Alsace,  par  Charles  Gontzwiller  (1853).  Colmar,  impr.  de  madame  veuve 
Decker.  In -8"  de  5  f.  1/4. 

41.  Les  ducs  de  Lorraine,  1048-1737.  Costumes  et  notices  historiques. 
Le  tout  recueilli,  dessiné,  décrit  et  gravé  sur  cuivre,  d'après  les  sceaux,  les 
monnaies,  les  tombeaux  de  ces  priuces ,  les  vitraux,  les  peintures  murales 
ou  autres,  les  manuscrits  et  les  documents  authentiques,  par  Jean  Cayon. 
Nancy,  Cayon-Liébault,  éditeur.  In-4«  de  9f.  1/2,  plus  35  pi.  (20  fr.). 

42.  Histoire  de  la  ville  de  Chalons-sur-Marne  et  de  ses  monuments,  de- 
puis son  origine  jusqu'à  l'époque  actuelle  (1854),  par  L.  Barbât,  l"^*  livrai- 
son. Paris,  Didron.  In-4''  de  3  f.,  plus  un  pian  et  3  lith. 

L'ouvrage  formera  20  livraisons.  Le  prix  de  cliaque  (texte  et  pi.)  est  fixé  à  2  fr. 

43.  Histoire  de  la  ville  de  Châlons-sur-Marne  et  de  ses  institutions ,  de- 
puis son  origine  jusqu'en  1789,  par  M.  Edouard  de  Barthélémy.  Châlons, 
Laurent,  in-8"'  de  23  f.,  plus  un  plan  (6fr.). 

44.  Histoire  de  Charleville  ,  par  Jean  Hubert,  etc.  Paris,  Dumoulin. 
In-12del3f.  1/3  (3  fr.),  plus  2  pi. 

45.  Altdeutsches  Namenbuch.  —  Dictionnaire  des  noms  propres  en 
allemand,  par  le  docteur  Foerstemann,  t.  I.  Noms  de  personnes,  1"  livrais. 
A—  Athan.  Nordhausen,  Foerstemann.  159  p.  jn-4''(4fr.). 

46.  Ludwigs  des  Froinmen.  —  Le  voyage  de  fiançailles  de  Louis  le 
Pieux,  landgrave  de  Thùringe,  poëme  héroïque  de  la  fin  du  douzième  siècle, 
relatif  au  siège  de  Saint- Jean  d'Acre,  publié,  d'après  le  manuscrit  unique, 
par  Fr.  von  der  Hagen.  Leipzig,  Brokhaus.  340  p.  gr.  in-S"  (10  fr.  65  c). 

47.  Beitrâge  sur  Geschichte.  —  Publications  relatives  à  l'histoire  de  la 
langue  et  littérature  allemandes  au  moyen  âge,  par  le  docteur  Pfeiffer,  t.  l. 
La  chronique  des  chevaliers  teutons,  par  Nicolas  de  Jeroschin.  Stuttgart, 
Rôhler.  388  p.  gr.  in-8<>  (13  fr.  35  c). 

48.  Seb  Brant's  Narrenschiff .  —  La  nef  des  fous  de  Séb.  Brant ,  publiée 
par  Fr.  Zarncke.  Leipzig,  AVigand.  cxliii,  et  495  p.  gr.  iu-8°  (26  fr.  25  c.). 

49.  aiurners  Llenspiegel.  —  L'espiègle  (Tyil  Eulenspiegel)  de  ïh.  Mur- 
ner,  publié  par  Lapi<enberg.  Leipzig,  Weigel.  484  p.  avec  grav.  gr.  in-S" 
(16  fr.). 

50.  llandhiich.  —  ^hin'iel  de  l'art  ecclésiastique  du  moyen  âge  aile- 


90 

mand,  par  H.  Otte.  3"^  édition.  Leipzig,  Weigel,  382  p.  gr.  in-8",  avec  13 
grav.  sur  acier  et  362  sur  bois  (16  fr.). 

51.  Urkundensammiung.— Collection  de  diplômes  relatifs  à  riiistoirede 
la  famille  de  Maltzan,  par  Lisch,  t.  IV  et  V  (1476-1554).  Schwerin  (1852- 
1853).  XXI  et  928  p.,  avec  pi.  gr.  in-S**. 

L'ouvrage  complet  :  44  fr. 

52.  Histoire  du  Limbourg,  suivie  de  celle  des  comtés  de  Daelbem  et  de 
Fauquemont,  des  annales  de  l'abbaye  de  Rolduc,  par  M.  S.  P.  Ernst,  curé 
d'Aden,  etc.,  publiée  avec  notes  et  appendices ,  et  précédée  de  la  vie  de 
l'auteur,  par  Ed.  Lavalleye,  t.  VII  et  VIII.  Liège,  1853  (13  fr.). 

L'ouvrage  complet  :  .50  fr. 

53.  Horae  belgicœ,  éd.  Hoffmann  Fallersiebensis.  Pars  IX  et  X. 
Hannov.  Rùmpler.  Gr.  in-8''  (8  fr.). 

54.  Fondation  de  la  république  des  Provinces-Unies.  Marnix  de  Sainte- 
Aldegonde,  par  Edgard  Quinet.  Paris,  Delahaye.  In-18,  format  anglais,  de 
7  f.  4/9  (2  fr.). 

55.  Romance  of.  —  Romance  de  Jean  et  de  Blonde.  d'Oxford,  par  Ph. 
de  Reims,  poëte  anglo-normand  du  douzième  siècle,  publiée  d'après  le  ma- 
nuscrit unique  par  Leroux  de  Lincy.  Londres  (1853).  Gr.  in-8o. 

56.  The  nursery  rhymes.  —  Les  chants  de  nourrice  de  l'Angleterre,  re- 
cueillis principalement  dans  les  traditions  orales.  Publiés  par  Halliwell. 
Londres,  333  p.  in-S"  (5fr.). 

57.  Ein  Beitrag.  —  Essai  sur  l'histoire  du  roi  Henri  II  d'Angleterre  et 
sur  la  vie  qu'on  menait  à  sa  cour,  par  G.  Phillips.  Vienne,  Braumiiller, 
(1853).  84  p.  gr.  in-8°  (2  fr.). 

Extrait  des  comptes  rendus  de  l'Académie  impériale  des  sciences,  J853. 

58.  Albanesische  Studien. — Études  albanaises,  par  J.  G.  de  Hahn,  avec 
carte.  3  parties.  léna,  Mauxe.  365,  169,  241  p.  gr.  in-8°. 

59.  Dante  et  les  origines  de  la  langue  et  de  la  littérature  italiennes. 
Cours  fait  à  la  Faculté  des  lettres  de  Paris,  par  M.  Fauriel.  Paris,  Durand. 
2  vol.  in-8",  ensemble  de  95  f.  3/4  (14  fr.). 

60.  Jérôme  Savonarole,  sa  vie,  ses  prédications,  ses  écrits,  d'après 
les  documents  originaux  et  avec  des  pièces  justificatives  en  grande  partie 
inédites;  par  F.  T.    Perrens.  Paris,  Hachette,  1853. —  2  vol.  in-S"  de 

68  f.  1/4  (15  fr.). 

61.  Histoire  du  royaume  des  DeuxSiciles ,  abrégée  par  i\l.  E.  de  ïre- 
gain.  Paris,  Amyot.—  In-8°  de  38  f.  1/2  (6fr.). 

62.  Charles-Quint,  son  abdication,  son  séjour  et  sa  mort  au  monastère 
de  Yuste,  par  M.Mignet.  Paris,  Paulin.  In-S^de  30  f.  1/4. 

63.  Ilistoria  gênerai.  —  Histoire  générale  des  Itides;  par  Gon/.  Forn. 
de  Oviedoy  Valdès,  premier  chroniqueur  du  nouveau  monde.  Publiée  par 
.1.  A.  de  los  Rios.  T.  1  et  II.  Madrid,  1852.  — cxii  et  632  p.,  vu  et 
511  p.  iu-4''  avec  cartes. 


î)l 
CHRONIQUE. 

Août  —  Septembre  1854. 

Nous  publions  le  texte  de  deux  décrets  qui  prouvent  tout  l'intérêt  que 
Son  Exe.  le  ministre  de  l'instruction  publique  veut  bien  porter  à  notre  ins- 
titution. Le  premier  reconnaît  notre  Société  comme  établissement  d'utilité 
publique.  Le  second  accorde  à  MM.  les  répétiteurs  de  l'École  un  titre  qui 
répond  mieux  à  leurs  fonctions,  celui  de  professeurs  adjoints. 

«  NAPOLÉON  ,  par  la  grâce  de  Dieu  et  la  volonté  nationale ,  empereur 
des  Français , 

A  tous  présents  et  à  venir,  salut. 

Sur  le  rapport  de  notre  ministre  secrétaire  d'État  au  département  de 
l'instruction  publique  et  des  cultes; 

Vu  la  demande  formée  par  la  Société  de  l'École  des  Chartes ,  à  l'effet 
d'être  reconnue  comme  établissement  d'utilité  publique; 

Notre  conseil  d'État  entendu  ; 

Avons  décrété  et  décrétons  ce  qui  suit  : 

ABT.  I. 

La  Société  de  l'École  des  Chartes  est  reconnue  comme  établissement  d'u- 
tilité publique. 
Ses  statuts ,  joints  au  présent  décret ,  sont  approuvés. 

ART.  2. 

Notre  ministre  secrétaire  d'État  au  département  de  l'instruction  publi- 
que et  des  cultes  est  chargé  de  l'exécution  du  présent  décret. 
Fait  au  palais  des  Tuileries  le  29  août  1854. 

Signé  NAPOLÉON, 
Par  l'Empereur  : 

Le  ministre  secrétaire  d'Etat  au  département  de  l'instruction 
publique  et  des  cultes , 

H.  FORTOUL. 

Pour  amplialion ,  pour  le  chef  du  secrétariat , 

P.  COLLIN. 


92 
SÏATLTS 

DE    LA    SOCIÉTÉ    DE    l'ÉCOLE    DES    CHAUTES. 
SFXÏION  I. 

But  de  la  Société. 

AET.    1. 

La  Société  de  l'École  des  Chartes  a  pour  but  de  créer  entre  les  anciens 
élèves  de  cette  École  une  confraternité  studieuse  et  de  réunir  leurs  efforts 
pour  la  publication  de  mémoires  et  documents  relatifs  principalement  à 
l'histoire  de  France  au  moyen  âge. 

SECTION  II. 

Composition  de  la  Société. 

ART.   2. 

Peuvent  seuls  être  membres  de  la  Société  : 

1°  Les  archivistes  paléographes; 

2"  Les  anciens  élèves  pensionnaires  ou  boursiers  de  l'École  des  Chartes. 

AItT.   3. 

Pour  entrer  dans  la  Société ,  il  faut  : 

lo  Avoir  fait  recevoir  un  article  destiné  à  être  inséré  dans  son  recueil  ; 

2"  Être  présenté  par  deux  membres. 

ART.  4. 

L'admission  ne  peut  avoir  lieu  qu'aux  deux  tiers  des  voix  des  niembres 
présents,  et  si  le  candidat  a  obtenu  au  moins  douze  voix. 

ART.    5. 

Les  membres  nouvellement  admis  n'ont  voix  délibérative  dans  les  séan- 
ces de  la  Société  qu'un  an  après  leur  élection. 

SECTION  III. 

Travaux  et  administration  de  la  Société. 

ART.   6. 

La  Société  publie  un  recueil  spécialement  destiné  aux  travaux  de  ses 
membres,  et  intitulé:  Bibliothèque  de  l'École  des  Charles. 

ART.  7. 

Elle  se  réunit  à  des  époques  (ixcs  qu'elle  détermine. 


93 

A  UT.  8. 

Elle  est  administrée  par  un  Conseil  qu'elle  nomme,  et  qui  se  compose  : 

1"  Du  bureau; 

2»  De  la  Commission  de  publication  ; 

3"  De  la  Commisi-ion  de  comptabilité; 

4"  De  l'Arcbiviste-trésorier. 

ART.  9. 
Les  membres  du  Conseil  sont  élus  pour  une  année.  Ils  sont  rééligibies. 

ART.   10. 
Le  bureau  de  la  Société  se  compose  du  Président ,  du  vice-Président  et 
du  Secrétaire. 

ART.   1t. 

Le  Président  dirige  la  Société  et  la  représente;  il  convoque,  quand  il  le 
juge  nécessaire ,  et  préside  la  Société  ,  le  Conseil  et  les  Commissions. 
En  cas  de  partage ,  sa  voix  est  prépondérante. 

ART.   t2. 

Le  Secrétaire  fait  les  convocations,  rédige  les  procès-verbaux  des  séan- 
ces ;  il  est  chargé  de  la  correspondance. 

ART.    13. 

La  composition  et  la  direction  littéraire  du  recueil  appartiennent  exclu- 
sivement à  la  Commission  de  publication. 

ART.   14. 

La  Commission  de  comptabilité  contrôle  la  gestion  de  l'Arcbiviste-tré- 
sorier, autorise  les  dépenses  ordinaires  qu'occasionnent  Timpression  et 
l'envoi  du  recueil ,  et  donne  son  avis  sur  les  autres  dépenses  qui  doivent  être 
\otées  par  la  Société. 

Chaque  année,  le  Président  de  cette  Commission  présente  à  l'approbation 
de  la  Société  les  comptes  arrêtés  par  elle. 

ART.   15. 

L'Arcbiviste-trésorier  est  le  comptable  delà  Société  et  le  dépositaire  de 
ses  collections. 

SECTION  IV. 

Dispositions  générales. 

ART.  16.  , 

Aucune  délibération ,  auctm  vote,  ne  peuvent  avoir  lieu  dans  les  réu- 
nions de  la  Société  si  le  nombre  des  membres  présents  n'est  pas  de  dix  au 
moins. 


94 

ABT.    17. 

Le  siège  de  la  Société  est  fixé  à  Paris. 

ART.  18. 
Aucune  modification  ne  pourra  être  apportée  aux  présents  statuts  qiie 
dans  une  Assemblée  générale ,  convoquée  spécialement. 
Pour  expédition  conforme  : 

Le  chef  du  Secrétariat  ^ 

Charles  FORTOUL. 


—  NAPOLÉON ,  par  la  grâce  de  Dieu  et  la  volonté  nationale ,  Empereur 
des  Français , 

A  tous  présents  et  à  venir,  salut. 

Sur  le  rapport  de  notre  ministre  secrétaire  d'État  au  département  de 
l'instruction  publique  et  des  cultes; 

Vu  l'ordonnance  royale  du  31  décembre  1846; 

Vu  l'avis  du  conseil  de  perfectionnement  de  l'École  Impériale  des 
Chartes , 

Avons  décrété  et  décrétons  ce  qui  suit  : 

ART.    1. 

Les  Répétiteurs  de  l'École  Impériale  des  Chartes  porteront  à  l'avenir 
le  titre  de  Professeur  adjoint. 

Le  Répétiteur  général  aura  le  titre  de  Professeur  adjoint ,  auquel  il 
joindra  celui  de  sous-Directeur  des  études. 

Le  Secrétaire  trésorier,  chargé  des  suppléances,  prendra  le  titre  de 
Professeur  suppléant. 

ART.  2. 

Toutes  les  dispositions  contraires  au  présent  décret  sont  et  demeurent 
abrogées. 

ART  3. 

Notre  ministre  secrétaire  d'État  au  département  de  l'instruction  publique 
et  des  cultes  est  chargé  de  l'exécution  du  présent  décret. 
Fait  à  Boulogne,  le  30  septembre  1854. 

NAPOLÉON. 
Par  l'Empereur  : 

Le  ministre  secrétaire  d'État  au  département  de  l'instruction 
publique  et  des  cultes , 

H.  FORTOUL. 


95 

—  Le  ministre  de  l'instruction  publique  et  des  cultes,  vu  le  décret  du 

30  septembre  dernier, 

Arrête  : 

MÎM.  de  Mas-Latrie,  Vallet,  Tardif  et  Bourquelot,  Répétiteurs  à  l'É- 
cole Impériale  des  Cbartes ,  sont  nommés  Professeurs-adjoints  à  ladite 
École. 

M.  de  ]\Ias-Latrie  conserve  en  outre  le  titre  de  sous-Directeur  des 
études. 

—  M.  Borel ,  secrétaire  archiviste  trésorier,  répétiteur  chargé  des  sup- 
pléances, est  nommé  Professeur  suppléant. 

Fait  à  Paris,  le  12  octobre  1854, 

H.  FORTOUL. 

—  Kotre  confrère  M.  Paillard  de  Saint-Aigian ,  sous-préfet  de  Dun- 
kerque  (Nord),  est  nommé  préfet  du  département  du  Cantal. 

—  Notre  confrère  M.  Anatole  de  Barthélémy,  secrétaire  général  de  la 
préfecture  des  Côtes-du-Nord ,  est  nommé  sous-préfet  de  Belfort  (  Haut- 
Rhin). 

—  Notre  confrère  M.  Héron  de  Villefosse  a  été  choisi  par  l'Académie 
des  inscriptions,  pour  remplir  la  place  d'auxiliaire  que  la  mort  de  M.  Du- 
chalais  avait  laissée  vacante. 

—  Le  Moniteur  du  16  septembre  contenait  le  décret  suivant  : 

Abt.  1.  Le  département  des  estampes,  cartes  et  plans  de  la  Bibliothèque 
impériale  formera ,  à  l'avenir,  deux  départements  distincts  : 

Le  département  des  cartes  et  collections  géographiques  ; 

Le  département  des  estampes. 

Abt.  2.  Sont  attachés  aux  départements  des  cartes  et  collections  géo- 
graphiques : 

Un  conservateur; 

Deux  conservateurs  adjoints. 

Sont  attachés  au  département  des  estampes  : 

Un  conservateur; 

Deux  conservateurs  adjoints. 

Abt.  3.  M.  Jomard  ,  conservateur  au  département  des  estampes,  cartes 
et  plans,  est  nommé  conservateur  au  département  des  cartes  et  collections 
géographiques  ; 

M.  de  Pougerville,  conservateur  adjoint  au  département  des  imprimés, 
est  nommé  conservateur  adjoint  au  département  des  cartes  et  collections 
géographiques  -, 

I\f.  Franck,  conservateur  adjoint  au  département  des  estampes,  cartes 


90 

et  plans ,  est  nommé  conservateur  adjoint  au  département  des  cartes  et 
collections  géographiques. 

Abt.  4.  M.  Duchesne,  conservateur  au  département  des  estampes, 
cartes  et  plans,  est  nommé  conservateur  au  département  des  estampes; 

MM.  Duchesne-Taussin  et  Devéria,  conservateurs  adjoints  au  départe- 
ment des  estampes  ,  caries  et  plans  ,  sont  nonnnés,  en  la  même  qualité,  au 
département  des  estampes. 

Art.  6.  INI.  Reinaud,  conservateur  adjoint  au  département  des  manus- 
crits, est  nommé  conservateur  au  même  département,  pour  les  manuscrits 
orientaux. 

Art.  6.  M.  Lavoix,  employé  au  département  des  médailles,  est  nommé 
conservateur  adjoint  au  même  département. 

—  Par  arrêté  du  ministre  de  l'instruction  publique  et  des  cultes ,  en  da<te 
du  29  août,  M.  Beulé,  docteur  ès-lettres  ,  ancien  membre  de  l'École  d'A- 
thènes, attaché  au  cabinet  du  ministre  de  l'instruction  publique,  est 
chargé  du  cours  d'archéologie  près  la  Bibliothèque  impériale. 

—  Nous  avons  déjà  parlé  des  mesures  prises  par  le  Conseil  général  du 
département  de  l'Aube  pour  assurer  le  classement  et  la  conservation  des 
archives  municipales  et  hospitalières.  Déjà,  grâce  au  zèle  de  notre  confrère 
IM.d'Arhois  de  Jubainville ,  d'importants  progrès  ont  été  réalisés.  Parmi 
les  résultats  de  la  dernière  inspection ,  nous  pouvons  annoncer  la  décou- 
verte des  archives  de  l'abbaye  de  Villenauxe,  précédemment  connue  sous 
Je  nom  d'abbaye  de  Nesle.  Depuis  plus  d'un  siècle ,  on  répétait  que  les  ar- 
chives de  cet  établissement  avaient  péri  dans  les  guerres  du  seizième  siècle. 
Quel  n'a  donc  pas  été  le  bonheur  de  M.  d'Arbois  ,  quand  il  a  rencontré  la 
meilleure  partie  de  ces  archives  à  la  mairie  de  Villenauxe!  Elles  se  compo- 
sent de  plusieurs  milliers  de  pièces  originales,  dont  les  plus  anciennes  re- 
montent au  douzième  siècle,  et  d'un  cartulaire  transcrit  au  commence- 
ment du  quinzième,  lequel,  entre  autres  actes  anciens,  contient  un  diplôme 
de  l'empereur  Lothaire. 


CARTULAIRES  FRANÇAIS 


EN 


ANGLETERRE. 


Vers  1820,  plusieurs  manuscrits  disparurent  des  archives  de  Maine- 
et-Loire,  entre  autres  deux  cartulaires  originaux,  très-importants  par 
le  grand  nombre  et  la  date  reculée  de  leurs  chartes ,  de  même  que  par 
les  diverses  provinces  et  localités  auxquelles  elles  se  rapportaient  :  le 
Livre  Noir  de  Saint-Florent ,  près  Saumur  ,  et  la  Grande  Pancarte  de 
Fontevraud.  Des  recherches  furent  faites  à  différentes  reprises,  mais 
toujours  sans  succès;  et  l'archiviste,  M.  Jubin-Dedouvres ,  fut  obligé  de 
reconnaître  qu'il  y  avait  eu  soustraction,  soit  par  un  jeune  homme  qu'il 
employait  comme  garçon  de  bureau ,  soit  par  une  personne  à  laquelle 
de  hautes  recommandations  avaient  donné  de  grandes  libertés  dans  les 
archives.  L'opinion  générale  attribuait  le  vol  au  premier.  Trouvant  in- 
suffisante la  somme  allouée  à  son  service,  il  aurait  succombé  à  la  ten- 
tation d'augmenter  son  salaire  par  la  vente  de  volumineux  registres  en 
parchemin.  Cependant  des  manuscrits  aussi  précieux  ne  pouvaient  en- 
trer dans  une  collection  publique  ni  même  privée  sans  qu'il  fût  possible 
d'en  suivre  la  trace  ;  la  transmission  des  documents  n'était  pas  encore 
dissimulée  par  les  mystères  et  les  habiletés  qu'on  a  employés  depuis. 
On  en  arriva  donc  à  conclure  que  l'auteur  du  vol,  pour  éviter  d'être 
découvert,  avait  dû  démembrer  nos  cartulaires  et  finir  par  les  vendre 
à  des  relieurs,  dont  le  ciseau  les  a  coupés  pour  garnir  les  dos  et  les  coins 
de  grammaires  et  de  catéchismes.  Cette  conviction  était  si  profonde  , 
que  le  successeur  de  M.  Jubln,  après  avoir  fait  lui-même  d'activés 
recherches ,  crut  ne  pouvoir  mieux  signaler  son  entrée  en  fonctions 
qu'en  travaillant  à  reconstituer  les  deux  cartulaires  dont  on  déplorait 
I.  (Quatrième  série.)  7 


98 

le  perte.  La  considération  que  ces  manuscrits  n'existaient  plus  fut  d'un 
grand  poids  auprès  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres , 
lorsqu'elle  attribua,  en  1844,  une  médaille  d'or  aux  Archives  d'Anjou, 
pour  la  reconstitution  ,  feuillet  par  feuillet ,  du  Livre  Noir  de  Saint- 
Florent. 

Toutefois  les  manuscrits  des  archives  d'Angers  n'étaient  pas  dé- 
truits ,  probablement  parce  qu'ils  n'avaient  pas  été  volés  par  le  garçon 
de  bureau.  Vendus  à  un  libraire  de  Paris,  ils  étaient  passés  en  Angle- 
terre, et  ils  y  avaient  formé  le  noyau  de  la  collection  particulière  la 
plus  riche  en  manuscrits  qui  existe  de  nos  jours,  celle  de  sir  Thomas 
Phillipp's,  baronnet.  En  1849,  mon  confrère  M.  André  Salmon  profita  de 
la  noble  et  gracieuse  hospitalité  de  Middie-Hill  pour  transcrire  plu- 
sieurs documents  relatifs  à  la  Touraine.  S'il  ne  constatait  que  plus  tard 
l'existence  de  la  Grande  Pancarte  de  Fontevraud,  il  m'écrivait  déjà  le 
1 5  août  :  «  Sir  Th.  Phillipp's  m'a  donné  à  admirer  le  joyau  de  sa  biblio- 
«  thèque,  le  fameux  Livre  ISoir  de  Saint-Florent.  Les  plus  belles  et 
«  savantes  reconstitutions  de  cartulaires  ne  valent  pas,  mon  cher  ami, 
«  la  vue  de  ce  magnifique  document ,  auquel  je  ne  trouve  à  reprocher 
«  qu'une  chose,  c'est  qu'il  ne  soit  pas  à  Angers  ou  même  à  Paris.  Quoi 
«  qu'il  en  soit,  il  est  sauvé  à  jamais...  Sir  Th.  Phillipp's  a  parcouru  avec 
«  intérêt  tes  Archives  d'Anjou  ,  qu'il  serait  très-désireux  de  posséder, 
«  comme  aussi  de  voir  l'auteur  ;  je  lui  ai  prorais  les  deux  ,  c'est-à-dire 
«  un  exemplaire  de  ton  livre  le  plus  tôt  possible ,  et  ta  visite  pour  l'an- 
«  née  prochaine.  » 

Cette  lettre  arriva  à  Angers  pendant  la  session  du  conseil  général. 
Instruits  aussitôt  de  la  découverte  du  Livre  Noir  et  de  l'empressement 
avec  lequel  sir  Th.  Phillipp's  offrait  de  le  communiquer  et  d'en  laisser 
prendre  copie ,  MM.  les  conseillers  du  département  émettent ,  le  31 
août,  le  vœu  que  M.  le  ministre  de  l'instruction  publique  «  alloue  à 
«  l'archiviste  de  Maine-et-Loire  une  somme  de  800  francs,  en  lui  don- 
«  nant  la  mission  spéciale  d'aller  rechercher  et  copier  en  Angleterre  les 
«  documents  relatifs  à  l'Anjou,  notamment  le  IJvre  Noir  de  Saint-Flo- 
«  rent  et  le  Grand  Gartulaire  de  Fontevraud.  »  Le  20  mars  1850 ,  M.  le 
ministre  accordait  la  mission  sollicitée,  et,  en  l'annonçant  à  l'archiviste, 
il  ajoutait  :  «  Tout  en  vous  occupant  du  but  spécial  de  votre  mission,  je 
X  désirerais,  Monsieur  ,  qu'il  vous  fût  possible  de  rapporter  de  votre 
«  voyage  une  notice  des  autres  eartulaires  de  France  que  vous  pourrez 
■  découvrir  en  Angleterre.  Cette  notice,  qui  n'ajouterait  que  faiblement 
«  à  la  durée  de  votre  tâche ,  servirait  de  complément  à  l'indication  des 
X  cartulaires  que  mon  collègue  M.  le  ministre  de  l'intérieur  a  publiée  , 


99 

c  et  au  catalogue  des  manuscrits  des  bibliothèques  des  départements 
"  dont  le  ministère  de  l'instruction  publique  a  commencé  la  publica- 
«  tion.  Je  recevrai  avec  un  vif  intérêt  vos  communications  à  ce  sujet.  » 

Le  travail  qui  suit  est  le  résultat  de  cette  mission,  qui  a  duré  près  de 
deux  mois,  du  27  juin  au  20  août  1850.  Sans  y  faire  entrer  de  nom- 
breux renseignements  destinés  à  des  travaux  personnels  sur  l'Anjou  et 
le  Poitou  ,  je  me  suis  renfermé  dans  le  cercle  de  mes  instructions.  Dans 
la  Première  Partie ,  j'ai  fait  le  catalogue  de  seize  cartulaires  concer- 
nant la  France  i ,  que  j'ai  rencontrés  au  Musée  britannique.  Ils  sont 
énumérés  d'après  l'ordre  prescrit  pour  le  classement  des  Archives  Dé- 
partementales. La  Seconde  Partie  contient,  suivant  l'ordre  alphabétique 
des  localités  auxquelles  ils  se  rapportent,  l'indication  de  vingt-deux 
titres^  nécrologes,  comptes  et  autres  documents  qui  sont  le  complé- 
ment des  cartulaires  de  France.  Enfin  la  Troisième  Partie  concerne 
spécialement  sept  cartulaires  d'abbayes  angevines  et  de  quelques-uns 
de  leurs  prieurés  en  Angleterre. 

Pour  ce  dernier  travail,  je  n'ai  pas  profité  seulement  des  nombreuses 
et  admirables  collections  du  Musée  britannique,  administrées  avec  un 
ordre  si  parfait,  une  libéralité  si  exemplaire,  et  sur  lesquelles  il  m'avait 
été  possible  de  travailler  dès  le  jour  de  mon  arrivée  à  Londres  ,  grâce 
à  l'extrême  obligeance  de  M.  Holmes,  conservateur  adjoint  des  ma- 
nuscrits, auquel  j'étais  recommandé  par  M.  Ch.  Lenormant. 

D'honorables  professeurs  d'Oxford ,  pour  lesquels  Dom  Pitra,  béné- 
dictin de  Solesmes ,  m'avait  donné  des  lettres ,  m'ont  fait  pénétrer 
dans  le  chartrier  du  collège  de  la  Madeleine ,  afin  de  consulter  le  car- 
tulaire  du  prieuré  de  Selé,  dépendant  de  Saint-Florent  de  Saumur. 

Sir  Th.  Phillipp's  a  exercé  à  mon  égard  cette  hospitalité  vraiment 
anglaise  dont  on  conserve  toujours  un  touchant  souvenir. 

Je  ne  dois  pas  oublier  non  plus  le  savant  conservateur  adjoint  des 
Rôles.  Sir  Francis  Palgrave  ne  s'est  pas  contenté  de  faire  mettre  à 
ma  disposition  les  documents  et  surtout  les  Rôles  de  la  Tour  de  Lon- 
dres ;  par  son  initiative  aussi  bienveillante  qu'éclairée,  j'ai  pu  rapporter 
à  la  bibliothèque  d'Angers  trente-six  des  plus  importants  volumes  pu- 
bliés par  la  Commission  des  Records. 


1.  Dans  son  rapport  à  M.  le  ministre  de  l'instruction  publique,  Dom  Pitra  a  décrit 
le  cartulajre  du  prieuré  de  «omnène  ,  diocèse  de  Grenoble.  Voy.  Archives  des  mis- 
sions scientifiques,  t.  I,  p.  492. 


7. 


JOO 
PREMIÈRE  PARTIE. 

I.  Royaume  des  Deux-Siciles. 

Musée  britannique.  Mss.  Harley,  n"  902,  fol.  108«133. 

Mémoire  ;  inventaire  sommaire  de  lettres ,  bulles  et  autres  en- 
seignements ;  conclusions  ;  copies  de  bulles  et  lettres  par  lesquels 
apert  le  bon  droict  que  très-chrislien  roy  de  France,  Charles, 
y III''  de  ce  nom ,  a  au  royaulme  de  Sicile. 

In-folio  en  papier  de  26  pages,  daté  du  7  février  1493  (vieux 
style). 

Ce  manuscrit  est  de  la  main  de  Guillaume  de  Sailly  ,  l'un  des 
clercs  ordinaires  de  la  Chambre  des  comptes,  qui  certifie  les 
bulles  et  chartes  copiées  par  lui  conformes  aux  originaux  con- 
servés dans  ladite  Chambre. 

Parmi  les  pièces  transcrites  ,  se  trouve  un  inventaire  des  ti- 
tres touchant  le  royaume  de  Sicile,  fait  au  château  d'Augers ,  le 
27  janvier  1491,  vieux  style,  par  Léonard  Baronat, 

IL  Université  de  Paris. 

Musée  britannique,  Additionul  Mss.,  n"  17304.  —  Acquis  le 
12  février  1848  de  Boone,  qui  le  tenait  de  Moore,  de  Paris. 

Liber  privilegiorum  et  slatutorum  universitatis  Parisiensis. 

In-4°  en  parchemin  ;  220  folios  écrits.  Écriture  du  quatorzième 
au  dix-septième  siècle.  172  pièces,  d'après  17ndf?a;  (qui  donne 
les  passages  cités  par  Duboulay);  du  11  mai  1218  (bulle  d'Ho- 
noré lïl,  fol.  29  v°)  au  20  avril  1 652  (acte  du  rectorat  de  Claude 
delà  Place,  fol.  213). 

Ce  manuscrit  est  en  assez  bon  état,  sauf  un  petit  nombre  de 
feuillets  qui  sont  fatigués  ou  usés.  Il  a  une  belle  et  ancienne 
reliure  en  veau  vert ,  parmi  les  ornements  de  laquelle  figurent 
des  fleurs  de  lis.  On  a,  sur  les  deux  ailes  du  volume,  coupé  la 
portion  sur  laquelle  étaient  apposées  les  armoiries.  L'écriture 
est  disposée  en  pleine  page,  dont  chacune  contient  28  lignes 
pour  les  folios  cotés  anciennement  1-155,  172  et  suivants;  et 
33  lignes  pour  les  folios  1 56- 171. 

La  partie  ancienne ,  celle  du  quatorzième  siècle ,  la  seule  qui 
mérite  d'attirer  l'attention ,  est  d'une  bonne  et  belle  écriture.  Les 


101 

litres  et  les  chapitres  des  diverses  pièces  y  sont  tracés  à  l'encre 
rouge  ,  et  les  initiales  enluminées  en  or,  azur  et  \iolet.  La  pre- 
mière page  a  un  encadrement  et  une  initiale  enluminée  à  per- 
sonnages ,  qui  ont  beaucoup  souffert,  ainsi  que  la  miniature  qui 
représente  le  crucifiement,  placée  au  folio  8,  v*^. 

En  tête  de  ce  cartulaire,  on  lit  le  commencement  de  l'Evan- 
gile selon  saint  Jean,  fol.  1,  après  lequel  viennent  le  Calenda- 
rimn  academicum;  puis  les  formules  de  serment,  privilèges 
royaux,  bulles  en  grand  nombre,  décrets,  statuts  et  nomina- 
tions de  recteurs,  dont  le  dernier  est  Claude  de  la  Place. 

III.  Duchés  d'Aquitaijne  et  de  Gascogne. 

Musée  britannique,  Mss.  Cotton,  Julius  ,  E.  l. 

Literse,  Chartse  et  Tractatus  Vasconiseet  Aquitaniêe,  tempore 
Henrici  I,  Edwardi  I  et  H  et  Henrici  III. 

In-4";  parchemin;  356  folios,  y  compris  les  feuillets  de 
papier  qui  séparent  les  divers  cahiers  ou  registres  formant  ce 
volume.  Écriture  du  quatorzième  siècle.  Il  y  a  299  pièces,  d'a- 
près la  table ,  écrite  sur  papier  et  remontant  au  dix-septième 
siècle,  qui  est  placée  eu  tète  du  volume;  mais  plusieurs  sont 
souvent  comprises  sous  un  seul  numéro.  Elles  vont  de  1027 
(Charte  de  Guillaume,  duc  d'Aquitaine,  en  faveur  de  Sainte- 
Croix  de  Bordeaux)  à  1325. 

Bon  manuscrit,  composé  de  plusieurs  parties  ,  et  dans  lequel 
sont  aussi  reliés  quelques  titres  originaux.  Au  bas  du  premier 
folio,  on  lit:  Scribitur par  manum  Thome  de  Chesy,  dont  on 
reconnaît  la  main  en  divers  endroits,  du  folio  l*""  au  177".  L'é- 
criture est  disposée  en  pleine  page.  Elle  est  fine  et  serrée,  et 
contient  de  40  à  42  lignes  à  la  puge  pour  les  folios  1  à  279.  Pour 
le  reste  du  volume,  elle  est  d'une  main  toute  différente,  et  d'au- 
tant plus  régulière ,  que  les  caractères  y  sont  gros  et  allongés. 

Ce  manuscrit  est  un  véritable  Cartulaire  d'Aquitaine ,  et  on 
peut,  pour  l'importance  ,  le  comparer  aux  cartulaires  de  Phi- 
lippe-Auguste. 

Il  contient  non-seulement    des  chartes   des    souverains  de- 
France  et  d'Angleterre ,  et  de  leurs  grands   vassaux,   mais  en- 
core des  bulles  et  des  actes  émanés  tant  des  communautés  reli- 
gieuses et  municipales  que  des  particuliers  de  toutes  classes  ; 


Ï02 

Je  tout  rédigé  en  latin,  en  français  et  en  provençal.  Ces  docu- 
ments se  rencontrent  surtout  aux  folios  1-72. 

Aux  folios  77-255,  on  trouve  principalement  des  états  des 
revenus ,  issues  et  coutumes  des  divers  sénéchaussées ,  bail- 
liages ,  paroisses ,  villes  et  châteaux ,  au  commencement  du  qua- 
torzième siècle  ;  le  tout  entremêlé  et  appuyé  de  titres  en  grand 
nombre,  copiés  à  la  suite  de  l'article  auquel  ils  se  rapportent. 

Des  inventaires  de  titres,  qui  concernent  notamment  Bor- 
deaux, sont  copiés  aux  folios  156-159  et  264-268. 

Enfin  ,  le  reste  du  volume  contient  des  Mémoires  et  des  En- 
quêtes relatifs  aux  coutumes  légales  du  pays. 

Le  temps  m'a  manqué  pour  procéder  à  un  examen  aussi  mi- 
nutieux que  le  mérite  ce  manuscrit,  qui  doit  être  signalé  à  toutes 
les  personnes  qui  veulent  étudier  l'histoire  de  l'Aquitaine  sous 
la  domination  anglaise. 

Bréquigny  en  a  donné  la  copie  à  peu  près  complète  dans  sa 
collection  conservée  à  la  Bibliothèque  impériale.  Mais  j'ai  cons- 
taté, notamment  pour  plusieurs  Cartse  antiquse  du  Musée  bri- 
tannique, l'incorrection  de  ses  textes  ;  et  peut-être  en  est-il  ainsi 
de  sa  transcription  du  Tractatus  Vasconias. 

IV.  Comtés  de  Poitou  et  de  Toulouse. 
V.  Comté  d'Avignon. 

Musée  britannique,  Additional  Mss.  ,  n"'  17308  et  17309, 
reliés  en  un  seul  volume.  Acquis  le  12  février  1848  de  Boone, 
qui  les  tenait  de  Moore  de  Paris. 

1"  (f.  1-4  )  :  Ordinatio  pro  exécutions  comitis  Pictavensis.  — 
Ordinatio  fada  pro  exequtore  comitis  Pictavensis  et  Thôïose ,  de 
redditibus  familial  suse  et  piis  locis  assigriatis. 

Petit  in-folio  ;  parchemin  ;  4  feuillets.  Écriture  de  la  fin  du 
treizième  siècle.  —  1  lettre  de  Philippe  le  Bel.  {Parisius^  A.  D. 
1 275 ,  mense  januarii.) 

Manuscrit  bien  conservé.  Bonne  écriture ,  disposée  en  pleine 
page.  Le  comte  de  Poitou  et  de  Toulouse  est  Alphonse ,  frère  de 
saint  Louis. 

2°  Voyez  plus  loin,  art.  XI. 

3**  (f  14-25)  :  Feoda  comitis  Pictavensis  in  comitatuYenaissini. 
—  Titre  courant  en  rubrique  :  Feoda  Venaissini. 

Format  un  peu  inférieur  à  celui  des  deux  premières  parties  du 


103 

volume;  parchemin  ;  1 1  feuillets.  Écriture  de  la  seconde  moitié 
du  treizième  siècle.  —  16  pièces ,  du  8  au  23  novembre  1253. 

Manuscrit  bien  conservé.  Bonne  écriture  disposée  sur  deux 
colonnes,  de  quarante-sept  lignes  chacune. 

Ce  manuscrit  est  plutôt  un  registre  d'assises  qu'un  cartulaire. 

Il  contient  des  notices  sommaires  des  aveux  et  déclarations 
rendus ,  du  VI  des  ides  de  novembre  au  X  des  calendes  de  dé- 
cembre 1253,  à  Alphonse ,  comte  de  Poitou  et  de  Toulouse  ,  re- 
présenté par  Guillaume  Bermond ,  notaire  de  G.  ^  évèque  de 
Carpentras,  par  les  ecclésiastiques  et  laïques  qui  tiennent  des 
fiefs  dudit  comte  dans  les  diocèses  de  Saint-Paul-Trois-Châteaux, 
Orange ,  Avignon  et  Vaison.  Ces  aveux  sont  divisés  en  seize 
chapitres,  en  tête  de  chacun  desquels  est  une  courte  rubrique, 
indiquant  le  nom  du  vassal  ou  de  son  fief.  Le  premier  concerne 
l'abbesse  du  Boschet  (de  Bosqueto),  nommée  domna  Raimunda. 

VI.  Seigneurie  d'Arlay  en  Bourgogne. 

Musée  britannique,  Additional  Mss.  ,  n°  17305.  Acheté  de 
Boone,  le  12  février  1848. 

(Au  dos)  :  Cartulaire  des  sires  d'Arlay.  (Dans  le  Mst.)  :  £n 
cest  livre  sunt  escriptes  (otes  les  latres  que  H.  et  P.  baron  mon 
signor  Hugue  de  Chalon,  sires  d'Arlay,  a,  quex  que  elles  soient 
ne  de  quel  matière  que  elles  parlaient,  soient  de  herietagCy  d'a- 
chat de  terre,  de  fiez  ou  d'autre  chose,  don  les  latres  s'enseguent 
ci-après.  Et  premerement  des  fiez,  etc.,  etc. 

In-4'',  relié  en  veau  rouge;  parchemin.  206  folios,  y  com- 
pris la  table  placée  en  tète,  et  qui  en  contient  1 1 .  Ancienne- 
ment le  Mst.  en  contenait  CCII ,  sans  la  table.  Écriture  de 
1327  à  1350.  Les  chartes  sont  au  nombre  de  618,  dont  2  sont 
incomplètes  (dans  l'origine  il  y  en  avait  622),  de  1202  à  1327. 

Magnifique  conservation  pour  le  parchemin  et  l'écriture. 

Manquent     les     feuillets     cotés     anciennement    VTn"XV , 

vin"vii,  viinx,  ix",  ix"i,  ix"vii  et  ccii. 

L'écriture ,  disposée  en  pleine  page ,  de  cinquante  lignes  cha- 
cune, parait  de  trois  mains  différentes.  Elle  est  très-bonne, 
quoique  fine  et  serrée.  Les  dernières  analyses  contenues  dans  la 

1.  Goillaiime  IV,  Bcioard. 


104 

table  ont  été  écrites  au  quinzième  siècle ,  époque  du  foliotage. 
L'initiale  de  chaque  titre  est  en  encre  rouge. 

Les  renseignements  qui  suivent  pourront  donner  une  idée  de 
l'importance  de  ce  cartulaire ,  pour  l'histoire  de  la  Franche- 
Comté  et  pour  celle  de  la  féodalité. 

Chap.  I.  Lettres  des  fiefs,  au  nombre  de 269 

IL      —     d'achats  et  de  conquises 173 

IIL      —     de  gagières 12 

IV.      —     d'eschange 21 

V.      —     de  donacions  et  confirmacions 23 

VI.      —     de  quitances,  acordances  et  convenances. .  60 
VIL      —     de  confirmacion ,  d'alienaeion,  et  des  com- 

paignies 64 

A  partir  du  folio  188,  jadis  coté  IX''''II,  l'ordre  méthodique 
n'est  plus  aussi  bien  observé  ;  et  on  rencontre  notamment  beau- 
coup de  chartes  qui  se  rapportent  aux  fiefs. 

Le  tableau  suivant  indique  les  principaux  personnages  des- 
quels les  chartes  sont  émanées  : 

Philippe  IV,  le  Bel ,  en  1302  et  1305. 
Louis  X ,  le  Hutin  ,1315. 
Philippe  V,  le  Long,  1317. 
Albert ,  roi  des  Romains. 
Adolphe  ,  roi  des  Romains ,  1294. 
Raoul,  duc  de  Bavière,  1294. 
Thibaut,  comte  de  Palatin ,  de  Champagne  et  de  Bar. 
Marguerite,  reine  de  Navarre. 
Marguerite ,  reine  de  Jérusalem  et  de  Sicile,  1289. 
Humbert ,  dauphin  de  Viennois. 
Divers  ducs  de  Bourgogne. 
Albert ,  duc  de  Saxe,  1291, 
Divers  comtes  palatins  de  Bourgogne. 
Mahaut,  comtesse  d'Artois  et  de  Bourgogne,  1304. 
Othon,  marquis  de  Brandebourg ,  1291. 
Boniface,  pape,  1296. 

Divers  archevêques  de  Besançon,  notamment  Guillaume  ,  en  1257 
et  1260. 
Sifrid  ,  archevêque  de  Cologne ,  1291. 
Gérard ,  archevêque  de  Mayence,  129 1 . 


105 

Boëmoud,  archevêque  de  Trêves,  1291. 
Guillaume,  évêque  de  Lausaime,  1288. 

On  trouve  plusieurs  lettres  missives  aux  folios  39,  reclo  et 
verso  et  1 1 8.  Ce  cartulaire  contient  aussi  bon  nombre  de  charte» 
en  langue  vulgaire ,  notamment  des  années  1237.1241,  1242, 
1245,  1246,  1247,  1250,  aux  folios  19,  21  v°,  22  v°,  21,  48 
v",  63  v",  21,  51,34. 

Il  en  existe  même  une  de  1202  (f.  76  v),  et  une  autre  de  1206 
(f .  6 1  v°)  ;  et  précisément  en  raison  de  leur  antiquité ,  ces  deux 
documents  doivent  être  l'objet  d'un  examen  minutieux  de  la 
part  de  personnes  compétentes. 

Les  principales  localités  dont  les  noms  reviennent  le  plus  sou- 
vent dans  le  cartulaire  sont  :  Bar,  Briançon,  Châîon-sur- 
Saône,  Commercy,  Joux,  Lons-le-Saulnier,  Montbeliard,  Neuf- 
chatel,  Poligny,  Salins,  etc. 

Cette  dernière  ville  était  la  capitale  d'une  puissante  baronnie, 
que  Hugues,  duc  de  Bourgogne,  acquit  en  1239,  et  qu'il  échan- 
gea immédiatement  avec  Jean  ,  comte  de  Bourgogne  et  de  Chà- 
lons,  contre  ce  dernier  comté  (cart.,  fol.  135).  Dans  une  charte 
du  29  janvier  1307  (fol.  71  v°  à  73  v"),  intitulée  :  Lettres  des 
convenances  entre  mons.  de  Châlon  et  ces  de  Besançon  (c'est-à- 
dire  les  citiens  et  communs),  Jean  de  Chàlons  se  dit  sires  d'Allay, 
vicuens  et  maires  de  Besençon.  Il  avait  été  mis  en  possession  de 
cette  mairie  dès  1293  ,  par  ordre  d'Adolphe,  roi  des  Romains, 
dont  la  lettre  est  copiée  dans  le  cartulaire  au  folio  179. 

VII.  Seigneurie  de  la.  Forêt  en  Poitou. 

Musée  britannique,  Additional  Mss. ,  n"  17316.  Acquis  de 
Boone,  le  12  février  1848. 

Copie  des  archives  de  la  Forêt. 

In-folio ,  relié  en  veau.  Papier  beau  et  fort.  454  feuillets.. 
Écrit  à  la  fin  du  dix-huitième  siècle.  Il  contient  environ  200  piè- 
ces, du  19  juin  1406  au  4  octobre  1773. 

Beau  manuscrit ,  fait  avec  soin  et  même  avec  luxe.  Magnifique 
écriture  ;  quelques  parties  en  rubrique  i  on  y  trouve  des  plans 
d'ensemble  et  de  détails  très-bien  exécutés. 

Le  premier,  qui  est  très-grand,  est  collé  sur  soie. 

En  tète  du  volume  est  une  Table  analytique  des  titres  ,  et  à  la 


106 

4 

fin  une  Table  alphabétique  des  matières.  Aucune  d'elles  n'est 
comprise  dans  la  pagination. 

La  terre  et  seigneurie  de  la  Forêt ,  située  paroisse  du  même 
nom,  était  composée  des  fiefs  de  Vieille-Forge  et  du  Menon ,  en 
Angoumois,  et  de  celui  de  la  Motte  de  Lorigné ,  en  Poitou. 

Vin.  Ville  de  Greux  et  de  Oomremy  en  Champagne. 

Musée  britannique  ,  Addil.  Mss.,  n°  17313.  Acquis  le  12  fé- 
vrier 1848,  de  Boone,  qui  le  tenait  de  Moore  de  Paris. 

Privilèges  de  Greux  et  Dompremy . 

ïn-folio,  papier,  19  folios.  Au  dos  du  dernier,  on  lit  :  Procé- 
dures pour  la  cour  des  Aides.  Cotte  F.  Copie  datée  du  1 1  mars 
1596,  faite  et  signée  par  Mongeot,  greffier  en  chef  de  l'élection 
de  Chaumont ,  qui  dit  avoir  rendu  l'original  aux  habitants  de 
Greux.  14  pièces,  de  1429  à  1495. 

Les  marges,  fort  mutilées,  ont  été  restaurées  avec  soin. 

M.  Moore  a  intitulé  ce  manuscrit,  sur  un  feuillet  de  carton  qui 
est  relié  en  tèt^  :  Cartulaire  des  privilèges  octroyés  aux  villes  de 
Greux  et  Dompremy  par  les  rois  de  France,  en  reconnaissance 
des  services  de  la  Pucelle. 

Au  dix-septième  siècle,  il  a  été  mieux  désigné  sous  le  titre  de  : 
Coppie  collationnée  des  privilèges  et  exemptions  accordés  par 
Charles  VII,  roi  de  France,  aux  habitants  de  Greux,  en  faveur 
des  services  rendus  à  V Estât  par  Jeanne  Barque,  surnommée  la 
Pucelle  d'Orléans . 

Cf.  sur  les  privilèges  de  Greux  et  de  Domremy,  deux  articles 
de  M.  Vallet  de  Viriville  dans  la  Bibliothèque  de  l'École  des 
Chartes,  3*  série,  V,  271,  et  dans  le  Bulletin  de  la  Société  de 
l'histoire  de  France,  année  1854  ,  p.  103. 

IX.  Bullaire  anglais. 

Musée  britannique.  Addit.  Mss.,  N"' 15351-15401.  Déposé 
d'abord  en  1829  parmi  les  papiers  d'État  (State  Papers  Office),  ce 
recueil  a  été  transféré  au  Musée  britannique  sur  l'ordre  de  sir 
James  Gr.iham,  secrétaire  d'État,  partie  en  1843,  partie  en 
1845.  On  lui  a  donné  le  titre  suivant  : 

Monumenta  Britannica ,  ex  autographis  Romanorum  pontifi- 


107 

cum  regestis  cseterisque  documentis  deprompta,  Marinus  Mari- 
nii  Tabulariis  Vaticanis  prœfectus,  conïegit ,  digessit. 

En  Anp^leterre  il  est  généralement  désigné  sous  le  nom  de 
Vatican  Papers  ;  son  véritable  titre  devrait  être  Bullarium  An- 
glicanum.  —  In-folio.  —  Papier.  —  51  volumes  ,  dont  48  de 
texte  (n*»  15351-15398),  et  3  de  tables  (n"'  15399-15401).  Le 
dernier  contient  un  Index  chronologique  fait  en  1839,  au  State 
Papers  Office,  par  M.  Robert  Lemon.  Le  nombre  des  volumes 
suffit  pour  donner  une  idée  de  la  quantité  des  bulles,  qui  vont 
de  1216  à  1759  (avènement  d'Honoré  III,  à  la  2^  année  de  Clé- 
ment Xlir);  plus  3  pièces  des  années  1087  et  1093  (chartes  de 
Guillaume  le  Conquérant),  et  1191  (bulle  de  Célestin  III). 

Ce  magnifique  recueil ,  pour  lequel  le  gouvernement  anglais 
a ,  dit-on  ,  beaucoup  dépensé,  paraît  avoir  été  fait  avec  le  plus 
grand  soin. 

Dans  son  3Ionitum  lectori,  W  Marini,  préfet  ou  garde  des 
archives  du  Vatican  ,  dit  qu'il  a  été  formé,  «  de  consilio  equitis 
«Bunsen  Borusiae,  apud  sanctam  sedem  oratoris,»  pour  être 
envoyé  à  Londres,  «  ad  clarissimum  virum  Guillelmum  Hamil- 
«  ton.  »  Il  termine  par  la  recommandation  suivante,  de  l'exécu- 
tion de  laquelle  il  est  bien  permis  de  ne  pas  se  porter  garant ,  pas 
plus  en  France  qu'en  Angleterre  :  «  Pro  certo  habemus  hoc 
«  nostrum  opus  typis  mandatum  non  iri ,  nisi  ad  hoc,  ut  monui- 
«  mus,  noster  accédât  consensus.  Lihenter  vero  hocerirnus  con- 
«  cessuri ,  habita  a  sumnio  pontifice  venia ,  quam  speramus  ea 
«  daturum  benignitate  qua  opus  ipsum  conficiendum  jam  an- 
«  nuit,  prœlaudato  Hamilton  postulante.  » 

Les  deux  volumes  de  tables  faites  par  Tabbé  Marini ,  n°'  15399^ 
15400,  conHennent  de  bonnes  analyses  de  chaque  bulle,  avec 
l'indication  du  numéro  d'ordre  et  de  l'année  du  pontificat.  Il  est 
du  reste  assez  difficile  de  les  consulter,  parce  qu'en  faisant  re- 
lier la  collection ,  on  y  a  établi  un  ordre  chronologique  rigou- 
reux, qui  n'existait  pas  lorsque  les  Fatican  Papers  sont  arrivés 
au  Stale  Papers  Office. 

JVI.  Lemon  a  remédié  à  cet  inconvénient  par  son  Index  désigné 
plus  haut  (n"  15401),  dans  lequel  il  rétablit  la  concordance  entre 
le  texte  et  les  tables  de  l'abbé  Marini.  Il  serait  à  désirer  que 
le  travail  si  recommandable  de  M.  Lemon  fut  complété  par  une 
table  des  noms  de  personnes  et  de  lieux  ,  dans  le  genre  de  celles. 


108 

qui  ont  été  faites  avec  tant  de  soin  pour  les  publications  de  la 
commission  des  Records  ' , 

Il  existe  à  Paris,  h  la  Bibliothèque  impériale,  une  collection 
du  même  genre,  concernant  la  France,  et  dans  laquelle  j'ai  re- 
trouvé toutes  les  bulles  relatives  à  Bérengère  de  Sicile,  veuve  de 
Richard  Cœur  de  lion,  qui  sont  fort  intéressantes  pour  l'histoire 
de  l'Anjou  et  du  Maine.  Les  actes  sont  aussi  classés  par  pontifi- 
cats et  par  ordre  de  date. 

Quelques  auteurs  ayant  prétendu  que,  dans  les  copies  délivrées 
par  la  cour  de  Rome,  les  textes  ne  sont  pas  toujours  strictement 
ni  complètement  reproduits,  les  deux  collections  de  Paris  et  de 
Londres,  transcrites  à  des  dates  très-éloignées  l'une  de  l'autre 
et  reproduisant  souvent  les  mêmes  pièces  du  treizième  au  quin- 
zième siècle,  fournissent  un  excellent  moyen  de  contrôle  et  de 
correction.  Il  y  a  d'ailleurs  un  intérêt  réel  à  les  comparer,  en  ce 
qu'une  pièce  peut  avoir  échappé  à  l'un  des  compilateurs,  et  se 
rencontrer  dans  le  travail  de  l'autre. 

X.  Archevêché  de  Tours. 

Musée  britannique,  Mss.  Fonds  Lansdowne  ,  n"  349. 

Registrum  ecdesise  Turonensis,  codex  ssec.  XIII. 

Dans  le  catalogue  imprimé,  page  107,  il  est  intitulé  :  The  Re- 
gister  Book  of  the  cathedral  of  Tours,  written  on  vellum  in  the 
H'**  century,  etc.,  etc. 

In-S"  carré,  relié  en  veau.  Parchemin.  56  feuillets.  Écriture  : 
1°  de  1201  à  1225  pour  le  cartulaire  proprement  dit  (fol.  1-48)  ; 
2"  de  1225  à  1250  pour  les  annexes  (fol.  49-56).  —  28  chartes, 
de  1094  à  1242. 

Manuscrit  bien  conservé,  quoique  le  parchemin  soit  un  peu 
racorni  ou  maculé. 

Le  texte  est  complet;  l'écriture  est  partout  disposée  en  pleine 
page.  Dans  le  cartulaire,  qui  est  de  la  même  main  et  contient 
de  vingt-cinq  à  vingt-six  lignes  à  la  page,  elle  est  nette  et  soi- 
gnée. La  première  ligne  est  en  lettres  majuscules  allongées ,  et 
chaque  charte  ou  bulle  est  précédée  d'un  titre  en  rubrique. 

1.  cf.  dans  les  Archives  des  Missions,  année  1850,  la  description  que  dom  Pitra 
a  faite  «les  Momtmenta  Britannica. 


109 

D.ius  ce  qui  fait  suite  au  cartulaire,  il  y  a  moins  de  soin  el  (i*; 
rép;ulî»rité ,  et  on  y  reconnaît  plusieurs  écritures ,  notamment 
aux  folios  désignés  ci-après  : 

49  recto,  Charte  de  Guillaume  de  Monlsoreau  ;  49  verso,  De- 
voirs dus  par  le  seigneur  de  Bille;  50  r.,  à  53  v.,  Devoirs  dus 
par  divers  seigneurs;  53  v.,  à  55  r.,  Devoirs  dus  par  le  sei- 
gneur d'Amboise,  et  Charte  de  Juhel,  archevêque  de  Tours  (mars 
1242),  et  enfin  fol.  56,  r.  :  Sentences  d'absolution  pour  Te  prieuré 
de  Lezay  (1238);  et  au  verso  :  1"  Devoirs  dus  à  l'archevêque  de 
Tours  par  un  personnage  dont  le  nom,  aujourd'hui  illisible,  com- 
mence par  un  G.  2°  Remise  par  ledit  archevêque  à  Guillaume 
Lepeigne  de  la  taille  des  acquêts  faits  par  lui  dans  la  paroisse  de 
Vernou  (1233). 

Les  chartes  comprises  dans  le  cartulaire  sont  : 


Compositio  Majoiis  Monasterii. 

Concoi'dia  ecclesie  B.  Mauritii  et  B.  Martini  Turonensis  et  Corma- 
ricensis  monasterii  (1174). 
Compositio  monasterii  Millebecencis  (1177). 
Confirraatio  corapositionis  Cormariacensis. 
Compositio  ecclesie  Cainonensis  (1197). 
Confirmatio  domiai  pape,  de  subjectione  S.  Pétri  Puellaris. 
Compositio  de  Cainone,  inter  archiepiscopum  Turonensem  et  regem 
Ricardum  lirmata ,  (il90). 

Confirmatio  Philippi ,  régis  Francorum  ,  super  compositione  inter  B. 
arciiiepiscopum  Turonensem  et  Ricardum  regem  ADglorum(ll90). 
Confirmatio  corapositionis  Cormariacensis. 

Quitatio  Henrici,  régis  Anglie,  super  domibus  archiepiscoporum 
Turonensium. 

De  pace  archiepiscopi  cum  domino  de  Monte  Sorello  (il97  et  1205). 
De  hominagio  Castri  Rudulphi  (1202). 

—        comitisSacri  Cesaris  (i205). 
Confirmatio  capelle  Guillelmi  de  Rocha  (1  205). 
Littere  Guillelmi  de  Rocha  super  eadem  (i205) 
—  arehidiaconi  —  (1205) 

Privilégia  Romanorum  pontificiim,  de  subjectione  Dolensis  ecclesie  : 
—  Privilegium  Eugenii  III;  Urbani  D;  Anastasii  IV;  Eugenii  III; 
Lucii  II; 
Privilegium  Lucii  II; 


110 

Senteutia  doraini  pape  Innocentii  III,  de  subjectione  Dolensis  eccle 
sie  (1118). 
Haecsunt  feoda  domini  archiepiscopi  Turonensis. 

Les  pièces  contenues  dans  le  reste  du  manuscrit  ont  été  indi- 
quées plus  haut. 

M.  Salmon  a  décrit  ce  cartulaire  dans  ses  Notes  sur  quelques 
manuscrits  concernant  la  Touraine  qui  se  trouvent  en  Angleterre, 
p.  4  et  s.  —  Il  doit  exister  au  Vatican,  dans  le  fonds  de  la  reine 
de  Suède,  un  cartulaire  à  peu  près  semblable  à  celui  du  fonds 
Lansdowne.  LeMs.  de  Rome  se  trouve  en  grande  partie  copié  à 
la  Bibl.  imp.,  résidu  Saint-Germain  ,  Anecdota,  1.  lïl  \ 

XI.    ÉVÈCHÉ   DE   MaGUELONNE. 

Musée  britannique,  Addit.  Mss.  N"'  1708  et  1709.  Voy.  plus 
haut,  art.  IV  et  V,  la  description  des  parties  1  et  3  de  ce  volume. 

2°  (F.  5-13).  Cartse  ad  episcopatum  Magalonensem  spectan- 
teSy  etc. ,  etc. 

Petit  in-folio.  Parchemin.  9  folios.  Écriture  de  la  seconde 
moitié  du  treizième  siècle.  24  chartes,   1208-1256. 

Manuscrit  bien  conservé.  Bonne  écriture  disposée  en  pleine 
page. 

Les  chartes  sont  copiées  à  la  suite  l'une  de  l'autre ,  précédées 
d'une  rubrique  et  du  numéro  d'ordre. 

La  première  pièce  concerne  l'hommage  fait,  le  29  mars  1255  , 
par  le  roi  d'Aragon  à  l'évêque  de  Maguelonne  pour  le  fief  de  la 
ville  de  Montpellier. 

La  deuxième  contient  un  traité  passé  le  7  février  1257  (n.  s.) 
entre  l'évêque  et  les  consuls  de  Montpellier. 

La  troisième  est  l'aveu  des  fiefs  de  Montpellier  et  de  Palude , 
rendu  par  l'évêque  au  roi  de  France,  le  28  avril  1255. 

La  quatrième  est  une  charte  de  PhiHppe- Auguste,  datée  de 
Montreuil-Bellay  en  Anjou ,  1208,  et  contenant  concession  de 
privilèges  audit  évêque. 

La  cinquième  est  un  vidimus  de  la  charte  précédente  par  Phi- 
lippe le  Hardi. 

Les  suivantes  sont  tous  actes  en  latin ,  concernant  les  fois  et 

1.  Note  communiquée  par  M.  L.  Oelisle. 


111 

homma^'es  dus  à  l'évêque  on  par  lui;  et  les  rapports  dudit  évo- 
que avec  Simon  de  Montfort,  qui,  en  vertu  des  lettres  du  roi  de 
France  données  à  Melun  en  1216,  avait  été  mis  en  possession 
des  domaines  et  fiefs  de  Raimond,  comte  de  Toulouse. 

La  vinjît-deuxième  charte  contient  le  serment  de  fidélité  de  la 
ville  et  commune  d'Alais  (de  Electo)  au  roi  de  France,  en  no- 
vembre 1240. 

Enfin  la  vin^t-quatrième  est  intitulée  :  De  exponssione  Isarni 
de  sancto  Paulo  et  de  Podio  Laurencio  et  castri  de  sanlo  Pauïo 
ad  voluntatem  domini  régis  (Louis  ,  roi  de  France).  Elle  porte 
pour  date  :  apud  S.  Paulum,  XVIIÏ  kal.  junii. 

XIL    ÉVÈCHÉ   DE  TOUL. 


Musée  britannique,  Mss.  Harley.  N°  4465. 

Folios  253  à  321 ,  et  374  à  412  :  Copies,  extraits  et  analyses 
de  cartulaires,  titres  et  traités  concernant  l'église  de  Toul,  en 
Lorraine. 

In-folio.  Papier.  107  folios.  Écriture  du  dix-septième  siècle. 
Plusieurs  centaines  de  chartes  du  neuvième  siècle  au  quator- 
zième. 

Ce  manuscrit,  qui  contient  reliés  ensemble,  sans  ordre  mé- 
thodique, des  notes  et  des  documents  relatifs  a  l'église  de  Toul , 
est  assez  difficile  à  consulter,  et  même  à  lire  pour  la  partie  prin- 
cipale, qui  se  rapporte  au  dix-septième  siècle,  dont  l'écriture 
est  très-fine  et  le  papier  fort  mal  collé. 

Voici,  pour  la  portion  du  manuscrit  qui  appartient  au  dix- 
septième  siècle,  l'indication  précise  des  chartes  que  nous  y  avons 
reconnues  sur  Tévêché  de  Toul  : 

l"  Aux  folios  285-292 ,  une  cinquantaine  de  copies  ou  extraits, 
et  à  peu  près  autant  d'analyses  de  bulles  et  chartes  des  douzième, 
treizième,  quatorzième  siècles ,  ex  libro  Privilegiorum  ecclesi» 
Tullensis. 

T  Aux  folios  318-321  ,  six  copies  de  chartes  du  treizième 
siècle. 

3"  Aux  folios  374-412  ,  un  grand  nombre  de  copies  (je  ne  les 
ai  pas  comptées,  faute  de  temps),  de  chartes  du  onzième  au  qua- 
torzième siècle. 

Cette  dernière  partie  est  intitulée  :  Transcriptum  seu  Copia 


112 

ac  summarium  pïurimorum  ,  eorumque  antiquiorum ,  ecclesix 
TuUensis  privilegiorum. 

Au  milieu  des  parties  qui  sont  relatées  plus  haut  (fol.  322- 
334),  on  a  relié  une  notice  historique  sur  l'abbaye  de  Saint-Léon 
deToul,  écrite  en  latin ,  dressée  suivant  le  plan  adopté  par  la 
congrégation  de  Saint-Maur,  et  qui  mérite  d'être  signalée,  si 
elle  n'existe  pas  à  la  Bibliothèque  impériale. 

Dans  le  même  manuscrit ,  fol.  559-566,  je  trouve  aussi  un  ca 
hier  de  8  feuillets,  écrit  à  la  fin  du  quinzième  siècle,  contenant 
8  pièces,  de  1049  à  1471,  savoir  :  3  bulles,  dont  2  de  Léon  IX 
(1049-1053),  et  la  3«  de  Pascal  II  (1 1 13)  ;  et  4  chartes  épisco- 
pales,  de  1182  à  1471. 

XTII.  Abbaye  de  Commercy  en  Barrois. 

Musée  britannique,  Mss.  Harley,  N°  4465,  fol.  555-558. 
Copie  collationnée  de  chartes  concernant  l'abbaye  de  Commercy^ 
en  Lorraine. 

Mst.  en  papier,  de  4  folios,  écrit  en  1484. 
4  chartes  des  années  1134,  1188,  1228,  1235. 

XIV.  Abbaye  de  Montebourg  en  Normandie. 

Musée  britannique,  Addit.  Mss.  N"  15605. 

Cartulaire  de  l'abbaye  de  Montebourg,  en  Normandie^  1452. 

In-folio  en  parchemin  de  30  feuillets  écrits,  en  1452,  pour 
les  fol.  1-24;  vers  1460,  pour  les  suivants.  —  32  pièces,  sans 
compter  les  chartes  des  rois  d'Angleterre,  ducs  de  Normandie, 
comprises  dans  les  vidimus ,  dont  quelques-uns  en  renferment 
3,4  et  même  6.  En  revanche,  plusieurs  pièces  sont  mutilées,  et 
et  d'autres  en  doubles.  La  date  de  ces  pièces  est  comprise  entre 
1080  et  1460. 

Au  folio  24  du  Mst,  on  lit  :  Iste  liber  est  monasterii  de  Mon- 
tisburgo,  ordinis  sancti  Benedicti,  Constanciensis  diocesis,  quem 
rêver  endus  pater  Guillermus  die  lus  Guerin,  ejusdem  monasterii 
abbas,  conscribi  fecit  per  religiosum  virum  fratrem  Symonem 
Maubertjdictimonasteriicommonachum^annoDominiMCCCCLII. 

La  seconde  partie  de  ce  cartulaire,  folios  25  à  30,  est  de  la 
même  main,  et  elle  a  été  écrite  peu  de  temps  après  la  première,|à  la- 
quelle elle  a  été  annexée.  Les  pièces  qu'elle  renferme  sont  toutes 


113 

relative»  aux  droits  d'usage  et  de  chauffage  de»  moines  dans  les 
forêts  royales. 

Au  bas  de  chaque  copie  de  charte  on  lit  :  Collation  faite,  avec 
les  signatures  G.  Le  Falois  et  B.  Lesanc.  Quelquefoisja  formule 
de  certification  est  plus  longue. 

La  conservation  de  ce  manuscrit  est  assez  bonne,  tant  pour 
le  parchemin  que  pour  l'écriture, formant  aussi  une  seule  colonne, 
et  contenant  de  39  à  49  lignes  par  page.  Cette  écriture  est,  du 
folio  8  jusqu'au  19%  plus  fine  et  plus  serrée  qu'au  commence- 
ment du  cartulaire,  mais  sans  cesser  d'être  nette  et  bien  lisible. 
L'initiale  de  chaque  charte  est  enluminée  et  encadrée;  les  cou- 
leurs sont  le  rouge  et  le  bleu. 

A  partir  du  folio  21.  v",  le  premier  mot  de  chaque  pièce  est 
écrit  en  plus  gros  caractères. 

A  partir  du  folio  25,  chaque  charte  ou  acte  est  précédé  d'une 
analyse,  faite  aussi  par  Simon  Maubert,  qui  a  écrit  tout  ce 
cartulaire.  La  première  lettre  de  la  charte  qui  est  en  tête  de 
de  cette  seconde  partie  est  la  plus  grande  et  la  plus  ornée  de  tout 
le  volume. 

Le  catalogue  du  Musée  britannique  donne  la  description  sui- 
vante de  ce  manuscrit  : 

«  Fragment  of  the  Cartulary  of  the  Bénédictine  abbey  ofSt-Mary  of 
Montebourg  in  Normandy ,  diocèse  of  Coutances^  containing  copies 
of  charters  from  kingsof  France,  viz.,  Philip  HT,  Philip  IV,  Louis  IX, 
Louis  X  and  Charles  VI;  reciting  in  many  instances  and  confirming 
grantsfrom  William  I,  Henry  I  and  Stephen ,  kings  of  England,  as 
well  as  from  varions  noblemenof  France  and  England;  aiso  of  charters 
of  Edward  (Ill)king  of  England  (comprising  oneof  Henry  I),  Richard 
bishop  of  Coutances,  1157;  sir  Robert  le  Chamberlenc,  seigneur  de 
Tencarville,  1295,  and  others  ;  together  with  an  account  of  the  monas- 
tery,  1447,  and  certificates  of  their  rights  in  the  forests  of  Normandy 
and  Picardy,  1402-1460.  Every  instrument  is  certified  as  eollated 
with  the  original  by  N.  Le  Sane ,  and  Guillaume  Le  Valois,  wlio  affix 
their  signatures,  and  who  ,  at  fol.  10,  sign  a  further  certificate  of  the 
authenticity  of  the  documents  hère  transcribed,  dat.  9  Sept.  1452. 
A  note  at  the  foot  of  fol.  24,  B,  states  that  this  book  was  written  by  Si- 
mon Maubert,  one  of  the  monks,  at  the  command  of  William  Guerin 
abbot,  in  the  same  year,  1452.  Portions  of  the  volume  are  wanting 
after  ff.  8,  9,  15  and  16.  In  Latin  &j\d  French.  On  vellum.  Folio.  « 
I.  {QuaMème  xérip.)  g 


114 
Voici  la  table  sommaire  des  pièces  qu'il  contient  : 

1381,  mai.  —  Charles  VI  :  Vidimus  et  confirmation  d'un  autre 
vidimus  et  confirmation,  par  un  de  ses  prédécesseurs  Louis  X  (1315), 
d'une  charte  de  Henri ,  roi  d'Angleterre ,  datée  de  Caen ,  et  contenant 
énumération  des  domaines  et  droits  qu'il  donne  à  l'abbaye. 

1307,  juillet.  —  Philippe  le  Bel  :  Confirmation  des  droits  dans  la 
forêt  de  Brix. 

1317,  octobre.  — Philippe  V  :  sur  le  même  objet. 

1276,  septembre.  —  Philippe  III  :  Amortissement  de  cens  en  bled. 

1294,  décembre.  — Philippe  le  Bel  :  Vidimus  et  confirmation  d'une 
lettre  de  Laurent  Herout,  son  clerc  et  député  (1294,  août),  qui  amortit 
divers  cens  et  revenus  de  l'abbaye. 

1299,  juillet.  — Philippe  le  Bel  :  Confirmation  de  droits  dans  la  forêt 
de  Brix. 

1315,  juin.  —  Louis  X  :  Vidimus  des  chartes  de  :  1°  Petrus  de 
Caisneio;  2°  Alienor,  uxordefuncti  Roberti  de  Haia;  3°  Willermus  de 
Revers;  4°  Christianus  Cambellanus  (1284);  5°  le  vicomte  de  Valoin- 
gnes  (1284);  6"  Guillelmus  Mansel  senior  et  Guillelmus  Mansel  junior, 
fratres  (1283). 

....  Philippe  VI  :  Confirmation  des  lettres  par  lesquelles  Godefroy 
leBlont,  bailli  du  Cotentin,  a  vidimé  deux  mandements  de  Charles 
le  Bel,  le  premier  du  10  octobre  1326. 

XIV*  siècle.  —  Fragment ,  sans  queue  ni  tète ,  d'un  acte  écrit  en 
français. 

Fin  d'une  charte  d'un  roi  d'Angleterre,  dans  laquelle  sont  énumérés 
de  nombreux  témoins. 

1315,  juin.  —  Louis  X:  Vidimus  d'une  charte  d'Etienne,  roi 
d'Angleterre  (1136) ,  contenant  diverses  donations  et  confirmations. 

1268 ,  mars.  —  Saint-Louis  :  Vidimus  d'une  charte ,  sans  date,  de 
Henri ,  roi  d'Angleterre. 

1280 ,  juin.  —  Philippe  le  Hardi  :  Vidimus  de  la  charte  précédente. 

1315,  juin.  —  Louis  X  :  Vidimus  de  quatre  chartes  de  Henri,  roi 
d'Angleterre. 

1381 ,  avril.  —  Charles  VI  :  Vidimus  de  la  pièce  précédente. 

1157.  —  Richard,  évêque  de  Coutances  :  Énumération  des  dons  faits 
à  l'abbaye  (la  fin  manque) . 

1 2  juillet ,  X^  année  du  règne.  —  Edouard  Ilï ,  roi  d'Angleterre  : 
Vidimus  de  deux  chartes  du  roi  Henri  ? 

1417 ,  avril.  —  Aveu  et  dénombrement  rendus  au  roi  pour  le  tempo- 


115 

rel  de  l'abbaye.  —  Réception  dudit   aveu  par  le  vicomte  de  Va- 
lognes. 

1451  ,  septembre. —  Aveu  des  religieux  pour  leurs  domaines  du 
Bessin. 

1451 ,  février.  —  Réception  de  l'aveu  et  du  serment  de  l'abbé  Guil- 
laume ,  à  la  chambre  des  comptes. 

1 280,  juin. —  Philippe  le  Hardi  :  Vidimus  d'une  charte  de  Guillaume 
le  Conquérant. 

1290,  décembre.  —  Le  bailli  du  Costenliu. 

1295,  janvier.  —  Robert  le  Chamberlenc,  seigneur  de  ïanquar- 
ville. 

1300,  septembre.  —  Le  bailly  du  Costentin  :  Amortissement  du 
fief  et  seigneurie  de  Saint-Fioscel. 

1402,  26  mai.  —  L'enquesteur  des  eaux  et  forêts  du  roy  en  Nor- 
mandie et  Picardie  :  Reconnaissance  des  droits  de  l'abbaye  dans  les 
forêts  du  Cotentin,  et  vidimus  de  sept  chartes  des  rois  de  France  et 
d'Angleterre. 

1402 ,  octobre.  —  Guillaume  ,  comte  de  Tancarville,  vérifie  les  let- 
tres du  susdit  enquesteur. 

1412,  20  mars.  — Robert  de  Pelletot,  chevalier,  maître  des  eaux  et 
forêts  du  roy  en  Normandie  et  Picardie  :  Reconnaissance  des  droits  de 
l'abbaye. 

1459,  juin.  —  Pierre  de  Guignât,  écuyer,  aussi  maître  des  eaux  et 
forêts  :  Droits  d'usage  de  l'abbaye. 

1337  ,  juillet.  —  Philippe  VI  :  Forêt  de  Brix. 
1317,  octobre.  — Philippe  V  :  Forêt  de  Brix. 

1460,  octobre.  —  Tyebault  le  Letteron,  lieutenant  du  susdit 
Pierre  de  Guignât  :  Reconnaissance  des  droits  de  l'abbaye. 

Au  folio  30  verso  est  la  copie,  faite  à  la  fin  du  siècle  dernier, 
d'une  note  portant  la  date  de  1758,  et  concernant  les  reliques 
de  l'abbaye. 

La  plupart  des  pièces  anciennes  de  ce  cartnlaire  se  retrouvent 
dans  un  cartulaire  plus  considérable  de  l'abbaye  de  Montebourg, 
conservé  au  château  de  Plein-Martiis  (Manche)  \ 

1.  Noie  communiquée  par  M.  L.  Delisle. 


8. 


lie 

XV.  Abbaye  de  Saint-Acheul,  eu  Picardie. 

Musée  britanuique,  Addit.  Mss.  N"  15604. 
Cartularium  abbaliêe  Sancti  Acheoli  juxta  Ambianum. 

10-4",  —  parchemin,  pour  les  folio  1-155,  sauf  les  intercala- 
tions  signalées  plus  bas;  papier  156-192.  —  192  folios  écrits. 
Avant  le  foliotage  actuel,  il  y  en  a  eu  deux  autres,  en  chiffres 
romains.  Le  dernier,  qui  présente  des  corrections  assez  nom- 
breuses, est  celui  dont  les  lettres  sont  les  plus  petites.  —  Écriture 
du  XIV^  siècle  pour  les  folios  2-152  (Cartulaire),  —  du  XVIP 
siècle  pour  les  feuillets  de  papier  1,  153-192,  qui  y  ont  été  an- 
nexés. —  189  chartes,  de  1087  à  1307  pour  le  cartulaire,  et 
jusqu'en  1370,  avec  l'appendice. 

Ce  manuscrit  est  relié  en  veau  rouge  et  d'une  bonne  conserva- 
tion, tant  pour  l'écriture  que  pour  le  parchemin,  dont  les  quel- 
ques feuillets  endommagés  ont  été  restaurés  avec  le  plus  grand 
soin.  Pour  relier  l'appendice  avec  le  cartulaire,  il  a  fallu  en 
rogner  ou  plier  les  feuillets. 

L'écriture  paraît,  pour  le  cartulaire,  appartenir  à  la  même 
main.  Elle  est  assez  grosse,  facile  à  lire,  élégante  et  disposée 
en  pleine  page  de  30  lignes  chacune. 

Le  sommaire  de  chaque  charte  et  son  initiale  sont  en  rubrique, 
de  même  que  le  titre  courant  des  chapitres  sous  lesquels  les 
actes  sont  classés.  En  général,  la  première  lettre  de  chaque  cha- 
pitre est  enluminée. 

Il  manque  à  ce  manuscrit  trois  folios,  qui  étaient  cotés  ancien- 
nement cxxviii,  cxxxvi  etcxLvi.  Par  compensation,  en  fai- 
sant relier  le  volume,  on  a  malencontreusement  inséré,  dans 
le  cartulaire  même,  deux  feuillets  de  papier  sur  lesquels  sont 
collées  des  notes  insignifiantes,  qui  ont  d'ailleurs  l'inconvénient 
d'interrouipre  l'ordre  et  la  suite  établis  parmi  les  chartes.  Tls 
portent  les  numéros  32  et  52  dans  le  foliotage  nouveau  du  Mst. 
Il  serait  d'ailleurs  facile  de  faire  disparaître  cet  inconvénient, 
puisque  ces  derniers  numéros  n'ont  été  tracés  qu'au  crayon. 

Plusieurs  transpositions  de  feuillets  ont  aussi  été  malheureu- 
sement faites,  et  nous  les  signalons  par  les  numéros  du  foliotage 
moderne;  ainsi,  le  145*  devrait  suivre  le  146%  et  surtout 
le  152*  doit  venir  après  le  150*.  Cette  dernière  rectification  est 
d'autant  plus  importante  qne  le  folio  152,  écrit   de  la  même 


main  que  tout  le  lesle  du  cartulaire,  contient  une  charte  de 
l'an  1307,  dont  le  titre  courant,  Littera  episcopi  Ambianensis 
Nova,  donne  la  date,  au  moins  approximative,  de  ce  manuscrit. 
En  outre,  il  faut  revenir  du  folio  152  verso  au  151"  recto  pour 
avoir  la  fin  d'une  pièce  copiée  à  la  suite  de  la  charte  de  1307. 

Les  feuillets  et  cahiers  de  papier  reliés  avec  le  cartulaire 
contiennent  notamment,  en  tête  du  volume,  diverses  notes  en 
français  sur  la  date  et  l'authenticité  de  ce  Mst,  ainsi  que  la 
table  d'une  partie  de  son  contenu;  et  à  la  fin,  1°  l'extrait  de  la 
sentence  du  15  juillet  1522  qui  autorise  le  présent  cartulaire  ; 
2°  copie  de  trois  de  ses  chartes;  3°  arrêt  portant  homologation 
du  concordat  passé  entre  l'abbé  Charles  de  la  Grange  et  ses 
religieux,  lOjuin  1655,  pour  servira  M.  Nicolas  Lestocq,  docteur 
de  Sorbonne  abbé  de  Saint-Acheul,  contre  les  chanoines  réguliers 
de  ladite  abbaye. 

Le  cartulaire  est  divisé  en  dix  chapitres,  plus  l'appendix. 

1.  Liltere  papales,  folios  2-5  ;  onze  bulles. 

IL  Littere  archiépiscopales,  fol.  6,  verso  et  7,  deux  chartes  de  1097 
et  1145. 

in.  —  Episcopales,  fol.  7  v°-31,  trente-huit  chartes,  de  1005  à 
1296. 

IV.  Littere  compromissorum,  fol.  31  v^-ST,  trente-deux  chartes,  de 
1173  à  1296. 

V.  Littere,  compromissa,  sentencie  officialis,  fol.  57-70.  Nombreu- 
ses pièces  relatives  à  un  procès  contre  l'abbaye  et  le  bailli  d'Abbeville, 
en  1256  et  1257. 

yi.  Sentencie  et  littere  officialis,  fol.  70-111.  Soixante-quatorze 
pièces,  de  128  à  1303. 

VII.  Littere  regum,  fol.  1 12-114,  six  chartes  de  1281  à  1299. 

VIII.  Littere  comitum,  fol.  115-116  v",  cinq  chartes  de  1239  à 
1289. 

IX.  Littere  militum,  fol.  1I6,  v°-l46,  soixante-dix  chartes,  de 
1203  à  1289.  Plusieurs  sont  en  langue  vulgaire,  la  plus  ancienne  est 
de  l'an  1258. 

X.  Chirograffa,îo\.  147-150,  huit  pièces  de  divers  personnages, 
de  1226  à  1287  ;  quelques-unes  en  langue  vulgaire  la  plus  ancienne  de 
1251.  La  dernière  charte,  septembre  1260 ,  est  du  maire  et  des  éclie- 
vins  d'Abbeville  i. 

AppendiXj  fol.  151  et  152,  quatre  pièces,  de  1270  à  1322. 

1.  Ego  rirminiis  de  Rogelian,  major,  et  scahini  Abbatisville,  notiim  facimns  uni- 


ns 

Les  archives  de  la  Somme  possèdent  une  copie  du  cartulaire 
de  Saint-Acheul,  sur  le  premier  feuillet  de  laquelle  il  est  écrit 
que  l'original  a  été  perdu  vers  1744  \ 

XVI.    LÉPROSERIE   DE   BOLLE VILLE,    EN    NORMANDIE. 

Musée  britannique,  Addition  Mss.  N"  17307.  Acquis,  le  12  fé- 
vrier 1848,  de  Boone. 

Cartulaire  du  prieuré  de  Bolleville  en  Normandie.  1436.  (Lé- 
proserie de  Bolleville  ;  diocèse  de  Coutances.) 

In-4°  en  parchemin.  —  55  folios  écrits.  —  CoUationné  en 
1436,  1459  et  1467-68,  sauf  deux  pièces,  transcrites  après  1471 
(folio  47  et  54  v.),  qui  ne  sont  ni  signées  ni  visées.  —  118 
pièces  du  milieu  du  douzième  siècle  à  l'année  1471. 

Conservation  parfaite.  L'écriture,  disposée  en  pleine  page, 
chacune  de  3 1  lignes ,  est  un  peu  fine,  mais  très-belle  pour  la 
première  partie,  dont  toutes  les  chartes  commencent  par  une 
majuscule  en  encre  rouge.  La  première  est  plus  ornée. 

En  tète  du  Mst  on  lit  :  Cy  ensuyt  la  déclaration  et  double  de 
pluseurs  char  tries ,  lettres,  roules  et  ensignemens  de  partie 
des  droytures  appartenantes  a  la  prieur ey  de  Bollevile,  iceuls 
chartries  et  ensignemens  veus,  visités  et  collationnés  aux  origi- 
naulx  par  Jehan  Amechin,  tabellion  en  siège  de  Lessey,  le  XVIIP 
jour  de  septembre  l'an  mil  CCCCXXXVI;  ayncy  que  les  teneirs 
ensuient,  premièrement  :  Notum  sit  omnibus. 

Nous  avons  remarqué  dans  ce  manuscrit  : 

versis  presens cirographiitn  inspecturis,  quod,  cnm  munis  firraitatis  nostre  qui  est  ré- 
tro tenemenlum  virorum  religiosorum  abbatis  et  conventus  Sancti  Acheoli  jiixta  Am- 
bianiim,  situm  anle  atrium  Sancti  Sepulchri,  inler  tenementum  Pétri  de  Mousterolo 
et  tenementum  Wlfranni  Clabaut,  ruina  frangeretnr,  de  consilio  proborum  virornm 
et  assensu  no&tro  communi  interveniente,  inter  nos  et  dictes  abbatem  et  conventum, 
taliter  est  ordinatum  quod  ipsi  dictum  mnrum  fractum ,  prout  rétro  tenementum 
suum  predictum  prolendit,  ad  sumptus  suos  proprios  reficere  seu  reparare  tenentur 
de  cetero  ad  usns  ornnes  suos  tam  supra  dictum  murum  quam  juxta  faciendos  com- 
peteiiter ,  retenta  et  nichilominus  omni  juriditione  quam  in  dicto  muro  usque  nunc 
habuimus,  sicut  in  aliis  firmitatibus  ville  nostre  Abbatisville ,  pro  utilitate  et  defen- 
sione  communitatis  nostre  faciendis.  In  cujus  rei  testimonium  et  munimen,  presens 
chirographum  fecimus  annotari  ;  cujus  unam  partem  diclis  abbali  et  convenlui ,  ad 
utilitatem  et  defensionem  suam,  tradidimus  observandam,  et  alia  pars  pênes  nos,  ad 
deffensionem  nostram  similiter,  sigillo  dictorum  abbatis  et  conventus  roborata,  re- 
mansit  observanda. 

Àctum  est  boc  anno  Domini  mcclx",  mense  septembris,  per  manuni  magistri  Johannis. 

1.  Voy.  Catalogue  des  Cartulaires  des  archives  départementales ,  p.  15. 


119 

IN"  1  :  Titre  de  fondatioQ  par  Richard  de  la  Haie,  du  temps  d'Ai- 
gare ,  évêque  de  Coutances. 
N.  2  :  Charte  de  Richard  du  Hommet. 
N.  4  :  Charte  de  Richard,  évêque  de  Coutances,  en  1157. 
N.  5  :  Cliarte  de  Hugues,  archevêque  de  Rouen. 
N.  6  et  33  :  Chartes  de  Henri  II. 
N.  7  :  Charte  de  Guillaume  du  Hommet,  1239. 
N.  19  :  Charte  de  Girard  deCanville. 
N.  76  :  Ruiledu  pape  Honoré  III. 
N.  80  :  Charte  de  Guillaume  de  Mortemer,  en  1292. 

SECONDE  PARTIE. 
I.  Cambray. 
Charte  originale  de  l'an  1145.  Additional  charters,  n*  5857. 

II.  COMPIÈGNE. 

Necrologium  abbatix  S.  Johannis  in  Bosco  ab  anno  circiter 
1224. 

Beau  manuscrit  original  du  treizième  siècle,  in-4'',  en  par- 
chemin, de  27  folios,  provenant  de  la  collection  Joursanvault, 
lot  927. 

Il  a  servi  à  recevoir  des  notes  nécrologiques  jusque  vers  l'an- 
née 1528  (v.  fol.  9).  Au  folio  6,  vers  la  fin  du  quatorzième  siècle, 
on  a  écrit,  sous  la  date  du  XIII  kal.  aprilis  :  «  Obiit  Johannes 
cornes  de  Tancarvilla,  qui  temporibus  suis  fecit  magnam  elemo- 
sinam  in  honore  B.  Johannis  BaptivSte,patroniistiu8  monasterii.  » 
Additional  Mss.,  n°  M 534. 

III.  Coutances. 

Histoire  ecclésiastique  du  diocèse  de  Coutances ,  contenant  la 
vie  des  évêques  de  ce  lieu  et  ce  qui  s'est  passé  de  plus  remar- 
quable sous  l'épiscopat  de  chacun  (par  Toustain  de  Billy). 
•  Volume  in-folio ,  en  papier,  de  313  feuillets,  relié  en  veau 
rouge  ;  écrit  par  six  ou  sept  mains  différentes ,  entre  lesquelles 
la  copie  du  manuscrit  original  paraît  avoir  été  partagée. 

Lhistoire  commence  avec  le  pontifical  de  S.  Ereptiol  et  S.  Exu- 


120 

pérat ,  au  quatrième  siècle,  et  s'arrête  en  1708  à  celui  de  Charles- 
François  de  Loménie  de  Brienne. 

A  la  suite,  on  a  relié  une  copie,  en  deux  feuillets  cotés  312 
et  313,  de  la  lettre  par  laquelle  l'évêque  Robert  de  Harcourt 
fonde,  le  6  janvier  1303  (vieux  style),  dans  son  église  cathé- 
drale, les  trois  chapelles  de  Saint-Louis,  de  Saint-Gilles  et  des 
Docteurs.  Harley,  n°  4599. 

IV.  FÉCAMP  (Abbaye  de). 

«  Temporalia  abbatise  de  Fiscanno  in  diocesi  Londinensi, 
anno  1291.»  Harley,  n"  60,  art.  72. 

V.  Lire  (Abbaye  de) ,  en  Normandie. 

Conventio  cuni  abbate  de  Linterna  super  decimis  infra  par- 
rochiam  de  Tudeham  ,  anno  I29I.  Arundel,  n"  19,  fol.  33. 
VL  Neuville  au  Temple  (Commanderie  de)  en  Champagne. 

«  C'est  le  registre  appelé  Denisot,  ouquel  sont  contenus 
et  déclairez  les  droitz ,  seignories ,  cens  ,  rentes  ,  revenues ,  pos~ 
sessions  et  aultres  héritaiges  appartenans  et  appendans  à  la  com- 
manderie de  Neufville  au  Temple...,  assis...  ou  diocèse  de  Chaa- 
lons,  en  Champaigne,  comme  ailleurs.  » 

In-4;  papier,  144  feuillets.  Copie  faite,  au  quinzième  siècle, 
sur  l'original  qui  remontait  à  l'année  1231.  Additional  Mss., 
n"  1730. 

VIL  Nîmes. 

Obituarium  monasterii  Sancti  Egidii,  diocesis  Nemausensis, 

Provient  de  la  bibliothèque  des  Frères  Prêcheurs  de  Cham- 
béry,  et  a  été  acheté  à  Payne  et  Foss,  le  12  juin  1847. 

Petit  in-folio  long,  relié  en  velours  bleu ,  écrit  sur  parchemin 
magnifique,  63  folios. 

L'obituaire  occupe  les  folios  1-21,  r".  Il  ne  contient  que  des 
noms,  dont  les  derniers  écrits  sont  du  quinzième  siècle,  mais 
qui,  pour  la  plupart,  remontent  au  douzième. 

Aux  folios  21  v°-61  v°,  est  copiée  la  règle  de  S.Benoît.  En 
tête  est  une  belle  miniature,  de  grandeur  moyenne  et  à  fond  d'or, 
qui  représente  saint  Benoît  remettant  sa  règle  à  saint  Maur, 


121 

derrière  lequel  sont  les  deui  moines  envoyés  avec  lui  en  France. 
Saint  Benoît  est  assis  à  gauche.  Sa  main  droite,  baissée,  tient 
un  rouleau;  l'autre,  dont  les  doigts  sont  fermés,  sauf  l'index, 
est  élevée.  La  figure  du  saint  est  belle  et  vénérable.  Il  a  les  che- 
veux, ainsi  que  la  barbe,  blancs  et  écourtés,  et  porte  la  tonsure 
comme  les  trois  antres  personnages.  Sa  robe  est  couleur  bleu 
foncé;  celle  de  saint  Maur  est  violette.  Ses  deux  compagnons 
sont  vêtus,  l'un  en  rouge,  l'autre  en  blanc.  Ils  sont  debout,  mais 
inclinent  respectueusement  la  tête.  Saint  Maur  est  représenté 
dans  la  force  de  l'âge.  La  physionomie  de  ses  deux  compagnons 
est  plus  jeune. 

A  la  fin  de  la  règle,  se  trouve  l'inscription  suivante,  en  capi- 
tales majuscules,  avec  l'M  oncial,  lettres  doublées  et  abréviations. 
La  première  ligne ,  dont  les  lettres  sont  une  fois  plus  grandes 
que  les  autres,  est  en  encre  verte,  ainsi  que  la  troisième  et  la 
cinquième.  La  seconde  et  la  quatrième  ligne  sont  écrites  en 
rouge. 

Ad  lionorem  Sancti  Egidii , 
Petriis  Guillelmus  fecit  liiinc 
libnim  in  tempore  domni  Pétri 
abbatis ,  anno  incarnat!  verbi  MC 
XXVIIU,  régnante  Lodoico  rege. 

Une  note  au  crayon  de  sirFred.  Madden,  placée  sur  la  feuille 
de  garde  en  parchemin,  porte  qu'un  autre  manuscrit  de  la  même 
main  existe  dans  le  fonds  des  Addition.  Mss.,  n**  16918. 

Au  folio  62  v°,  sont  rapportées  quatre  concessions  de  messes 
ettrentains,  remontant  au  douzième  siècle.  Le  soixante-troisième 
et  dernier  contient,  au  recto,  une  bulle  du  pape  Lucius  II,  da- 
tée de  Velletri,  le  jour  des  calendes  de  février,  adressée  à  l'abbé 
Ermenganus ,  et  maintenant ,  sans  tenir  compte  de  l'appel  formé 
par  ses  moines,  la  discipline  établie  par  ledit  abbé.  Sur  le 
verso  sont  des  actes,  en  partie  effacés  et  illisibles,  qui  se  rap- 
portent à  l'an  1276,  et  concernent  les  services  religieux  faits 
pour  les  bienfaiteurs  du  monastère.  Addit.  Mss.,  n°  16979. 

VII.  Paris. 

1 .  Table  ou  ample  notice  des  trois  cartulaires  de  l'archevêché 
de  Paris,  des  deux  cartulaires  de  Saint-Mngloire  et  du  cartulaire 


122 

de  Saint-Maur  des  Fossés  ,  contenant  un  exact  extrait  de  toutes 
les  pièces  qui  y  sont  contenues.  » 

Manuscrit  du  dix-huitième  siècle,  in-foL,  en  papierde  230  fo- 
lios ,  relié  en  veau  avec  armoiries ,  provenant  de  la  collection 
Joursanvault,  lot  1039. 

Archevêché  de  Paris.  Grand  cartulaire,  fol.  1-55;  petit  car- 
tulaire,  fol.  55  bis  v"-lOO;  troisième  cartulaire,  fol.  101-122. 

Ahbaye  de  Saint-Magloire.  Grand  cartulaire,  fol.   123-157; 
.petit  cartulaire,  fol.  160-167. 

Abbaje  de  Saint-Maur-des-Fossés.  Cartulaire  (écrit  en  1284 
par  le  prévôt  Guillaume ,  d'après  le  commandement  de  l'abbé 
Pierre),  fol.  168-229. 

Au  folio  230,  on  trouve  un  commencement  de  Table  du  cartu- 
laire du  prieuré  de  Saint-Éloi  (de  Paris)  et  la  copie  d'une  charte 
du  roi  Louis  VI  (le  Gros),  de  l'an  1114. 

En  ce  qui  concerne  l'archevêché  de  Paris,  ces  Tables  sont  au- 
jourd'hui insignifiantes,  grâce  à  la  publication  de  ces  cartulaires 
par  M.  Guérard  ;  mais  elles  pourraient  être  utilement  consultées 
pour  bien  faire  connaître  ceux  de  Saint-Magloire  et  de  Saint- 
Maur,  dont  elles  donnent,  indépendamment  d'analyses  détaillées, 
une  table  alphabétique  des  chartes.  {Addit.  Mss.,  u"  1 1535.) 

2.  Voici  la  traduction  textuelle  de  l'article  consacré  à  ce  ma- 
nuscrit dans  le  catalogue  du  Musée  britanniqve  : 

«  Chronique  de  l'abbaye  de  Saint-Martin  des  Champs,  à  Paris,  en 
vers  français,  contenant  des  copies  de  trois  chartes,  octroyées  par 
Henri  P*"  et  Philippe  P""  (rois)  de  France,  (écrite)  sur  vélin  au  onzième 
siècle,  accompagnée  d'une  copie  moderne  et  d'une  lettre  de  M.  le  comte 
deBastardà  M.  Techener,  ayant  pour  but  de  justifler  le  dommage 
causé  au  manuscrit.  » 

Cette  lettre  se  rapporte  à  une  polémique  contre  M.  Champol- 
lionFigeac ,  alors  conservateur  au  département  des  manuscrits 
de  la  Bibliothèque  royale.  On  ne  peut  attribuer  qu'à  une  distrac- 
tion le  mot  français  (french  verse),  appliqué  au  texte  de  cette 
chronique,  qui  est  écrite  en  latin. 

C'est  un  in-4°  en  parchemin,  de  5  feuillets. 

Au  point  de  vue  artistique,  ce  manuscrit  est  très-curieux.  On 
y  trouve  des  dessins  au  trait  qui  représentent  des  monuments, 
ainsi  que  des  personnages,  entre  autres  saint  Martin ,  les  rois 


123 

de  France ,  Henri  V  et  Philippe  P',  accompagnés  d'un  grand 
nombre  de  clercs  et  laïques. 

Il  y  a  une  lacune  entre  le  premier  feuillet  du  manuscrit  coté 
actuellement  4,  et  le  deuxième. 

Des  trois  chartes,  insérées  dans  le  texte  de  la  chronique,  l'une 
est  du  roi  Henri ,  les  deux  autres  de  son  fils  Philippe. 

Elles  sont  imprimées  dans  l'Histoire  de  Saint-Martin  des 
Champs,  par  Marrier,  et  dans  la  Gallia  Christiana  (vol.  Vil, 
Instr.).  Ce  manuscrit  a  été  vendu  par  Techener,  le  16  novem- 
bre 1839.  Il  provient  de  la  collection  Joursanvault,  lot  1035. 
Àddil.  iUss.jn"  11662. 

IX.  Saint- Berto  (Abbaye  de),  à  Saint-Omer. 

«  De  Societate  inita  cum  ecclesia  Cantuariensi.  «  Arundel^ 
n°68,  f.  71. 

X.  Troyes. 

1.  Compte  de  l'Hôtel-Dieu  de  Saint-Nicolas  de  ïroyes.  Âdd. 
Mss.  14855. 

2.  Necrologium  ecclesiae  Trecensis. 

In  folio,  parchemin j  quatorzième  siècle,  avec  quelques  addi- 
tions; 58  folios  ;  mais  incomplet  des  sept  derniers  jours  du  mois 
de  décembre.  Ibid.,  nM5802. 

3.  Recueil  de  comptes  de  la  cathédrale  et  de  l'Hôtel-Dieu  de 
Troyes. 

Fol.  1-15.  Compotus  cellarii  ecclesiae  Trecensis  prouno  anno 
a  Nalivitate  S.  Johannis,  1298-1299.  Reliquiae  compotorum  ab 
anno  1386  ad  1397. 

Fol.  16-28.  Compotus  ejusdem,  anno  1302-1303. 

Fol.  29-34.  Compotus  Domus  Dei  S.  Nicholai  Trecencis  pro 
uno  anno  a  festo  B.  Gregorii ,  1304-1305. 

Fol.  35-40.  Compotus  ejusdem,  1305-1306. 

Fol.  41-45.  Compotus  ejusdem,  1306-1307. 

Fol.  46-76.  Compotus  camerae  Trecensis  ecclesiae  a  festo 
B.  Pétri  et  Pauli  anni  1346,  pro  uno  anno. 

Fol.  77-99.  Compte  de  recette  et  de  dépense  de  l'évèché  de 
Troyes  pour  un  an  ,  à  partir  de  la  Saint-Jean,  1365. 

Fol.  100-105.  Compte  de  lu  dépense  pour  les  causes  de  lé- 


124 

glise  de  Troyes  pour  un  an  ,  à  partir   de  la  Saint-Pierre,  1394. 

Fol.  106-159.  Compte  de  recette  et  de  dépense  pour  l'œuvre 
de  l'église  de  Troyes ,  pour  un  an  ,  à  partir  du  dimanche  après 
la  Madeleine,  1401. 

Fol.  163-183.  Antre  compte  pour  le  même  objet,  à  partir  du 
même  jour,  1409. 

Fol.  184-215.  Compte  du  cellier  de  l'église  de  ïroyes  pour 
un  au,  à  partir  de  la  Saint-Jean  ,  1445. 

In-folioen  parchemin, de  215  feuillets.  /6id.,n*>  15803. 

4.  Compotuscensuum,  laudum  et  ventarum  ecclesiae  Trecensis 
pro  uno  anno  a  festo  S.  Eemigii  anni  MCCXLTI.  In-folio,  par- 
chemin, 94  feuillets.  Ibid.,  n°  15804. 

5.  Kecepta  census  Testardi  de  Maignillo,  soluti  Trecis ,  die 
festi  S.  Remigii.  fn-fol.  parchemin.  58  feuillets. /&id.,  n*'  15805. 

6.  Compte  de  la  fabrique  de  l'église  de  Saint-Etienne  de 
Troyes  pour  un  an,  à  partir  du  1"  juillet  1401.  Folios  1-42. 

Compotus  fabricae  ecclesiae  S.  Stephani  ïrecensis,  a  prima  die 
julii  MCCCLXXF,  pro  uno  anno.  Fol.  43-66. 
In-foL,  parch.,  66  feuillets.  Ibid.,  n"  15806. 

7.  Compotus  executionis  (testamenti)  bonae  mémorise  Adae  de 
Bruillicuria ,  quondam  decani  majoris  ecclesiae  Trecensis,  et 
Sanctorum  Stephatii  et  Urbani,  ecclesiarum  ïrecensium,  cano- 
nici.  In-fol.,  parch.,  24  feuillets.  Jbid.,  n°  15807. 

8.  Compte  des  biens  de  feu  Jean  Guéraut,  chanoine  de  Saint- 
Pierre  et  Saint-Etienne  de  Troyes  ,  rendu  audit  chapitre  par  ses 
exécuteurs  testamentaires,  1379.  In-fol.,  parch.,  23  feuillets, 
Ibid.,  n"  15808. 

9.  Compte  de  la  grand'chambre  de  l'église  de  Troyes,  pour 
un  an,  à  partir  de  la  Saint-Pierre  et  Saint-Paul,  1401.  Grand 
in-fol.,  parch.,  53  feuillets.  Ibid.,  n*»  15809. 

10.  Compte  de  cellier  de  l'église  de  Troyes,  pour  un  an,  à 
partir  de  la  Saint-Jean,  1403.  In  4°,  parch.,  33  feuillets,  in- 
terfoliés de  papier,  par  Monteil ,  avec  mauvaise  copie.  Ibid., 
n°  15810. 

11.  Compte  du  cellier  de  l'église  de  Troyes,  pour  un  an,  à 
partir  de  la  Saint-Jean,  1416.  in4%  parch,  82  folios.  Ibid., 
n°  15,811. 

12.  Testament  d'Etienne  de  Givry  ,  évoque  de  Troyes,  26  avril 
1426,  et  compte  relatif  à  son  exécution ,  clos  le  24  novembre 
1429.  Grand  in-fol.,  34  feuillets.  Ibid.,  nM58l2. 


195 

TROISIÈME  PARTJE. 
I.    Abbaye    de  Tontevraud. 

Conservé  avant  1820  dans  les  archives  de  Muine-et-Loire, 
qui  possèdent  encore  aujourd'hui  les  neufs  premiers  feuillets, 
la  table  alphabétique  et  la  reliure  (Voir  Archives  d'Anjou,  vol.  1, 
pages  210  et  suiv.),  ce  cartulaire  fait  maintenant  partie  de  la 
bibliothèque  de  sir  Thomas  Phillipp's,  baronnet,  à  Middie-Hill, 
Worcestershire,  et  il  y  est  classé  sous  le  n**  67.  Il  a  été  acheté  vers 
1 822  au  sieur  Royer  de  Paris,  avec  le  Livre  Noir  de  Saint-Florent. 
Son  véritable  titre  est  :  Pancarta  et  Carlularium  abhatissse  et 
ordinis  Fontis  Ebraudi,  ou  Grand  Cartulaire. 

Aujourd'hui  il  est  intitulé,  au  dos  de  la  reliure  :  Cartulaire 
original  des  anciennes  fondations  pieuses  de  Fontevraud  f,  sur 
vélin,  manuscrit  du  onzième  siècle,  unique. 

C'est  un  grand  in-folio,  haut  de  0'",39,  et  large  de  0,27.  Le 
parchemin  est  beau  et  fort.  Il  y  a  137  feuillets,  cotés  à  la  fin  du 
dix-septième  siècle,  pages  257-530  ;  et  plus  anciennement  (en 
chiffres  romains),  folios  136  à  269.  Le  folio  163  est  en  blanc. 
Le  manuscrit  est  composé  de  cahiers  de  4  feuillets  doubles,  ou 
quaterniers.  Les  quatre  premiers  sont  numérotés  xviii-xxi; 
les  suivants,  à  partir  du  folio  174,  i-xiiii. 

L'écriture  remonte ,  pour  la  plupart  des  chartes ,  au  milieu 
du  douzième  siècle.  Les  vingtième  et  vingt-unième  quater- 
niers, fol.  157-161,  sont  du  commencement  du  treizième,  et 
de  la  même  main  que  les  neufs  feuillets  couservés  à  la  préfec- 
ture. Les  copies  les  plus  récentes  sont  du  quatorzième  siècle  : 
fol.  156  v"  (charte  de  l'an  1150),  161  et  162.  Le  nombre  des 
chartes  est  de  361,  numérotées  anciennement  en  marge,  par  le 
P.  Laidier,  572  à  915,  plus  le  titre  en  rubrique  de  la  362®.  Les 
anciens  numéros,  auxquels  se  rapporte  la  table  alphabétique  , 
ont  été  grattés  par  le  sieur  Royer,  ainsi  que  les  chiffres  des  pa- 
ges, sans  doute  pour  faire  croire  que  le  cartulaire  était  complet 
ou  à  peu  près.  On  n'y  trouve  pas  une  seule  charte  française.  Lît 
plus  ancienne  est  de  1 105  environ,  et  la  plus  moderne  de  1322. 
Du  temps  du  P.  Lardier,  et  probablement  jusqu'à  la  suppres- 
sion de  l'abbaye  et  au  bouleversement  de  son  magnifique  char- 


126 

tier,  ce  cartulaire  se  composait  encore  de  265  feuillets,  paginés 
1-530.  Aujourd'hui  il  ne  se  trouve  plus  que  137  feuillets  ou 
274  pages.  Sir  Th.  Phillipp's  possède  donc  seulement  un  peu 
plus  de  la  seconde  moitié  de  la  regrettable  Pancarte  dont  je  n'ai 
pu  découvrir  que  les  dix-huit  premières  pages  dans  un  des 
greniers  de  la  préfecture.  Quoi  qu'il  en  soit,  et  malgré  la  faveur 
éclairée  et  hospitalière  avec  laquelle  le  noble  baronnet  de  Middle 
Hill  a  bien  voulu  accueillir  ma  demande  d'en  prendre  copie  ,  la 
perte  de  ce  fragment  du  cartulaire  de  Fontevraud  n'en  est  pas 
moins  déplorable  pour  l'Anjou. 

Celui  qui  a  volé  ce  manuscrit  a  cherché  et  réussi  à  détourner 
l'attention  de  l'archiviste,  M.  Jubin-Dedouvres,  par  le  même 
moyen  dont  il  a  usé  pour  le  Livre  Noir  de  Saint-Florent,  près 
Saumur.  La  couverture,  avec  les  quelques  feuillets  détériorés 
par  l'humidité  et  ceux  dont  l'écriture  paraissait  trop  récente, 
ont  été  laissés  à  la  préfecture.  Tout  ce  qui  semblait  avoir  une  va- 
leur mercantile  est  passé  dans  les  mains  du  sieur  Royer.  C'est  lui 
qui  a  fait  relier  les  137  feuillets  du  cartulaire  de  Fontevraud, 
en  leur  donnant  le  titre  reproduit  ci-dessus. 

L'état  de  ce  manuscrit  ne  laisse  rien  à  désirer.  L'écriture  est 
disposée  en  pleine  page,  dont  chacune  contient,  suivant  les 
cahiers  ou  quaterniers,  17,  19  et  22  ou  23  ligues.  Pour  le  XXP, 
il  y  en  a  33  ;  pour  le  XX*  de  37  à  40.  Elle  est  partout  belle  et 
régulière ,  quoique  plus  ou  moins  grosse.  On  croit  reconnaître  la 
même  main  pour  les  quaterniers  II- VI;  XVIII  et  XIX  (folios 
136-150  et  172-204).  Les  lettres  y  sont  de  petite  dimension, 
avec  des  hastes  très-hautes.  Les  majuscules  se  rapprochent  du 
type  carlovingien.  Souvent  elles  ont  été  employées  pour  écrire 
en  entier  les  noms  vénérables  de  Robertus  et  Petronilla,  celle-ci 
première  abbesse,  celui-là  fondateur  de  Fontevraud.  Pour  les  au- 
tres quaterniers  et  feuillets,  j'ai  cru  reconnaître  cinq  ou  six  mains 
différentes.  Dans  les  quaterniers  I,  IX-XIV,  l'écriture  est  plus 
grosse,  et  présente  des  lettres  à  hastes  ondulées,  ornées  de 
traits  en  spirale.  Ces  divers  caractères,  et  l'emploi  de  récriture 
allongée  pour  un  grand  nombre  de  rubriques  et  de  dates,  se- 
raient de  nature  à  faire  attribuer  le  cartulaire  de  Fontevraud  au 
commencement  du  douzième  siècle  et  même  à  la  fin  du  onzième , 
si  les  chartes  elles-mêmes  n'en  fixaient  la  date. 

En  général,  les  pièces  ont  des  rubriques  ou  titres,  sauf  du  folio 
157  au  162^  Un  grand  nombre  de  ces  pièces  sont  accompagnées  de 


127 

notes  marginales,  souvent  importantes  pour  la  topographie,  et 
pour  lesquelles  chaque  siècle  a  apporté  sa  coopération ,  depuis 
le  treizième  jusqu'au  dix-septième.  On  recounaît  facilement  dans 
quelques-unes  la  main  du  savant  P.  Lardier. 

Sur  les  361  pièces  contenues  dans  ce  cartulaire ,  87  ont  été 
copiées  par  M.  André  Salmon.  Pour  mon  compte,  j'en  ai  trans- 
crit 226,  et  j'ai  coUationné  le  texte  de  48  chartes  trouvées,  soit 
à  Paris ,  soit  à  Angers. 

L'orthographe  du  manuscrit  a  été  scrupuleusement  reproduite 
dans  la  copie  faite  sous  mes  yeux  pour  les  Archives  de  Maine-et- 
Loire,  sur  du  papier  dont  le  format  est  le  même  que  celui  des 
feuillets  en  parchemin  appartenant  au  cartulaire,  et  à  laquelle 
j'ai  fait  ajuster  l'ancienne  couverture  du  manuscrit  original. 

II.  Abbaye  de  Fontevraud. 

Prieuré  de  Westwode,  diocèse  de  Worcester,  en  Angleterre. 

Musée  britannique,  Mss.  Fonds  Cotton.  Vespasien,  E.  IX. 

Registnim  cartarum  monasterii  de  Westwode,  in  comitatu 
Wigornensi. 

Petit  in-quarto,  nouvellement  relié  en  cuir  de  Russie,  avec 
armoiries,  et  écrit  sur  parchemin.  —  8  feuillets  composent  le 
cartulaire,  qui  est  placé  eu  tète  du  volume.  Leurs  marges  ont 
été  restaurées  avec  soin.  Les  folios  1  recto  et  8  verso  sont  restés 
en  blanc.  —  L'écriture  appartient  au  milieu  du  XIIP  siècle  : 
après  1226  (voir  la  49^  charte).  —  67  chartes,  en  général  très- 
courtes,  dont  les  témoins  ne  sont  pas  nommés  malgré  la  formule  : 
Biis  testibus.  A  la  suite  de  plusieurs  pièces  on  a  écrit,  aussi 
au  XIIP  siècle  :  hec  caria  est  in  cophino.  44  de  ces  pièces  ont  été 
imprimées  dans  la  nouvelle  édition  du  Monasticon  Anglicamim , 
vol.  VI,  page  1004. 

Manuscrit  bien  conservé.  Bonne  écriture,  un  peu  fine  et  serrée, 
disposée  en  pleine  page,  dont  chacune  compte  41  ligues.  Il  n'y 
a  pas  de  rubriques ,  mais  seulement  des  indications  sommaires 
placées  en  tète  ou  en  marge  des  chartes. 

III.  Abbaye  de  Saint- Florent,  près  Saumur, 

De  même  que  le  cartulaire  de  Fontevraud,  le  Livre  Noir  était 
conservé  avant  1820  dans  les  archives  de  Maine-et-Loire;  aujour- 


128 

d'iiui  il  fuit  aussi  partie  de  la  bibliothèque  de  sir  Th.  Phillipps, 
sous  le  n°  70. 

Il  est  intitulé  Cartularium  Sancli  Florentii  apud  Salmurum 
(anciennement  Codex  vetustarum  donatiomim,  Nigernuncupatus). 
Au  folio  I  recto,  on  lit,  en  petites  capitales  à  l'encre  rouge  :  In 
hoc  corpore  continentur  antiquorum  precepta  regum  Ludovici^ 
Pipini,  Karoli  Calvi,  de  abbatia  S.  Florenlii  Glonnensis  cœnobii 
aeu  de  alio  cœnobio  quod  constructum  est  in  loco  qui  dicitur 
Salmurus,  a  Teutbaldo  comité. 

C'est  un  in-folio  ayant  en  hauteur  0™  31,  et  en  largeur  0™  233. 
L'écriture  est  disposée  sur  deux  colonnes  dont  chacune  a  3i 
lignes. 

Il  se  compose  de  141  feuillets  en  parchemin  beau  et  fort. 
Les  deux  derniers  sont  mutilés.  Il  manque  au  140*  5  ou  6  lignes 
dans  l'angle  inférieur,  et  au  141^  la  2'^  colonne  du  recto,  ce  qui 
rend  incomplète  la  dernière  pièce  du  cartulaire;  heureusement 
on  en  trouve  le  texte  eu  entier  dans  le  Livre  d'Argent  (fol.  53) 
et  dans  le  Livre  Rouge  (fol.  24)  (charte  de  Henri  II,  roi  d'An- 
gleterre et  comte  d'Anjou).  Antérieurement  au  foliotage,  qui 
remonte  au  XV^  siècle,  il  existait  entre  le  8*  et  le  9**  feuillet  une 
lacune  qu'on  peut  remplir  à  l'aide  du  rôle  de  Touraine  *  (charte  9). 

La  plus  grande  partie  des  chartes  a  été  copiée  vers  le  milieu 
du  XP  siècle,  1040-1060.  Postérieurement  et  à  différentes  épo- 
ques, diverses  mains  y  ont  transcrit,  sur  les  feuillets  laissés  en 
blanc  par  l'écrivain  primitif,  les  actes  d'une  date  plus  récente. 
Les  plus  modernes  se  trouvent  aux  folios  34  recto  et  verso,  140 
verso  et  141  recto. 

Elles  sont  au  nombre  de  290,  du  30  juin  824  à  1 1 60  environ. 

Ce  cartulaire  était  jadis  relié  en  bois  couvert  de  cuir  noir, 
ce  qui  l'a  fait  nommer  le  Livre  noir  (Codex  niger,  )  pour  le 
distinguer  des  autres  carlulaires  de  la  même  abbaye:  Livre  blanc, 
Livre  d' argent ,  Livre  rouge.  Afin  de  dissimuler  sa  sortie  des 
archives  de  Maine-et-Loire,  l'individu  qui  l'a  volé  y  a  laissé  la 
reliure,  après  en  avoir  enlevé  le  corps  du  manuscrit.  Sir  Thoinas 
PhiUipp's,  le  considérant  avec  raison  comme  l'un  de  ses  plus 
précieux  volumes  et  de  ceux  qui  ont  fait  naître  chez  lui  la 
passion  des  manuscrits,  à  laquelle  il  a  consacré  tant  de  soins, 

I.  Tous  ces  maniisci  ils  existent,  dans  les  arrtiives  du  département  de  Maine-et- 
Loire.  V.  Archives  d'Anjou,  ma.  T  et  Catalogue  des  carlulaires  des  Archives 
départtmenlales. 


129 

de  temps  et  d'argenf,  lui  a  donné  une  reliure  magnifique,  en 
maroquin  rouge  doré  et  gaufré,  garnie  à  l'intérieur  de  tabis. 

r/écriture  est  partout  très-belle,  sauf  aux  deux  derniers  feuillets, 
où  elle  est  courue  et  peu  soignée,  circonstance  qu'aggravent 
encore  l'usure,  les  taches  et  la  mutilation  du  parchemin. 

Les  chartes  sont  en  général  précédées  d'une  analyse  ou  d'un 
titre  en  rubrique.  J.es  initiales  de  chaque  pièce  sont  aussi  géné- 
ralement en  rouge  et  d'assez  forte  dimension.  Celle  de  la  première 
charte  est  surtout  belle  et  soignée. 

Les  copistes  ont  reproduit,  en  fac-similé,  les  chrismes,  mono- 
grammes et  croix;  même  les  notes  tironiennes  des  actes  origi- 
naux qu'ils  avaient  sous  les  yeux.  Dans  la  partie  ancienne  du 
manuscrit,  les  souscriptions  sont  en  lettres  plus  fines.  A  partir 
dti  folio  8,  il  y  a  aussi  en  rubrique  des  titres  courants,  qui  dési- 
gnent l'auteur  de  la  charte,  le  pays  ou  la  localité  auxquels  elle 
se  rapporte;  quelquefois  en  encre  noire,  soulignés  ou  non  en 
rouge.  Après  le  folio  67,  ils  deviennent  plus  rares,  surtout  en 
rubrique.  On  voit  au  bas  du  verso  des  folios  67,  75,  83,  91,  99, 
102  et  110,  le  numérotage  par  quaterniers,  depuis  X  jusqu'à  XVI. 
Il  n'y  a  pas  de  réclame  au  verso  des  feuillets. 

Des  notes  écrites  en  marge  des  chartes,  soit  par  dom  Huynes, 
soit  par  d'autres  religieux  de  Saint-Florent,  et  même  par  M.  Gué- 
mas,  l'un  de  mes  prédécesseurs  aux  archives  de  Maine-et-Loire, 
ont  été  assez  grossièrement  effacées. 

Ce  manuscrit  offre,  dans  sa  partie  la  plus  ancienne,  un  spéci- 
men bien  curieux  de  l'art  musical  au  moyen  âge.  Les  VersicuU 
de  eversione  monasterii  S.  Florentii^  copiés  aux  folios  6,  7  et  8, 
ont  leurs  premiers  couplets  notés, et  sans  aucun  doute  la  mu- 
sique est  contemporaine  des  paroles ,  qui  remontent  au  milieu 
du  IX  siècle.  Dom  Pitra,  bénédictin  de  Solesmes,  et  avant  lui 
mon  ami  et  confrère  M.  André  Salmon ,  de  Tours,  ont  calqué 
les  strophes  notées.  Quelques  extraits  du  texte  ont  été  publiés, 
d'après  la  copie  de  dom  Huynes.  {Hist.  Mss.  de  Saint-Florent ^ 
fol.  31 ,  aux  arch.  de  Maine-et-Loire.)  La  collation  sur  le  Livre 
Noir  m'a  permis  de  compléter  et  de  corriger  ce  texte. 

La  copie  des  chartes  du  Livre  Noir  n'a  pas  été  faite  par  moi 
seul.  Au  mois  d'août  1849,  M.  André  Salmon,  pendant  un 
premier  séjour  à  Middle-Hill,  avait  transcrit  les  pièces  qui  lui 
avaient  paru  se  rapporter  à  l'histoire  des  serfs  et  à  celle  de  la 
Touraine,  en  tout  62  chartes.  Vers  le  même  temps,  dom  Pitra, 
I.   {Quatrième  série.  9 


130 

enthousiasmé  par  l'aspect  et  l'importance  d'un  document  sur 
lequel  j'avais  le  premier  attiré  l'attention  {Archives d'Anjou.,  vol.  1, 
pages  227  et  suivantes),  et  encouragé  par  sir  Th.  Phillipp's,  forma 
le  projet  de  le  publier  dans  son  Spicilegium  Solismense.  Mais, 
prenant  pour  bons  Ions  les  textes,  manuscrits  ou  imprimés,  des 
pièces  que  j'avais  retrouvées,  il  ne  s'occupa  que  de  celles  dont  je 
n'avais  fait  aucune  mention ,  en  cherchant  à  reconstituer  le  Livre 
Noir;  encore  eu  laissa-t-il  échapper  quelqnes-unes.  Ayant  appris 
par  les  journaux  ses  projets  à  l'égard  du  Codex  Niger,  je  me 
rendis  à  Solesmes,  emportant  toutes  les  copies  de  chartes  faites 
d'après  les  textes  trouvés  à  la  préfecture  et  dans  la  collection 
de  dom  Housseau  (à  la  Bibliothèque  impériale),  ainsi  que  celles 
dans  lesquelles  j'avais  complètement  reproduit  le  travail  de 
M.  Salmon.  En  entrant  dans  l'abbaye,  je  pensais  qu'il  me  reste- 
rait fort  peu  de  chose  à  faire  sur  le  manuscrit  dont  la  communi- 
cation m'avait  été  offerte  par  sir  Th.  Phillipp's,  à  la  demande 
de  M.  Salmon.  Bientôt,  en  conférant  mes  textes  avec  ceux  de 
dom  Pitra,  je  pus  reconnaître,  et  lui  faire  reconnaître  aussi, 
qu'il  s'était  un  peu  avancé  en  annonçant  une  publication  pour 
laquelle  il  lui  manquait  de  nombreux  éléments.  Nous  exami- 
nâmes ensemble,  et  je  relevai  toutes  les  pièces  qu'il  avait  copiées 
in  extenso,  ainsi  que  M.  Salmon;  et  je  me  décidai  à  limiter  mon 
travail  sur  le  cartulaire  à  la  collation  des  textes  que  j'avais 
découverts,  ainsi  qu'à  la  copie  de  ceux  qui  nous  manquaient 
même  après  ce  rapprochement.  Les  chartes  imprimées  par  D.  D. 
Martène,  Lobineau  et  autres,  devaient  être  comprises  dans  cette 
transcription.  Ce  parti  avait  pour  résultat  de  mettre  en  évidence 
la  coopération  très-importante  de  mes  devanciers  à  Middle-Hill, 
de  me  dispenser  d'emporter  un  surcroît  de  papiers,  dont  ma 
malle  était  déjà  assez  remplie,  et  enfin  de  me  permettre  de 
consacrer  au  cartulaire  de  Fontevraud  le  temps  que  j'aurais 
dépensé  sur  le  Livre  Noir.  Les  choses  se  passèrent  comme  nous 
en  étions  convenus  dom  Pitra  et  moi,  et  avec  tous  les  avantages 
que  je  m'en  étais  promis.  Toutefois,  en  copiant,  au  mois  de 
novembre  1850,  les  chartes  transcrites  par  l'infatigable  et  savant 
bénédictin,  je  constatai  qu'il  s'était  trompé  en  me  disant  qu'il 
avait  dans  son  entier  la  charte  168^  (folio  82),  dont  il  n'a  guère 
pris  qu'un  extrait.  Comme  il  faut  tout  dire  aussi ,  j'éprouvai 
un  vif  regret  que  dans  ses  copies  il  ne  se  fût  pas  toujours  astreint 
à  suivre,  comme  M.  Salmon  et  moi  l'avons  fait,  l'orthographe 


131 

originale.  Au  fond,  ces  défectuosités  sont  fort  minimes  et  par 
trop  scrupuleuses  :  j'ai  dû  les  signaler,  quelle  que  fût  leur  portée. 

Nous  sommes  en  désacord,  dom  Pitra  et  moi,  sur  le  nombre 
des  chartes  du  Livre  Noir.  Il  en  compte  300,  et  moi  seulement 
290,  parce  que  j'ai  mis  sous  un  seul  N°  de  petites  notices  placées 
sous  une  rubrique  commune  :  par  exemple  mon  N"  90,  que  dom 
Pitra  divise  en  9  articles.  Après  un  examen  approfondi,  j'ai 
cru  devoir  persister  dans  mon  système,  d'autant  plus  que  dom 
Pitra  l'a  suivi  lui-même  pour  les  pièces  que  j'ai  cotées  138,  159 
et  autres. 

En  résumé,  voici  la  part  de  chacun  dans  la  copie  des  290  pièces 
du  Livre  Noir  qui  est  déposée  aux  archives  de  Maine-et-Loire,  et 
reliée  dans  l'ancienne  couverture  du  manuscrit  original  : 

M.  Salmon,  62  pièces; 

Dom  Pitra,  78     id.; 

M.  Marchegay  34  copies  et  52  collations  faites  sur  le  car- 
tulaire. 

64  autres  pièces ,  transcrites  antérieurement  d'après  les  ori- 
ginaux conservés  à  la  préfecture,  n'ont  donné  lieu  qu'à  un  rap- 
prochement, pour  constater  leur  identité. 

IV.  Abbaye  de  Saiwt-Flobent  près  Saumur. 

Prieuré  de  Saint-Pierre  de  Sele,  diocèse  de  Chichester,  Angle- 
terre (Sussex). 

Archives  du  collège  de  la  Madeleine,  à  Oxford,  auquel  ce 
prieuré  fut  donné  vers  la  fin  du  quinzième  siècle. 

Pas  de  titre.  Turner  et  Dugdale  le  nomment  Registrum  prio- 
ratus  S.  Pétri  de  Sela. 

Copie  des  chartes  du  prieuré,  au  milieu  desquelles  sont  inter- 
calés divers  articles  de  remembrances  et  recettes,  après  les  folios 
17,  20,  21,  57,  59,  60,  sur  des  feuillets  non  compris  dans  le 
foliotage  du  cartulaire,  fait  au  quatorzième  siècle. 

In-quarto  en  parchemin. 

60  folios  pour  le  cartulaire,  4  pour  l'index  des  chartes,  placé 
entête,  7  pour  les  remembrances  et  recettes;  en  tout,  71. 

Le  cartulaire  a  été  écrit  du  commencement  du  treizième  siècle 
au  milieu  du  quatorzième  ;  l'index  et  les  remembrances,  de  la  fin 
du  treizième  à  celle  du  quatorzième  siècle. 

Il  y  a  de  150  à  155  chartes  de  la  fin  du  onzième  siècle  au  com- 

9. 


132 

mencement  du  quatorzième  (1307).  Beaucoup  de  pièces  non  da- 
tées paraissent  appartenir  au  commencement  du  treizième  siècle. 

Ce  manuscrit,  de  l'aspect  le  plus  vénérable,  possède  encore  sa 
reliure  primitive,  composée  de  planchettes  de  chêne  recouvertes 
en  peau  de  daim  jadis  verte.  Les  fermoirs  n'existent  plus.  La  con- 
servation est  bonne,  sauf  pour  le  folio  59,  qui  est  très-déchiré. 
L'écriture,  disposée  en  pleine  page,  est  fine,  mais  belle  et  nette. 
Le  nombre  des  lignes  est  d'environ  34  à  la  page,  et  plusieurs  de 
ces  dernières  sont  restées  en  blanc.  Des  anal3'ses  sont  placées  en 
tète  ou  en  côté  des  chartes  ;  quelques-unes  en  rubrique. 

Les  difficultés  étaient  très-grandes  pour  obtenir,  pendant  les 
vacances,  l'entrée  du  chartrier.  Il  fallait  d'abord  l'autorisation 
du  proviseur,  et  elle  fut  accordée  avec  la  plus  grande  bienveil- 
lance, grâce  à  la  recommandation  de  IMM.  Coxe,  delà  Bodléienne, 
et  Pollen,  de  Merton-College,  auprès  du  Rev.  Th.-Fréd.  Smith  , 
du  collège  de  la  Madeleine. 

L'autorisation  obtenue,  on  ne  pouvait  en  user,  d'après  les  rè- 
glements, qu'avec  l'assistance  de  trois  professeurs  de  la  maison. 
Cette  condition  présentait  de  grandes  difficultés. 

Après  avoir  fait  leurs  classes  avec  l'assiduité  la  plus  rigou- 
reuse, les  professeurs  anglais  profitent  aussi  très-consciencieuse- 
ment des  vacances  pour  chercher  le  repos  au  milieu  des  lacs 
d'Ecosse,  ou  de  nouveaux  sujets  d'étude  sur  le  continent.  J'en  ai 
eu  la  preuve  au  collège  d'Eton,  près  Windsor,  où  je  comptais 
examiner  les  chartes  des  prieurés  de  Monmouth  et  de  Sporle,  qui 
dépendaient  aussi  de  Saint-Florent,  et  où,  malgré  les  lettres 
d'introduction  de  l'excellent  M.  Pollen,  je  n'ai  pu  voir  que  les 
cloîtres  et  les  préaux  et  l'église,  n'ayant  rencontré  pour  tout 
personnel  que  le  portier  et  le  sacristain. 

Enfin  au  bout  d'une  heure,  et  après  avoir  été  frapper  à  la  porte 
d'une  douzaine  de  ses  collègues,  M.  Smith  parvient  à  s'en  ad- 
joindre deux.  A  l'aspect  des  trois  professeurs  en  robe,  le  con- 
cierge se  met  aussitôt  en  marche,  armé  d'un  trousseau  de  clefs. 
Quatre  ou  cinq  massives  portes  s'ouvrent  successivement  dans 
un  véritable  dédale  d'escaliers,  et  nous  pénétrons  dans  le  trésor 
des  chartes,  placé  au  sommet  d'une  des  tours  qui  forment  l'en- 
trée du  collège  de  la  Madeleine. 

D'abord,  je  n'osai  pas  moi-même  chercher  le  manuscrit,  ob- 
jet de  mes  désirs.  Je  me  tenais  à  l'écart ,  parcourant  des  yeux  le 
vénérable  réduit  dont  l'aspect  général  et  les  moindres  détails  me 


133 

reporlaient ,  presque  involontairement,  aux  siècles  de  Henri  VI, 
des  cardinaux  Wolsey  et  Pôle,  et  de  William  de  Waynflete,  fon- 
dateurs ou  bienfaiteurs  de  ce  magnifique  établissement.  Cepen- 
dant ,  après  vingt  ou  vingt-cinq  minutes  de  recherches,  MM.  les 
professeurs  n'ayant  pu  trouver  le  cartulaire  de  Sele,  quoiqu'ils 
eussent  ouvert  toutes  les  portes  des  armoires,  fait  glisser  le  cou- 
vercle de  maintes  cassettes  et  chargé  leurs  robes  noires  de  cette 
vieille  et  bonne  poussière  qui  a  sauvé  tant  de  précieux  parche- 
mins, ils  me  proposèrent  de  chercher  moi-même,  et  je  me  mis 
de  suite  à  l'œuvre.  J'étais  sûr  que  le  manuscrit  existait,  parce 
que,  sans  parler  de  ce  qu'en  dit  le  Monasticon  Anglicanum , 
sir  Thomas  Phillipp's  l'avait  vu  peu  d'années  auparavant ,  et  il 
m'avait  montré  le  passage  qu'il  lui  a  consacré  dans  son  précieux 
Catalogue  des  Cartulaires  anglais.  Grâce  à  la  ressemblance  que 
présentent,  pour  un  œil  un  peu  exercé,  les  manuscrits  qui  ont  un 
même  objet  ;  grâce  surtout  au  bonheur  qui  accompagne  presque 
toujours  les  fureteurs,  je  ne  tardai  pas  à  mettre  la  main  sur  l'an- 
tique registre ,  et  je  pus  en  outre  constater  que  le  chartrier  de  la 
Madelaine  possède  une  pleine  boite  de  magnifiques  chartes 
originales,  dont  la  plupart ,  à  partir  du  douzième  siècle,  ont  en- 
core leurs  sceaux  dans  un  état  parfait  de  conservation. 

Pour  me  permettre  de  consulter  plus  facilement  le  cartulaire 
de  Sele,  MM.  les  professeurs  ,  d'après  l'avis  de  M.  Smith ,  déci- 
dèrent qu'il  serait  emporté  chez  ce  dernier;  et  ainsi  fut  fait, 
après  mention  du  déplacement  sur  le  livre  d'ordre  du  chartrier, 
que  chacun  d'eux  signa.  M.  Smith  me  ramène  aussitôt  dans  son 
appartement  ;  il  m'y  installe  de  la  manière  la  plus  confortable  et 
la  plus  gracieuse,  me  recommandant  de  travailler  à  mon  gré,  de 
ne  pas  me  presser,  et  m'assurant  que  je  ne  le  dérangerais  en  au- 
cune façon.  J'usai  avec  une  grande  reconnaissance  d'une  latitude 
donnée  avec  une  obligeance  si  cordiale.  Toutefois  je  ne  voulais 
pas  prolonger  outre  mesure  l'esclavage  dans  lequel  ma  curiosité, 
en  fait  de  cartulaires,  avait  tenu  l'honorable  professeur  pendant 
près  de  quatre  heures. 

M.  Pollen,  qui  pendant  mes  recherches  et  mon  travail  avait 
fait  visiter  les  divers  établissements  d'Oxford  à  mon  ami  et  com- 
pagnon de  voyage  André  Salmon,  étant  venu  me  rejoindre;  je 
profitai  de  l'occasion  pour  terminer  la  séance,  non  sans  avoir 
exprimé  à  M.  Smith  une  reconnaissance  profonde,  qui  bravera  la 
distance  et  le  temps. 


134 

Sans  piirler  des  détails  consignés  dans  celte  notice,  j'avais  pu 
copier  deux  chartes  importantes,  en  conférer  plusieurs  autres 
avec  les  textes  conservés  dans  les  archives  de  Maine-et-Loire , 
et  enfin  prendre  diverses  notes. 

Aux  folios  6  verso  et  7  recto,  se  trouve  la  charte,  copiée  par 
moi ,  dans  laquelle  Raoul ,  deuxième  du  nom ,  évêque  de  Chi- 
chester,  confirme  à  l'église  de  Sele,  en  mars  1235,  tous  les  do- 
maines, revenus  et  droits,  énumérés  par  lui,  qu'elle  possède 
dans  son  diocèse.  Les  détails  qu'elle  contient  me  l'ont  fait  préfé- 
rer à  celle  qui  suit  :  Confirmation  générale  donnée  par  Thibaud, 
archevêque  de  Cantorbéry  et  primat  d'Angleterre ,  en  l'année 
1151. 

Parmi  les  personnages  qui  ont  fait  de  nombreuses  donations 
au  prieuré  de  Sele,  j'ai  surtout  trouvé  des  chartes  du  prieur 
Gautier,  Walterius,  de  Golevile,  qui  vivait  au  milieu  du  trei- 
zième siècle.  Aussi  Roger  abbé  et  le  couvent  de  Saumur  firent- 
ils  un  acte  de  justice,  lorsque,  dans  leur  chapitre  général  tenu 
au  mois  de  mai  1269,  ils  accordèrent  la  confirmation  d'un  ser- 
vice anniversaire  pour  le  salut  de  l'âme  du  généreux  prieur. 
Leur  charte  est  copiée  dans  le  cartulaire  de  Sele,  au  fol.  45  verso. 
Elle  est  suivie  d'un  autre  acte  de  même  date,  par  lequel  lesdits 
abbé  et  couvent  confirment  aussi  une  messe  en  l'honneur  de  No- 
tre-Dame, fondée  dans  le  prieuré. 

Au  folio  57  du  cartulaire  est  copiée  la  charte  par  laquelle 
Henri  II,  roi  d'Angleterre,  duc  de  Normandie  et  d'Aquitaine  et 
comte  d'Anjou,  confirme  à  l'abbaye  de  Saint-Florent  de  Saumur 
non-seulement  l'église  de  Sele  et  ses  dépendances,  telles  qu'elles 
leur  ont  été  données  par  Guillaume  de  Briouse  et  par  son  fils 
Philippe,  mais  encore  celle  de  Saint-Gervais  et  Saint-Protais  de 
Briouse  en  Norjnandie  (diocèse  deSéez),  patrie  des  fondateurs  et 
chef-lieu  de  la  paroisse  qu'ils  occupaient  lorsque  le  succès  des 
armes  de  Guillaume  le  Conquérant  leur  valut  dans  l'île  conquise, 
comme  aux  autres  compagnons  du  vainqueur  d'Hastings,  tant  de 
vastes  et  riches  domaines  pour  le  service  religieux  desquels  cha- 
cun d'eux  appela  et  établit  en  Angleterre  les  moines  des  abbayes 
de  France,  dont  ils  avaient  le  plus  cultivé  l'amitié  et  admiré  la 
dévotion. 

Avant  de  partir  pour  la  mission  que  M.  le  ministre  de  l'ins- 
truction publique  a  bien  voulu  me  confier,  j'avais  fait,  à  Angers, 
un  travail  complet  sur  les  chartes  de  nos  abbayes  angevines  re- 


135 

lalives  à  leurs  possessions  en  Angleterre.  Le  regret  de  ne  pouvoir 
copier  ou  analyser  tous  les  documents  contenus  dans  le  cartu- 
laire  de  Sele  a  été  un  peu  diminué  lorsque  j'ai  eu  constaté  l'exis- 
tence, dans  les  archives  de  Maine-et-Loire,  de  divers  actes  im- 
portauts  qui  n'ont  pas  été  transcrits  dans  le  registre  de  ce 
prieuré. 

En  voici  l'indication  :  I"  Bulle  du  pape  Innocent  (treizième 
siècle),  contenue  dans  un  vidimus  original  de  l'official  de  Can- 
torbéry,  20  janvier  1291,  vieux  style. 

2"  Charte  de  Philippe-  de  Briouse  :  Livre  Blanc  de  Saint-Flo- 
rent ,  fol.  1 1 6  verso . 

3"  Transaction  avec  l'abbé  de  Fécamp  pour  les  églises  de 
Brembra,  Staninges  et  Belingetone,  Orig. 

4°  Charte  de  Jean  abbé  et  du  couvent  de  Saint-Florent ,  conte- 
nant annulation  des  ventes  faites  par  les  prédécesseurs  du  prieur 
Robert,  3  mai  1315.  Orig.  scellé. 

5°  Lettre  missive  de  l'abbé  Louis  du  Bellay  à  Richard  Audouin, 
prieur  de  Sele,  contre  l'établissement  d'un  collège  de  grammai- 
riens au  lieu  et  place  du  prieuré,  3  août  1488.  Histoire  Mste  de 
Saint- Florent,  par  D.  Hmjnes  ,  fol.  103.  Lorsque  cette  lettre 
parvint  à  son  adresse,  il  était  trop  tard  pour  protester  contre  un 
fait  accompli  et  sanctionné  par  le  roi  Henri  VI  :  la  Madeiaine 
existait  déjà ,  et  la  révolution  religieuse  opérée  par  Henri  VIII 
ne  devait  rien  changer  à  sa  destination.  Puisse-t-elle  exister  long- 
temps encore;  tel  est  le  vœu  qu'on  ne  peut  manquer  de  former 
après  avoir  visité  ce  magnifique  collège. 

V.  Abbaye  de  Saint-Nicolas  d'Angers. 

Prieuré  de  Saint-Nicolas  de  Spalding,  diocèse  de  Lincoln  ,  en 
Angleterre. 

Musée  britannique,  Mss.  Fonds  Harley,  n"  742. 

Registrum  prioratûs  de  Spalding;  partes  IV  et  V. 

Petit  in-folio  en  parchemin  de  352  feuillets  :  IV^  partie 
1-319;  V^  320-352.  Dans  le  foliotage  moderne,  on  a  compris 
plusieurs  originaux  intercalés.  L'écriture  appartient  à  la  lin  du 
quatorzième  siècle  pour  le  cartulaire ,  et  au  commencement  du 
quinzième  pour  les  additions. 

La  cinquième  partie  contient  90  chartes. 


136 

La  quatrième  en  renferme  un  si  grand  nombre ,  qu'il  ne  m'a 
pas  été  possible  de  les  compter.  Il  doit  y  en  avoir  de  1 100  à 
1200,  ce  qui  forme  un  total  d'environ  1,250  pièces,  de  l'an- 
née 1 140  environ,  au  commencement  du  quinzième  siècle. 

Magnifique  manuscrit.  Bonne  écriture,  en  pleine  page,  dont 
chacune  a  de  36  à  38  ligues.  En  tête  de  la  quatrième  partie  se 
trouve  une  table  analytique  des  diverses  divisions  suivant  les- 
quelles les  chartes  ont  été  groupées.  Une  analyse  en  rubrique 
précède  chaque  pièce,  du  moins  pour  le  cartulaire  proprement 
dit. 

La  plus  ancienne  paraît  être  une  charte  du  roi  Henri  F%  ainsi 
datée  :  Teste  Nigello  de  Albiniaco,  apud  Wodeslok,  et  concernant 
les  marais  de  Spalding.  Il  n'y  est  pas  question  de  l'abbé  ni  des 
moines  de  Saint-Nicolas  d'Angers.  On  la  trouve  au  folio  YIII  de 
la  quatrième  partie.  J'ai  copié  au  même  feuillet  une  charte  de 
son  petit-fils  Richard  Cœur  de  lion  ,  contenant  restitution  à 
l'abbé  de  Saint-JNicolas  d'Angers  et  au  prieur  de  Spalding  de  la 
terre  dudit  Spalding,  telle  qu'elle  leur  avait  été  donnée  par  son 
aïeul  susdit.  La  charte  originale,  datée  du  15  novembre  1"  an- 
née de  son  règne,  fut  confirmée  et  innovée  le  24  janvier,  10"  an  - 
née  de  son  règne,  et  reçut  le  nouveau  sceau  du  monarque,  adopté 
pour  remplacer  celui  qu'il  avait  perdu  pendant  sa  captivité  en 
Allemagne.  La  plupart  des  titres  se  rapportent  au  quatorzième 
siècle,  et  on  y  remarque  notamment  de  nombreuses  lettres  des 
rois  d'Angleterre,  entre  autres  des  Edouard.  On  voit  aussi  une 
certaine  quantité  de  pièces  du  treizième  siècle,  datées  en  gé- 
néral de  l'année  du  roi  et  de  celle  du  prieur.  Il  y  est  rarement 
parlé  de  l'abbé  de  Saint-Nicolas,  qui  intervient  cependant,  en  la 
lO""'  année  du  roi  (Edouard)  dans  le  partage  des  marais  de  Spal- 
ding en  deux  sections  :  Kestevene  pour  le  prieuré  ;  Hoiland  pour 
les  usagers.  (Voir  fol.  10,  recto.) 

Le  prieuré  de  Spalding  était  très-riche  et  important.  Pour  s'en 
convaincre,  il  suffit  de  parcourir,  dans  le  Monasticon  Anglica- 
num  (nouvelle  édition,  tome  3,  page  211),  les  documents  his- 
toriques et  domaniaux  qui  sont  parvenus  jusqu'à  nous. 

J'ai  vu,  dans  le  manuscrit  de  Fïarley  sous  le  n°  743,  qui  suit 
immédiatement  celui  du  cartulaire  décrit  plus  haut,  un  terrier 
contenant  lui-même  plusieurs  chartes;  mais  le  temps  m'a  man- 
qué pour  rechercher  les  trois  autres  registres  ou  cartulaires  qui 
ont  appartenu  à  Maurice  Johnson  ,  et  surtout  le  précieux  et  vo- 


137 

lumineux  cartulaire  conservé  ati  Collège  de  Caim,a  Cambridge, 
avec  une  chronique  dans  le  manuscrit  de  laquelle  sont  aussi  co- 
piées des  chartes  de  diverses  époques.  Ces  deux  derniers  docu- 
ments ne  peuvent  manquer  d'offrir  des  particularités  relatives 
à  l'histoire  d'Anjou,  et,  en  se  présentant  au  collège  de  Caius 
avant  les  vacances  ,  on  aurait  toutes  facilités  pour  les  compul- 
ser. A  Cambridge  on  n'est  pas  moins  bienveillant  qu'à  Oxford 
pour  les  paléographes  français. 

Le  Monasticon  Anglicanum  renvoie  aussi  au  volume  XXV  des 
manuscrits  de  Dodesworth,  à  la  bibliothèque  Bodléienne,  à  Ox- 
ford. Je  n'y  ai  trouvé,  page  12,  qu'une  charte  du  roi  Jean  sans 
Terre,  imprimée  dans  les  Rotuli  chartarum,  recueil  dans  lequel 
on  trouve  aussi  un  autre  acte  du  même  prince  concernant  le 
prieuré  de  Spalding.  (Voir  pages  47  et  55.) 

Ou  trouve,  eu  outre,  de  nombreuses  copies  au  Musée  Jiritan- 
nique,  Mss,  de  Cole,  vol.  43,  pages 91-457,  et  vol. 44,  pages2l4, 
215,316,  347,  357,  etc. 

VI.  Abbaye  de  Saint-Serge  d'Angers. 

Musée  britannique,  Mss.  Fonds  Cole,  volume  XLVIIl,  pages 
36  45. 

Prieuré  de  Saint-André  de  Swavesey,  diocèse  d'Ely,  en  An- 
gleterre. 

Copie  de  chartes  dont  les  originaux  sont  conservés  au  palais 
épiscopal  d'Ely.  Arch.  of  the  see  of  Ely. 

Manuscrit  en  papier,  contenant  25  pièces,  du  milieu  du  dou- 
zième siècle  à  l'année  1395  ;  plus  un  catalogue  des  prieurs,  à  la 
même  époque. 

La  vingt-deuxième  charte  est  une  Notice  curieuse  sur  l'occu- 
pation du  prieuré  par  le  roi  Jean  sans  Terre  avec  ses  équipages 
et  ses  troupes,  énumérés  tout  au  long,  ainsi  que  les  objets  qu'ils 
ont  enlevés  et  consommés  chez  les  moines. 

.   VII.  Abbaye  de  la  Trinité  de  Vendôme. 

Bibliothèque  de  sir  Thomas  Phillipp's,  n"  2,970,  acquis  vers 
1825,  de  Royer,  libraire  à  Paris,  pour  la  somme  de  2,500  fr. 
Cartulaire  de  Vabbaye  de  la  Sainte-Trinité  de  Vendôme. 


138 

Iii-4"  ;  haut  de  O^/iS  ;  large  de  0,23. 

Il  a  40  folios  en  parcheiniu. 

Il  a  été  écrit  dans  la  seconde  moitié  du  onzième  siècle ,  vers 
1070,  avec  quelques  pièces  ajoutées  postérieurement,  jusqu'au 
commencement  du  douzième  siècle. 

Le  nombre  des  chartes  est  de  111,  dont  109  entières  et  2  in- 
complètes. 

La  plus  ancienne,  émanée  de  Bouchard,  comte  de  Vendôme, 
et  antérieure  à  la  fondation  de  ce  monastère  par  Geoffroi  Mar- 
tel I",  comte  d'Anjou ,  est  de  la  tin  du  dixième  siècle;  la  plus 
moderne  est  de  l'an  1101. 

Ce  débris  de  l'ancien  cartulaire  est  dans  un  très-bon  état  de 
conservation. 

Sauf  pour  les  huit  premiers  feuillets,  qui  contiennent  de  40 
à  42  lignes  et  sont  de  diverses  mains,  l'écriture  est  disposée  sur 
deux  colonnes,  dont  chacune  a  31  lignes. 

A  partir  du  folio  9,  les  titres  des  chartes  sont  en  rubrique , 
avec  des  lettres  onciales. 

Un  index  des  chartes,  avec  titre  et  incipit,  qui  occupe  les  fo- 
lios 1  à  4,  ainsi  qu'une  colonne  du  folio  6,  prouve  que  ce  ma- 
nuscrit contenait  environ  570  pièces,  dont  il  ne  reste  pas  même 
un  cinquième  aujourd'hui. 

Il  résulte,  en  outre,  des  renseignements  fournis  par  la  col- 
lection de  dom  Housseau,  que  ce  cartulaire  contenait  au  moins 
274  folios  :  il  n'en  reste  plus  aujourd'hui  que  40 

Le  folio  9  actuel  correspond  à  l'ancien  fol.  XXI,  et  ainsi  de 
suite,  sans  lacune ,  jusqu'au  folio  40,  jadis  LII. 

Les  huit  premiers  feuillets  ont  été  cotés  anciennement 
A.  R.  CD.,  et  I,  II,  m,  IITI;  mais  ils  formaient  une  pagination 
à  part  et  n'étaient  pas  compris  dans  les  vingt  feuillets  qui  pré- 
cédaient le  folio  coté  actuellement  9  ;  car  ces  chartes  ne  sont 
pas  indiquées  dans  l'Index  susdésigné 

Après  avoir  collationné  sur  le  manuscrit  original  une  quaran- 
taine de  chartes  copiées  par  lui  et  par  moi  d'après  les  textes 
contenus  dans  quelques-unes  des  collections  de  la  Bibliothèque 
impériale  ,  notamment  celle  de  D.  Housseau,  M.  André  Salmon 
a  transcrit  tout  le  reste  du  cartulaire  de  Vendôme;  et,  comme  ce 
document  est  de  la  plus  grande  importance  pour  l'histoire  d'An- 
jou, il  m'a  permis  d'en  faire  faire  une  copie  pour  les  arciiives 
du  département  de  Maine-et-ÏX)ire. 

P.   MARCHEGAY. 


CHARTE  FRANÇAISE 

DE  1230, 

CONSERVÉE  AUX  ARCHIVES  MUNICIPALES  DE  TROYES. 


La  pièce  que  nous  donnons  ici  a  déjà  été  publiée.  On  la  trouve  dans 
les  Archives  historiques  de  l'Aube  de  M.  Vallet  de  Virivillei.  Mais  la 
leçon  qu'a  reproduite  M.  Vallet  de  Viriville  est  celle  d'un  cartulaire 
écrit  en  1377.  A  l'époque  où  notre  confrère  imprima  son  livre  ,  l'ori- 
ginal était  égaré.  Depuis,  un  classement  opéré  dans  les  archives  mu- 
nicipales de  Troyes  a  fait  retrouver  cet  original.  C'est  une  feuille  de 
parchemin,  haute  de  60  cent.,  large  de  46,  dont  le  sceau  manque 2, 
mais  dont  l'écriture  suffit  pour  démontrer  clairement  l'authenticité. 
Nous  reproduisons  cet  original.  H  doit  une  réelle  valeur  à  ses  formes 
orthographiques,  qui  diffèrent  beaucoup  de  celles  qu'on  trouve  dans  le 
texte  publié  par  M.  Vallet  de  Viriville.  Voici  quelques-unes  des  trans- 
formations que  le  texte  de  1 230  a  subies  dans  la  transcription  reproduite 
par  notre  confrère. 

ax  est  devenu    aux  jostise  est  devenu    justice 

çax  ciaux  leu  lieu 

ces  ceulx  majeur  maeur 

chauz  cheuz  molins  moulins 

famé  femme  ioz  tous 

fors  fours  voil  veul 

home  homme 

Bien  plus,  le  mot  geis  (gens) ,  art.  7,  a  été  remplacé  par  un  équivalent, 
par  le  mot  vassal. 

Nous  ne  voulons  pas  prolonger  indéfiniment  cette  énumération.  On 
peut  comparer  les  deux  textes.  Pour  faciliter  cette  comparaison ,  nous 

1.  P.  370-374. 

2.  A  défaut  du  sceau  primitif ,  celui  de  Thibaud  IV,  comte  de  Champagne,  premier 
type,  on  y  a  fort  maladroitement  attaché  un  autre  sceau  postérieur  de  plusieurs  an- 
nées, un  sceau  du  même  Tliibaud,  au  type  dont  ce  prince  fit  usage  après  son  avène- 
ment au  trône  de  Navarre,  en  1234. 


140 

avons  reproduit  le  numérotage  par  articles  établi  par  notre  confrère. 
En  faisant  la  collation  de  ces  deux  leçons,  que  sépare  un  espace  de 
150  ans,  on  pourra  se  rendre  compte  des  modifications  qu'avait  subies 
dans  cet  intervalle  la  langue  écrite  et  parlée  à  Troyes.  On  comprendra 
aussi  combien  il  faut  se  défier,  philologiquement  parlant,  des  trans- 
criptions contenues  dans  les  cartulaires. 

Ce  qui  ajoute  du  prix  à  la  pièce  qne  nous  publions ,  c'est  qu'elle 
est,  à  notre  connaissance  du  moins,  la  charte  française  la  plus  ancienne 
qui  existe  dans  les  dépôts  d'archives  de  la  capitale  de  la  Champagne, 
Camuzati  a  bien  publié  une  lettre  patente  en  français  de  1213,  par 
laquelle  la  comtesse  de  Champagne  ,  Blanche  de  Navarre ,  réglemente 
l'administration  de  l'Hôtel-Dieu  le  Comte  de  Troyes.  Mais  c'est  en 
vain  que  nous  l'avons  cherchée  dans  les  archives  de  cet  établissement. 
Elle  n'est  même  pas  indiquée  dans  l'inventaire,  qui  a  été  rédigé  à  la 
fin  du  siècle  où  Camuzat  écrivait.  Nous  croyons  donc  que  l'original 
n'existe  plus.  D'ailleurs,  si  cet  original  était  en  français,  évidemment 
Camuzat  en  a  fort  mal  reproduit  les  formes  orthographiques.  Dans  l'é- 
tat où  cette  pièce  nous  a  été  conservée  par  lui ,  sa  valeur  philologique 
est  presque  nulle,  et  elle  doit  céder  le  pas  à  la  charte  postérieure  en 
date  que  nous  donnons  ici. 

Reste  à  résumer  en  quelques  mots  les  principales  dispositions  de 
notre  document.  Il  a  pour  objet  l'érection  de  la  ville  de  Troyes  en 
commune. 

Treize  bourgeois,  choisis  chaque  année  par  le  comte  (art.  8) ,  admi- 
nistreront cette  commune  (art.  9)  et  rendront  la  justice  à  ses  membres 
(art.  9).  Ces  treize  bourgois  éliront  parmi  eux  un  chef  qui  recevra  le 
titre  de  maire  (art.  8) ,  et  les  douze  autres  prendront  le  nom  de  jurés 
(art.  7  et  10)  2.  Le  maire  et  les  jurés  qui  succéderont  à  un  maire  et  à 
d'autres  jurés  formeront  avec  eux  une  même  personne  morale,  et 
devront  prendre  fait  et  cause  pour  leurs  prédécesseurs  poursuivis  en 
justice,  menacés  d'un  duel  ou  excommuniés  pour  avoir  soutenu  les 
intérêts  de  la  ville  (art.  2i).  Le  maire  et  les  jurés  lèveront  pour  le 
comte  une  redevance  fixe  appelée  jurée  3,  que  le  comte  substitue  à  la 


1.  Promptuarium  antiquitatnm  sacrarum  Tricassinae  diœcesis.  Troyes,  in-12, 
1610,  fol.  401-402. 

2.  Le  nom  de  jurés  vient,  comme  on  sait,  du  serment  que  ces  officiers  prêtaient 
avec  le  maire,  à  leur  entrée  en  fonctions.  (Art.  9.) 

3.  La  jurée  tire  son  nom  du  serment  par  lequel  le  contribuable  attestait  la  vérité 
de  la  déclaration  par  lui  faite  pour  servir  de  l)ase  à  l'assiette  de  cette  imposition. 
(Art.  10  et  11.) 


141 

taille  arbitraire  à  laquelle  ses  hommes  de  Troyes  étaient  sujets  (art.  \o). 
Cette  redevance  consistera  :  1°  en  un  impôt  immobilier,  qui  sera  de  deux 
deniers  pour  livre  du  capital  (art.  2),  c'est-à-dire  égalera  16  120"  du  capi; 
taM  (art.  2);  2°  en  un  impôt  mobilier  frappant  sur  tous  les  meubles,  dé- 
duction faifedes  meubles  meublants,  des  vêtements  et  des  armes  a  l'usage 
des  contribuables,  et  cet  impôt  sera  de  6  deniers  pour  livre  (art.  t),c'est-à- 
diredu(iuarantième  du  capital  2,  L'évaluation  du  capital  se  fera  par  cha- 
que contribuable,  qui  prêtera  serment  que  son  estimation  est  exacte.  Si 
cependant  cette  évaluation  est  évidemment  trop  faible,  le  maire  et  les  ju- 
rés pourront  n'en  pas  tenir  compte  (art.  1 1  ).  Dans  tous  les  cas ,  aucun 
bourgeois  ne  pourra  être  contraint  de  payer  plus  de  20  livres,  ou  en  va- 
leur moderne,  2,000  francs  3,  ce  qui,  d'après  le  système  général  d'évalua- 
tion établi  plus  haut,  correspondrait  à  800  livres  (80,000  fr.)  de  capital 
mobilier,  et  2,400  livres  (240,000  fr.)  de  capital  immobilier  (art.  6).  Les 
bourgeois  de  Troyes  moudront  leur  blé  aux  moulins  du  comte  et  feront 
cuire  leur  pain  à  ses  fours ,  à  moins  que  le  maire  et  les  jurés  ne  con- 
sidèrent comme  insuffisant  le  nombre  de  ces  fours  et  de  ces  moulins 
(art.  20).  Ils  iront  en  personne  à  l'ost  et  à  la  chevauchée  du  comte 
jusqu'à  l'âge  de  soixante  ans,  auquel  cependant  ils  devront  fournir  un 
homme,  s'ils  le  peuvent  (art.  14).  Avant  l'âge  de  soixante  ans,  le  privi- 
lège de  se  faire  remplacer  n'appartiendra  qu'aux  marchands  et  aux 
changeurs  sommés  de  partir  pendant  une  foire  (art.  1 5).  Tout  bourgeois 
qui  possède  20  livres  vaillant  (2,000  fr.)  aura  chez  lui  une  arbalète  et 
50  traits  (art.  19).  Si  le  comte  a  besoin  des  chevaux  et  des  charrettes  des 
habitants  de  Troyes,  il  s'adressera  au  maire  qui  les  lui  enverra.  Mais  le 
propriétaire  recevra  un  prix  de  location  ,  et  même,  en  cas  d'accident , 
une  indemnité  supplémentaire  (art.  18). 
La  commune  de  Troyes  aura  droit  de  basse  justice  personnelle  et 

1.  si  l'on  admet  qu'au  moyen  âge  le  revenu  immobilier  fût  le  dix-neuvième  du 
capital ,  on  trouvera  que  cet  impôt  était  au  revenu  comme  1  est  à  ^=  6,32.  Voir 
Cartul.  de  N.  D.  de  Paris,  préface,  p.  ccxxxiv. 

2.  Dans  le  cas  où  la  fortune  mobilière  n'aurait  pas  rapporté  plus  que  la  fortune  im* 
mobilière ,  cet  impôt  aurait  été  au  revenu  comme  1  est  à  ff ,  il  en  aurait  enlevé 
presque  la  moitié.  Mais  les  capitaux  engagés  dans  le  commerce,  qui  étaient  à  peu 
près  seul  frappés  par  ces  impôts,  devaient  donner  un  revenu  bien  supérieur  à  celui 
des  fonds  de  terre. 

3.  Dans  son  Histoire  de  Provins^  t.  I,  p.  443,  notre  confrère  M.  Bourquelot  a 
prouvé  que  la  valeur  de  la  livre  de  Provins  était  égaie  à  celle  delà  livre  tournois. 
Quant  à  l'estimation  de  la  livre  tournois  et  à  l'appréciation  du  pouvoir  de  l'argent, 
nous  suivons  ici  le^  calculs  de  M.  Guérard,  Cart.  de  Saint-Père  de  Chartres,  pro- 
légom.,  $  188. 


14-i 

rée!le  (art.  5j.  Cependant  tout  vassal  du  comte  étranger  à  la  commune, 
toute  église  placée  sous  sa  garde  sera  maîtresse  d'actionner  les  bour- 
geois devant  la  cour  du  comte,  et  cette  cour  prononcera  la  condam- 
nation, s'il  y  a  lieu,  sauf  au  maire  et  aux  jurés  de  fixer  le  montant  de 
l'amende  (art.  7).  Le  comte  se  réserve  aussi  la  haute  justice  :  meurtre, 
rapt ,  larcin ,  duel ,  fausse  mesure  (art.  6).  Les  amendes  prononcées 
par  les  jurés  entreront  dans  la  caisse  communale  (art.  6).  Toutefois, 
lorsque  le  condamné  sera  un  étranger,  les  bourgeois  de  Troyes  ne 
pourront  toucher  plus  de  20  livres  ;  l'excédant  appartiendra  au  comte 
(art.  6).  Le  comte  profitera  aussi  de  l'amende  prononcée  contre  un 
bourgeois,  sur  la  demande  d'un  vassal  du  comte  (art.  7).  Mais,  si  la  jus- 
tice du  comte  condamne  quelqu'un  de  Troyes  pour  fausse  mesure,  les 
bourgeois  de  Troyes  auront  le  tiers  de  l'amende,  20  sous  sur  60  sous. 
En  dédommagement  du  préjudice  causé  au  comte  par  l'abandon  de  ces 
produits  de  la  justice  de  Troyes ,  les  bourgeois  lui  payeront  une  rente 
annuelle  de  300  livres  de  Provins  (30,000  fr.)  (art.  5)  i. 

Ces  privilèges  de  commune  ne  s'étendent  pas  aux  hommes  des  vas- 
saux du  comte  et  à  ceux  des  églises  placées  sous  sa  garde  (art.  3  et  4) . 
Ils  s'appliquent  seulement  aux  hommes  du  comte  habitant  Troyes  à 
l'époque  de  la  concession ,  et  aux  étrangers  qui ,  n'étant  serfs  ni  du 
comte,  ni  de  ses  vassaux,  ni  de  ses  églises ,  viendront  s'établir  à  Troyes 
postérieurement  (art.  1®').  Aussi  le  servage  persista-t-il  à  Troyes  beau- 
coup au  delà  de  l'année  1230. 

Cette  commune  à  l'eau  de  rose ,  dont  le  maire  était  le  mandataire 
du  comte  en  même  temps  que  des  habitants  (art.  9,10,  18),  avait 
cessé  d'exister  en  1242.  On  peut  consulter  là-dessus  le  livre  déjà  cité 
de  M.  Vallet  de  Viriville,  p.  369  et  suivantes  2. 


1 .  On  appelait  cette  rente  censé  de  la  commune.  Il  est  question  des  censés  de 
diverses  communes  dans  le  compte  de  la  terre  de  Ciiainpagne  pour  l'année  1340- 
1341  (Rouleau  conservé  à  la  Bibl.  Imp.).  En  1236,  le  comte  de  Champagne,  Thibaud  IV 
donna  au  prieuré  d'Allibandière  62**  de  rente  sur  la  censé  de  la  commune  d'Herbisse; 
Yoir  Àrch.  de  l'hospice  de  Bar-sur-Aube,  pièce  cotée  Allibandière ,  n.  32.  Enfin, 
sans  aller  si  loin,  le  terme  de  censé  se  trouve  avec  cette  signification  dans  l'art.  18 
de  notre  charte. 

2.  Pour  se  rendre  compte  des  circonstances  dans  lesquelles  fut  établie  la  com- 
mune de  Troyes,  voir  Vallet  de  Viriville.  Arch.  Ais^.  de  ZMM&e,  p.  381-382;  Bour- 
quelot,  Hist.  de  Provins,  t.  I,  p.  198  et  suivantes;  Chevalier,  Hist.  de  Bar-sur- 
Aube,^.  165  ;  Guignard,  Choix  de  pièces  pour  servir  à  l'histoire  de  la  Ferté-sur- 
Aube,  dans  Y  Annuaire  de  l'Aube  de  1850,  p.  59  et  suivantes  de  la  seconde  partie, 
Cf.  Reg.  MiMé  Extenta  comitatus  Campanie,  Archives  de  l'empire,  K,  1151. 


H3 

1.  Gie  Tiehaiiz  ,  de  Champaigne  et  de  lîrie  cueris  palaziiis, 
faiz  à  savoir  à  toz  çax  qui  sont  et  qui  seront  qui  cez  létres  ver- 
ront, que  ge  franchis  et  quit  toz  mes  homes  et  mes  famés  de 
Troies  de  totes  toutes  et  de  totes  tailles ,  par  tel  manière  que  ge 
aurai  en  toz  cez  eu  cui  ge  avoie  taille  et  en  toz  cez  homes  et  fa- 
més qui  defors  venront  ester  en  la  communeté  de  Troies,  VI  d. 
de  la  livre  do  muehle  fors  qu'en  armeures  et  en  robes  faites  à 
eux  lor  cors  et  fors  qu'en  aiesemenz  d'ostel. 

2.  Et  est  à  savoir  que  vaissel  où  l'en  met  vin  et  tuit  aiesement 
d'or  et  d'argent  seront  prisié  chascun  an  aveuc  les  autres  mue- 
bles  ,  et  aurai  de  la  livre  de  l'éritaige  II  d.  chascun  an. 

3.  Et  est  à  savoir  que  se  aucuns  de  mes  homes  ou  de  mes  fiè- 
vez  ou  de  mes  gardes  venient  por  demorer  en  la  comuneté  de 
Troies ,  li  borjois  de  Troies  n'en  porrout  aucun  retenir,  se  n'est 
par  mon  asent  ou  par  ma  volenté. 

4.  Et  s'il  avenoit  que  aucuns  hom  ou  aucune  famé  de  mes 
viles  ou  de  mes  liez  ou  de  mes  gardes  venient  ester  en  la  comu- 
neté de  Troies,  etlihom  ou  la  famé  qui  i  venroit  disoit  que  il 
ne  fust  de  mes  viles  ou  de  mes  fiez  ou  de  mes  gardes  ,  il  seroit 
esclairié  à  ma  volenté  do  retenir  ou  do  refuser.  Et ,  se  je  lo  re- 
fusoie,  il  auroit  conduit  de  moi,  il  et  les  soes  choses,  XV  jorz 
planièrement. 

5.  Et  est  à  savoir  que  se  aucuns  de  la  comuneté  de  Troies 
veult  paier  XX  Ib.  en  l'an,  il  sera  quites  do  sairement  et  de  la 
prise  de  cèle  année  vers  moi.  Et  si  lor  doig  et  otroi  la  prévosté 
et  la  jostise  de  Troie  et  de  lor  terres  et  de  leur  vignes  qui  sont 
dedanz  lo  finaige  de  Troies ,  si  comme  ge  la  tenoie  au  jor  que  ces 
letres  furent  faites ,  por  CGC  Ib.  de  provenisiens  ,  qu'il  me  ren- 
dront chascun  an  à  Pentecoste. 

6.  Et  est  à  savoir  que  li  forfait  des  homes  et  des  famés  de  la 
communeté  de  Troies  et  de  toz  cez  qui  sont  ou  seront  estagier 
en  la  jostise  de  la  communeté  de  Troies ,  sont  as  borjois  de 
de  Troies,  si  corne  ge  les  soloie  avoir.  Et  tuit  li  forfait  des  gens 
estrenges  qui  ne  sont  de  la  jostise  de  la  comuneté  de  Troies,  sont 
as  borjois  de  Troies  jusqu'à  XX  s.  ;  et  li  seurplus  iert  miens.  Et 
ge  retaig  lo  murtre  et  lo  rat  et  lo  larrecin,  la  où  cez  choses  se- 
ront coneuez  et  ataiutes.  Et  si  retaig  lo  chanpion  vencu,  dont 
j'aurai  m'amende  as  us  et  as  costumes  de  Troies.  Et  si  retaig  la 
fause  mesure ,  de  la  quéle  j'aurai  XL  s.  ,  et  li  borjois  de  Troies  en 
auront  XX  s. 


144 

7.  Et  est  à  savoir  que  je  retaig  la  jostise  el  la  garde  de  mes 
églises  et  de  mes  chevaliers  et  de  mes  liévez  et  de  mes  geis  ;  en 
tel  manière  que  se  aucuns  de  çax  de  Troies  ou  de  la  jostise  de  la 
comune  [de]  Troies  forfaisoitàaucunsde  cez  que  ge  retaig,  c'est 
à  savoir  as  clers  ,  ou  as  chevaliers ,  ou  à  mes  fiévez ,  ou  à  mes 
geis,  dont  plainte  venist  à  moi,  ge  la  dréceroie,  et  l'amende 
seroit  moie.  Et  sera  jugiée  l'amende  as  us  et  as  costumes  de 
Troies  par  lo  majeur  et  par  les  jurez  de  Troies. 

8.  Et  est  à  savoir  que  ge  ou  autres  de  mes  gens  ellirons  chas- 
cun  an  XIII  homes  de  la  comuneté  de  Troies  à  bone  foi,  et  ci! 
XIII  elliront  l'un  d'ax  à  majeur  chascun  an  dedanz  la  quinzaine 
que  ge  les  aurai  nomez.  Et  s'il  ne  l'avient  elleu  dedanz  la  quin- 
zaine, ge  i  elliroie  l'un  des  XIII. 

9.  Et  cil  XIII  nomé  jureront  sore  sainz  que  ma  droiture  et 
celi  de  la  comune  de  Troies  garderont ,  et  governeront  la  vile  et 
les  afaires  de  la  vile  à  bone  foi.  Et  ce  que  cil  XII  juré  et  li  mai- 
res feront  par  bone  foi ,  il  n'en  porront  estre  aqoisoné.  Mais  s'il 
faisient  jugement  ou  esgart  qui  ne  fust  soffisanz ,  il  seroit  adré- 
cié  à  mon  esgart  as  us  et  as  costumes  de  Troies ,  sauf  ce  qu'il  ne 
lor  costerait  rien  et  n'en  ferlent  point  d'amende  cil  qui  aurient 
fait  lo  jugement  ou  l'esgart. 

10.  Et  cil  XII  juré  et  li  maires  lèveront  les  deniers  de  chas- 
cun, VI  d.  de  la  Ib.  do  mueble,  si  com  il  est  dit  devant,  et 

II  d.  delà  Ib.  de  l'éritaige  par  lo  sairement  de  cez  qui  ce  de- 
vront. 

11.  Et  se  li  maires  et  li  XII  juré  ou  une  partie  d'ax  jusqu'à 

III  ou  plus  avient  sopeçonex  aucun  de  cez  qui  auront  juré  à  ren- 
dre VI  d.  de  la  livre  do  mueble  et  II  de  la  Ib.  de  l'éritaige ,  il  lo 
porrient  croistre  selonc  lor  bone  concience  ,  sauf  ce  que  cil  n'en 
fera  point  d'amende  qui  aura  juré.  Et  cil  denier  seront  paie  chas- 
cun an  à  la  feste  saint  Andriu. 

12.  Et  est  à  savoir  que  tuit  cil  de  la  comune  de  Troies  pueent 
et  porront  vendre  et  acheter  éritaiges  et  autres  choses ,  si  com  il 
ont  fait  devant,  et  ont  et  auront  lor  franchises  et  lor  usaiges,  si 
com  il  les  ont  eues  devant. 

13.  Et  se  aucuns  voloit  plaidoier  aucun  de  la  commune  de 
Troies  par  plait  ou  par  autre  manière,  je  ne  lou  porroie  traveiller 
fors  de  Troies,  se  por  ma  propre  queréle  n'estoit,  et  cèle 
queréle  seroit  terminée   as  us  et  as  costumes  de  Troies. 

14.  Ge  aurai  mon  ost  et  ma  chevauchiée  si  corne  ge  avoie  de- 


115 

vant,  tors  tant  que  boni  de  LX  ans  ou  de  plus  n'iera  pas  ;  mais 
s'il  a  lo  pooir  suffisant ,  il  i  envolera  1  home  por  lui  selon  son 
pooir. 

15.  Et  se  ge  semoig  ost  ou  chevauchiee  en  tans  que  foire  sera, 
li  changéeur  et  li  marcheant  qui  seront  en  la  foire  enbesoignié  , 
i  porront  envoler  homes  soflisanz  por  ax  sanz  amende.  Et  se 
aucuns  defailloit  de  mon  ost  ou  de  ma  chevauchié  ,  cil  qni  dé- 
fauroit  lo  m'amenderoit. 

16.  Et  si  promet  à  boue  foi  que  n'es  semondrai  en  ost  ne  en 
chevauchiee  por  ax  aqoisoner,  fors  que  por  mon  besoig. 

17.  Et  si  voil  que  chevax  à  chevauchier  ne  armeuresà  cez  de 
la  comune  de  Troies  ne  soient  prises  por  détes  ne  por  pièges  ne 
por  autres  émissions. 

18.  Et  se  ge  ou  mes  genz  avons  mestier  de  chevax  ou  de  char- 
rétes  de  Troies,  il  sera  requis  au  majeur  de  Troies,  et  cil  lo 
fera  avoir  à  loier  là  où  il  lo  trpvera,  et  paiera  lo  loier  des  de- 
niers de  ma  censé.  Et  s'il  mésavenoit  do  cheval ,  il  seroit  renduz 
au  resgart  des  XII  jurez  et  do  majeur  des  deniers  de  ma  censé. 

19.  Et  chascun  de  lacommuneté  de  Troies  qui  aura  vaillant 
XX  Ib.,  aura  arbeleste  en  son  ostel  et  qnarriax  jusqu'à  L. 

20.  Et  est  à  savoir  queli  borjois  de  Troies  cuiront  et  morront 
à  mes  forz  et  à  mes  molins  à  autel  marchié  com  as  autres  ;  et  s'il 
avenoit  que  ge  n'eusse  assez  fors  et  molins  à  Troies ,  il  feront 
morre  et  cuire  au  resgart  des  XII  jurez  et  do  majeur,  selonc  ce 
qu'il  convenra  soffisaument  à  mes  forz  et  à  mes  molins.  Et  quant 
ge  aurai  forz  et  molins  tant  com  il  lor  convenra  au  resgart  des 
XII  jurez  et  do  majeur,  il  i  cuiront  tuit  et  morront. 

21.  Et  se  aucuns  des  XIII  elleuz  estoit  chauz  en  plait,  ou  en 
guerre  ou  en  escomeniement  por  lo  fait  de  la  vile ,  li  XII  juré  et 
li  maires  qui  après  venront,  seront  tenu  à  penre  lo  fais  sor  ax  . 
ausi  com  li  XII  juré  et  li  maires  qui  estient  devant  l'avoient  soi 
ax. 

22.  Et  ge  ne  porrai  mètre  hors  de  ma  main  nules  de  ces 
choses. 

23.  Et  est  à  savoir  que,  se  aucuns  de  la  communeté  de  Troies 
estoit  aresléz ,  et  pris  en  aucun  ieu  por  ma  déte,  ge  lo  sui  sui 
{sic)  teuuz  à  délivrer  lui  et  ses  choses  do  mien.  Et  s'il  estoit  pris 
arestcz  por  autre  chose,  ge  lo  sui  tenuz  à  aidier  et  délivrer  a 
bone  foi. 

24.  Et  est  à  savoir  que  se  aucuns  de  cez  qui  venront  ester  en 
I.  {Quatrième  série.)  jO 


146 

la  commuuede  ïroies  s'eu  vuelent  râler,  il  s'en  iront  sauvement 
et  franchement,  quant  il  \orront,  et  auront  conduit  de  moi 
XVjorz  plainement. 

25.  Et  est  à  savoir  que  mi  serjant  qui  sont  à  moi ,  et  cil  qui 
ont  mes  Chartres  ou  les  Chartres  de  mes  ancesseurs  ,  seront  en 
la  comune  de  Troies ,  se  il  welent  ;  et ,  se  il  ne  lo  weulent ,  il 
seront  en  ma  main  si  come  devant. 

26.  Et  totes  ces  choses  et  totes  ces  covenances  qui  sont  conte- 
nues en  ces  létres,  ai  ge  juré  à  tenir  por  moi  et  por  mes  oirs  à 
aux  et  à  leur  oirs  parmenablemcnt.  Et  por  ce  que  ce  [soit]  ferm 
et  estable,  aige  fait  ces  létres  séélées  de  mon  séel. 

Ce  fut  fait  en  l'an  de  grâce  mil  et  CC  et  XXX,  ou  mois  de  sep- 
tembre. 

H.  D'ABBOIS  DE  JUBAINVILLE. 


CHARTES 


DE 


LA  CHARITE   DE  N.  D, 


DE  LA  COUTURE  DE  RERNAI. 


II  existe  encore  dans  la  plus  grande  partie  de  la  Normandie,  sous  le 
nom  de  Charité^,  une  corporation  religieuse  à  peu  près  inconnue 
hors  des  départements  de  la  Seine-Inférieure,  de  l'Eure  et  du  Calva- 
dos, et  qui,  avant  la  Révolution,  existait  et  prospérait  dans  les  dio- 
cèses de  Rouen,  d'Évreux,  de  Lisieux  et  de  Bayeux.  Le  but  principal 
de  ces  associations  pieuses  était  de  rendre  les  derniers  devoirs  à  tout 
chrétien  habitant  de  la  paroisse,  qu'il  fût  membre  ou  non  de  la  con- 
frérie. Ce  service  fut  toujours  religieusement  rempli,  et,  bien  que  les 
conciles  2  de  la  province  aient  plus  d'une  fois  réprimé  sévèrement  les 
abus  toujours  inséparables  d'une  longue  existence,  jamais  les  évéques 
n'ont  eu  besoin  de  rappeler  les  confrères  à  l'accomplissement  de  leur 
mission  première. 

L'origine  des  Charités  est  à  peu  près  inconnue.  Quelques-unes  préten- 
tendent  remonter  à  une  très-haute  antiquité,  et,  si  nous  en  croyons  la 
tradition,  l'une  d'elles,  la  Charité  de  Saint-Martin  de  Landepeureuse  3, 


1.  «  Caritas,  sacrum  sodalitium,  idem  quod  confialria,  Gall.,  Confrérie;  D.  Car- 
pent.,  Gloss.  M.  et  Inf.  Lai.,  t.  1,  p.  826,  au  mot  Caritas.  —  Ou  a  publié  en  1847 
un  article  curieux  sur  la  Charité  de  Vernon,qui,  si  l'on  en  croit  l'auteur,  remon- 
terait à  l'an  1319, et  aurait  été  fondée  par  la  corporation  des  tailleuis  de  drap  de  cette 
ville.  Voy.  V Illustration,  samedi  13  mars  1847,  vol.  IX,  p.  27-28,  n"  21. 

2.  «  Opéra....  laudamns,  nt  sunt  divina  officia  et  ornamenta  ecclesiarum  quorum- 
«  cumqne  etiam  peste  mortuorum  sepulturas  et  exsequias,  nec  non  in  pauperes  elee- 
n  mosynas;  verum  quoniam  audivimus  comessationes  et  ebrietates  et  alias,  si  non 
«  omnino  malas,  ineptas  tamen  confederationes  etactiones,  Caritatis  nomine  velari.» 
Stat-  Synod.  Ebroic,  an.  1576  ;  D,  Bessin,  Concilia  Rotoviag.,  part.  Il ,  p.  392  ;  et 
Concilium  Rotomag.,  an.  1581,  art.  34;  D.  Bessin,  part.  I,  p.  223. 

3.  Arrondissement  de  Bernai. 

10. 


148 

aurait  été  fondée  en  mars  1 080  par  les  sires  de  Thevray.  Il  est  fâcheux 
que  l'iusoucianee,  l'incurie  et  surtout  la  méfiance  des  frères  de  Charité 
se  soient  faites  les  auxiliaires  fidèles  des  temps  pour  faire  disparaître 
les  quelques  documents  épars  qui  pourraient  encore  nous  apprendre  le 
passé  de  ces  associations  et  fournir  bien  des  renseignements  utiles  pour 
l'histoire  locale. 

Sans  la  bienveillance  de  M.  Heurteux ,  curé  de  Saint-Croix  de  Ber- 
nai, qui  s'est  empressé  de  nous  communiquer  le  livre  de  la  confrérie 
attachée  à  sa  paroisse  ,  et  sans  la  nécessité  où  se  trouvait  la  Charité  de 
Notre-Dame  de  la  Couture  de  la  même  ville  de  connaître  les  titres 
de  sa  fondation  ,  jamais  nous  n'aurions  vu  ces  chartriers  campagnards 
s'ouvrir  devant  nous. 

La  Charité  de  Sainte-Croix  de  Bernai  ne  possède  plus  maintenant 
qu'un  manuscrit  in-folio,  moitié  vél|n  et  moitié  papier,  qui  ne  remonte 
pas  au  delà  de  l'année  1518,  ainsi  que  le  prouve  le  commencement  de 
ce  registre  :  «  Ensuivent  les  noms  des  Frères  et  des  Seurs  servants 
«  à  la  Charité  de  Sainte-Croix  de  Bernay,  pour  l'an  mil  cinq  cenz  dix- 
«  huit,  par  lesquels  ce  présent  livre  fut  alloué  a  faire.  >-  En  tête  de  ce 
livre ,  qui  contient  la  nomenclature  de  tous  les  membres  de  la  cor- 
poration, se  trouve  une  mauvaise  copie,  fort  incorrecte,  faite  au 
dix-huitième  siècle,  de  la  charte  de  fondation  de  cette  oonfrerie,  don- 
née par  Guillaume  VI  d'Estouteville,  évêque  de  Lisieux,  le  dixième 
jour  de  décembre  1400,  et  vidimee  par  Charles  VI ,  roi  de  France. 
Cette  charte,  dont  le  préambule  et  la  fin  sont  en  latin,  est  écrite  en 
français  dans  tout  le  corps  de  l'acte.  Malheureusement  la  copie  de 
ce  diplôme  paraît  très-inexacte.  C'est  pourquoi  nous  avons  préféré  pu- 
blier ici  les  titres  de  la  confrérie  de  l'autre  paroisse  de  Bernai,  titres  tout 
à  fait  identiques  et  que  nous  avons  pu  transcrire  sur  les  originaux  eux- 
mêmes. 

Les  archives  de  la  Charité  de  Notre-Dame  de  la  Couture  de  Bernai 
sont  un  peu  plus  riches.  Elles  possédaient,  en  1845  : 

\°  Trois  chartes  originales  sur  parchemin^ 

2"  Un  livre  manuscrit,  in-folio ,  qui,  semblable  à  celui  de  Sainte- 
Croix  ,  est  partie  sur  velin  et  partie  sur  papier. 

La  première  de  ces  trois  chartes  remonte  à  l'année  1398.  Donnée  par 
les  vicaires  généraux  du  diocèse  de  Lisieux,  en  l'absence  de  l'évéque , 
Guillaume  VI  d'Estouteville,  elle  renferme  et  la  fondation  de  la  Charité 
de  Notre-Dame  de  la  Couture  de  Bernai  et  l'approbation  des  statuts, 
accordée  à  la  requête  des  confrères.  La  deuxième,  un  peu  plus  récente, 
est  de  1406.  C'est  une  nouvelle  édition,  délivrée  par  Guillaume  lui- 


149 

même  ,  du  règlement  de  1398,  devenu  plus  étendu  et  plus  complet.  Il 
subsiste  encore  dans  la  plupart  de  ses  dispositions;  c'est  le  texte  que 
nous  publions  plus  bas.  Ces  deux  chartes  sont  écrites,  comme  celle  de 
Sainte-Croix ,  partie  en  latin ,  partie  en  français.  Le  troisième  docu- 
ment est  une  permission  accordée  en  1448  ,  par  Tlioraas  Basin,  évé- 
que  de  Lisieux  ,  de  conserver  dans  l'église  de  la  Couture  un  reliquaire 
renfermant  des  cheveux  de  la  Vierge.  Cette  pièce,  écrite  en  latin, 
était  encore  en  1845  scellée  du  grand  sceau  de  l'évêché,  en  cire  rouge. 

Le  manuscrit  remonte  jusqu'à  l'année  1398.  Il  renferme  la  liste, 
année  par  année ,  de  tous  les  frères  servants  de  la  Charité.  Cette  sèche 
nomenclature  présente  de  temps  en  temps,  ainsi  que  dans  le  livre  de 
Sainte-Croix,  la  mention  d'un  fait  qui  peut  intéresser  soit  la  corporation, 
soit  la  ville  elle-même.  Ces  quelques  renseignements  sont  malheureuse- 
ment trop  rares  et  trop  concis.  En  tête  de  ce  registre  se  trouvent  la  liste 
générale  des  fondateurs  de  la  confrérie,  puis  la  copie  du  règlement  de 
1406,  et  enfin  deux  grandes  miniatures,  bien  froissées  aujourd'hui, 
dont  la  première  offre  la  représentation  de  la  Trinité,  et  qui  n'est  pas 
sans  quelque  sentiment  de  l'art.  Mais  plus  loin  l'on  rencontre  dans  ce 
livre  d'autres  enluminures  traitées  avec  le  même  soin  et  les  mêmes 
procédés  que  les  merveilleuses  estampes  de  Crédit  est  mort  ou  du  Juif 
Errant. 

Nous  demandons  à  nos  lecteurs  la  permission  de  reproduire  ici  les 
quelques  faits  qu'il  nous  a  été  possible  de  relever  dans  les  deux  re- 
gistres de  Sainte-Croix  et  de  Notre-Dame  de  la  Couture  ,  et  qui  peu- 
vent se  rattacher,  soit  à  l'histoire  de  la  province,  soit  à  l'histoire  de 
la  ville.  En  procédant  à  cette  véritable  exhumation  ,  nous  serons  peut- 
être  assez  heureux  pour  attirer  l'attention  d'autres  personnes  sur  les 
archives  de  confréries  semblables^  et  pour  aider  à  sauver  de  l'oubli  et  des 
injures  du  temps  quelque  document  non  encore  exploré. 

Le  premier  fait  que  nous  trouvons  mentionné,  c'est,  en  1417,  au  mois 
d'août,  la  retraite  de  la  Charité  de  Notre-Dame  de  la  Couture  dans  la 
ville  de  Verneuil ,  retraite  causée  par  l'arrivée  des  Anglais  à  Bernai  *. 

-  L'an  de  grâce  mil  .CCCC.  et  .XVII.  fust  ceste  Charité 
«  maintenue  et  gouvernée  en  la  ville  de  Vernul,  depuis  le 
«  IIIl*'  jour  du  moys  d'Aoust  jusques  a  la  feste  de  la  Tous  Sains 
.<  prouchain  ensuivant  pour  Vocation  et  fortune  de  la  venue 
«  des  Englois,  eu  tous  les  peins ,  estatus ,  fourmes  et  manierez 

1.  Livre  de  la  Char,  de  la  Coult.,  foi.  il  \'. 


150 

•  contenues  en  l'Estalu  d'icelle,  sans  dimmution,  tant  en  service 
«  divin,  c'est  assavoir  en  nombre  de  messes  o  les  iuminare, 
«  deux  calices ,  encensies  d'argent ,  livres  de  recete ,  messel  et 
«  ornemens  solempniel  a  la  iouienter  et  agmentacion  de  la  glore 
«  de  Dieu  et  de  sa  Mère,  au  proufit  et  acroissement  d'icelle  Cha- 
«  rite  comme  des  habitans  et  demourans  en  ycelle  ville ,  soy  de 
«  nouvel  rendans  en  ycelle  Charité,  pour  l'ostension  et  demons- 
«  trance  des  bienfais  par  eux  congnus  et  cotidianement  aper- 

•  ceulx Et  fust  ycelle  Charité  depuis  le  dist  jour  de  la  Tous 

«  Sains,  maintenue  a  Bernay,  en  l'église  de  la  Coulture  par 
«  Germain  Lemeistre  poter,  et  au  non  de  Guille  Lemeisre,  sou 
«  frère,  etc.  » 

Les  confrères  revinrent  donc  à  la  Toussaint,  deux  mois  et  demi 
après  leur  départ.  Il  est  fâcheux  que  nous  n'ayons  rencontré  aucun  autre 
renseignement  sur  la  guerre  de  Cent  ans. 

Les  registres  se  taisent  moins  pendant  les  guerres  de  religion.  En 
1562 ,  «année  d'hérésie,  »  les  frères  serviteurs  de  la  Charité  de  Sainte- 
Croix  «  portèrent  des  chaperons  rouges,  au  terme  du  Saint-Sacrement , 

•  année  de  crainte  et  de  souffrance ,  à  cause  des  hérésies  qui  estoient 
«  parmi  le  monde  i.  »  Arrive  l'année  1574,  ann^e  de  discorde  et  de 
guerre  civile;  le  comte  de  Montgommery ,  fait  prisonnier  à  Domfront, 
est  conduit  à  Paris.  11  passe  une  nuit  à  Bernai,  et  son  arrivée  dans 
cette  ville  est  le  prétexte  de  quelques  troubles.  Aussitôt  l'écrivain  de 
Sainte-Croix  ,  un  poète  inconnu ,  s'empresse  de  noter  ce  fait  lamenta- 
ble ,  et  ce  en  vers,  s'il  vous  plaît  : 

Ne  treuve  la  postérité 
Mauvais  ce  qui  est  récité 
Cy  après.  Saichent  toutes  gens 
Que  l'an  de  Grâce  mil  cinq  cents 
Septante  et  quatre  justement, 
Propre  jour  du  Sainct  Sacrement , 
Le  dixiesme  de  juing  pour  vray, 
Par  ceste  ville  de  Bernay, 
Passa  bien  hontex  et  marry 
Le  comte  de  Mont  Gomraery, 
A  tout  mal  très  expert  et  prompt  y 

\.  Registre  de  Sainte-Croix,  M.  i3  y. 


]6t 

Qui  tenoit  fort  dedeus  Domfront 
Et  chef  des  Huguenots  estoit. 
Lequel  a  Paris  l'on  menoit, 
Pour  recepvoir,  jjour  son  grand  vice. 
Quelque  sentence  de  justice , 
Telle  qu'il  avoit  méritée. 
La  ville  des  lors  fut  si  troublée , 
Voire ,  et  récent  un  tel  dommage 
A  loyer  le  grant  équipage 
De  gens  de  pied  et  de  cheval 
Qui  menoient  ce  faux  desloyal, 
Qu'on  ne  peut  faire  l'eschevin. 
Mais  lendemain  ,  jour  saint  Ursin, 
Guillaume  Guerni  bon  bourgeois 
Par  la  pluralité  des  voix 
Fut  en  cest  office  posé ,  etc  ' . 

Quelques  années  plus  tard,  en  1589,  Bernai,  ville  catholique  et  li- 
gueuse, devint  le  refuge  d'une  bande  de  paysans  soulevés  à  la  voix  de 
quelques  ecclésiastiques  et  de  barons  des  environs.  Ces  partisans  s'appe- 
lèrent Gautiers,  du  nom  du  premier  lieu  de  leurs  réunions,  la  Cliapelle- 
Gautier  2,  Le  comte  de  Brissac,  un  des  héros  de  la  Ligue,  était  leur  chef. 
Le  duc  de  Montpensier,  François  de  Bourbon ,  alors  occupé  au  siège  de 
Falaise,  accourut  sur  Bernai ,  battit  Brissac  et  vint  mettre  le  siège  de- 
vant la  ville.  Prise  une  première  fois,  la  cité  se  corrigea  peu  de  son 
indocilité  envers  le  roi  ;  aussi,  l'année  suivante,  reçut-elle  de  nouveau  la 
visite  du  duc  qui,  cette  fois,  fit  donner  l'assaut  et  mit  les  habitants  à 
rançon.  Ceux-ci  furent  condamnés,  suivant  les  lois  de  la  guerre,  à 
racheter  les  cloches  de  leurs  églises.  Les  deux  Charités  néanmoins  ne 
cessèrent  pas  de  fonctionner  pendant  tous  ces  désastres^.  Mais,  si  j'en 
crois  une  note  un  peu  confuse ,  l'échevin  de  la  Charité  de  Notre-Dame 
de  la  Couture,  un  boucher  nommé  Jean  Porquet,  joua  dans  tous  ces 
désordres  un  rôle  quelque  peu  suspect  ;  aussi  la  main  d'un  confrère  om- 
brageux a-t-elle  eu  soin  de  gratter  sur  le  livre  le  nom  de  cet  officier, 
peut-être  criminel  aux  yeux  des  catholiques  de  la  paroisse. 

La  rançon  des  cloches  fut  une  grosse  affaire  pour  les  habitants  de 

1.  charité  de  Sainte-Croix,  fol.  18,  col.  1. 

2.  Voy.  Odolant-Desnos,  Hist.  d'Alençon,  t.  II,  p.  344-345;  Masseville,  Hist.  de 
Normandie,  i.  V,  passim. 

3.  Le  registre  de  Sainte-Croix  (fol.  23  ,  col.  2  r*)  renferme  encore  sur  ce*  événe- 


152 

Bernai.  Le  danger  de  l'assaut  une  fois  éloigné,  ces  braves  Normands, 
nos  concitoyens,  qui  tenaient  et  à  leurs  cloches  et  à  leurs  bourses  au- 
tant que  faire  se  pouvait ,  opposèrent  courageusement  aux  prétentions 
des  vainqueurs  une  grande  force  d'inertie.  Le  prix  de  la  rançon  appar- 
tenait, selon  les  anciennes  coutumes,  au  maître  de  l'artillerie  de  l'armée 
assiégeante,  lequel  se  nommait  Pierre  Prévost.  Ce  commissaire  extraor- 
dinaire de  l'artilierie  avait  été  blessé  au  bras  gauche  d'un  coup  de  mous- 
quet. Aussi  acharné  à  la  poursuite  de  ses  droits  que  ses  adversaires  à  la 
défense  de  leur  bien,  il  obtint,  en  1591 ,  le  23  août,  une  ordonnance 
du  duc  de  Montpensier,  qui  l'autorisait  soit  à  enlever  les  cloches ,  soit 
a  prélever  sur  les  vaincus  une  certaine  somme  d'argent,  à  titre  de  com- 
position. Cette  affaire  ne  fut  pas  terminée  par  le  commandement  du 
duc  ;  cependant ,  après  différents  pourparlers,  le  prix  du  rachat  fut  fixé 
à  200  écus,  dont  la  moitié  fut  payée  en  1593,  et  le  reste  en  1596,  après 
nouvelle  injonction  de  Henri  de  Bourbon  ,  duc  de  Montpensier,  fils  du 
vainqueur  de  Bernai,  qui  accorda  aux  habitants  quinze  jours  pour  der- 
nier délai  1. 

Après  la  guerre,  la  peste.  Ce  nouveau  fléau  exerça  ses  ravages  à 
Bernai  par  deux  fois,  en  1596  et  eu  1650.  Les  confrères  se  signalèrent 
par  leur  zèle  pieux  et  leur  courage  dans  ces  deux  circonstances.  Aucun 
d'eux  ne  périt  dans  l'accomplissement  de  ses  tristes  fonctions.  Les  re- 
gistres nous  signalent  encore  ce  fait  2.  Cette  peste  était  sans  doute  la 
miliaire ,  maladie  endémique  au  sol,  et  qui,  de  notre  temps,  a  plusieurs 
fois  exercé  de  cruels  ravages  dans  les  populations  de  la  vallée  de  la 
Charentonne. 

La  Charité  de  la  Couture  se  trouva  ,  en  1734 ,  dans  une  grande  pé- 
nurie. Elle  n'avait  plus  pour  tous  adhérents  que  le  prévôt  et  l'échevin. 


ments  une  assez  longue  pièce  de  fort  mauvais  vers.  Suivant  ce  texte,  la  première 
prise  de  Bernai  aurait  eu  lieu  en  juin  1589,  et  la  seconde  en  juillet  1590.  Suivant  le 
Registre  de  N.  D.  de  la  Couture  (fol.  44  v),  le  feu  aurait  été  mis  aux  faubourgs  de 
la  ville,  lors  du  siège  de  1590,  et  les  auteurs  principaux  des  désordres  auraient,  été 
un  capitaine  nommé  Valages  et  un  sieur  Duclos. 

1.  Les  archives  municipales  de  Bernai  possèdent  trois  pièces  sur  cette  affaire.  La 
première,  de  159!  ,  renferme  la  requête  de  Pierre  Prévôt  et  l'ordonnance  du  duc  de 
Montpensier  en  date  du  23  août;  la  deuxième  est  la  quittance  donnée  en  octobre 
1593,  par  Pierre  Prévost,  d'une  somme  de  quatre  cents  livres  sur  les  deux  cents  écus 
promis  à  M.  de  Fervaques  ;  la  troisième  enfin  est  la  décharge  donnée  en  avril  1596,  par 
le  même  Pierre  Prévost,  aux  habitants  de  Bernai ,  des  cent  écus  qui  restaient  dus  de- 
puis trois  ans  sur  le  rachat  des  cloches. 

•1.  Registre  de  N.  D-  de  la  Couture,  fol.  31  v»;  Reg.  Sainte- Croix,  fol.  41-42. 


153 

les  autres  frères  avaient  fait  défaut.  Les  paroissiens,  voulant  être  con- 
duits à  leur  dernière  demeure,  iiiiisi  que  leurs  pères  l'avaient  été,  se 
hâtèrent  de  se  réunir  pour  délibérer  sur  cette  grave  question.  La  réso- 
lution prise  par  les  principaux  habitants,  qui  pour  plus  de  solennité, 
fut  homologuée  par  le  parlement  de  Rouen,  eut  pour  objet  de  contrain- 
dre chaque  paroissien  à  faire,  à  tour  de  rôle,  le  service  de  la  confré- 
rie 3.  La  Charité  fut  alors  plus  éclatante  que  jamais.  Mais  la  Révolution 
arrivait ,  qui  balaya  devant  elle  toutes  ces  vieilles  institutions.  Les  deux 
corporations  disparurent.  Les  confrères,  gens  prudents,  cachèrent  leurs 
insignes  et  attendirent.  L" ouragan  passé,  ils  sortirent  doucement  de  leur 
retraites  et  examinèrent  avec  soin  l'esprit  du  jour.  Aussitôt  qu'ils  se 
furent  assurés  qu'il  n'y  avait  aucun  danger  à  aller  à  la  messe  ,  ils  rede- 
vinrent bien  vite  les  confrères  d'autrefois.  C'est  ce  que  nous  apprend  le 
passage  suivant  du  registre  de  la  Charité  de  Sainte-Croix,  passage  que 
nous  tianscrivous  ici  en  en  respectant  toutes  les  irrégularités  ortho-' 
graphiques  : 

«  En  1790,  s  étant  élevé  une  révolution  en  France  qui  a  duré 
«  jusqu'en  1797,  et  les  églises  ayant  été  totalement  délruittes  et 
«<  dévastées,  et  les  saints  cassez  et  brisées,  et  les  argenteries  em- 
«  portées  jusqu'aux  rampes  de  fer,  et  les  cloches  cassez  pour  faire 
«  de  la  monnoie ,  et  les  prestres  furent  obligés  de  fuir,  étant 
•<  chnssees  hors  la  France  ;  de  même  la  Charité  fûts  forcées  d'ab- 
«  bandonner  malgré  leurs  regrets,  l'honorable  service  de  frère  , 
'<  de  même  qu'on  les  forç;i  de  se  deffaire  en  faveur  de  l'Assem- 
«  blée  Nationnal  de  tous  ses  ornements  comme  argenterie  et  autre 
«  a  l'usage  de  la  ditte  Charité  et  même  du  présent  registre  que 
«  l'on  a  retrouvé  avec  beaucoup  de  peinne.  En  1797,  les  choses 
«  étant  calmées,  quoique  la  paix  ne  fûts  pas  faite  ,  les  églises 
«  furent  rouvertes  et  rétablies  :  pendant  ce  temps  de  chisme  et 
«  d'hérésies,  les  corps  furent  portées  au  cimetierre  par  des  per- 
«  sonnes  payéez  par  le  gouvernement  et  ensuitte  par  un  tora- 
«  brau.  Ce  ne  fûts  qu'à  cette  époque  que  des  citoyens  zellees 
«  pour  le  rétablissement  de  l'honorable  confrairie  firents  leurs 
«  entrées  au  cœur  de  Sainte-Croix,  Ke  jour  de  l'Assension  de  la 
»  ditte  année  ,  dont  les  noms  ,  etc.  » 

Depuis  leur  réapparition,  les  Charités  n'ont  cessé  de  prospérer.  Etau- 

1.  Registre  de  A.  D.  de  la  Couture,  fol.  77. 


154 

jourd'hui  même,  que  nous  sommes  si  loin  du  moyen  âge,  si  loin  de 
ses  institutions  et  si  loin  de  ses  idées,  ces  confréries,  bien  que  descen- 
dues en  des  mains  plus  humbles ,  mais  cependant  aussi  courageuses , 
sont  encore  florissantes.  Elles  ont  un  esprit  de  vitalité  tel  que  le  dernier 
évéque  d'Evreux  a  été  obligé ,  après  avoir  tenté  infructueusement  une 
suppression  complète,  de  laisser  subsister  dans  son  diocèse  les  corpo- 
rations récalcitrantes.  Cette  lutte  fâcheuse  se  termina  pour  plus  d'un 
confrère  entêté  sur  les  bancs  de  la  police  correctionnelle ,  au  grand 
regret  du  pasteur  ,  qui  depuis  a  travaillé  sans  relâche  à  la  réunion  de 
son  troupeau  trop  effarouché. 

Le  règlement  de  la  Charité  de  Notre-Dame  de  la  Couture  de  Bernai, 
que  nous  donnons  plus  bas,  se  divise  en  52  articles.  Il  faut,  pour  être 
admis  dans  l'association ,  être  en  état  de  subvenir  à  son  existence  et 
vivre  en  paix  avec  l'Église.  Le  nouveau  confrère  acquittera  à  son  entrée 
un  droit  de  6  deniers  tournois,  et  payera  une  cotisation  annuelle  de 
30  deniers  (art.  2,  3).  La  corporation  fera  célébrer  une  messe  chaque 
jour  de  l'année  et  deux  le  dimanche ,  une  basse  messe  le  matin  et 
ensuite  une  grande  à  diacre  et  à  sous-diacre.  11  en  sera  de  même  aux 
fêtes  solennelles  et  à  celles  de  l'Assomption  et  de  la  Trinité.  A  tous  ces 
jours,  les  chapelains  diront,  après  les  vêpres,  les  vigiles  des  trépassés 
(art.  4,5,25,  26).  La  Charité  sera  dirigée  par  quatorze  prudhommes  • 
un  prévôt,  un  échevinet  douze  serviteurs.  Ces  fonctions  sont  annuelles 
(art.  6),  et  les  élections  se  teront  à  la  mi-août,  à  la  fête  de  Notre- 
Dame  (art.  23,  24,  27).  L'échevin  nouvellement  élu  sera  convoyé  jus- 
qu'à sa  demeure  (art.  7  ).  Chacun  des  serviteurs  achètera  un  chaperon 
(art.  8)  qu'il  portera  dans  toutes  les  cérémonies  ;  mais  ils  recevront, 
à  la  fête  de  la  Trinité  et  le  jour  du  Saint- Sacrement,  un  chapel  de 
roses  ou  d'autres  fleurs ,  aux  dépens  de  la  Charité  (art.  52).  Les  huit 
chapelains  de  la  confrérie  sont  soumis  à  différentes  obligations  (art.  4, 
9,  10),  et  doivent,  en  cas  de  faute  ou  de  négligence,  payer  une  amende 
qui  peut  s'élever  jusqu'à  2  sols  6  deniers  tournois  (art.  49).  Pendant  les 
fêtes  de  la  Trinité  et  de  l'Assomption,  un  prédicateur  devait  exposer  les 
bienfaits  et  l'ordonnance  de  la  confrérie  (art.  50).  Aucun  frère  ne  peut 
refuser  de  servir  (art.  28);  il  doit  obéir  à  l'échevin,  sous  peine  d'amende, 
et  doit  être  en  tenue  convenable  (art.  30,  31,  47).  S'il  tombe  malade, 
il  a  droit  à  des  secours  (art.  21)  ;  s'il  devient  ladre  ou  mesel  ,  il  est 
convoyé  jusqu'aux  limites  de  la  paroisse  (art.  20,  40)  ;  de  même  s'il  va 
outre  mer  ou  en  pèlerinage  à  Saint-Jacques  (art.  38,  39).  Il  ne  peut  se 
retirerde  la  corporation  avant  d'avoir  payé  tout  ce  qu'il  lui  doit  (art.  17). 


155 

Enfin,  s'il  vient  à  mourir  excommunié,  la  corporation  doit  faire  lever 
I  anatlième,  s'il  est  possible  (art.  41).  Les  funérailles  des  membres  sont 
réglementées  par  les  art.  9,  1 1 ,  1 3,  14,  18-19,  32-37,  42  et  45.  A  la 
Trinité  et  à  l'Assomption ,  les  quatorze  officiers  de  l'association  et  les 
chapelains  doivent  se  réunir  dans  un  banquet;  chacun  payera  son  écot 
(art.  44).  A  ces  deux  époques,  chacun  d'eux  recevra  5  sols  pour  l'ou- 
verture du  trésor  de  la  Charité  (art.  43).  L'échevin  dirige  la  confrérie  et 
en  administre  les  fonds.  Il  rend  sescomptes  deux  fois  par  an  (art.  6).  Le 
prévôt  est  toujours  l'échevin  de  l'aimée  précédente,  il  détient  l'une  des 
clefs  du  trésor^  et  est  le  surveillant  de  la  gestion  de  l'échevin.  Le  clerc 
est  un  agent  subalterne  chargé  d'administrer  la  corporation  sous  la 
direction  de  l'échevin,  et  de  servir  le  prêtre  à  l'autel  (art.  22).  Il  y  a 
encore  le  crieur,  dont  la  mission  consiste  à  aller  par  la  ville  crier  les 
patrenôtres  (art.  18)  et  sonner  les  campanelles  aux  enterrements. 

A  la  suite  de  ce  règlement,  il  nous  a  semblé  intéressant  de  publier 
comme  appendice  la  charte  de  Thomas  Basin  sur  la  relique  possédée  au 
quinzième  siècle  par  Notre-Dame  de  la  Couture.  Aujourd'hui  cette  re- 
lique a  complètement  disparu,  et  le  souvenir  en  est  totalement  perdu 
parmi  les  paroissiens  de  cette  église  et  parmi  les  habitants  de  Bernai. 


I. 


Universis  présentes  litteras  inspecturis,  Guillermus  ',  misera- 
tione  divina  Lexoviensis  episcopus,  salutem  in  Domino,  qui  dat 
omnibus  afflaenter  et  suis  fidelibus  multo  majora  retribuit  quod 
valeant. 

Nuper  pro  parte  Fratrum  et  Sororum  confratrie  sue  caritatis, 
in  honore  Sancte  et  Individue  Trinitatis  ac  Gloriosissime  et  Bea- 
tissirae  Dei  Genitricis  Marie,  dudum  de  licencia  et  assensu  Vica- 
riorum  Nostrorum  ^ ,  in  parrochiali  ecclesia  Béate  Marie  de 
Cultura  Bernay,  nostre  diocesis ,  constitute  et  ordinale ,  nobis 
fuit  liu militer  supplicatum  cum  ipsa  pia  et  devota  caritate  ducti 
affectent  confratriam  seu  caritatem  hujusmodi  de  bono  in  me- 
lius  cum  Dei  auxilio  semper  augmentare. 

Quatenus,  quasdam  constitutiones  seu  ordinationes  de  novo 
per  eosdem  factas ,  aliqua  statuta  primis  constitutionibus  ad- 
dendo,  et  ea  in  melius  reformando  seu  declarando,  approbare 

1.  Guillaume  VI  d'Estouteville,  évèque  de  Lisieiix,  I48i. 
'X.  La  charte  do  1398. 


156 

et  laudare  vellemus,  ac  decernere  linjusmodi  constitutiones  ,  or- 
dinationes  atque  statuta  per  Fralres  et  Sorores  dicte  confratrie 
de  cetero  teneri  debere  perpetuis  temporibus  et  observari,  qua- 
rum  quidem  constitutionum  et  ordinationiim  seu  quorum  statu- 
torum  ténor  sequitiir,  in  bec  verba  : 

I.  Cy  ensuivent  les  Estatus  et  Ordonnances  a  la  Confrarie  et 
Carité  ordonnée  et  establie  en  l'Église  de  Nostre  Dame  de  la  Coul- 
ture  de  Bernay,  en  l'honneur  de  la  Glorieuse  Vierge  Marie  el  de 
la  Benoite  Trinité  par  le  Prévost,  Esquevin,  Serviteurs  et  Frères 
d'icelle  Carité. 

IL  Et  premièrement,  est  ordonné  et  estably  que,  se  aucune 
personne  veult  benignement  requérir  estre  receua  la  dicte  Ca- 
rité, soit  Homme  ou  Femme,  il  yssera  receu  *por  veu  qu'il  soit 
puissant  de  corps  pour  gaignier  sa  vie  et  qu'il  ne  soit  en  aucune 
sentence  d'escommeniement  Et  a  sa  réception  et  entrée  pre- 
mière en  la  dicte  Carité  ,  sera  tenu  payer  six  deniers  Tournois. 

III.  Item,  quelconque  personne,  tant  Homme  que  Femme, 
qui  sera  de  la  dicte  Carité ,  paiera  trente  deniers  Tournois  par 
cbascun  an.  C'est  assaveir  a  chascune  des  dictes  festes ,  quinze 
deniers  Tournois. 

IV.  Item,  pour  le  salut  des  âmes  des  Frères  et  Seurs  et  bien- 
faiteurs d'icelle  Carité,  tant  vis  que  trépasses,  cbascun  jour  de 
l'an  sera ,  en  la  dicte  église  ou  ailleurs,  célébrée  une  messe;  et 
a  jour  de  dimencbe  en  y  aura  deulx,  c'est  assaveir  une  basse 
messe,  qui  sera  dicte  a  soleil  levant,  et  après  en  ce  jour  en  aura 
une  dicte  a  note,  a  haulte  voix  solennelement ,  a  dyacre  et  a 
soubz  dyacre  ' .  Les  quelles  messes  seront  ordonnées  estre  célé- 
brées parCappellains  de  cognoissance  bons  et  suffisans,  cbascun 
a  son  jour  ;  et  se  aucuns  des  dis  Capellains  estoit  pour  aucune 
occasion  erapeschié  tellement  qu'il  ne  peust  célébrer  la  messe 
qui  lui  escherroit  a  son  tour,  il  sera  tenu  de  le  faire  savoir  le 
jour  de  devant  au  Prévost  ou  a  l'Esquevin,  afin  de  pourveoir  a 
temps  d'aultre  Cappellain  qui  la  diroil  pour  lui  ^. 

V.  Item,  a  chascune  des  festes  de  l'Asumption  de  la  Vierge 
Marie ,  et  de  la  Trinité,  sera  célébrée  une  messe  a  haulte  voix,  a 

1.  Cette  messe  se  dira  à  sept  heures  du  matin  en  été  et  à  huit  heures  en  hiver,  sans 
gêner  le  service  de  la  paroisse.  Règlement  de  l'archevêque  de  Rouen  de  1618.  D.  Bes- 
sin,  part.  II,  p.  Il6. 

2.  L'évêque  d'Evreux  défend,  en  1664,  aux  échevins  de  se  mêler  des  fonctions  spi- 
rituelles de  U'urs  chapelains.  Voyez  D.  Bessin,  part.  Il,  p.  422,et  plus  has  l'ait.  XLIX. 


157 

dyacre  etasoubz  dyacre,  pour  les  frères  d'icelleCa rite.  Et  âpre» 
les  vespres  de  la  journée,  les  huit  Gappellains  devant  dis  diront 
vegilles  des  Trépasses.  Et  lendemain  sera  célébrée  une  messe  de 
Requiem^  seinblablement  a  dyacre  et  a  soubz  dyacre  pour  le 
salut  des  âmes  des  Trépasses. 

VI.  Item,  la  dicte  Carité  sera  gouvernée  pai-  quatorze  prou- 
dommes  et  loiaux  a  ce  esleus.  Des  quelx  quatorze  l'un  sera  or- 
donné et  nommé  Esquevin  ,  et  l'aultre  Prévost ,  et  les  aultres 
desus  dis  seront  nommes  Servans.  Les  quieulx  jureront  et  pro- 
niectront  que  a  leur  povair  bien  et  loialment  en  leur  conscience 
administreront  et  serviront  en  leurs  offices,  qui  leur  seront  com- 
mis, en  augmentant  ies  biens  de  la  dicte  Carité.  Et  seront  tenus 
de  rendre  compte'  bon  et  loyal  de  leur  administration  deux 
fois  en  1  au,  c'est  assaveir  a  cliascune  des  festes  dessus  dictes. 

VIL  Item,  les  quatorze  Officiers  desus  dis,  a  chascune  des 
deulx  festes  dessus  dictes  ,  auront  cliascun  une  torche,  du  poys 
de  Iroys  livres  de  cire,  ou  environ.  Et  seront  tenus  les  huit 
Prestres  devant  dicts,  le  Prévost  et  les  douze  Servans  de  aler 
quérir  l'Esquevin  elle  convoieravecques  icelles  torches  ardantes 
aux  vespres  premières,  et  lendemain  a  la  messe  et  aux  vespres, 
et  en  retournant,  jusques  a  son  hostel.Les  quelles  torches  seront 
trouvées  aux  despens  d'icelle  Carité  -. 

VIIL  Et  pourront  yceux  quatorze  Ereres  ou  Officiers,  ou  partie 
d'iceulx  porter  deux  campanelles  ,  les  crois  et  baniere  et  tout  ce 
qui  y  appartient,  sans  contredit  du  Curé,  Capellain  ou  aultre 
aiant  leur  povair,  par  toutes  les  paroisses  de  environ  Bernay,  es 
quelles  seront  demeurants  les  Frères  et  Seurs  d'icelle  Carité.  Et 
aussi,  chascun  d'iceulx  quatorze  Officiers  aura  un  capperon  qu'il 
poiera  du  sien  propre.  Et  seront  tous  les  capperons  de  pareil 
drap,  les  quelx  chapperons,  ils  seroiit  tenus  porter  en  tous  les 
afaires  de  la  dicte  Carité,  c'est  assavoir  :  Au  jour  de  dimenche^ 
a  la  messe  ordonnée  par  la  dicte  Carité  aux  services  des  Trépas- 
ses d'icelle,  tant  aux  vegilles  que  a  la  messe  et  a  l'enterrement. 

IX.  Ilem',  se  aucun  des  Frères  et  Seurs  de  la  dicte  Carité  va 


1.  Sur  les  redditions  de  comptes,  voy.  D.  Besoin ,  Conc.  liotom.,  part.  H  ,  p.  518; 
Ordonn.  de  l'évoque  de  Lisienx,  en  1678;  pag.  289,  Syii.  d'Avraiiclies,  eii  1550,  Ord. 
de  l'évêque  de  Séez  en  1653,  p.  444,  etc. 

2.  Voy.  la  prohibition  de  cet  usage  par  l'évêque  de  Lisieux,  en  1678,  dans  D.  Bes- 
sin,  part.  II,  p.  518. 

3.  Voy.  les  prohibitions  de  l'évêque  de  Lisieux  de  1678,  D.  Bessin,  l.  c. 


158 

de  vie  a  trepassemenl,  les  Chappelaiiis  dessus  dis  seront  tenus  de 
dire  les  vigilles  ou  service  des  Trépasses ,  c'est  assavoir  :  Pla- 
cebo et  Dirige,  solennelementa  neuf  leçons,  au  lieu  ou  le  corps 
trespassé  sera  adoncques.  Et  y  seront  du  commenchement  jus- 
ques  en  la  fin  avecque  les  quatorze  Officiers  desus  dis,  se  le  corps 
est  enterré  une  lieue  entour  Bernay  ;  toutes  voyes,  se  il  ne  ont 
excusation  légitime,  pour  quoy  aucun  de  eulx  n'y  puisse  estre. 
Et,  se  le  corps,  ou  corps  trespasses,  estoit  de  plus  loing,  quant 
il  sera  venu  a  la  cognoissance  d'iceulx  Frères  ,  en  la  dicte  église 
de  Nostre  Dame  de  la  Coulture  de  Bernay,  sera  fait,  aux  des- 
pens  de  la  Carité,  tout  autel,  service  et  les  vigilles  comme  se  le 
corps  estoit  présent.  Et  oultre,  iceulx  huit  Chappellains  seront 
tenus  de  aidier  a  chanter  toutes  les  messes  et  vigilles  estre  dictes 
pour  la  dicte  Carité  tant  au  jour  de  dimenche  que  aux  festes 
dessus  dictes  et  celles  des  Treppasses  avecques  vigilles  et  service 
et  estre  a  l'enterrement  des  Frères  et  Seurs  trépasses  * . 

X.  Item ,  se  il  avenoit  que  pour  cause  de  mortalité  ou  aultre- 
ment  l'en  ne  peust  mie  trouver  huit  prestres  pour  célébrer 
messe,  chascun  a  son  jour,  comme  dit  est ,  l'en  pourroit  faire 
célébrer  les  dictes  messes  par  un  chappellain  ou  deulx  jusque» 
ad  ce  que  l'en  en  eust  pourveu  des  aultres  pour  les  dire. 

XI.  Item ,  le  luminaire  des  corps  trespasses  sera  de  quatre 
gros  cierges,  chascun  du  poys  de  troys  livres  ou  environ,  qui  ar- 
dront  environ  le  corps;  et  deux  autres  petis  cierges,  chascun  de 
*ine  livre,  qui  seront  sur  l'autel  et  ardront  durant  le  service  des 
vigilles  et  de  la  messe. 

XII.  Item,  se  aucun  des  Frères  Servans,  ou  qui  eust  autres 
foys  servy,  ou  eu  office,  va  de  vie  a  trespassement ,  il  sera  ac- 
compagnié  de  deulx  torches  chascune  du  poys  de  troys  livres,  a 
porter  le  corps  de  l'ostel  a  l'église  et  de  l'église  au  lieu  ou  il 
reposera.  Et,  en  cas  qu'il  eu  office  de  Prévost,  ou  d'Esquevin  , 
il  aura  quatre  torches  qui  ardront  jusques  ad  ce  que  le  service 
de  la  dicte  Charité  soit  accomply. 

XIII.  Item ,  les  quatorze  Frères  ou  Officiers  devant  dis  seront 
tenus  lever  le  corps  du  Trépassé  de  son  ostel  et  de  le  porter  a 
l'église. 

XIV.  Item ,  seront  tenus  iceux  quatorze  Frères  ou  Officiers 
de  faire  célébrer  une  messe  basse  pour  un   chascun  trespassé 

i.  Voy   les  défenses  de  l'éTÔque  d»  Lisieux,  D.  Bessiu,  l.  c. 


159 

Frère  le  jour  de  son  obseque,  aux  despeiis  de  la  dicte  Carité.  Et 
le  service  accompli ,  seront  tenus  de  convoyer  les  amis  du  Tres- 
passé,  jusques  a  fostel  du  quel  le  corps  est  parti. 

XV.  Item  ,  a  toutes  les  lestes  commandées  de  Saincte  Eglise, 
quant  l'on  célébrera  la  messe  de  la  Carité,  seront  mis  en  deux 
chandelliers  ,  deux  cierges  sur  lautel,  du  poys  de  une  livre  de 
cire  ou  environ  pour  chascun  cierge,  qui  ardront,  tant  que  la 
messe  sera  finée  et  deux  torches  chascune  du  poys  de  troys  li- 
vres, ou  environ  ;  les  quelles  seront  tenues  par  deulx  des  dis 
Frères  Servans  ou  aultres  a  l'élévation  du  corps  de  Nostre 
Seigneur  Jeshu  Cripst. 

XVI.  Item,  le  Prévost,  Esquevin,  Frères  et  Serviteurs  seront 
tenus  a  faire  le  Pein  Benest  a  leur  dépens  pour  chascun  dimen- 
che,  chascun  a  son  tour  ' . 

XVII.  Item  ,  se  il  escheoit  que  aucun  des  Frères  ou  Seurs  de 
la  dicte  Carité  veuille  aller  aultre  part  demourer  et  laissier  le 
payz  de  Bernay  ;  ou  que  il  ne  puisse  tenir  et  acomplir  et  paier 
les  redevances  ^  que  il  est  tenu  de  faire  pour  icelle  Carité,  il 
sera  tenu  de  paier  les  arrérages  que  il  en  pourra  devoir  avec- 
ques  cinq  deniers  Tournois  pour  issue  dïcelle  Carité. 

XVIII.  Item  ,  seront  ordonnées  deuxcampanellesa  main  pour 
faire  les  cris  et  proieres  pour  les  Trespasses,  que  l'en  dit  Patres 
Nostres  et  qui  seront  aussi  quant  l'en  portera  le  corps  en  terre  ^. 

XIX.  Item  ,  a  chascini  Frère  trespassé,  le  jour  de  son  enterre- 
ment, l'en  donnera  jouxte  la  fosse  vingt  six  deniers  de  pain. 

XX.  Item  ,  se  il  escheoit  aucuns  des  Frères  ou  Seurs  de  la  dicte 
Carité  estre  ladres  et  sépares  de  la  compaignie  des  sains,  les. 
quatorze  Frères  desus  dis  seront  tenus  de  les  convoyer  a  la  croix» 
campanelles,  et  baniere,  jusques  au  lieu  ou  le  curé  de  sa  parroi- 

1.  Défenses  par  le  synode  d'Évreux  ,  en  Iî76,  et  par  le  concile  de  Rouen,  en  1581, 
de  bénir  l'eau  et  le  pain  dans  les  messes  des  confréries ,  atiu  de  ne  pas  détourner  d» 
la  nnesse  paroissiale-  D.  Bessin,  part.  U,  p.  393,  et  part.  I,  p.  m. 

2.  Synode  d'Avranches,  en  1550.  D.  Bessin,  part,  n,  p.  280. 

3.  «  Item  pour  ce  que  au  présent  matrologe  n'esloit  contenue  l'heure  que  le  crieur 
n  de  la  dicte  Ctiarilé  debvoit  aller  î  ar  la  ville  crier  la  Pâte  Nostre,  ce  jour  d'huy,  qua- 
«  triesrae  jour  de  décembre  mil  V.c.  cinquante  deux  par  les  Frères  Servantz  en  la  dicta 
«  Charité  fut  d'ung  commun  acord  appoincté  que  a  l'advenir  le  crieur  d'icelle  Cliarilé 
«  depiiys  la  Saiiict  Michel  jusques  a  Pascjues  yia  crier  la  diclo  Pâte  Nostrci  entre  qua- 
«  tre  et  cinq  heures  de  matin  sur  peine  pour  chacune  foys  de  cinq  solz  d'amende.  Et 
«  <lepuis  Pasques  jusques  a  la  Sainct  Michel  a  troys  heures, sur  peine  pour  chascune 
«  foys  de  semblable  amende,  le  tout  aux  lieux  et  places  acoustumez.  »  Regist.  N.  D. 
Coût.,  fol.  6  v°. 


ICO 

che  le  convoiera  et  se  il  lui  plaist  ainssois  que  il  parte,  il  aura 
une  messe  basse  *. 

XXI.  Item,  se  aucun  des  frères  ou  Seurs  dessus  dis  esloit  en 
telle  enfermeité  de  son  corps  que  il  ne  peust  guaip^nier,  ou  n'cust 
de  quoy  vivre  sans  mendier,  s'il  requiert  ou  fait  requérir  des 
biens  de  la  dicte  G  irité  a  la  table  de  la  recepte ,  le  prouchain 
vendredi  devant  le  dimenche  qu'il  viendra  demander  l'aide  de 
la  Carité;  les  Serviteurs  ou  Officiers  dessi's  dis  seront  tenus  de 
luy  distribuer  trente  cinq  deniers  Tournois  pour  chascune  sep- 
maine  durant  le  temps  de  la  maladie  au  plus  au  mains,  selon  la 
quantité  des  malades  et  la  revenue  de  la  Carité,  au  resgart  et 
conscience  du  Prévost  et  de  l'Esquevin  et  des  douze  Frères  Ser- 
viteurs, pour  veu  qu'il  ait  bien  paie  ses  devoirs,  et  que  par  an  et 
jour  ait  esté  en  la  dicte  Carité. 

XXII.  Item,  sera  ordonné  un  clerc  aux  despens  de  la  dicle 
Carité,  qui  administrera  et  servira  les  preslres  a  l'autel  et  aux 
services ,  et  semondra  les  Frères  ou  Seurs  en  tous  les  afaires  et 
besoignes  d'icelle  Carité,  quant  temps  et  lieu  en  sera. 

XXIII.  Et  est  assavoir  que  chascun  an  au  jour  de  la  feste  de 
Nostre  Dame  My  Août  seront  ordonnes  et  institues  Prévost , 
Esquevin  et  Serviteurs  nouviaulx  tout  au  mieulx  que  l'en  verra 
expédient  pour  le  bien  de  la  dicte  Carité. 

XXIV.  Item ,  il  est  assavoir  que  a  la  dicte  feste  doit  avoir 
vingt  et  une  torche ,  qui  seront  portées  par  les  dis  Servaus  de 
l'année  passée  et  par  les  sept ,  qui  de  nouvel  y  sont  ordonnes 
pour  aler  aux  vespres  de  la  vigille  d'icelle  feste.  Et  lendemain  a 
la  messe  et  aux  vespres  et  es  aultres  de  la  Trinité  et  du  Saint  Sa- 
crement doivent  avoir  les  quatorze,  qui  demeurent  en  dit  ser- 
vice, chascun  une  torche  neufve.  Et  l'église  a  chascune  des  festes 
desus  dictes  doit  estre  enluminée  bien  et  suffisamment  aux  des- 
pens de  la  dicte  Carité, 


1.  «  En  l'an  mil  v.cc.centz  iiii.xx-vi.  fui  accordé  par  les  Prévost,  Esclievin  et  Frères 
servantz  en  caste  Charité  de  Nostre  Dame  de  la  Coultnre  de  ce  lieu  de  Bernay  qne, 
pour  les  Frères  et  Sœurs  ayantz  servi  en  icelle  Charité  estanlz  décédez,  sera  par  le 
Clerc  fait  sonner  l'apel  de  la  cloche  d'icelle  Charité  l'espace  de  deraye  «levant  qne 
d'aller  au  corps,  et  aura  pour  son  salaire  douze  deniers  Tournois  ;  et  pour  oeulx  qui  au- 
ront esté  Eschevin  et  Prévost  et  pour  leurs  femmes  sera  sonné  l'apel  de  la  grosse 
cloche  dicelle  paroisse  autant  de  temps  et  faire  comme  dict  est,  et  aura  pour  son 
salaire  la  somme  de  deux  solz  qu'il  recepvera  le  dynienche  ensuivant  a  la  Chambre 
d«>8  Frères.  »  Registre  N.  D.  de  la  Coulure,  fol.  6  v. 


IGl 

XXV.  Item ,  il  est  assavoir  que  lendemain  de  chascune  d'icelles 
festes,  l'Esquevin,  le  Prévost  et  les  autres  Servans  doivent  faire 
dire  une  messe  pour  les  Trespasses  a  djacre  et  soubz  dyacre  et 
vigilles  pour  les  Trespasses  le  jour  de  la  feste,  après  ce  que  ves- 
pres  seront  dictes, 

XXVI.  Item,  a  toutes  les  vigilles  des  dictes  festes,  tous  les 
Servans  se  doivent  assembler  en  l'ostel  de  l'Esquevin  pour  aler 
aux  vespres  ensemble,  et  lendemain  a  la  messe  et  aux  vespres. 

XXII.  Item,  après  les  vespres  de  la  dicte  vigille de  My  Aoust 
dictes,  l'Esquevin  et  le  Prévost  doivent  appeler  les  .XII.  Frères, 
chascun  par  soy,  et  leur  doivent  demander  a  leur  advis  et  par 
leurs  serments  le  quel  est  le  mieulx  suffisant  de  garder  les  drois 
de  la  dicte  Carité  ' .  Et  icelui,  que  la  plus  saine  partie  eslira ,  sera 
establi  Esquevin.  Et  l'Esquevin  de  l'année  passée  luy  doitbaillier 
la  croix ,  la  bouiecte  ^  et  tous  les  biens  de  la  dicte  Carité  par  in- 
ventaire. Et  doit  chascun  des  Frères  Servans  obéir  au  comman- 
dement de  l'Esquevin  sur  paine  d'amende.  Et  doit  avoir  chascun 
Serviteur  une  torche  de  cire  pour  convoyer  le  nouvel  Esquevin 
a  son  hostel  ;  les  quelles  seront  faictes  du  trésor  de  la  dicte 
Carilé. 

XXVIIÎ.  Item ,  nul  des  Frères  de  la  dicte  Carité  ne  doit  refu- 
ser a  servir  a  la  dicte  Carité  a  son  tour. 

XXIX.  Item ,  a  toutes  les  festes  soleimnelez,  comme  Tous  Sains, 
Noël,  Pâques,  Bouvaisons^,  Penthecouste,  les  Testes  de  Nostre 
Dame,  sera  dicte,  en  la  dicte  église,  une  messe  a  dyacre  et  a  soubz 
dyacre,  a  deux  chappes  avecques  la  basse  messe  ordonnée  pour 
la  dicte  Carité,  auxquelles  seront  tenus  estre  les  dis  Prévost  et 
Esquevin  et  douze  Servans  dessus  nommes. 

XXX.  Item,  a  toutes  les  fois  que  aucuns  des  Servans  desus 
dis  deffaudront  a  accomplir  chascune  des  choses  dessus  dictes,  il 
paiera  quatre  deniers  d'amende;  et,  se  l'Esquevin  ou  le  Prévost 
deffaillent,  chascun  de  eux  doit  paier  huit  deniers  d'amende.  Et 
doivent  toutes  les  amendes  estre  prinses,  et  levées,  et  mises,  et 
distribuées  au  prouffit  de  la  dicte  Carité. 

XXXI.  Item ,  les  dis  Prévost  et  Esquevin  et  tous  les  douze 

1.  Les  élections  doivent  être  paisibles.  Voy.  Synode  de  Rouen,  en  1618,  D.  Bessin, 
part.  II,  p.  119. 

2.  Les  coffres  des  confréries  doivent  être  hors  du  chœur.  Voy.  Règlenaenl  de  i'évê- 
que  d'Évrenx  de  1644,  D.  Bessin,  part.  II,  p.  403. 

3.  Rogations. 

i'  {Quatrième série.)  Il 


162 

Servans  doivent  amende,  c'est  assavoir  :  Quant  aucun  Frère  ou 
Sueur  est  trespassé;  et  aucuns  d'iceulx  nommes  deffailient  a 
estre,  premièrement  a  la  veillé  du  corps;  secondement,  a  la 
commandacion  ;  tiercement  au  corps  lever  ;  quartement,  a  l'of- 
frende  de  la  messe  ;  et  après  de  convoier  les  amis  du  Trespassé  a 
l'ostel.  Pour  chascun  d'icelles  foys,  quatre  deniers  d'amende,  et 
l'Esquevin  et  le  Prévost ,  chascun  huit  deniers  d'amende. 

XXXII.  Item,  les  quatre  gros  cierges  doivent  ardoir  entour  le 
corps ,  toutes  les  fois  que  l'en  dit  aucun  service  pour  le  corps, 
voire  quant  a  son  obseque. 

XXXIII.  Item,  il  est  assavoir  lesquieulx  Frères  l'en  doit  veil- 
lier.  Se  aucun  Frère  a  esté  Esquevin,  ou  Prévost ,  ou  qu'il  soit  es- 
tant en  Service,  l'Esquevin,  le  Prévost,  les  douze  Frères  le  doi- 
vent veillier  par  temps  resonnable  et  doivent  les  diz  amis  paier 
deulx  soubz  six  deniers  Tournois  pour  le  veillier. 

XXXIV.  Item,  se  aucun  Frère  ou  Sueur  est  trespassé,  le  quel 
n'ait  esté  Esquevin  ou  Prévost,  ne  ne  soit  Servant,  le  Clerc  et  trois 
des  Frères  desus  dis  esleus  par  l'Esquevin  et  le  Prévost  le  doivent 
veillier  tant  comme  Queuvre-Feu  sonne,  et  non  plus.  Et  doivent 
aussi  semblablement  les  cierges  ardre ,  autant  comme  Queuvre- 
Feu  sonne,  et  non  plus,  se  ce  n'est  ou  moustier,  ainssi  que  dit 
est  ou  que  l'en  die  vigilles  devant  le  corps. 

XXXV.  Item,  se  aucun  Frère,  qui  ait  esté  Esquevin  ou  Pré- 
vost ,  ou  qui  le  soit ,  et  est  trespassé ,  il  doit  avoir  un  saultier, 
messe  a  dyacre  et  a  soubz  dyacre  et  une  messe  simple. 

XXXVI.  Item ,  se  aucun  Frère ,  qui  ait  esté  Servant  en  la 
dicte  Garité ,  ait  esté  trespassé ,  il  aura  messe  a  dyacre  et  a 
soubz  dyacre. 

XXXVII.  Item  ,  se  aucune  Femme,  qui  soit  de  la  Carité,  qui 
soit  ou  ait  esté  Femme  d'Esquevin  ou  de  Prévost  trespassé,  elle 
aura  semblablement  messe  a  dyacre  et  a  soubz  dyacre. 

XXXVIII.  Item  ,  se  aucun  Frère  ou  Sueur  de  la  dicte  Carité  va 
Oultre  mer,  ou  Saint  Jacque,  de  son  propre  il  le  doit  faire  assa- 
voir a  l'Esquevin  ou  Prévost  le  dimenche  au  devant  de  son  par- 
tement  ;  et  l'Esquevin,  le  Prévost  et  les  douze  Frères  dessus  dis, 
le  jour  du  dit  parlement ,  doivent  faire  chanter  une  messe  basse 
en  la  parroiche  du  dit  pèlerin.  Et  se  il  a  esté  ou  est  Esquevin 
ou  Prévost,  ou  Serviteur,  elle  doit  estre  a  dyacre  et  a  soubz  dya- 
cre ;  et  se  plus  estoient,  s'y  n'en  auroient  il  que  une  messe.  Et  le 
doivent  iceulx  Frères  convoyer  autant  comme  le  Curé  de  la  dicte 


163 

parroiche,  et  non  plus  ;  et  si  doit  avoir  le  tiers  du  tour  de  la 
Carité  de  la  sepmaine,  plus  ou  mains  au  regart  et  conscience  des 
dis  Serviteurs.  Se  plus  estoient  si  n'en  auroient  ilz  plus.  Et  se  il 
va  pour  gaaignier,  il  ne  ara  ne  messe  ne  argent. 

XXXIX.  Item,  se  il  va  a  Saint  Gire  *  de  son  propre,  il  aura 
.X.  soubz  Tournois  a  la  volenté  et  regart  comme  dessus  ;  et  se 
plus  sont,  ilz  n'en  auront  plus. 

.  XL.  Item,  se  aucun  Frère  ou  Sueur  devient  mesel,  l'en  luy 
doit  faire  semblablement  comme  se  il  estoit  trespassé,  et  avoir 
les  deulz  pars  du  tour,  ou  plus  ou  mains  au  resgars  des  dessus 
dis  Servans,  et  estre  convoie,  autant  dessus  est  dit  du  pèlerin  ^. 

XLI.  Item,  se  aucun  Frère  ou  Seur  vade  vie  a  trespassement, 
et  il  soit  en  sentence  d'escommeniement;  pour  tant  que  il  ait 
fait  son  devoir  a  la  dicte  Carité,  icelle  Carité  luy  doit  aidier  et  le 
fere  absouldre,  jusques  a  la  somme  de  dix  soubz  Tournois,  et  non 
plus,  pour  tant  qu'il  y  puisse  estre  absoulz.  Et  se  il  n'a  de  quoy 
estre  ensevely,  la  Charité  luy  doit  aidier  de  deux  aulnes  de  toille. 

XLII.  Item ,  se  aucun  Frère  ou  Seur  trespassé ,  dedens  la  ban- 
lieue, l'Esquevin ,  le  Prévost  et  les  douze  Frères  et  les  huit 
Chappellains  seront  tenus  a  l'aler  quérir  et  le  prendre  pour  le 
porter  a  l'église,  se  il  est  des  parties  de  devers  les  Quesnees  ^,  a 
la  Croix-Gloriant',  et  se  il  est  des  autres  parties  semblablement. 

XLIII.  Item,  il  est  ordonné  que  les  Servans  doivent  prendre, 
a  chacune  des  deulx  festes  dessus  dictes,  cinq  soulz  pour  l'ou- 
verture de  la  bouecte  du  trésor  de  la  dicte  Carité. 

XLIV.  Item ,  il  est  ordonné  que  a  chascune  des  deulx  festes 
solennelles ,  c'est  assavoir  de  la  Trinité  et  de  l' Assumption  Nostre 
Dame,  l'Esquevin  ,  le  Prévost ,  les  douze  Frères,  les  Prestres,  le 
Clerc  et  Crieur  doivent  boire  et  mengier  ensemble  en  l'ostel  de 
l'Esquevin  et  doit  paier  chascun  son  escot  de  sa  boursse  et  du 
sien  propre,  excepté  les  Prestres,  Clerc  et  Crieur,  qui  doivent 
prendre  leur  escot  sur  la  dicte  Charité,  sauf  qiie  chascun  Prestre 
paiera  pour  son  escot  deulx  soubz  six  deniers  Tournois  \ 

1.  AHJoiird'hui  Saint-Gilies  les  Boucheries,  département  du  Gard. 

2.  Voy.  plus  liaut  l'ait.  XX. 

3.  Les  Chesnets,  hameau  de  Bernai.  —  Suivant  M.  Ang.  Le  PréTost,  la  Croix-Glo- 
riant,  située  sur  le  chemin  des  Chenets,  tirait  son  nom  d'une  famille  anjourd'iiui  éteinte. 

4.  Sur  les  défenses  de  manger  dans  les  églises ,  voy.  Synode  de  Séez,  de  1208  ;  le 
règlement  de  Th.  Bazin,  évêque  de  Lisicux,  D.  Bessin,  part.  II,  p.  508;  le  règlement 
de  l'évêque  de  Coutances,  en  1637,  etc.,  dans  D.  Bassin,  p.  58i;  p.  aol  ;  p.  404,  etc. 

11. 


164 

XLV.  Item,  se  aucun  Frère  ou  Sueur  trespasse,  il  doit  avoir 
le  drap  et  la  baniere  de  la  dicte  Carité  sur  son  corps,  et  les  qua- 
tre cierges  doivent  ardoir  entour  liiy  comme  dit  est. 

XLVI.  Item,  l'Esqucvin,  )e  Prévost,  ou  l'un  de  eulz,  en  la 
compaignie  de  deux  ou  trois  des  dis  Servans  et  du  Clerc,  seront 
tenus  de  aler,  deux  ou  trois  fois  l'année,  par  les  rues  pour 
eulz  faire  paier  de  cen  qu'il  leur  sera  deu  de  la  dicte  Carité  ;  el 
auront  pour  leur  despens,  pour  chascune  personne,  deulz  soulz 
six  deniers  Tournois. 

XLVII.  Item,  il  est  ordonné  que  aucuns  Serviteurs  de  la  dicte 
Carité  ne  doivent  venir  au  service  d'icelle ,  sur  paine  d'amende, 
se  ilz  ne  sont  en  abit  convenable ,  selon  leur  estât. 

XLVIII.  Item,  se  il  avenoit  que,  pour  cause  de  mortalité ,  ou 
aultre  occasion  ,  le  service  de  la  dicte  Carité  fust  si  grevable, 
ou  de  tel  paine  que  iceulx  Serviteurs  ne  le  poussent  bonnement 
endurer  ou  supporter,  ils  seront  pourveus  de  aide  pour  les  re- 
lever de  paine,  aux  despens  de  la  dicte  Carité,  se  ilz  le  requiè- 
rent, par  le  couseil  de  douze  proudomes  des  plus  sciens  et  noc- 
tables  d'icelle  Charité,  appelés  ad  ce  les  dit  Prévost,  Esquevin 
et  Serviteurs. 

XLIX.  Item,  chascun  prestre  '  paiera  pour  chascune  faulte 
du  dit  service  huit  deniers  Tournois-,  pour  faulte  de  dire  messe 
dont  il  sera  chargié  paiera  deux  soulz  six  deniers  Tournois,  se 
il  n'a  de  ce  excusation  raisonnable  qui  doie  suffire. 

L.  Item  ,  a  chascune  des  dictes  deux  festes  de  Nostre-Dame  et 
de  la  Trinité,  aura  un  prédicateur,  qui  exposera  les  bienfaits  et 
ordonnances  d'icelle  Carité  et  la  Parole  Divine  ,  aux  despens  de 
la  dicte  Carité. 

LI.  Item,  se  un,  ou  plusieurs  dez  dis  Serviteurs  va  de  vie  a 
trespassement,  durant  le  temps  qu'il  sera  en  dit  service,  les  au- 
tres Frères  Servans  pourront  eslire  une  personne  ou  plusieurs 
pour  estre  en  lieu  de  celuy  ou  ceulx  qui  sont  aies  de  vie  a  tres- 
passement. Et  yceulx  esleus  seront  tenus  faire  le  service  pareil, 
«omme  les  dessus  dis  faisoient  pour  le  temps  qu'ilz  vivoient, 
sans  aucun  contredit. 

LU.  Item,  chascun  des  dis  Frères  Serviteurs  auront  a  chas- 
cune des  festes  de  la  Trinité  et  du  Saint  Sacrement  chascun  un 
chappel  de  roses,  ou  d'aultres  choses,  aux  despens  de  la  dicte 
Carité. 

t.  Voy.  plus  haut  l'art.  IV.  D.  Bessin,  pag.  404  et  422. 


165 

Notum  igitur  facimus,  quod  nos,  visis  diligenter  a  mature 
consideratis  et  digestis  suprascriptis  constitutionibus  et  ordi- 
nationibus,  firmiter  sperantes  tanto  gracias  Altissimo  prestare 
obsequium  ,  quanto  fervencius  Christi  fidèles  incitaverimus  ad 
opéra  Caritatis ,  per  que  penas  evictare  gehennales  et  gaudia 
eterna  promereri  queque  illa  que  fi  uni  ad  honorem  et  laudem 
Domini  Nostri  Jesbu  Christi  et  Gloriose  Yirgiuis  Marie  Ejus 
Matris,  que  eciam  Cultus  Divini  augmentum  et  salutem  anima- 
rura  conspiciunt  utique  approbatione  sunt  digna.  Supplicationi 
Fratrum  et  Sororum  predicte  confratrie  seu  caritatis  tanquam 
rationabili  et  juri  consone  benigniter  annuentes  ,  constitutiones 
et  ordinationes  prediclas  prout  su perius  scripte  sunt  tanquam 
laudabiles  ac  approbabiles  et  a  lide  Catholica  seu  canonicis  in- 
stitutionibus  non  déviantes  in  quantum  possumus  et  deberaus 
auctoritate  nostra  ordinaria  laudamus,  approbamus  et  tenore 
principium  confirmamus  decernentes  ipsas  et  earum  quamlibet 
a  Fratribus  et  Sororibus  dicte  confratrie  presentibus  et  futuris 
teneri  firmiter  et  inviolabiliter  perpetuis  temporibus  observare 
ac  roboris  habere  firmitatem,  jure  parrochiali  et  alio  quolibet  in 
omnibus  semper  salvis,  in  quorum  omnium  premissorum  testi- 
monium  et  fidem  sigillum  nostrum  magnum  presentibus  duxi- 
mus  apponendum.  Datum,  inCastro  nostro  deCourtonna,  dieduo- 
decima  mensis  Augusti,  anno  miilesimo  quadringentesimo  sexto. 

II. 

Universis  présentes  litteras  inspecturis ,  Thomas,  misera- 
tlonedivina,  Lexoviensis  episcopus,  salutem  in  Domino  sempi- 
ternam  :  Cum  canente  sanctissimo  prophela  David  Dominum  in 
Sanctis  suis  laudari  debere  et  ipsis  débite  venerationis  obse- 
quium impendere,  multp  fortiori  racione  nos  ad  ejus  veneratio- 
nem  devotam  obligatos  esse  censere  debemus  que  nobis  ex  suo 
alvo  sanctissimo,  Spiritu  Sancto  coopérante,  tocius  humani  ge- 
neris  protulit  Salvatorem  Dominum  \idelicet  ac  Redemptorem 
Nostrum,  Jeshum  Christnm,  qui  noslram  in  humana  natura  ope- 
raturus  salutem  ex  quo  in  carne  nostra  nasceretur,  eligit  uterum 
virginalera  Gloriosissime  ac  beatissime  Virginis  Marie. 

Cum  itaque  nuper  ex  parte  venerabilium  Burgensium  de  Ber- 
nays  nostre  diocesis  parrochianorum  Eccïesie  Béate  Marie  de 
Cultura  ejusdem  loci  fuerit  nobis  exhibita  et  ostensa  quedam  re- 


166 

liquia  de  capillis  ejusdem  Gloriosissime  Genetricis  Dei  Marie 
argento  etcristalo  decenter  adornata,  quam,ut  dicebant,  quidam 
armatus  ,  sevientibus  tuiic,  proh  dolor  !  per  universam  banc  Ga- 
liam  cruentissimis  bellis,  ex  quadam  ecclesia  prisie  hostilis  se 
abstulisse  dicebat  et  in  eadem  ecclesia  Béate  Marie  de  Cultura 
présentasse;  requisitum  que  nobis  fuerit  ne  ta  m  preciosa  reli- 
quia  invenerala  maneret,  quatinus  litteras  nostras  approbationis 
ut  in  majori  reverencia  atque  veneratione  a  Christi  fidelibus  ha- 
beretur  dare  et  concedere  dignaremur.  Nos  igitur  credentes  gra- 
tissimum  atque  acceptissiraum  fore  Domino  ac  Salvatori  Nostro 
Jeshu  Christo  honorem ,  qui  a  suis  fidelibus  Gloriosissime  ac 
Sanctissime  Matri  impenditur,  atlendentes  et  considérantes  ex 
vetustate  scripture  et  litterarum  cujusdam  breveti  in  prefato 
reliquiario  introclusi,  in  quo  scriptum  est  antiquis  litteris,  ibi 
esse  de  capillis  Gloriosissime  Genetricis  Dei  Virginis  Marie,  veri- 
simile  esse  ita  existere  prout  in  hujuscemodi  breveto  descri- 
ptum  habetur  ;  quoque  etiam  ex  assercioni  plurium  notabilium 
Burgensium  dicti  loci  de  Bernays  nobis  affirmatum  fuit  prefa- 
tum  armatum,  qui  ad  dictam  ecclesiam  Béate  IMarie  de  Cultura 
eamdem  reliquiam  apportavit,  dixisse  et  attestatum  fuisse  se  eam 
in  quadam  ecclesia  cepisse  in  prisia  tune  hostili,  ubi  inter  san- 
ctorum  Beîiquias  reverenter  et  venerabiliter  servabatur ,  seque 
penitencia  ductiim  eamdem  in  prefata  ecclesia  de  Cultura  in  ho- 
norem Gloriose  Virginis  dedicata  reposuisse  et  collocasse  ut  a  de- 
votis  fidelibus,  prout  talem  decet  reliquiam,  in  débita  veneratione 
haberetur;  prefatorum  Burgensium  pie  peticioni  atque  devotioni 
annuentes,  prefatam  reliquiam  pie  credentes  ibidem  esse  de  ca- 
pillis Virginis  Gloriose,  secundum  quod  in  prefato  breveto  vetu- 
stissimis  litterarum  karacteribus  scripto  continetur,  nostra  ordi- 
naria  auctoritate  venerandam  atque  a  Christi  fidelibus  ut  decet 
dévote  adorandam  approbamus  et  laudamus,  decernentes  quod 
ipsa  reliquia  in  predicta  ecclesia  Béate  Marie  reverenter  et  hono- 
riûce  conservetur,  et  in  sermonibus  fiendis  ad  populum  in  hujus- 
cemodi ecclesia  bec  nostra  approbationis  littera  publicatur. 
Datum  Lexoviis  sub  sigillo  nostro  die  prima  mensis  Augusti, 
anno  Domini  millesimo  quadringentesimo  quadragesimo  octave. 

SAINTE-MABIE  MÉVIL. 


ESSAI 


DB 


POISON  SUR   UN   CHIEN, 


PAR  L'ORDRE  DE  LOUIS  XI. 


Le  samedi  19  février  1480,  à  deux  heures  après  midi, se  réunissait 
par  ordre  de  Louis  XI,  dans  l'hôtel  de  ville  de  Tours,  une  assemblée 
choisie  ;  on  y  comptait  le  maire  et  quatre  échevins  de  la  ville,  Jean  Gué- 
rin  et  Louis  de  la  Mézière,  maîtres  d'hôtel  du  roi,  Simon  Moreau,  apo- 
thicaire, deux  des  gens  de  Jean  de  Daillon,  gouverneur  de  Touraine 
et  les  clercs  de  la  ville.  Le  mandat  qui  les  convoquait  ne  spécifiait  pas 
l'objet  de  la  réunion  ;  il  disait  seulement  que  c'était  pour  estre  présens 
et  assister  à  aucunes  choses  qui  se  dévoient  faire  de  par  le  roy.  Or , 
dans  cette  réunion,  on  fit  l'essai  de  certains  poisons  sur  un  chien;  le 
poison,  mélangé  dans  une  fressure  de  mouton  frite  et  dans  une  omelette, 
fut  administré  à  forte  dose,  et  le  chien  mourut.  Procès- verbal  de  l'ex- 
périence est  dressé ,  dans  lequel  on  décrit  avec  beaucoup  de  détails 
comment  ledict  chien  estoit  mort.  Cependant,  sur  l'ordre  des  maîtres 
d'hôtel  du  roi,  le  cadavre  est  conservé  dans  une  des  chambres  de  l'hô- 
tel de  ville  jusqu'au  lendemain ,  jour  où  l'on  devait  ouvrir  le  chien  et 
constater  les  désordres  causés  par  le  poison  dans  tous  ses  organes.  Le 
dimanche,  en  effet,  sept  barbiers  et  chirurgiens  sont  mandés  pour 
procéder  à  l'autopsie;  seulement,  et  par  mesure  de  précaution,  on 
alluma  un  grand  feu  dans  la  chambre  où  était  le  chien,  afin  d'en  re- 
nouveler l'air  infecté  par  la  désorganisation  du  corps  et  par  les  mias- 
mes empoisonnés  qui  pouvaient  s'en  exhaler  ;  on  fit  un  modeste  déjeu- 
ner de  harengs  et  de  noix  sèches  ;  puis  l'opération  fut  menée  à  bonne 
fin.  Un  second  procès-verbal  fut  probablement  dressé,  et  enfin  l'assem- 
blée se  sépara.  Quant  au  cadavre  ,  il  fut  porté  dans  une  hotte,  le  méme^ 
jour,  sur  les  grèves  de  la  Loire,  et  y  fut  enterré. 


168 

Que  conclure  de  cette  anecdote  toxicologique?  L'expérimentation 
senable  tirer  un  intérêt  tout  particulier  de  ce  qu'elle  fut  faite  par  l'ordre 
de  Louis  XI,  roi  soupçonneux  et  sur  le  compte  duquel  on  se  croit  per- 
mis de  mettre  bien  des  crimes  et  des  cruautés.  Cependant,  pour  le  cas 
dont  il  s'agit,  les  conjectures  se  réunissent  plutôt  en  sa  faveur  que 
contre  lui.  D'abord  l'histoire  ne  nous  fait  connaître  l'empoisonne- 
ment d'aucun  personnage  important  pendant  l'année  1480,  aussi  bien 
que  dans  celles  qui  précèdent  ou  suivent  la  date  de  l'essai.  La  Chroni- 
que scandaleuse  aussi  bien  que  les  Mémoires  de  Philippe  de  Commines 
sont  complètement  muets  à  ce  sujet.  Ensuite,  si  Louis  XI  avait  eu  quel- 
que dessein  sinistre,  il  n'eût  point  entouré  l'expérience  de  ses  poisons  de 
la  publicité  qu'il  déploieen  cette  occasion.  Quant  à  nous,  à  cause  même 
de  lasolennité  de  l'expérience,  nous  n'y  pouvons  voir  qu'unecause  sim- 
ple et  innocente,  telle  que  l'éclaircissement  d'un  doute  médical.  Peut- 
être  y  trouverait-on  encore  la  preuve  d'une  tentative  d'empoisonnement 
sur  Louis  Xï,  mais  il  nous  semble  qu'elle  eût  laissé  quelque  trace  dans 
l'histoire,  et  nous  préférons  nous  en  tenir  à  notre  première  conjecture. 

Nous  transcrivons  ici,  d'après  le  registre  des  comptes  de  l'hôtel  de 
ville  de  Tours,  conservé  aux  archives  municipales  de  cette  ville,  les 
pièces  qui  nous  ont  fait  connaître  cette  anecdote  du  règne  de  Louis  XI. 

Item  oudict  moys  (de  février)  et  le  sabmedi  XIX*  jour,  par 
Monsieur  du  Lude  fut  mandé  audict  maire  faire  assembler  quatre 
escbevins  à  deux  heures  après  mydi  en  i'ostel  de  iadicte  ville 
pour  illec  estre  présens  et  assister  à  aucunes  choses  qui  se  dé- 
voient faire  de  par  le  roy  ;  ce  que  fut  fait.  Et  audict  lieu  et 
heure  se  trouvèrent  Jehan  Guérin  et  sire  Loys  de  la  Mézière, 
maistres  d'ostelz  du  roy  nostre  sire;  aussi  se  trouvèrent  illec  Si- 
mon Moreau  appoticaire  ,  deux  des  gens  dudict  sieur  du  Lude  , 
et  aussi  furent  les  clercs  de  la  ville.  Et  illec  fut  fait  essay  de  cer- 
tains poysons  qui  furent  faiz  mangez  au  chien  de  Macé  Blanchet 
en  une  fressure  de  mouton  frite  et  en  une  amelete  d'eufs  ;  lequel 
chien  mourut  ;  dont  fut  par  lesdicts  maire  et  eschevins  baillé 
certificacion  signée  de  leurs  mains  pour  monstrer  au  roy  com- 
ment ledict  chien  estoit  mort.  Et  pour  ce  que  lesdicts  poysons 
avoient  esté  montrez  en  troys  escuelles  et  ung  plat  d'cstain, 
pour  doubte  d'inconvénient ,  fut  lacdite  vaisselle  mise  en  feu  et 
fondue ,  puis  fut  refaicte  et  rendue ,  et  pour  façon  et  déchiet  en 
^ut,  le  pintier  de  la  Croisille,  la  somme  deXVII' VP. 


169 

Item  pour  faire  l'essay  desdicts  poysous  fut  achaplé  soubdai- 
nement  une  somme  de  boys,  XX^. 

Item  et  après  que  ledict  chien  fut  mort,  fut  dit  par  lesdicts 
maistres  d'ostel  que  le  chien  demourroit  en  la  chambre  de  dessus 
le  portai  de  la  ville  jusques  au  landemain  jour  de  dymanche 
qu'ilz  devoyent  retourner,  ce  qu'ilz  firent.  Et  illec  furent  appel- 
iez Jehan  Dumolin ,  Jehan  Mariavala,  Pierre  Goupil ,  Gillet  Bou- 
zon ,  Guillaume  Hardy ,  Guillaume  Guénart ,  et  Estienne  Remy, 
barbiers  et  cirurgiens,  pour  ouvrir  ledict  chien.  Et  avant  que  y 
procéder,  fut  fait  grant  feu  en  la  chambre  ou  estoit  ledict  chien , 
et  appoincté  que  chacun  desjuneroit  pour  doubte  d'inconvéniant, 
et  puis  ledict  chien  seroit  ouvert.  Et  pour  ce,  chees  Pierre  Du- 
rant furent  faiz  cuire  deux  platz  de  harens  ;  pour  ce,  pour  pain , 
vin  et  noez  vielles  ,  XP  '. 

Item  ledict  jour  a  ung  portefays ,  qui  porta  en  une  bote  ledict 
chien  es  grèves ,  et  l'enterra  ,  XXU''. 

Item  à  la  chamberière  Macé  Blanchet ,  qui  nectoya  la  chambre 
et  salle  où  fut  ouvert  ledict  chien ,  luy  fui  donné  Xl^ 

A.  SALMON, 


THÈSES 

SODTENUES    PAR 

LES  ÉLÈVES  DE  L'ECOLE  DES  CHARTES 

(PROMOTION  DE  18bl-54) 


POUR   OBTENIR 


LE  DIPLOME  DARCHIVISTE-PALÉOGRAPHE. 


Recherches  historiques  sur  la  maison  de  Saint-Lazare  de  Paris,  par 

Jules  Boullé. 

L  Quand  furent  fondées  les  premières  léproseries  en  Occident? 
Probablement  vers  le  commencement  de  la  troisième  race  de  nos  rois. 

IL  Fondation  de  Saint-Lazare  de  Paris  probablement  au  commen- 
mencement  du  onzième  siècle.  — Emplacement  qu'occupait  cette  mai- 
son. 

IIL  Qu'était-ce  que  Saint-Lazare  ?  Quatre  opinions  à  ce  sujet.  — 
Gallia  christiana.  —  Dubreuil.  —  L'abbé  Lebeuf.  —  Jaillot.  —  Quelle 
est  la  plus  satisfaisante  ? 

ÏV.  Statuts  et  organisation  de  Saint-Lazare.  -  De  l'évêque.  —  Du 
prieur.  —  Des  frères.  —  Des  malades.  —  Des  gens  de  service. 

V.  Des  privilèges  accordés  par  les  papes  et  les  rois.  —  Des  biens  de 
cette  maison. 

VL  Juridiction  ecclésiastique  et  civile  de  Saint-Lazare. 

VIL  Liste  des  prieurs  depuis  1160  jusqu'en  1632. 

Du  pouvoir  législatif  en  France  par  Charles  Gasati,  licencié  en  droit. 

DE  LA  LÉGISLATION   EN    FBANCfi  SOUS     LES    DEUX    PBEMIÈBES   BACES. 

—  Respect  du  roi  pour  la  constitution  de  l'État.  —  Autorité  des  an- 
ciennes coutumes.  —  Le  pouvoir  législatif  appartient  à  la  nation  tout 
entière,  réunie  dans  les  assemblées  générales.  Systèmes  contraires  de 
mademoiselle  de  Lézardière,  de  Baluze,  de  Moreau.  —  Deux  placites 


171 

annuels.  —  Le  principe  :  Lexfit  consensu  populiei  constitutione  régis. 

—  Doit-on  admettre  la  traduction  bizarre  que  Moreau  donne  de  ce 
texte  pour  le  rendre  conforme  à  son  système?  —  Préparation  de  la  loi 
dans  le  conseil ,  composé  d'hommes  choisis,  présidé  par  le  comte  du 
palais.  —  Influence  du  roi  sur  la  législation.  —  Les  lois  peuvent  modi- 
fier la  discipline  de  l'Église,  mais  doivent  respecter  le  dogme.  —  Auto- 
rité du  roi  sur  les  évêques.  —  L'exemplaire  original  de  la  loi  scellé  par 
le  référendaire  est  placé  dans  les  archives  du  palais.  —  La  publication 
de  la  loi  se  fait  par  des  lectures  publiques  devant  les  tribunaux  du 
comte  et  du  centenier  et  devant  les  juridictions  ecclésiastiques.  —  Per- 
sonnalité des  lois  barbares.  —  La  loi  romaine  est  la  loi  du  clergé.  — 
Les  capitulaires  généraux  des  rois  ont  une  autorité  supérieure  aux  lois 
personnelles.  —  Ils  ne  sont  pas  restreints  à  l'un  des  États  de  l'Empire 
comme  le  prétend  M.  de  Savigny.  —  Application  aux  individus  du  prin- 
cipe de  la  personnalité  des  lois.  —  Ce  principe  disparaît  lorsque  la 
différence  des  nationalités  s'efface. 

II.   APERÇU    DE  LA    LEGISLATIOP*   DANS   LA    SUITE  DE  LA  MONABCHIB 

FRANÇAISE.  —  Faiblcssc  du  pouvoir  royal  sous  la  troisième  race.  — 
Le  droit  privé  devient  coutumier  et  territorial.  —  Le  pouvoir  législatif 
de  la  nation  existe  encore  dans  les  terres  du  roi  et  dans  celles  des  sei- 
gneurs, mais  il  s'éteint  bientôt.  —  Les  ordonnances  ne  sont  alors  que 
des  règlements  administratifs  peu  importants ,  simplement  délibérés  en 
conseil.  — Au  treizième  siècle  ,  lorsqu'au  moyen  des  baillis,  la  justice 
du  roi  a  pénétré  partout,  les  ordonnances  prennent  un  caractère  géné- 
ral, —  Le  roi  consulte  encore  quelquefois  les  gens  de  ses  bonnes  villes. 
C'est  le  conseil  du  roi  qui  vaque  à  toutes  les  choses,  touchant  le  gou- 
vernement du  royaume  et  des  affaires  publiques.  —  Le  roi  réunit 
souvent  à  son  conseil  privé  les  gens  du  parlement,  les  gens  des 
comptes,  les  maîtres  des  monnaies.  —  Ord.  de  1356.  Ord.  de  1358, 
14  mai.  —  Le  grand  conseil  séparé  du  conseil  privé.  — Le  nombre 
des  conseillers  s'accroît  toujours,  et  toujours  des  ordonnances  le  rédui-- 
sent.  —  Au  dix-septième  siècle,  division  du  conseil  en  cinq  sections,. 

—  Fonctions  du  chancelier  :  veoir,  corriger,  examiner,  passer  et  scel- 
ler les  lettres  royaulx.  —  La  compagnie  des  secrétaires  du  roi  expé- 
die les  lettres  royaulx.  —  Plusieurs  ordonnances  rendues  sous  l'inspi- 
ration du  chancelier.  —  L'ordonnance  scellée  du  grand  sceau  doit  être 
enregistrée  et  publiée  dans  toutes  les  juridictions.  —  Droit  de  remon- 
trances du  Parlement.  —  Lettres  de  jussion.  —  Arrêts  de  règlements 
sous  le  bon  plaisir  du  roi.  —  L'interprétation  de§  ordonnances  confiée 
au  grand  conseil. —  Autorité  des  états-généraux.  —  Les  états  et  le 


172 

parlement  luttent  en  même  temps  contre  le  pouvoir  absolu,  succombent 
ensemble.  —  Les  états  votent  l'impôt  et  demandent  des  réformes  par 
doléances.  —  Au  dix-septième  siècle ,  absence  d'états  -  généraux , 
silence  du  parlement,  le  roi  seul  fait  la  loi. 

Essai  sur  la  géographie  territoriale  et  politique  de  l'Auvergne  aux 
neuvième  et  dixième  siècles,  par  Jea.n-Baptiste-Fbançois-Augostin 
Chassaing,  licencié  en  droit. 

I.  DIVISIONS  TERBITOaiALES  DE  l'aUVEBGNE. 

Dénominations  diverses  de  l'Auvergne. 

Elle  avait  pour  limites,  au  nord,  du  côté  du  Pagus  Bituricus , 
Chantelle,  Cantilia ,  Cantella,et  Souvigny,  Silviniacus;  du  côté  du 
Pagus  Augustodunensis,  la  rivière  d'Allier,  Elaver,  depuis  Cusset, 
CMcmcMm,  jusqu'à  la  hauteur  de  Moulins;  à  l'est,  les  montagnes  du 
Forez  du  côté  du  Pagus  LugdunensiSj  et  la  Vicaria  de  Vetula  Civitate, 
Saint-Paulhien,  du  côté  du  Pagus  Vellavicus.  La  délimitation  du  Pa- 
gus Arvernicus ,  au  midi  et  à  l'ouest,  vers  les  Pagi  Gabalitanus,  Ru- 
tenicus ,  Cadurcinus  et  Lemovicinus ,  ne  peut  être  établie  d'une  ma- 
nière certaine,  par  suite  de  l'absence  des  textes.  Elle  était  sans  doute  la 
même  que  celle  du  diocèse  de  Clermont  avant  l'érection  du  siège  épis- 
copal  de  Saint-Flour  en  1317  par  Jean  XXIL 

Le  Pagus  abvernictjs  comprenait  des  Pagi  Minores  qui  se  subdi- 
visaient en  ylice.ç ,  division  répondant,  dans  l'ordre  territorial ,  à  la  sub- 
division politique  du  comté,  la  Vicaria.  L'étendue  de  la  Vicaria  et  de 
VAicis  étSiit  la  même.  Preuve  tirée  des  Cartulaires  de  Brioude  et  de 
Sauxillanges.  — Les  textes  font  connaître  les  Pagi  Minores  et  les  Aices 
suivants  : 

1°  Pagus  DONOBRiNsis,  pays  de  Neuvre; 

2"  Pagus  Limanicus  ,  la  Limagne; 

Z"  Pagus  Abvernicus  ou  Clabomontensis  ,  pays  de  Clermont  : 
Aicis  Riomensis ,  Riom  ; 

4°  Pagus  Telamitensis  ,  pays  de  Tallende  ;  Aicis  Ambronensis, 
Saint-Germain  Lembron  ; — Bonorochensis,  Le  Broc; —  Caldiacensis, 
Coudes-sur-Allier  ;  —  Montanicus,  Monton ,  près  Veyre  ;  —  Mussia- 
censis ,  Moissat  sur  TAlagnon  ; 

5°  Rocafobtensis,  pays  de  Rochefort; 

6°  Pagus  Talvensis  ,  pays  de  Tauves  ; 

7°  Pagus  TiERNBNSis,  pays  deThiers; 


173 

STaguîjTolobnensis;  pays  de   Turluron  près  BilloiHj  Aicis  To- 
lornensis  ; 
9°  Pagus  Lipidiacensis  ou  Libbatensis,  le  Livradois; 
10°  Pagus  Ucionensis,  pays  d'Usison;  Aicis  IJcionensis; 
1 1"  Pagl's  Bbivatensis,  le  Brivadois  : — Aicis  J?nva^(?«sîs,  Brioude ; 

—  Calerinsis ,  Chalières;  —  Cantolianicus ,  Chanteuge; —  Cumicen- 
s^s',Cusse  ou  Cumignat; —  Loiacensis,  inconnu,  Nonatensis,  No- 
nette  ;  —  Radicatensis ,  Rageades; 

12°  Territobium  Planez  A,  Planetia,  la  Planèze  :  Aicis  Caria- 
tensis,  Cariât. 

II.  DIVISIONS  POLITIQUES  DE  l'aUVEBGNB. 

L'Auvergne,  sous  la  race  carlovingienne ,  forma  le  Ducatus  Arver- 
nicus. 

Elle  forma  aussi  le  Comitatus  Arvernicus,  d'abord  aussi  étendu 
que  l'ancienne  CivitasArverna. 

Vers  la  fin  du  neuvième  siècle ,  quelques  districts  du  Pagus  Arver- 
nicus forment  des  comtés  qui  se  subdivisent  en  Vicarise,  Vicairies  ou 
Vigueries. 

On  trouve  mentionnés  dans  les  Cartulaires  de  Brioude  et  de  Sauxil- 
langes,  les  comtés  et  vicairies  suivants  ; 

1°  CoMïTATUs  Arvernicus  seu  Clabomontensis,  comté  d'Auver- 
gne ou  de  Ciermont  :  Vicaria  Claromontensis,  Vicairie  de  Clermont  : 

—  Doratensis,  —  de  Dorât  ;  —  Lodosensis,  —  de  Lezoux  ;  —  Olbio- 
nensis,  —  d'Olby  ;  —  Randanensis ,  —  de  Randan. 

2"  Comitatus  Bbivatensis  ,  comté  de  Brioude  :  Vicaria  de  ArlincOy 
Vicairie  d'Ariane  ;  —  de  Aurato,  —  de  Dore  l'Église;  —  Brivatensis, 

—  de  Brioude;  —  Cantolianica,  —  de  Chanteuge;  —  CheriacensiSy 
ou  Heriacensis ,  —  de  Charrâix  ;  —  Logatensis,  —  inconnue  ;  —  No- 
natensis,  —  de  Nonette;  —  Radicatensis,  —  de  Rageades  ;  —  Saneti 
Stephani, —  de  Saint-Etienne-sur-Usson  ;  —  Ucionensis,  —  d'Usson. 

3"  Comitatus  Libratensis,  comté  de  Livradois  :  Vicaria  Ambat- 
nensis,  vicairie  d'Ambert;  —  Marciacensis,  —  de  Marsat;  —  Libra^ 
tensis,  —  de  Livradois;  —  de  Roca  Savina ,  de  Saint-Amant  Roche- 
Savine. 

4°  Comitatus  Telamitensis,  comté  de  Tallende  :  Vicaria  AmbrO' 
nensis  seu  Saneti  Germant ,  vicairie  de  Saint-Germain-Lembron  ;  — 
Antoniensis,  — d' Antoingt  ; —  Avalojolense, — de  Valeujol  ;  —  Borono- 
chensis,  —  du  Broc;  —  de  Civitate  Vetula,  —  d'Antérieux?  — 
Jordanensis ,  — de  Jordanne;  —  de  Nova  Ecclesia^  — d'Eglise-Neuve; 


174 

—  Massiacensis ,  —  de  Massiac;  —  Monciasensis  seu  Muissiacensis  ^ 

—  de  Moissat  ;  —  de  Talaisago ,  —  de  Talizae  ;  —  Telamitensis,  — 
de  Tallende  ;  —  Vebritensis^  —  de  Vebret. 

*  6°  CoMiTATUS  ToLORNENSis ,  coKité  de  Turlupon  :  Vicaria  Biliomen- 
sis ,  vicairie  de  BiUom ,  —  Cunliacensis,  de  Cunlhat  ;  —  de  Valle  Val- 
lonica ,  iDConnue. 

Étude  sur  les  mots  à  multiples  formes  de  la  langue  française ,  par 
Jean-Édouahd  Gbos-Bubdet. 

I.  Formation  génébai.e.  —  Dans  les  Gaules,  au  moment  de  l'inva- 
sion germanique,  le  latin  a  perdu  ses  désinences  caractéristiques  ;  il 
s'est  peu  à  peu  transformé  en  notre  langue  vulgaire.  Les  conquérants 
prononçaient  mal  en  proportion  de  la  rudesse  de  leurs  organes;  au 
nord ,  où  ils  étaient  nombreux  ,  ils  ont  altéré  plus  gravement  les  for- 
mes romaines;  au  midi  se  sont  conservées  de  meilleures  traductions 
euphoniques  par  l'influence  des  Gallo-Romains  restés  en  majorité.  A 
cette  époque ,  qui  peut  s'étendre  du  cinquième  au  dix-septième  siècle, 
se  rapportent  les  types  les  plus  dissemblables  des  effigies  romaines  pri- 
mitives. La  faveur  soudaine  accordée  au  latin  par  les  savants  de  la  Re- 
naissance servit  de  prétexte  à  de  nombreux  néologismes  qui  forment 
double  emploi  avec  les  formes  populaires  correspondantes.  A  mesure 
que  la  facilité  de  prononciation  se  propage  avec  l'éducation ,  l'effort 
général  tend  à  créer  des  mots  nouveaux  calqués  sur  les  langues  mortes. 
De  nos  jours  encore,  cet  abus  est  en  vigueur,  et  nuit  à  la  clarté  du 
langage. 

L'écriture  du  moyen  âge  indique  la  prononciation  usuelle  du  temps, 
sans  aucun  principe  ortliographique. 

Il  ne  faut  pas  prendre  pour  des  mots  différents  les  diverses  manières 
de  figurer  le  même  mot;  ainsi  rithmer  et  rimer  sont  tout  un.  De  même 
pour  clause  et  close^  pour  dîné  et  dîner,  pour  Fontenay  et  Fontenoy , 
pour  Arnould ,  Arnou  et  Arnoud ,  etc. 

Dans  la  formation  générale  des  mots  à  plusieurs  types  figurent  les 
influences  des  peuples  limitrophes  au  nord  et  au  midi,  par  les  com- 
munications guerrières  ou  pacifiques  auxquelles  nous  devons  des  mots 
nouveaux  dérivés  du  latin  ,  par  l'italien  ou  l'espagnol,  et  des  langues 
du  nord  et  de  l'est ,  par  les  idiomes  Scandinaves  et  germaniques. 

Les  formes  doubles  ou  multiples  ne  sont  pas  toujours  synonymes. 

II.  F0KMATI0N>AR  ALTERATION  DES  VOYELLES  KT  DES  DIPHTHONGUES. 

—  En  général ,  la  prononciation  barbare  apaise  le  son  latin  et  le  fait 


175 

sourd,  comme  le  prouvent  les  manières  si  nombreuses  d'exprimer  les 
voyelles  par  des  combinaisons  de  lettres  inusitées  jusqu'alors.  Les  for- 
mes de  création  récente  ou  méridionale  rendent  aux  voyelles  et  aux 
diphthongues  leur  figure  et  leur  sonorité  antiques. 

III.  Formation  par  atténuation  ou  modification  des  consonnes. 
—  Suivant  les  pays,  les  consonnes  latines  ont  permuté  ou  modifié  de 
façon  nouvelle  leur  valeur  première.  Le  B,  le  V ,  le  P  se  suppléent  ; 
il  en  est  de  même  du  V  et  du  G,  de  l'L  et  l'R ,  du  D  et  du  T,  du  T  et 
del'S.  Tantôt  le  C  prend  une  prononciation  analogue  à  celle  duxgrec, 
tantôt  il  s'adoucit  en  S  en  Z. 

IV.  Formation  par  suppression  de  lettres.  —  Les  voyelles  pro- 
noncées sourdement  entre  deux  consonnes  s'effacent  et  disparaissent 
souvent  dans  la  rapidité  du  discours.  Les  consonnes  se  rapprochent  et 
se  modifient  conformément  à  l'euphonie.  De  là  les  formes  timbre  et 
tympan,  advenir  tX  aveindre.  La  chute  d'une  consonne  produit  les 
mêmes  effets  parmi  les  voyelles:  on  le  voit  ^qt  fidélité  et  féauté ,  par 
auguste  et  août. 

V.  Formation  par  adjonction  d'une  lettre.  —  Les  mots  latins 
commençant  par  deux  ou  plusieurs  consonnes  difficiles  à  détacher  au 
courant  de  la  prononciation  ont  été^  dans  le  discours  et  l'écriture,  pré- 
cédés d'un  e  qui  en  adoucit  l'aspérité.  Tels  sont  scholaire  avec  écolier^ 
stranguler  avec  étrangler. 

VI.  Quelques  mots  purement  latins  se  sont  introduits  dans  le  lan- 
gage, surtout  par  l'usage  scientifique,  et  alternent  avec  les  formes 
vulgaires;  je  citerai /ades  et  face  ^  dictum  et  dicton. 

VII.  En  thèse  générale ,  les  mots  qui  se  rapprochent  le  plus  du  latin 
sont  modernes. 

De  V institution  des  baillis  sous  saint  Louis  et  sous  Philippe  III  d'cL- 
près  les  Olim  (1254-1285),  par  Théodore  Laborde,  licencié  en 
droit. 

Introduction. —  Création  des  baillis  de  1180  à  1190.  —  Leur 
puissance  croissante.  —  Les  Olim  constatent  le  but  principal  de  leurs 
efforts^  c'est-à-dire  l'établissement  de  la  suprématie  royale. 

I.  Justice  royale  d'abord  exceptionnelle.  —  L'assise  du  bailli  rem- 
place peu  à  peu  celle  des  chevaliers.  —  Les  baillis  sont  d'abord  des 
membres  du  parlement,  détachés  dans  les  provinces  et  nécessaires  : 
1°  pour  faire  les  enquêtes,  2">  pour  assurer  l'exécution  des  arrêts, 
3»  pour  éclairer  la  cour  sur  les  coutumes  des  provinces.  —  Multiplica- 
tion progressive  des  bailliages  :  quatre  en  1190,  dix-sept  en  12G0.  — 


176 

Les  sénéchaux  remplissent  dans  le  Midi  les  fonctions  des  baillis  au 
Nord.  —  Les  baillis  se  servent  de  plusieurs  moyens  pour  étendre  la 
justice  royale  ;  1°  la  Deffaulte  de  droit,  2°  V Appel,  ^°les  Cas  royaux, 
4°  le  Refus  de  compléter  la  cour  des  vassaux,  ô»  la  Prévention,  6<*  le 
Droit  de  protection  royale  (sur  les  églises  ,  les  communes  et  les  bour- 
geois). —  Les  arrêts  du  Parlement  constatent  leur  intervention  dans 
toutes  les  matières.  —  Haute,  moyenne,  basse  justice.  — Justice  fo- 
restière, des  chemins,  des  marchés.  —  Troubles,  forfaitures,  viols. — 
Bannis,  bâtards,  nobles.  —  Questions  intéressant  l'Etat,  la  religion,  la 
de  personne  du  roi  ou  ses  représentants.  —  Questions  de  propriété,  de 
reconnaissance  d'état  et  de  noblesse.  —  Empiétements  sur  la  justice 
régulière  des  seigneurs.  —  Guerre  aux  usages  et  aux  privilèges.  — 
Respect  des  droits  du  roi  sur  les  ventes  (tiers  et  danger,  segorage),  sur 
les  tutelles,  etc.  —  Destruction  des  garennes.  —  Monnaies.  —  Les 
baillis  font  les  assurements,  les  arbitrages,  les  compromis,  les 
accords,  les  échanges  ;  jugent  les  conflits  de  justice,  les  réclamations 
de  cens,  les  droits  de  pêche,  les  contestations  de  propriété,  etc.,  etc. 

—  Ils  sont  agents  d'exécution  contre  les  bannis,  les  voleurs,  les  mal- 
faiteurs (même  sur  les  terres  des  hauts  justiciers),  punissent  les  insul- 
tes faites  aux  fonctionnaires  du  roi  et  le  refus  de  service  militaire;  — 
veillent  à  la  réparation  des  ponts,  à  la  libre  navigation  des  rivières,  à 
la  destruction  des  forteresses;  —  perçoivent  partout  les  amendes  infli- 
gées par  la  cour.  —  Appels  frivols  amendés.  —  Appeaux  volages. 

II.  Différentes  mesures  prises  par  les  ordonnances  contre  les  baillis. 

—  Ressort  soigneusement  délimité.  —  Une  fois  le  résultat  obtenu  ,  la 
royauté  sent  le  besoin  de  restreindre  les  pouvoirs  extraordinaires  des 
baillis.  —  Ils  perdent  de  leur  importance,  et  leurs  noms  sont  plus  rare- 
ment cités  dans  les  textes  des  arrêts.  —  Ils  descendent  au  rang  de 
fonctionnaires  inférieurs,  de  juges  de  première  instance.  —  L'appel 
de  leurs  décisions  devient  plus  fréquent.  —  La  cour  prend  très-sou- 
vent parti  contre  eux.  —  Répression  des  amendes  excessives  qu'ils 
infligent.  — Ils  sont  eux-mêmes  blâmés,  réprimandés,  amendés. — 
Tendance  au  démembrement  de  leurs  offices. 

III.  Noms  des  baillis  depuis  1254  jusqu'à  1285  d'après  les  Olim 
comparés  avec  V  Usage  des  fief  s. 


177 

Essai  sur  l'état  des  personnes  en  Angleterre  au  onzième  siècle,  à  la 
suite  de  la  conquête  normande,  d'après  les  documents  originaux,  et 
principalement  le  Domesday-Book ,  précédé  de  l'histoire  de  ce  livre, 
par  Louis  Lacoub. 

Histoire  du  Domesday-Book  :  sa  date,  soq  exécution,  son  utilité  , 
ses  services  ;  principaux  auteurs  qui  en  ont  fait  usage. 

I.  Considérations  générales  sur  l'état  des  personnes  avant  la  con- 
quête et  sur  les  changements  que  Guillaume  le  Conquérant  introduisit 
en  Angleterre. 

II.  De  l'état  des  personnes  relativement  à  la  liberté.  —  Nobles  : 
barons  ou  tenanciers.  —  Classes  moyennes.  —  Taines ,  vavasseurs  » 
possesseurs  d'alleux.  — Chevaliers,  hommes  libres  j  socmans,  rad- 
mans. 

III.  De  l'état  des  personnes  relativement  à  la  servitude.  —  Vilains, 
bordiers,  cottiers,  serfs,  coliberts,  censiers,  femmes  servantes. 

IV.  De  l'état  des  personnes  relativement  à  la  justice.  —  Crimes  et 
délits  :  adultère ,  forestel ,  forfait ,  girbrige ,  homicide,  vol.  —  Cours 
et  tribunaux  :  observations  générales,  ridings,  wapentaches,  hun- 
dreds;  juridiction  sur  les  vilains. 

Les  sépultures  chrétiennes  en  France  du  onzième  au  dix-septième 
siècle ,  par  Abthur  Mobcibb. 

I.  Sarcophages.  —  A  partir  du  onzième  siècle,  le  sarcophage  ou 
cercueil  est  distinct  du  tombeau  ou  mausolée.  —  La  pierre,  la  brique, 
le  plâtre  ,  le  plomb  et  le  bois  ont  servi  à  la  construction  des  sarcopha- 
ges. —  La  forme  a  peu  varié  :  c'est  celle  d'une  auge  à  extrémités  iné- 
gales, avec  couvercle  plat  ou  légèrement  arrondi  ou  à  dos  d'âne.  — 
La  longueur  n'excède  guère  celle  du  corps.  En  principe,  le  cercueil 
ne  dut  recevoir  qu'un  seul  individu.  —  On  trouve  dans  une  foule  de 
sarcophages ,  outre  le  squelette ,  des  débris  de  vêtements  et  des  attri- 
buts de  la  profession  du  défunt.  —  L'Église  a  réglé  le  mode  d'enseve- 
lissement. —  On  enterra  parfois  avec  le  mort  non-seulement  des  reli- 
ques ,  mais  l'Eucharistie  ;  c'est  un  souvenir  du  naulus  antique  ;  les 
petits  pots  à  eau  bénite,  ceux  à  charbon  et  encens  et  les  plantes  vivaces 
se  rencontrent  bien  plus  fréquemment  dans  les  sarcophages  chrétiens. 
—  La  croix  d'absolution  déposée  sur  la  poitrine  du  mort  est  une 
réponse  au  reproche  que  les  Grecs  faisaient  aux  Latins  de  ne  pas  ob- 
I.  {Quatrième  série.)  12 


178 

server  la  disposition  des  bras  en  croix.  —  La  décoration  des  sarcopha- 
ges a  été  généralement  très-simple.  —  Quant  à  l'orientation,  la  tête  du 
mort  était  tournée  vers  l'Occident  et  ses  pieds  vers  l'Orient.  —  Il  est  à 
présumer  que,  concurremment  avec  la  sépulture  dans  les  sarcophages 
allongés ,  ou  a  enterré  dans  des  pots  assez  semblables  aux  camucis  des 
chefs  de  tribus  brésiliennes. 

IL  Tombeaux.  —  Il  faut  distinguer  les  tombeaux  isolés  des  tom- 
beaux arqués ,  et  les  tombes  levées  des  tombes  plates.  —  La  pierre , 
le  marbre,  le  cuivre  et  le  bronze  sont  les  matières  qui  ont  le  plus  sou- 
vent servi  à  la  construction  ou  à  l'embellissement  des  tombeaux  ;  l'ar- 
gent et  l'or,  l'émail  et  la  mosaïque  ont  été  employés  surtout  comme 
objets  de  décoration.  —  Les  tombeaux  de  l'époque  romane  sont  en 
rapport  avec  l'architecture  du  temps  :  simples  et  séyères  comme  elle, 
ils  diffèrent  en  beaucoup  de  points  de  ceux  de  l'âge  suivant.  —  Les 
gisants  sont  une  innovation  de  l'époque  gothique,  qui  ajouta  successi- 
vement tant  d'autres  éléments  de  décoration  aux  mausolées.  —  Les 
priants  apparaissent  à  la  fin  du  quinzième  siècle. 

IIL  SÉPULTURE  DANS  l'église.  —  Ou  l'a  fréquemment  accordée  au 
moyen  âge,  mais  différents  motifs  ont  déterminé  l'Église  à  faire  ses 
restrictions;  matériellement,  le  temple  saint  n'a  pu  recevoir  tous  les 
chrétiens,  sans  distinction  ;  il  y  eut  des  privilégiés  dont  les  plus  nom- 
breux furent  les  donateurs.  —  Les  cryptes  ne  renfermaient  en  principe 
que  le  corps  des  martyrs  ou  confesseurs  ;  insensiblement  elles  ont 
reçu  d'autres  défunts.  A  l'époque  romane,  elles  ont  gagné  en  étendue; 
les  architectes  gothiques  en  ont  rejeté  l'emploi  parce  qu'elles  mettaient 
en  péril  la  solidité  de  l'édifice  supérieur.  —  La  sépulture  dans  l'église 
haute  eut  lieu  principalement  pour  les  ecclésiastiques  ,  au  chœur,  dans 
les  nefs,  dans  les  chapelles  et  au  parvis;  les  laïques  furent  inhumés 
dans  les  chapelles  et  sous  ces  pierres  tombales  où  l'image  du  défunt 
habillé  ,  les  mains  jointes  et  les  pieds  tournés  vers  le  sanctuaire,  était 
gravée  au  trait  ou  diversement  coloriée.  —  L'Église  a  reçu  aussi  des 
inhumations  partielles.  — La  sépulture  dans  l'église  avait  ses  avantages 
et  ses  inconvénients. 

IV.  SÉPULTURE  DANS  LES  CIMETIÈRES.  —  L'histoIrc  dcs  cimetièrcs  du 
moyen  âge  offre  relativement  moins  d'intérêt  que  celle  de  la  sépulture 
dans  l'église  :  les  cimetières  étaient  le  champ  de  repos  des  simples  fidè- 
les. —  Quelques  églises,  où  l'affluence  des  morts  était  considérable, 
sont  devenues  de  vrais  cimetières.  —  La  présence  de  nombreux  cer- 
ceuils  dans  une  localité  ne  prouve  pas  infailliblement  la  présence  d'un 
cimetière.  —  Les  principaux  monuments  de  la  décoration  des  cime- 


179 

tières  au  moyen  âge  sont  les  chapelles  dédiées  à  saint  Michel ,  les  char- 
niers ,  les  ossuaires  ,  les  croix  et  les  lanternes  des  morts. 

V.  SYMBOLISME. —  Il  cst  Signalé  par  Ics  liturgies  des  douzième  et  trei- 
zième siècles  pour  l'orientation  et  les  objets  renfermés  dans  le  cercueil  ; 
quant  aux  tombeaux  ,  les  artistes  du  moyen  âge  y  ont  représenté  des 
animaux  et  des  végétaux  symboliques;  ils  ont  emprunté  aux  costumes 
et  aux  pièces  d'armoiries  certains  détails  dont  le  sens  a  frappé  les  ar- 
chéologues ;  enfin ,  ils  ont  donné  une  forme  humaine  aux  anges  et 
même  à  l'âme.  —  Le  symbolisme  a  peu  varié  ;  cependant  il  ne  paraît 
pas  avoir  été  observé  uniformément. 

VI.  ÉpiTAPOES.  —  Elles  ont  occupé  quelquefois  le  fond  du  cercueil  ; 
mais  il  faut  surtout  les  demander  aux  tombeaux.  —  On  reconnaîtra 
approximativement  leur  âge  à  la  forme  des  lettres.  —  Les  sigles  de- 
viennent plus  rares  à  mesure  qu'on  avance  vers  le  seizième  siècle  ;  ils 
rappellent,  avec  peu  de  modifications,  les  formules  des  anciennes  ins- 
criptions tumulaires.  —  La  langue  des  épitaphes  est  généralement  le 
latin,  même  longtemps  après  la  formation  de  la  langue  vulgaire.  —  Le 
style  est  direct  ou  indirect;  ces  inscriptions,  simples  d'abord,  se  com- 
pliquent, aux  approches  du  seizième  siècle,  d'un  éloge  historique  plus 
développé ,  mais  qui  est  un  modèle  de  brièveté ,  si  on  le  compare  avec 
les  longs  et  verbeux  panégyriques  des  temps  postérieurs  ;  on  affection- 
nait en  outre  les  vers  rimes,  et  on  ne  recula  pas  assez  devant  la  manie 
des  jeux  de  mots,  —  L'étude  des  épitaphes  est  utile  pour  le  déchiffre- 
ment des  écritures  du  moyen  âge;  elle  sert  à  confirmer  ou  à  réfuter 
les  assertions  des  historiens ,  et  peut  être  d'un  grand  secours  dans  les 
travaux  chronologiques. 

Essai  sur  les  variations  des  limites  géographiques  et  de  la  constitu- 
tion politique  de  l' Aquitaine  depuis  César  jusqu'à  Van  61 3, ^ar 
Félix  Rocquain  de  Courtemblay. 

I.  Aquitaine  socs  César.  —  La  Garonne  ne  forme  pas  la  limite 
précise  de  l'Aquitaine  au  nord  et  à  l'est.  —  Erreur  de  Valois  et  d'au- 
tres qui  ont  voulu  voir  dans  l'Aquitaine  de  César  la  Novempopulanie 
de  la  Notice. 

IL  Aquitaine  sous  Auguste. —  Quatorze  peuples  ajoutés,  dont 
Strabon  ne  nomme  que  douze.  —  Opinions  diverses  sur  les  deux  res- 
tants. —  Erreur  de  Valois  et  d'autres  qui  ont  voulu  voir  dans  l'ac- 
croissement d'Auguste  les  deux  Aquitaines  (r^  et  2«)  de  Ja  Notice. 

III.  Aquitaine  depuis  Auguste  jusqu'aux  Barbabes.  —  Elle  devient 

13. 


1<S0 

Provincia  Cxsaris,  et  garde  cette  forme  de  gouvernement  jusqu'à  l'in- 
vasion. —  Elle  est  successivement  divisée  en  Novempopulanie,  l*"^  et 
2®  Aquitaine.  Limites  de  ces  trois  subdivisions.  —  Aux  quatrième  et 
cinquième  siècles  ,  la  Gaule  est  partagée  généralement  en  deux  parties 
dites  :  l'une  Gallia,  l'autre  Aquitaine.  Presque  tous  les  écrivains  se 
sont  contentés  de  constater  ce  fait,  sans  résoudre  la  question  qu'il  im- 
plique, c'est-à-dire  sans  indiquer  les  limites  de  ces  deux  portions.  — 
Erreur  de  M.  Walkenaer  à  ce  sujet.  La  solution  de  cette  question  per- 
met de  déterminer  l'étendue  des  cinq  et  sept  provinces. 

IV.  Aquitaine  sous  les  Wisigoths.  —  Conquêtes  des  Wisigoths 
confirmées  par  le  traité  passé  entre  Wallia  et  Honorius.  Fin  de  ce 
royaume  en  507  (bataille  de  Vouglé). 

V.  Aquitaine  sons  les  Fba.ncs.  —  1"  De  Clovis  à  la  mort  de  Clo- 
taire  I"  (507-561).  —  Opinions  diverses  relativement  au  partage  des 
fils  de  Clovis,  à  la  mort  de  leur  père  et  à  celle  de  leur  frère  Clodomir  : 
question  généralement  négligée;  les  documents  rares,  mais  suffisants. 

2**  De  Clotaire  I"  à  l'avènement  de  Clovis  II  à  toute  la  monarchie 
des  Francs  (561-6131.  —  Mêmes  difficultés  sur  les  partages  à  la  mort 
de  Clotaire  I"et  deCaribert,  roi  de  Paris.  —  Un  grand  jour  est  jeté 
par  le  concile  de  Mâcon  (585)  et  le  traité  d'Andelot  (587)  sur  l'étendue 
des  possessions  des  princes  mérovingiens  de  507  à  613.  —  Documents 
dont  les  historiens  n'ont  pas  su  tirer  parti. 

De  l'administration  des  communes  au  nord  de  la  France,  vers  1260, 
par  Gustave  Sebvois  ,  licencié  en  droit. 

I.  On  peut  établir  que  ce  fut  en  1258  que  pour  la  première  fois  les 
communes  rendirent  compte  de  leur  situation  financière  à  une  commis- 
sion du  parlement.  —  Les  communes  sont  surchargées  de  dettes. 

II.  Intervention  de  la  royauté  dans  les  élections  municipales.  —  Le 
maire ,  assisté  d'un  conseil,  n'avait  qu'un  pouvoir  d'administration 
limité  parla  surveillance  des  membres  importants  de  la  cité.  — En 
général,  ses  fonctions  n'étaient  pas  gratuites. 

Les  fonctions  d'agent  comptable  étaient  séparées  des  fonctions  d'ad- 
ministrateur. 

A  la  fin  de  son  administration ,  le  maire  rendait  ses  comptes  devant 
la  commune  assemblée. 

IIL  Recettes  et  dépenses.  —  Les  revenus  ordinaires  et  périodiques 
étaient  insuffisants  :  on  levait  des  tailles,  on  contractait  des  emprunts, 
on  émettait  des  rentes. 


181 


La  taille  était  un  impôt  à  la  fois  réel  et  personnel.  —  Divers  modes 
de  l'asseoir.  —  Les  sommes  des  aides  levées  pour  le  roi  étaient  fixées 
par  les  communes. 

On  empruntait  très-souvent  à  intérêt.  —  Qu'étaient  les  Bontés? 
L'administration  recevait,  sous  le  nom  de  Commandes,  des  dépôts 
dont  elle  disposait  librement  jusqu'à  la  restitution  ;  très-vraisemblable- 
ment elle  n'en  devait  pas  l'intérêt. 

Le  bourgeois  qui  se  retirait  de  l'association  communale  devait  payer 
une  part  proportionnelle  dans  les  dettes  de  la  commune. 


182 

BIBLIOGRAPHIE, 


La  Normandie  souterraine  ,  ou  Notices  sur  des  cimetières  romains 
et  des  cimetières  francs  explorés  en  Normandie,  par  M.  l'abbé  Cochet, 
inspecteur  des  monuments  historiques  de  la  Seine-Inférieure ,  etc.  —  1  vol. 
grand  in-S»  de  400  pages  et  16  planches.  —  Rouen,  Paris  et  Londres,  chez 
Lebrument ,  Derache,  Didron  et  Otto  Marcus ,  1854. 

Ceux  qui  s'occupent  de  nos  antiquités  françaises,  connaissent,  au  moins 
par  ouï-dire,  les  découvertes  de  M.  l'abbé  Cochet.  Ce  savant,  plein  d'acti- 
vité et  de  zèle,  s'est  voué  depuis  plusieurs  années  à  l'exploration  des  an- 
ciens cimetières  qui  se  montrent  de  tous  côtés ,  depuis  que  les  travaux  du 
génie  civil  se  sont  attaqués  aux  parties  intérieures  du  pays  de  Caux.  Les 
journaux  et  les  recueils  scientifiques  ont  signalé  le  succès  des  fouilles  exé- 
cutées à  Londinières,  à  Lucy,  à  Envermeu;  le  musée  de  Rouen  enrichi 
par  ces  fouilles,  celui  de  Dieppe  créé  avec  les  pièces  que  le  département 
n'  I  pas  jugé  à  propos  de  s'approprier,  disent  encore  mieux  la  valeur  des 
résultats  obtenus.  La  Normandie  souterraine  est  le  registre  des  décou- 
vertes qui  ont  été  accomphes  jusqu'à  ce  jour.  M.  l'abbé  Cochet  a  voulu  y 
détailler  avec  une  éteudue  que  n'avaient  pas  comportée  les  annonces  scien- 
tifiques, toutes  les  circonstances  des  opérations  surveillées  par  lui.  Il  a 
cherché  en  même  temps  à  généraliser  ses  observations,  de  manière  à  ce 
que  son  livre  devînt  un  manuel  pour  les  archéologues. 

L'ouvrage  est  divisé  en  deux  parties.  Dans  la  première ,  l'auteur  traite 
des  sépultures  de  la  période  romaine  ;  la  seconde  est  consacrée  à  l'examen 
des  sépultures  de  la  période  barbare. 

Il  n'y  a  pas  plus  de  vingt-cinq  ou  trente  ans  que  l'on  a  commencé  à  éta- 
blir cette  distinction,  et  c'est  surtout  dans  ces  derniers  temps  que  le  ré- 
pertoire des  faits  s'est  assez  étendu,  pour  qu'il  fût  possible  d'attribuer  une 
origine  probable  et  une  époque  approximative  aux  débris  humains  que  l'on 
rencontre.  Ceux  des  barbares  Germains  sont  surtout  devenus  reconnaissables 
depuis  les  observations  de  MM.  Lindenschmit  et  Houben ,  sur  les  bords 
du  Rhin;  Roach-  Smith ,  en  Angleterre  ;  Troyon ,  en  Suisse.  M.  Cochet, 
en  s'appuyant,  comme  de  juste,  sur  l'expérience  de  ses  devanciers ,  a  étendu 
le  domaine  de  la  science,  soit  par  des  faits  nouveaux  qu'il  a  mis  en  relief, 
soit  par  des  interprétations  plus  plausibles  qu'il  a  données  à  des  particula- 
rités déjà  reconnues.  Son  livre  est  un  progrès  de  la  question  ;  et  puisque 
nous  en  sommes  réduits  à  demander  aux  sépultures  les  seuls  monuments 
qu'aient  laissés  d'eux  les  conquérants  barbares  de  la  Gaule ,  on  peut  dire 
que  le  tableau  le  plus  complet  qui  ait  encore  été  fait  des  antiquités  mé- 
rovingiennes se  trouve  dans  la  Normandie  souterraine. 

Les  sépultures  de  l'antiquité  gallo-romaine ,  quoique  plus  étudiées,  n'ont 


183 

pas  laissé  que  de  suggérer  aussi  quelques  aperçus  nouveaux  à  M.  Tabbé 
Cochet.  Nous  avons  été  surtout  frappé  de  ses  idées  sur  la  nature  des  pier- 
res employées  à  la  confection  des  cercueils  antiques,  sur  les  signatures  de 
certaines  poteries ,  sur  l'existence  très-vraisemblable  d'une  verrerie  romaine 
dans  la  foret  d'Eu,  sur  la  présence  de  statuettes  de  Latone  dans  les  tom- 
beaux d'enfants.  Nous  devons  citer  encore  une  excellente  monographie  des 
découvertes  faites  jusqu'à  ce  jour  sur  l'emplacement  de  Juliohona. 

L'intérêt  que  nous  avons  trouvé  au  livre  de  M.  Cochet  nous  fait  désirer 
qu'il  le  complète  prochainement.  De  son  propre  aveu ,  une  grande  incerti- 
tude règne  sur  le  caractère  des  sépultures  gallo-romaines,  à  partir  de  l'é- 
poque où  a  été  abandonné  le  rite  de  l'incinération.  Les  fouilles  accom- 
plies sous  ses  yeux  semblent  n'avoir  rien  produit  pour  l'élucidation  de  ce 
point  important.  Il  est  cependant  impossible  que ,  depuis  Constantin  jus- 
qu'à Charlemagne,  la  race  qui  formait  la  majorité  de  la  population  n'ait 
pas  laissé  de  ses  débris  dans  le  pays  de  Caux.  Il  appartient  à  l'auteur  de  la 
Normandie  souterraine  de  chercher  ces  débris  ,  et  de  nous  les  faire  con- 
naître. 

A  l'égard  des  Barbares  eux-mêmes,  nous  trouvons  plus  d'un  point  sur 
lequel  l'inspection  de  leurs  tombeaux  n'a  pas  fourni  à  la  science  son  dernier 
mot.  Par  exemple,  la  place  précise  et  la  disposition  de  la  ceinture  présentent 
encore  bien  de  l'obscurité.  N'y  avait-il  qu'un  ceinturon  pour  soutenir  les 
nombreux  objets  qui  gisent  dans  le  bassin  des  squelettes?  L'existence  d'un 
baudrier  ne  pourrait-elle  pas  être  admise  ?  Les  deux  flbules  qui  se  rencon- 
trent d'ordinaire  à  la  hauteur  de  la  poitrine  n'auraient-elles  pas  servi  à 
attacher  deux  vêtements  superposés.!"  D'après  les  vestiges  de  tissus  qui 
adhèrent  aux  armes,  ne  peut-on  pas  se  faire  une  idée  du  costume  entier, 
ou  tout  au  moins  juger  de  l'industrie  qui  fournissait  aux  Barbares  leur 
habillement? 

Puisque  nous  en  sommes  aux  recommandations,  nous  nous  permettrons 
aussi  d'appeler  l'attention  de  M.  l'abbé  Cochet  sur  son  style.  Il  nous  paraît 
s'abandonner  trop  à  sa  facilité.  Il  écrit  d'abondance,  comme  il  parlerait, 
usant  le  plus  souvent  d'à  peu  près  pour  désigner  les  choses.  Qu'il  n'oublie 
pas  que  l'archéologie ,  comme  toutes  les  sciences ,  veut  être  démontrée 
dans  un  langage  précis.  Elle  n'admet  que  les  .dénominations  techniques  : 
les  équivalents,  si  pittoresques  qu'ils  soient,  ne  sauraient  y  être  de  saison 
lorsque  le  mot  propre  existe, 

J.  Q. 

MÉMOiBE  swr  Vancienne  lieue  gauloise,  par  M.  T.  Pistollet  de  Saint- 
Ferjeux.  Langres  et  Paris ,  1852,  56  p.  in-S". 

L'auteur  de  cette  brochure,  M.  Pistollet  de  Saint-Ferjeux,  ainsi  qu'il 
nous  le  raconte,  voulait,  il  y  a  quelques  années,  faire  une  carte  de  la 
province  Lingonnaise  pendant  l'époque  gallo-romaine.  Pour  arriver  à  ce 
résultat,  il  consulta  donc  les  deux  documents  géographiques  qui  sont  une 


184 

des  sources  les  plus  précieuses  pour  l'histoire  et  la  topographie  de  notre 
pays,  la  Table  Théodosienne  ou  de  Peutinger  et  l'Itinéraire  d' Antonio.  Il  ne 
trouva  sur  ces  tableaux  l'indication  que  de  quatre  routes  ayant  leur  point 
de  départ  à  Langres  :  1°  de  Langres  à  Chalon-sur-Saône ,  2"  de  Langres  à 
Besançon,  3°  de  Langres  à  Toul,  4°  de  Langres  à  Reims.  Ici  se  présentait 
une  difficulté.  Il  fallait  déterminer  exactement  la  distance  totale  et  inter- 
médiaire de  chacune  de  ces  voies.  Cette  distance  était,  il  est  vrai,  indiquée 
en  milles  romains,  mais  les  auteurs  diffèrent  entre  eux  sur  la  longueur  à 
donner  à  cette  mesure  rd'Anville  l'estime  à  756  toises  ou  1473  mètres, 
Gosselin  à  1483  mètres,  et  Walckenaer  à  1481  mètres.  M.  de  Saiiit-Ferjeux 
adopta  la  longueur  indiquée  par  Gosselin  et  se  mit  à  opérer  sur  la  carte  de 
Cassini.  Après  mainte  épreuve  souvent  répétée,  il  arriva  à  cette  conclusion 
peu  satisfaisante,  que  les  mesures  indiquées  étaient  beaucoup  plus  courtes 
que  la  distance  réelle.  D'Anville  avait  déjà  indiquée  cette  solution,  et 
Walckenaer,  dans  sa  Géographie  des  Gaules,  avait  proclamé  que  l'une  des 
plus  grandes  difficultés  de  l'étude  de  la  géographie  comparée  était  la  per- 
pétuelle confusion  des  diverses  mesures  itinéraires  dans  les  écrits  des  an- 
ciens. S'appuyant  sur  cette  déclaration  du  savant  secrétaire  de  l'Académie 
des  inscriptions  et  belles-lettres,  M,  de  Saint-Ferjeux  rechercha,  avec  une 
ferme  volonté  de  la  découvrir,  l'étendue  réelle  de  la  mesure  itinéraire  qui 
avait  servi  de  base  aux  calculs  de  la  Table  de  Théodose  et  de  l'Itinéraire 
d'Antonin.  Dans  ce  nouveau  travail,  l'auteur  fut  assez  heureux  pour  pou- 
voir trouver  un  terme  de  comparaison  dans  une  curieuse  inscription  dé- 
posée au  musée  d'Autun.  Cette  inscription ,  publiée  déjà  deux  fois ,  pré- 
sente une  double  mesure  itinéraire  :  l'une  qui  doit  représenter  la  lieue , 
l'autre  le  mille  romain.  Ce  précieux  renseignement  amena  M.  de  Saint- 
Ferjeux  à  reconnaître,  après  plusieurs  expériences,  que  la  lieue  gauloise 
était  de  2,415  mètres.  Ce  résultat  était  déjà  quelque  chose ,  puisqu'il  per- 
mettait désormais  de  trouver  exactement  la  situation ,  aujourd'hui  contes- 
tée, de  plusieurs  stations  romaines.  Restait  cependant  encore  un  point  à 
déterminer  :  dons  quelles  parties  de  la  Gaule  s'était-on  servi  de  cette  me- 
sure itinéraire  de  2,415  mètres?  Cette  mesure,  si  nous  en  croyons  les  cal- 
culs de  l'auteur ,  a  été  adoptée  pour  l'indication  de  toutes  les  stations 
situées  au  nord  de  Lyon,  aussi  bien  dans  l'ouest  que  dans  l'est  et  que  dans 
le  nord  de  la  Gaule,  au  delà  de  la  province  romaine.  A  côté  de  cette  lieue 
gauloise  existait  encore  un  mille  que  l'on  peut  appeler  également  gaulois, 
qui  représentait  les  deux  tiers  de  la  lieue,  soit  1,610  mètres.  Et  ce  mé- 
lange de  ces  deux  mesures  se  rencontre  souvent  sur  les  itinéraires;  ainsi  la 
route  de  Langres  à  Varcia ,  sur  la  voie  de  Langres  à  Besançon,  est  indi- 
qué en  milles  gaulois,  et  le  reste  du  chemin  est  marqué  en  lieues  gau- 
loises. Il  en  résulte  encore  que  la  lieue  qui  équivalait,  suivant  Ammien 
Marcellin  et  suivant  Jornandès,  à  un  mille  et  demi,  soit  1,500  pas,  était 
une  mesure  factice  établie  pour  concorder  avec  le  mille  romain,  de  même 


185 

que  de  nos  jours  on  a  fait  une  aune  métrique,  un  pied  métrique  qui  ne 
représentent  ni  l'aune  ni  le  pied  d'autrefois. 

Tel  est  le  résultat  des  recherches  que  M.  de  Saint-Ferjeux  expose  dans  sa 
l»rocliure  avec  une  grande  lucidité,  et  sur  lesquelles  il  appelle  Tattentiou  des 
archéologues  et  des  géographes  de  notre  pays. 

Sainte-Mabie  Mevil. 

Sua  LA  NAISSANCE  de  Charlemagne  à  Liège.  Recherches  historiques, 
par  Ferd.  Henaux.  Nouvelle  édition.  Liège,  Desoer,  1854.  55.  p.,  gr.  in-8». 

Le  lieu  de  naissance  de  Charlemagne  est  et  demeurera  probablement 
toujours  ignoré.  Les  arides  Annales  du  milieu  du  huitième  siècle  ne  men- 
tionnent même  pas  la  naissance  en  elle-même;  et  Eginhard,  qui,  en  indi- 
quant l'âge  de  l'enipereur  au  moment  de  sa  mort  (vita  Caroli,  c.  30)  a  per- 
mis de  fixer  à  742  l'année  de  sa  naissance,  passe  volontairement  sous 
silence  tout  ce  qui  a  rapport  à  la  première  partie  de  la  vie  de  son  héros, 
en  disant  (Vita  Caroli ,  c.  4)  :  «  De  cujus  nativitate  atque  infantia ,  vel 
etiam  pueritia,  quia  neque  scriptis  usquam  aliquid  declaratum  est,  neque 
quisquam  modo  superesse  invenitur,  qui  horum  se  dicat  habere  notitiam , 
scribere  ineptumjudicans,  ad  actus  et  mores  ceterasque  vitœ  illius  partes 
explicandas  ac  demonstrandas ,  omissis  incognitis ,  transire  disposui.  » 
Tout  au  plus  peut-on  conjecturer  qu'il  vit  le  jour  dans  le  pays  entre  Meuse 
et  Rhin  d'après  les  paroles  «  m  genitali  solo,  »  dont  se  sert  le  moine  de 
Saint-Gall  (1.  I,  c.  30)  lorsqu'il  raconte  l'érection  de  l'église  d'Aix-la-Cha- 
pelle. 

Les  grands  érudits  du  dix-septième  siècle,  Lecointe,  Mabillon  et  autres, 
étaient  déjà  arrivés  à  ce  résultat  négatif,  dont  l'histoire  peut  à  la  rigueur 
parfaitement  prendre  son  parti.  Mais  il  ne  fait  pas  l'affaire  des  localités 
jalouses  de  compter  le  restaurateur  de  l'empire  d'Occident  au  nombre  de 
leurs  citoyens.  L'une  d'elles,  qui  dès  le  moyen  âge  s'était  montrée  des  plus 
ardentes  à  revendiquer  le  berceau  du  grand  homme,  vient  tout  récemment 
de  raviver  le  procès.  Battue  sur  la  question  de  la  paternité  de  Pierre  l'Er- 
mite et  de  Godefroi  de  Bouillon,  la  ville  de  Liège  espère  se  dédommager 
largement  de  son  double  échec  par  l'acquisition  incontestée  de  Charle- 
magne, et  son  vaillant  champion  ,  M.  Ferdinand  Henaux  ,  se  flatte  d'avoir, 
cette  fois-ci ,  pour  de  bon,  démontré  au  profit  de  sa  vieille  patrie,  la  faus- 
seté de  ce  lieu  commun  (p.  19)  qu'on  appelle  l'incertitude  du  lieu  de  nais- 
sance de  Charlemagne. 

A  cet  effet ,  sans  s'arrêter  longtemps  aux  prétentions  rivales  de  Paris  et 
d'Ingelheim,  il  s'adresse  d'abord  aux  textes  directs.  11  éloigne  le  témoi- 
gnage d'Éginhard,  sous  prétexte  qu'en  paraissant  ignorer  le  lieu  de  nais- 
sance de  son  maître,  il  n'a  voulu  que  «  jeter  un  voile  sur  les  débuts  peu 
brillants  et  les  faits  peu  honorables  de  sa  jeunesse,  ainsi  que  sur  les  ori- 
gines peu  illustres  de  la  famille  royale,  famille  de  parvenus,  qui  n'aimait 
pas  la  grande  noblesse  et  que  la  grande  noblesse  n'aimait  pas  (p.  13).  »  Par 


186 

contre,  il  exalte  de  son  mieux  la  douteuse  autorité  du  moine  de  Saint-Gall, 
«  qui  était  encore  environné  de  toutes  les  preuves  vivantes  de  la  vérité  du 
fait  qu'il  rapportait  (p.  20),  »  et  dont  il  applique  hardiment  ïegenitale  solum 
non-senlement  au  pays  liégeois  en  général,  dont  Aix-ia-Cliapelle  faisait  par- 
tie, mais,  vu  l'absence  de  réclamations  de  la  part  des  savants  d'Aix,  à  la 
ville  de  Liège  elle-même. 

Viennent  ensuite  à  l'appui  de  cette  opinion,  les  preuves  traditionnelles 
et  les  preuves  d'induction.  D'une  part,  M.  Henaux  accumule  les  textes  et 
les  souvenirs  locaux  pour  prouver  le  fait  incontesté  de  l'origine  austrasienne 
des  Pépins,  et  tire,  de  l'existence  de  leurs  nombreuses  résidences  dans  le 
pays  liégeois,  la  conséquence  fort  hasardée,  que  tous,  et  par  conséquent 
Charlemagne  aussi ,  ont  dû  y  voir  le  jour.  D'autre  part,  appuyé  cette  fois-ci 
moins  sur  des  textes  carlovingiens  qui  ne  parlent  qu'en  général  de  nom- 
breux séjours  faits  à  Liège  par  Charlemagne ,  que  sur  des  chroniques  lié- 
geoises fort  récentes  qui  racontent  entre  autres  que  Charlemagne  a  déclaré 
les  Liégeois  les  plus  nobles  citoyens  de  ses  États  (p.  41),  et  qu'il  leur  a 
donné  une  bannière  magnifique  de  satin  blanc  qui  existait  encore  en  1660 
(p.  42),  il  prétend  constater  dans  tous  ces  faits  l'attachement  filial  de 
l'homme  de  cœur  au  sol  qui  l'a  vu  naître,  et  par  suite  la  nécessité  de  la 
naissance  de  Charlemagne  dans  le  pays  liégeois. 

Allant  plus  loin  encore,  M.  Henaux  fixe  la  naissance  à  Liège  même. 
A  cet  effet,  il  procède  par  exclusion  à  l'endroit  des  autres  résidences  car- 
lovingiennes  de  la  contrée,  met,  par  exemple,  Herstal  hors  de  concours, 
parce  que  c'était  «  un  manoir  sombre  et  antique  que  pouvaient  chérir 
l'homme  d'armes  et  le  chasseur,  mais  non  une  femme  jeune,  pieuse, 
aimant  à  être  entourée  de  ses  proches  (p.  45),  »  et  arrive  ainsi  enfin  à  la 
conclusion  tant  désirée,  que  le  berceau  du  grand  empereur  n'a  pu  être 
que  dans  la  vieille  cité  de  Liège,  dans  le  palais  bâti  par  son  aïeul  Charles 
Martel  ! 

D'autres  d'ailleurs,  pense- t-il,  avaient,  avant  lui,  raisonné  de  même;  et 
ici  je  vais  citer  textuellement,  pour  donner  en  même  temps  une  idée  du 
style  fortement  coloré  de  M.  Henaux  :  c'est  la  conclusion  de  son  Mémoire 
(p.  53-55).  «  Dans  les  vieux  écrits  sont  certainement  enfouis  bien  des  faits, 
insignifiants  en  apparence,  qui  justifieraient  et  compléteraient  nos  tradi- 
tions. Le  hasard  nous  en  a  mis  un  sous  les  yeux.  C'est  un  diplôme  fabriqué  en 
France,  avant  le  onzième  siècle,  par  des  moines  de  l'abbaye  de  Saint- 
Remy,  à  Reims.  Ils  le  font  émaner  de  Charlemagne,.qui  l'aurait  signé  le 
mardi  6  juillet  812,  et  ils  s'y  confirment  hardiment,  en  son  nom,  leurs 
privilèges,  leurs  prérogatives,  leurs  revenus,  ainsi  que  les  prodiges  de 
leurs  reliques.  D'où  croit-on  que  ces  pieux  faussaires ,  pour  imprimer  à 
leur  acte  apocryphe  le  plus  grand  cachet  d'authenticité,  vont  dater  leur 
bonne  et  précieuse  charte  ?...  Du  palais  d'Aix  ?  non  ;  du  palais  de  Herstal  ? 
non;  de  celui  de  Jupille.?  non...  Ils  la  datent  de  Liège!  Mensonge 
frappant!  Ces  moines  savent  que  l'empereur  est  vieux,  souffrant,  et  c'est 


187 

à  Liège,  dans  sa  ville  chérie,  dans  son  lieu  natal ,  dans  son  palais,  qu'ils 
supposent  que  le  grand  roi  doi.t  être  alité,  qu'il  doit  mourir!  Curieux  res- 
souvenir, assurément  !  » 

Tout  cela ,  disons-le  franchement ,  peut  être  très-honorable  comme  pa- 
triotisme ,  mais  n'est  guère  sérieux  comme  science.  On  ne  fait  pas  de  l'éru- 
dition avec  le  sentiment,  et  c'est  rejeter  la  critique  historique  de  quelques 
siècles  en  arrière  que  de  la  mettre  au  service  des  prétentions  de  clocher.  J^ 
ne  demande  pas  mieux,  pour  ma  part,  que  d'admettre  la  possibilité  que 
Charlemagne  soit  né  à  Liège  :  je  dirai  même  qu'il  y  a  peut-être  un  peu  plus 
de  probabilité  en  faveur  du  pays  liégeois  qu'en  faveur  de  toute  autre  con- 
trée de  l'empire  carlovingien ,  comme  patrie  de  l'empereur;  mais  admettre 
comme  des  faits  avérés  les  conclusions  de  M.  Henaux ,  cela  m'est  complè- 
tement impossible.  Je  ne  lui  demande  pas,  comme  il  paraît  plaisamment  le 
craindre  (p.  vi),  la  reproduction  d'un  extrait  de  naissance,  mais  je  lui  de- 
mande mieux  que  des  traditions,  quelque  vivantes  qu'elles  soient  encore 
dans  le  pays,  ou  des  chroniques  écrites  cinq  ou  six  cents  ans  après  la  mort 
de  Charlemagne.  D'ici  là,  je  m'en  tiendrai  au  mot  d'Éginhard  :  «  De  cuius 
nativitate  scribereineptumjudicans,  »  et  je  me  résignerai  à  ignorer  où 
au  juste  a  été  placé  le  berceau  impérial.  Il  y  a  tant  de  choses,  hélas  !  plus 
importantes  que  nous  ignorons! 

Deux  mots  encore.  Si  le  travail  de  M.  Henaux  trahit  une  inexpérience 
critique  regrettable,  il  témoigne  en  faveur  de  son  zèle  et  de  sa  conscience 
historique.  Je  me  fais  par  conséquent  un  devoir  de  lui  signaler  quelques 
inadvertances,  qu'il  pourra  corriger  dans  une  troisième  édition ,  si  le  pa- 
triotisme liégeois  la  rend  nécessaire.  Il  est  au  moins  imprudent  de  faire 
d'Éginhard  le  gendre  de  Charlemagne  (p.  11,  12, 14).  Il  est  complètement 
faux,  comme  on  peut  facilement  s'en  convaincre  par  la  Vita  Caroli,  c.  25, 
29,  que  le  roman  fût  la  langue  maternelle  de  Charles  (p.  25).  A  la  p.  37, 
M.  Henaux  confond  Charlemagne  avec  Charles  le  Simple ,  et  à  la  p.  47  il 
traduit  m'cM5;?M6/îCMS  par  ville  libre,  au  lieu  de  le  rendre  par  fisc  royal. 
Enfin  il  a  grand  tort  de  traiter  si  fièrement  (p.  24)  de  légende  dorée  la 
chronique  liégeoise  de  Harigère  et  d'Anselme,  qui  a  bien  plus  de  valeur  que 
toutes  les  compilations  postérieures  qu'il  affectionne  tant  et  qui  l'ont  tant 
induit  en  erreur. 

A.  H. 

ADAM ,  drame  anglo-normand  du  douzième  siècle,  publié,  pour  la  pre- 
mière/ois, d'après  un  manuscrit  de  la  bibliothèque  de  Tours,  par 
Victor  Luzarche.  Tours,  imprimerie  de  J.  Bouserez,  1854.   Se  trouve 
chez  Potier,  libraire,  quai  Malaquais,  n"  9,  à  Paris. 
Parmi  les  origines  de  notre  littérature  moderne,  celles  du  théâtre  sont 
assurément  les  moins  connues ,  et  tandis  qu'on  peut  citer  des  poèmes  du 
onzième  siècle,  c'est-à-dire  de  l'époque  même  oij  s'est  formée  la  langue 
française,  on  fixe  généralement  au  treizième  siècle  les  premiers  bégaie- 


188 

ments  de  notre  muse  dramatique.  La  découverte  du  mystère  à! Adam  est 
donc,  à  tous  égards,  une  découverte  importante,  car  elle  vient  combler 
une  lacune  considérable  dans  l'histoire  du  théâtre,  et  montrer  que  chez  nos 
pères  la  poésie  dramatique  ne  fut  guère  en  retard  sur  les  autres  formes 
de  l'art.  On  pouvait  déjà  le  supposer  par  la  netteté  et  la  vivacité  de 
dialogue  qu'on  remarque  dans  certaines  parties  de  leurs  poèmes;  mais  en 
voilà  une  preuve  décisive  et,  devant  laquelle  les  plus  incrédules  devront 
s'incliner. 

Le  drame  d'Jdam  peut  être  considéré  comme  une  sorte  de  trilogie ,  et 
offre  trois  parties  bien  distinctes.  La  première  est  la  chute  de  l'homme  ou 
le  premier  péché;  la  seconde,  la  mort  d'Abel  ou  les  suites  de  ce  péché;  la 
troisième,  enfin,  est  une  exhibition  des  prophètes  annonçant  la  venue  du 
Sauveur  du  monde,  de  celui  qui  doit  réparer  le  mal  causé  par  la  détestable 
ruse  du  serpent  et  la  faiblesse  d'Adam  et  d'Eve.  Dans  notre  mystère,  à  peu 
près  comme  dans  la  tragédie  grecque,  le  chœur  chante  à  des  intervalles  iné- 
gaux des  versets  de  l'Écriture,  analogues  aux  différentes  circonstances  re- 
présentées sur  la  scène,  et  une  sorte  de  sermon  sur  la  nécessité  de  la  pé- 
nitence forme  l'épilogue  du  poème.  Les  caractères  sont  assez  bien  dessi- 
nés, le  style  est  en  général  net  et  franc,  et  certains  passages ,  notamment 
dans  la  mort  d'Abel,  offrent  de  véritables  qualités  de  dialogue. 

Voilà  bien  le  drame  hiératique ,  tel  qu'il  devait  sortir  des  cérémonies 
chrétiennes,  de  même  que  le  drame  antique  avait  pris  naissance  dans  les 
mystères  d'Eleusis;  et  certes  M.  Luzarche  n'eût-il  fait  que  nous  donner  ce 
plus  ancien  monument  de  la  verve  dramatique  de  nos  pères,  que  déjà  sa 
place  serait  marquée  parmi  les  plus  heureux  fouilleurs  du  moyen  âge  ; 
mais  sa  découverte  a  bien  un  autre  prix.  Chaque  acte  du  drame  est  accom- 
pagné de  détails  sur  la  mise  en  scène ,  qui  nous  font  comme  assister  à  la 
représentation  de  l'œuvre,  et  tout  au  commencement ,  on  lit,  sous  le  titre 
d'Ordo  representationis  Âdas,  une  instruction  générale,  non-seulement 
sur  les  décorations  qui  doivent  orner  le  théâtre  et  sur  le  costume  de  cha- 
que personnage,  mais  encore  sur  le  maintien  et  le  geste  des  acteurs,  et  la 
manière  dont  ils  doivent  déclamer  leur  rôle.  La  première  scène  s'ouvre 
dans  le  paradis  terrestre,  placé  sur  une  éminence,  et  représenté  par  un 
jardin  orné  de  fleurs  odoriférantes  et  d'arbres  chargés  de  fruits.  Le  théâtre 
devait  être  placé  tout  près  du  principal  porche  ou  de  l'une  des  portes  laté- 
rales d'une  église,  puisque  la  mise  en  scène  indique  à  un  certain  moment 
que  le  personnage  chargé  de  représenter  Dieu  se  retire  dans  l'église  : 
Tune  vadat  figura  ad  ecclesiam.  Les  spectateurs  étaient  rangés  sur  la 
place  adjacente  à  l'église,  et  fort  près  des  acteurs,  à  ce  qu'il  semble;  car  on 
voit  les  démons  faire  de  temps  à  autre  des  sorties  au  milieu  de  la  foule. 

Ces  curieux  détails  et  bien  d'autres  que  nous  négligeons,  et  qui  se  trou- 
vent pour  la  première  fois  dans  un  monument  de  cet  âge  reculé,  viendront 
compléter  et  même  modifier  Ifs  idées  qu'on  avait  jusqu'à  ce  jour  sur  la 
mise  en  scène  au  moyen  âge,  et  rendront  nécessaire  une  refonte  des  pre- 


189 

inieis  chapitres  du  volume  ingénieux  que  nous  a  donné  M.  Morice,  sous 
le  titre  d'Histoire  de  la  mise  en  scène,  depuis  les  mystères  jusqu'au  Cid. 

Nous  le  répétons  donc,  la  découverte  du  drame  à' Adam  est  une  heu- 
reuse rencontre  ;  mais  ces  bonheurs-là  n'arrivent  qu'à  ceux  qui  les  cher- 
chent et  qui  en  sont  dignes.  Or,  M.  Luzarche  méritait  cette  bonne  fortune, 
puisque,  non  content  d'étudier  consciencieusement  le  texte  trouvé  par  lui, 
il  en  a  encore  fait  à  ses  frais  une  belle  et  bonne  publication,  dans  laquelle 
les  difficultés,  toujours  assez  nombreuses  dans  un  document  de  cet  âge,  ont 
été  très-habilement  surmontées.  Le  drame  est  précédé  d'une  introduction, 
qui,  outre  l'analyse  détaillée  d'Adam,  contient  encore  une  intéresssante 
notice  sur  le  curieux  volume  dans  lequel  a  été  faite  cette  précieuse  décou- 
verte. Ce  manuscrit,  méconnu  par  les  bénédictins  de  Marmoutier,  qui 
l'avaient  acheté  en  1716  à  Toulouse,  de  la  famille  Lesdiguières ,  et  le  dé- 
signaient sur  leur  catalogue  par  le  titre  de  Livre  de  prières ,  était  ou- 
blié depuis  plus  de  soixante  ans  sur  les  tablettes  de  la  bibliothèque  de 
Tours,  lorsque  l'œil  exercé  de  M.  Luzarche  est  venu  reconnaître  son  im- 
portance sous  le  titre  banal  qui  l'avait  jusque-là  fait  négliger  par  les  cher- 
cheurs. 

Le  volume  est  écrit  sur  papier  de  coton ,  qui  nous  vient  des  Orientaux, 
et  dont  Montfaucon  fait  remonter  l'introduction  en  Occident  au  dixième 
siècle.  M.  Luzarche  pense  que  ce  manuscrit  a  été  écrit  à  deux  époques  dif- 
férentes, et  nous  le  croyons  comme  lui  ;  seulement  nous  aurions  souhaité 
que  l'habile  éditeur  indiquât  avec  plus  de  précision  l'âge  de  la  partie  qui 
renferme  VAdam,  et  qu'au  lieu  de  l'attribuer  un  peu  vaguement  à  la  se- 
conde moitié  du  douzième  siècle,  il  en  eût  fixé  l'époque  tout  à  fait  aux 
dernières  années  de  ce  siècle.  Nous  avons  pu  examiner  le  manuscrit  même 
qui  a  servi  à  l'édition,  et  l'écriture  nous  a  semblé  une  minuscule  gothique, 
appartenant  encore,  il  est  vrai,  à  l'époque  de  transition,  mais  dans  laquelle 
les  formes  caractéristiques  sont  déjà  parfaitement  accusées.  Ainsi  Vm  et  Vn 
ont  le  haut  de  leurs  jambages  incliné  à  gauche  ,  et  la  partie  inférieure  de 
ces  mêmes  jambages  offre  un  petit  crochet  dirigé  vers  la  droite  ;  dans  l'a, 
la  haste  dépasse  la  panse ,  et  sa  partie  supérieure  se  recourbe  vers  la  gau- 
che ;  dans  le  t,  la  haste  souvent  ne  dépasse  pas  la  traverse,  et  cette  tra- 
verse, très-courte  à  gauche,  s'allonge  à  droite;  dans  le  c,  le  crochet  s'al- 
longe aussi  à  droite  et  donne  à  cette  lettre  une  grande  ressemblance  avec 
le  t:  enfin,  l'S  majuscule,  qui  est  assez  rare  à  la  fin  des  mots  dans  les  pre- 
mières pages  du  texte,  devient  plus  fréquente  dans  les  suivantes ,  et  elle 
forme,  comme  on  sait,  un  des  caractères  de  la  minuscule  gothique.  Du 
reste ,  en  supposant  qu'ici  l'erreur  ne  soit  pas  de  notre  côté,  il  est  certain 
que  cette  différence  de  quelques  dizaines  d'années  n'enlèverait  rien  à  l'im- 
portance et  à  l'intérêt  du  monument  littéraire  si  bien  publié  par  M.  Lu- 
zarche ,  car  la  langue  du  drame,  malgré  sa  maturité  précoce ,  et  un  peu 
même  à  cause  de  cela,  nous  paraît  appartenir  au  milieu  du  douzième  siècle. 

Le  mystère  d'Adam  est  accompagné  d'un  glossaire  consciencieux,  dans 


190 

lequel  M.  Luzarohe,  tout  en  ne  s'arrêtant  point  à  chaque  mot,  n'a  laissé 
sans  interprétation  ou  explication  plausible  aucun  des  termes  vraiment  dif- 
ciles  du  texte  qu'il  publiait.  C.  G. 

TEkniTioms  populaires ,  croyances  superstitieuses,  usages  et  coutu- 
mes de  C  ancienne  Lorraine,  recueillis  par  M.  Richard,  bibliothécaire  de  la 
ville  de  Remiremont.  2*  édition.  Remiremont,  1848,  in-t8.  —  Notes  his- 
toriques relatives  aux  anciennes  fortifications,  à  la  défense  et  aux  dif- 
férents sièges  subis  par  la  ville  de  Remiremont;  par  le  même.  Nancy, 
impr.  de  Lepage,  in-8  de  35  pag.  avec  une  planche. 

Des  ouvrages  nombreux  dans  toutes  les  parties  de  la  France  ont  été  ré- 
digés sur  les  traditions  et  les  usages  populaires  de  nos  diverses  provinces, 
et  l'on  ne  peut  nier  que  ces  recueils  n'aient  fourni  quelques  notions  utiles. 
Mais  on  regrette  de  ne  trouver,  dans  la  plupart  d'entre  eux,  ni  un  point  de 
vue  élevé  ,  ni  une  critique  sévère,  ni  des  connaissances  suffisamment  éten- 
dues. Ils  ^fatiguent  trop  souvent  les  esprits  sérieux  en  racontant  par  les 
éternelles  péripéties  des  aventures  de  lutins  et  de  sorciers,  de  sorte  que 
nous  en  sommes  encore  à  envier  à  l'Allemagne  les  frères  Grimm. 

L'ouvrage  de  M.  Richard  transporte  le  lecteur  dans  l'ancienne  Lorraine  : 
il  lui  en  montre  les  habitants  dans  tous  les  actes  importants  de  la  vie;  il 
le  conduit  au  sein  des  veillées  nocturnes;  il  lui  fait  entendre  les  contes  et 
les  chansons  des  paysans.  Son  livre  n'est  point  une  oeuvre  d'érudition  ni 
d'imagination  ;  mais  il  rappelle,  d'une  manière  heureuse,  des  institutions , 
des  usages,  des  souvenirs  dont  l'intérêt  ne  se  perdra  pas  de  longtemps ,  et 
il  a  reçu  du  public  un  accueil  assez  favorable  pour  qu'il  ait  fallu  le  réim- 
primer. 

Il  se  compose  de  deux  parties  :  la  première,  sous  le  titre  de  Légendes, 
traditions  et  contes  populaires,  contient  des  récits  extraits,  les  uns  des 
chroniques  de  Richer,  moine  de  Sénones,  des  légendes  de  saint  Nicolas,  des 
histoires  de  Jeanne  d'Are,  de  manuscrits  anciens  de  la  bibliothèque  de  Re- 
miremont, du  Traité  des  apparitions  (ïe.  D.  Calmet,  etc.;  les  autres  ont  été 
arrangés  avec  quelques  prétentions  au  beau  style  par  l'auteur  lui-même. 

La  deuxième  partie  est  intitulée  :  Croyances  superstitieuses,  préjugés, 
usages  et  coutumes.  Les  faits  qui  s'y  trouvent  recueillis  sont  rangés  sous 
forme  de  dictionnaire.  On  peut  y  noter  entre  autres,  comme  dignes  d'atten- 
tion :  l'article  relatif  aux  décès  et  aux  funérailles,  où  l'on  voit  que  les  mères 
placent  encore  aujourd'hui  dans  la  bouche  de  leurs  enfants  morts  l'antique 
obole  du  nocher  Caron;  —  l'article  Fées; —  l'article  Kyriolés ,  où  figure, 
à  la  suite  de  la  description  d'une  fête  singulière  qui  se  célébrait  jadis  à 
Remiremont  le  lendemain  de  la  Pentecôte,  le  compte  d'un  repas  municipal 
ordonné  pour  cette  fête  en  1587;  —  des  détails  sur  les  Lours  ou  Loures, 
assemblées  d'hommes  et  de  [femmes  tenues  le  soir ,  et  la  reproduction  de 
quelques  vers  qu'on  chante  dans  ces  réunions  ;  les  articles  Mariages  et 
naissances,  avec  des  chants  populaires;  —  des  détails  sur  la  Roue  flam- 


191 

boyante,  reste  du  culte  lid  soleil,  cousistaiit  en  une  roue  entourée  de  paille, 
qu'on  allume  et  qu'on  lance  du  haut  d'une  montagne. 

Le  secoud  écrit  de  M.  Richard  est  une  histoire  militaire  de  Remiremont, 
depuis  l'an  1210,  date  de  la  première  mention  des  fortifications  de  cette 
ville,  jusqu'à  l'an  1727.  L'auteur  a  extrait  les  renseignements  curieux  dont 
il  s'est  servi  pour  son  travail  du  Mémorial  ou  livre  des  comptes  des  grands 
échevins  de  Remiremont,  qui  a  été  rédigé  au  seizième  siècle,  et  qui  existe 
à  la  bibliothèque  de  la  ville,  et  de  plusieurs  autres  documents  manuscrits. 
Le  mémoire  se  termine  par  des  pièces  inédites  du  seizième  siècle  et  par  des 
notes  intéressantes.  F.  Boubquelot. 


HiSTOiBE  de  Beaune ,  depuis  les  temps  les  plus  reculés  jusqu^à  nos 
jours,  pat  M.  Rossignol,  conservateur  des  archives  du  département  de  la 
Côte-d'Or,  etc.  Beaune,  1854,  1  gros  vol.  in-8  de  plus  de  530  pages,  avec 
figures. 

L'histoire  de  la  ville  de  Beaune  est  fort  importante.  Par  sa  position,  son 
ancienneté,  le  rôle  qu'elle  a  joué  pendant  le  moyen  ûge  et  l'importance  de 
son  commerce,  cette  cité  méritait  une  place  à  part  dans  les  monographies 
des  villes  de  Bourgogne.  M.  Rossignol  s'est  chargé  de  l'entreprendre;  il 
avait  à  sa  disposition  les  collections  particulières  et  les  archives  départe- 
mentales, et  une  parfaite  connaissance  des  localités  :  comme  on  le  voit,  si , 
pour  faire  une  bonne  histoire,  il  suffisait  d'avoir  sous  sa  main  tous  les  ma- 
tériaux nécessaires,  l'ouvrage  de  M.  Rossignol  devrait  être  parfait.  Nous 
croyons  cependant  qu'il  pourrait  être  meilleur  ;  il  pèche  surtout  du  côté 
de  la  méthode  et  de  la  clarté.  L'histoire  de  Beaune  est  divisée  par  siècles: 
cette  division  est  assez  bonne;  mais  nous  aurions  désiré  un  peu  plus  de 
suite  dans  la  manière  dont  nous  sont  présentées  les  transformations  suc- 
cessives des  institutions  et  des  monuments. 

Il  y  a  un  peu  de  tout  dans  le  livre  de  M.  Rossignol  :  des  anecdotes,  de 
l'histoire  locale,  des  transcriptions  de  chartes  et  des  digressions  plus  ou 
moins  philosophiques.  Nous  croyons  qu'il  aurait  gagné  à  être  un  peu  ré- 
duit. A  part  cela,  il  y  a  dans  V Histoire  de  Beaune  des  faits  curieux ,  des 
renseignements  précieux  ;  ce  qui,  du  reste,  ne  pouvait  guère  manquer  de 
la  part  d'un  homme  qui ,  comme  M.  Rossignol ,  avait  à  sa  disposition  de 
nombreux  documents. 

L'auteur  s'est  particulièrement  attaché  à  se  rendre  intéressant  pour  les 
habitants  de  la  ville  de  Beaune.  Il  n'a  pas  voulu,  dit-il,  faire  un  livre  trop 
savant ,  désirant  seulement  guider  ses  concitoyens  dans  la  connaissance  de 
leur  histoire  locale,  tout  en  leur  procurant  une  heure  de  distraction.  Pour 
atteindre  son  but,  M.  Rossignol  a  intercalé  dans  son  volume  un  grand 
nombre  de  figures  qui,  nous  l'avouons,  ne  sont  pas  irréprochables  sous  le 
rapport  de  l'exécution.  Em.  Mab. 


192 

MÉ&ioiBKS  de  la  Société  des  antiquaires  de  l'Ouest.  Année  1853.  — 
Poitiers,  1854.  Ia-8°,  avec  planches. 

—  P  47.  Étude  sur  une  flgurine  en  or  d'Angerone ,  déesse  du  Silence, 
par  M.  Charles  Calmeil. 

—  p.  63.  Notice  descriptive  sur  le  portail  de  l'église  de  Saint-Hilaire  de 
Foussay  (Vendée),  par  M.  de  Longuemar. 

—  P.  89.  Notice  sur  le  monastère  de  Montazai,  de  l'ordre  de  Fonte- 
vraud ,  par  M.  Faye.  —  A  la  fin,  se  trouve  le  texte  :  \°  D'un  jugement 
rendu  par  Guillaume  II,  évêque  de  Poitiers,  entre  les  abbayes  de  Fonte- 
vraud  et  de  Charroux;  2°  de  26  Notices,  de  la  première  moitié  du  dou- 
zième siècle,  copiées  sur  deux  feuillets  de  parchemin,  conservés  aux  ar- 
chives de  Maine-et-Loire.  Nous  ne  pouvons  approuver  le  système  adopté 
par  l'éditeur,  qui ,  en  voulant  suivre  rigoureusement  la  ponctuation  du 
manuscrit,  a  donné  un  texte  que  la  plupart  des  lecteurs  ne  sauront  com- 
prendre. 

—  P.  129.  Notice  sur  le  château  et  les  seigneurs  de  Marmande  (Vienne), 
par  M.  d'Argenson. 

—  P.  147.  Inauguration  des  foires  et  marchés  de  Beaumont,  près  Poi- 
tiers, par  M.  Rédet. 

—  P.  165.  Notice  sur  les  seigneurs  de  Chatel-Aillon  et  de  Rochefort, 
par  M.  l'abbé  Cholet. 

—  P.  189.  Nouvelles  recherches  sur  l'ancienne  maison  de  Chatel-Aillon, 
en  Aunis,  par  M.  Faye.  —  A  la  fin  de  ce  Mémoire,  on  trouve  trois  char- 
tes de  l'abbaye  de  Saint-Maixent,  remontant  au  onzième  et  au  douzième 
siècle. 

—  P.  249.  François  de  Nuchèze,  vice-amiral  intendant  général  de  la 
marine  de  France;  sa  correspondance  avec  Louis  XIV,  Colbert,  etc.,  par 
Ch.  de  Chergé. 

La  cathédbale  d'Aoste,  par  M.  Ferdinand  de  Lasteyrie.  Brochure 
in-80  de  54  p.— Paris,  Didron  1854, 

Cet  opuscule  ouvre  une  série  d'études  archéologiques  que  M.  de  Lasteyrie 
se  propose  de  publier  sur  les  églises  des  Alpes.  Il  commence  par  celle 
d'Aoste,  l'une  des  moins  connues,  quoiqu'elle  se  trouve  sur  l'une  des 
grandes  route  de  l'Italie  ;  on  passe  dans  la  ville  sans  aller  la  voir,  parce 
que  le  temps  dont  on  dispose,  on  le  consacre  à  l'art  d'Auguste.  C'est  le 
sort  de  tous  les  édifices  du  moyen  âge  dans  le  voisinage  desquels  se  sont 
conservés  des  monuments  romains. 

La  cathédrale  d'Aoste  est  une  construction  de  peu  d'importance,  en  par- 
tie du  treizième  siècle,  en  partie  du  quatorzième;  mais  elle  possède  une 
crypte  de  la  plus  haute  antiquité  et  divers  accessoires  qui,  d'après  les  des- 
criptions qu'en  donne  M.  de  Lasteyrie,  mériteraient  d'être  dessinés  et  ré- 
pandus dans  le  public. 

La  plus  curieuse  de  ces  pièces  est  une  mosaïque  d'un  caractère  tout  ro- 


193 

main  qui  décore  leparenieutdii  cliœur.  Klle  représente  le  monde  figuré  par 
la  réunion  de  divers  personnages  allégoriques,  sous  lesquels,  pour  faciliter 
l'intelligence  du  sujet,  on  a  eu  soin  de  placer  leurs  noms  :  yïnnus,  Soly 
Luna,  Elepkantis,  Gumera,  Tigrls,  Euphrates,  Fision,  don.  M.  de  Las- 
teyrie  a  donné  l'explication  la  plus  satisfaisante  de  tous  ces  personnages. 
Plus  loin  il  décrit  un  diptyque  du  consulat  de  Probus,  par  conséquent  de 
l'an  406,  qui  se  trouve  être,  par  sa  date,  le  plus  ancien  qu'on  ait  signalé  jus- 
qu'ici. En  partant  de  l'hypothèse  très-admissible  que  ce  dyptique  est  un 
hommage  de  Probus  lui-même  à  l'église  d'Aoste,  l'auteur  trouve  un  argu- 
ment nouveau  pour  confirmer  l'opinion  qui  fait  remonter  jusqu'au  qua- 
trième siècle  la  fondation  de  cette  église. 

Les  Etudes  sur  la  cathédi-ale  d'Aoste  nous  font  encore  connaître  une  ma- 
gnifique châsse  d'argent  exécutée  vers  1400,  pour  les  reliques  de  saint  Grat, 
apôtre  de  la  localité;  divers  objets  d'ornement,  conservés  dans  le  trésor  de 
l'église,  enfin  une  série  très-remarquable  de  tombeaux,  à  la  tête  desquels 
se  place  celui  d'un  comte  de  Savoie  sans  épitaphe ,  que  Guichenon  attri- 
buait à  Thomas  I,  que  M.  de  Lasteyrie  croit  être  plutôt  de  Thomas  II , 
d'après  le  costume.  Le  doute  est  permis ,  ces  deux  princes  ayant  reçu  la 
sépulture  dans  l'église  d'Aoste;  mais  nous  ne  croyons  pas  que  l'habillement 
du  personnage  puisse  servir  à  constater  son  identité.  Thomas  I  mourut  en 
1232,  et  Thomas  II  en  1269.  Or  l'armure  que  décrit  M.  de  Lasteyrie  est 
bien  plutôt  du  quatorzième  siècle  que  du  treizième;  d'ailleurs  la  statue 
a  les  pieds  posés  sur  un  lion  qui  porte  à  son  cou  le  collier  de  l'Annonciade 
et  la  fameuse  devise  Fert  de  la  maison  de  Savoie,  emblèmes  dont  les  analo- 
gues ne  se  trouvent  pas  sur  les  monuments  avant  1350.  Nous  croirions 
assez,  d'après  cela,  que  le  tombeau  d'Aoste  est  un  monument  refait,  comme 
le  sont  les  tombeaux  de  la  plupart  de  nos  rois  à  Saint-Denis. 

Nous  soumettons  ces  doutes  à  la  critique  de  M.  de  Lasteyrie,  en  lui  ex- 
primant l'impatience  véritable  avec  laquelle  nous  attendons  la  suite  de  ses 
études.  A  en  juger  par  celle-ci ,  elles  ajouteront  au  répertoire  de  la  science 
une  foule  d'observations  curieuses  et  bien  faites. 

J.  Q. 

LIVRES  NOUVEAUX. 

Septembre  —  Octobre  1854. 

64.  Vergleichungstabellen.— Tables  de  comparaison  entre  la  chronologie 
mahométane  et  la  chronologie  chrétienne,  calculées  et  publiées  par  ordre 
de  la  société  orientale  allemande;  par  M.  Fd.  Wiistenfeld.  Leipzig, 
Brockhaus.  57  p.  in-4'».  (2  fr.  65  o.) 

65.  Siegel.  —  Sceaux  du  moyen  âge  de  Pologne,  Lithuanie,  Silésie, 
Poméranie  et  Prusse;  par  Vossberg.  Avec  25  tabl.  Berlin.  52  p.  gr.  in-4". 
(26  fr.  65  c.) 

I.  {Qualrième  série.)  13 


194 

€6.  Die  Frauen.  —  Les  femmes.  Leur  état  et  leur  influence  dans  les 
•liverses  zones  et  les  différents  temps  ;  par  G.  Klentim.  T.  I•^  Dresde, 
Arnold.  417  p.  in-S.  (8  fr.) 

67.  Le  duel  depuis  les  temps  les  plus  reculés  jusqu'à  nos  jours  ;  par 
Théodore-Auguste  Mendez.  2e  édition.  In-S" de  19  feuilles  3/4.  —  A  Paris, 
chez  Appert  et  Vavasseur. 

68.  Die  Mythologie.  —  La  mythologie  des  Asiates ,  des  Égyptiens ,  des 
Grecs,  des  Romains,  des  Germains  et  des  Slaves;  par  K.  Schwenck. 
T.  VII  et  dernier.  Les  Slaves.  Francfort,  Sauerlaender.  482  p.  gr,  in-S». 
(Il  fr.  50  c.) 

L'ouvrage  complet,  59  fr. 

69.  Nouvelle  encyclopédie  théologique,  ou  Nouvelle  série  de  diction- 
naires sur  toutes  les  parties  de  la  science  religieuse,  etc.;  publiée  par 
M.  l'abbé  Migne. 

Tomes  XI  et  XII.  Dictionnaire  d'archéologie  sacrée,  avec  la  Bibliographie  archéolo- 
gique. Deux  volumes  in-8°,  ensemble  de  77  feuilles.  Prix  des  2  volumes  :  16  fr. 
Tome  XLIX.  Dictionnaire  de  l'art  de  vérifier  les  dates.  36  feuilles  1/4.  7  fr. 

70.  Patrologiae  cursus  completus,  sive  Bibliotheca  universalis,  etc.  Séries 
secunda,  accurante  J.  B.  Migne. 

Patrologiae  tomus  CLI.  B.  Urbanus  H ,  papa.  Sœculi  XI  auctores  incerti  anni  et 
scripta...  Monumenta  liturgica.  Mouumenta  diplomatica.  Ad  sœculalX  et  X  appen- 
dices. Tomus  unions.  Iu-8°  de  46  feuilles  3/4.  Prix  :  7  (r. 

Tomi  CLII  et  CLIII.  S.  Brunouis  Carlliusianorum  institutoris  necnon  ejusdem  ssc- 
culi  prœcipuorum  Carthusiensium  patrum  opéra  omnia  ex  variis  et  melioris  uoUe 
editiouibus  nunc  primum  in  unum  collecla.  Deux  volumes  in-8°,  ensemble  de  106 
feuilles  1/4.  —  14  fr. 

Tomus  CLV.  Godefridus  Bullionus  Hierosol.  rex  ,  Radulphus  Ardens.,  Lupus  Pro- 
tospat.,  Anselmus  Mediol.,  Bernardus  Tolet.,  archiepiscopi.  Thomas  Eborac,  Albe- 
ricus  Ostien,,  Amatus  Burdegal.,  Poppo  Meten.,  episcopi,  etc.  Tomus  unicus. 
in-8'  de  50  feuilles.  —  10  fr. 

Tomus  CLVlLGoffridus  abb.  Vindocin.,  Thiofridusabb.  Eflernac.,Petrus  Alphonsi. 
Wernerus  abb.  S.  Blasii.,  Hugo  Lugdun.,  Adelgorius  Magdeburg.,  archiepp.,  etc. 
Tom.  unicus.  In-8°  de  4t  feuilles —  7  fr. 

Tomi  CLV  III  et  CLIX.  S.  Anselmus  ex  Beccensi  abbate  Cantuariensis  archiepiscopus, 
Eadmerus  monachus  Cantuariensis,  Gundulfus  Roffensis  episcopus,  etc.  Deux  volumes 
in-S",  ensemble  de  76  feuilles  1/2.  —  14  fr. 

Impr.  de  Migne,  au  Pelit-Montrouge.  —  Au  Petit-Montrouge,  rue  d'Amboise,  près  la 
barrière  d'Enfer. 

71.  Le  concile  d'Agde  en  506  ;  par  Eugène  Thomas.  In-4°  de  5  f«uillesl/2. 
Imprim.  de  ftlartel  aîné,  à  Montpellier. 

Extrait  des  Mémoires  de  la  Société  archéologique  de  Montpellier. 

72.  Ratherius  von  Verona.  —  Rathérius  de  Vérone  et  le  dixième  siècle  ; 
parle  D"^  Vogel.  léna,  Mauke,  xxviii  et  675  p.  gr.  in-8o.  (12  fr.) 

73.  Histoire  de  Boniface  VIII  et  de  son  siècle,  avec  des  notes  et  de^ 


195 

pièces  justificatives,  par  D.  Louis  Tosti,  religieux  du  Moul-Cassin.  Tra- 
duite de  l'italien  par  l'abbé  Marie  Duclos.  Deux  volumes  in-S",  ensemble 
de  64  feuilles,  plus  une  lith.  —  A  Paris,  cbez  Louis  Vives. 

U.  Poésies  inédites  du  moyen  fige,  précédées  d'une  histoire  de  la  fable 
ésopique;  par  M.  Edélestand  du  IMéril.  lu-S»  de  28  feuilles  3/4.  —  A  Paris, 
chez  Frank.  (8  fr.) 

75.  Poésies  latines  de  Rosvith,  religieuse  saxonne  du  dixième  siècle, 
avec  une  traduction  libre  en  vers  français;  par  Vignon  Rétif  de  la  Bretonne. 
Grand  in-S'  de  23  feuilles  1/2.  —  A  Paris,  chez  Chaix. 

76.  L'alcliimie  et  les  alchimistes,  ou  Essai  historique  et  critique  sur  la 
Philosophie  hermétique;  par  Louis  Figuier.  In-18  anglais  de  11  feuilles. 
—  A  Paris,  chez  Victor  Lecou  (1855).  (3  fr.  50  c.) 

77.  Les  Monuments  de  la  géographie,  ou  Recueil  d'anciennes  cartes 
européennes  et  orientales,  accompagnées  de  sphères  terrestres  et  célestes, 
de  mappemondes  et  tables  cosmographiques,  d'astrolabes  et  autres  instru- 
ments d'observation ,  depuis  les  temps  les  plus  reculés  jusqu'à  l'époque 
d'Orléiius  et  de  Mercator,  publiés  en  fac-similé  de  la  grandeur  des  ori- 
ginaux; par  M.  Jomard.  —  Paris,  B.  Duprat.  — Première  partie,  1  vol. 
format  atlantique. 

L'ouvrage  se  composera  de  sopt  livraisons  de  cinq  à  six  planclies  chacune.  Prix  de 
la  livraison  :  en  noir,  25  fr.;  — en  couleur,  50  fr. 

La  première  livraison  contient  une  mappemonde  du  Xlll"  siècle,  conservée  à  Here- 
ford,  un  globe  terrestre  du  XVl"  siècle,  une  carte  perspective  italienne  du  XV'  siècle, 
une  mappemonde  peinte  sur  parcliemin  par  ordre  de  Henri  II,  une  carte  itinéraire 
«l'un  pèlerinage  de  Londres  à  Jorusaleni,  tirée  d'un  manuscrit  dn  Xlir  siècle,  et  la 
première  partie  de  la  mappemonde  de  Juan  de  la  Cosa ,  pilote  de  Cluistoplie  Colomb. 

78.  De  rébus  geticis.  Conim.  proœmio  oriiata  quam  scrips.  G.  Bessel. 
Gottingœ,  Dieterich.  91  p.  gr.  in-4".  (4  fr.) 

79.  Zur  Geschichte.  —  Fragments  relatifs  à  l'histoire  des  croisades. 
Publ.  d'après  des  sources  hébraïques  inédites;  par  Ado.  lellinek.  Leipzig , 
Hunger.  32  p.  gr.in-8°.  (1  fr.  35  c). 

80.  Recherches  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  quelques  peintres  provin- 
ciaux de  l'ancienne  France;  par  Ph.  de  Chennevières-Pointel.  In-8"»  de 
21  feuilles  1/2,  plus  une  vign.  —  A  Paris,  chez  Dumoulin.  (5  ïr.) 

81.  Compte  rendu  de  la  collection  des  documents  inédits  sur  l'histoire 
de  France,  publiés  par  les  soins  du  ministre  de  l'instruction  publique;  par 
M.  Polain.  Liège,  1853,  gr.  in-8''. 

82.  Correspondance  de  François  de  Lanoue,  surnommé  Bras  de  Fer, 
accompagnée  de  notes  historiques  et  précédée  de  la  vie  de  ce  grand  ca- 
pitaine; par  Ph.  Kervyn  de  Volkaersbeke.  Gand,  Duquesne.  In-8"'.  (6  fr.) 

83.  Théodore  Agrippa  d'Aubigné.  Sa  vie,  ses  œuyres  et  son  parti.  Thèse 
pour  le  doctorat;  par  M.  A.  Postansque.  Tn-8''  de  12  feuilles.  Impr.de 
Martel  aîné,  à  Montpellier. 


196 

84.  Henri  IV  et  le  ministre  Daniel  Charnier;  par  M.  Charles  Read.  In-8' 
de  6 feuilles.  —  A  Paris,  chez  A.  Durand,  Amyot. 

85.  Journal  du  marquis  de  Dangeau,  publié  en  entier,  pour  la  première 
fois,  par  MM.  Soulié,  Dussieux,  de  Chennevières,  Mantz,  de  Montaiglon  ; 
avec  les  additions  inédites  du  duc  de  Saint-Simon,  publiées  par  M.  Feuillet 
de  Conches.  Tome  I".  1684,  1685,  1686.  In-8°  de  34  feuilles  12.  —  A  Pa- 
ris, chez  F.  Didot  frères.  (6  fr.) 

86.  Documents  historiques,  topographiques,  administratifs  et  statis- 
tiques sur  la  commune  de  PierreQtte  (Seine),  recueillis  par  ]\I.  Lejeune, 
maire,  en  1854.  In-8°  de  4  feuilles.  Impr.  de  Drouard,  à  Saint-Denis. 

87.  Notice  sur  Bapaume,  temps  anciens  et  temps  modernes;  par  Brussel 
de  Brulard.  In-8o  de  3  feuilles  1/4.  —  A  Meaux,  chez  Le  Blonde!. 

88.  Mémoire  sur  les  archives  de  l'abbaye  de  Saint-Amand  en  Pevèle  ;  par 
M.  Le  Glay.  10-8°  de  2  feuilles.  Impr.  de  B.  Henry,  à  Valenciennes. 

89.  Documents  inédits  pour  servir  à  l'histoire  de  l'ancienne  Académie 
royale  des  belles-lettres  de  Caen;  annotés  et  publiés  par  A.  R.  R.  rie  For- 
migny  de  la  Londe.  In-S"  de  9  feuilles  1/4.  —  A  Caen  ,  chez  Hardel. 

90.  Notice  historique  sur  l'abbaye  d'Almenêches  ;  par  M.  H.  Beaudouin. 
In-8°  d'une  feuille  1/4.  Impr.  de  Poulet-Malassis,  à  Alençon. 

91.  Chronique  sur  la  chapelle  Saint-Gilles  de  Bellême  et  ses  chapelains; 
par  le  docteur  Jousset.  In-8°  d'une  feuille  3/4.  Im|)r.  de  Loncin  etDau- 
peley,  à  Mortagne. 

92.  Dol  et  ses  alentours,  histoire  politique  et  municipale,  d'après  des 
documents  inédits;  par  M.  T.  Gautier.  In-8'>  de  2  feuilles  3/4.  Impr.  de 
Folligné,  à  Rennes. 

93.  Notice  historique  et  archéologique  sur  l'église  abbatiale  de  Saint- 
Julien  de  Tours.  In-4''  d'une  feuille.  Impr.  de  Bénard  ,  à  Paris. 

94.  Recherches  archéologiques  sur  Notre-Dame  de  Fonteuay  (Vendée)  ; 
par  M.  F.  Boncenne.  In-8°de  6  feuilles.  Impr.  de  Bideaux,  àLuçon. 

95.  Mauzé-sur-le-Mignon  (Deux-Sèvres).  Notice  historique;  par  M.  l'abbé 
Dubois.  In-8°  de  4  feuilles.  Impr.  de  Favre,  à  Niort.  (1  fr.  50  c). 

96.  Notice  historique  sur  la  ville  de  Marans  (Charente-Inférieure);  par 
Alfred  Etenaud.  In-8°  de  2  feuilles.  Impr.  de  Henri  et  Charles  Noblet,  à 
Paris. 

97.  Études  historiques  sur  le  Forez.  Chronique  des  châteaux  et  des  ab- 
bayes; par  M.  de  la  Tour-Varan.  V  série.  In-8®  de  4  feuilles.  —  A  Saint- 
Étienne,  chez  tous  les  libraires. 

98.  Histoire  de  l'établissement  de  l'évêché  de  Moulins;  par  M.  L.  J.  Alary- 
In-8''  de  4  feuilles.  Impr.  de  Desrosiers,  à  Moulins. 

99.  Notice  historique  et  descriptive  sur  le  château  de  Bussy-Rabutin  ; 
par  M.  le  comte  de  Sarcus.  Grand  in-8"  de  9  feuilles  14.  Impr.  de  Tri- 
^ault,  à  Dijon. 


197 

100.  Comptes  (le  la  fabrique  de  l'église  Sainte-Madeleine  de  ïroyes,  sui- 
vis de  la  construction  du  Jubé  et  de  plusieurs  pièces  curieuses  conservées 
aux  arcbives  de  l'Aube.  In-8"  de  6  feuilles.  Impr.  de  Bouquot,  à  ïroyes. 
—  A  Troyes,  chez  Bouquot. 

L'avertissement  est  signé  :  Alexandre  Assier.  Tiré  à  153  exemplaires. 

101.  Les  communes  de  la  Meurthe.  .Tournai  historique  des  villes, 
bourgs,  villages,  hameaux  et  censés  de  ce  département  ;  par  Henri  Lepage. 
2»  volume.  (Rau-Z.)  P.  401  à  800.  In-8"de  25  feuilles.  —  A  Nancy,  chez 
Lepage. 

Ouvrage  terminé. 

102.  Les  annales  et  la  chronique  des  dominicains  de  Colmar.  Édition 
complète  d'après  le  manuscrit  de  la  bibliothèque  de  Stuttgard,  avec  la  tra- 
duction en  regard,  notes  et  éclaircissements,  etc.;  par  MM.  Ch.  Gérard  et 
.1.  LibUii.  In-S"  de  24  feuilles  1/4.  Impr.  de  madame  veuve  Decker,  à  Col- 
mar. (6  fr.) 

103.  Geschichte.  —  Histoire  de  l'agriculture  allemande;  par  Langethal. 
T.  V",  3e  partie  :  depuis  le  grand  interrègne  jusqu'à  la  guerre  de  30  ans. 
léna,  Luden.  286  p.  gr.  in-8''.  (Sfr.) 

Le  l"  vol.  complet  coûte  15  fr. 

104.  Vorlesungen. —  Leçons  sur  l'histoire  du  peuple  et  de  l'empire  ger- 
maniques ;  par  H.  Léo.  T.  P'.  Halle,  Anton.  623  p.  gr.  in-8''.  (13  fr.) 

105.  Untersuchungen.  —  Recherches  sur  la  chronique  de  Repegow  (du 
13"=  siècle);  par  Fr.  Pfeiffer.  Breslau  ,  Gosohorsky.  87  p.  gr.  in-8°.  (2  fr.) 

106.  Urkunden.  —  Documents  relatifs  à  l'histoire  de  la  ligue  de  Souabe 
(1488-1533);  publiés  par  le  bibl.  Klùpfel.  T.  0.  Stuttgart,  1853.  374  p. 
gr.  in-8''. 

31"  publ.  (le  la  Société  lilt.  tie  Stuttgart. 

107.  Urkundenbuch.  —  Cariulaire  de  l'abbaye  bénédictine  de  Krems- 
mùnster,  777-1400;  publ.  par  Th.  Hagn,  archiviste  de  la  communauté. 
Avec  un  appendice  sur  les  écritures  du  moyen  âge.  Vienne,  1852.  4i2  et 
45  p.  avec  24  pi.  gr  in-8".  (10  fr.) 

108.  Historia  mon.  ord.  S.  Benedicti  ad  S.  Paulum  in  valle  inter. 
Carinthiae  Lavantina.  Auct.  P.  Frudp.  Neugart.  Pars  IL  Clagenf.,  Léon. 
131  p.  gr.  in  8°.  (2  fr.  65  c.) 

109.  Kozroh's  Renner.  —  Collection  des  plus  anciens  diplômes  de  l'évé- 
ché  de  Frisingue,  faite  par  le  moine  Kozroh  ;  et  publiée  pour  la  première 
fois  avec  add.  et  notes  par  K.  lloth.  Livr.  1,2:  724  à  810  et  810  à  835. 
Munich,  Finsterlin.  111p.  in-8°.  (à  1  fr.  35  c.)' 

110.  Geschichte.  —  Histoire  de  la  paroisse  de  Saint-Martin  à  Landshut. 
Avec  un  cartulaire,  un  livre  terrier  de  1331,  etc.  ;  par  Jos.  Werner.  Avec 
26  pi.  Landshut,  Rietsch.  137  p.  gr.  in-S".  (3fr.  15  c.) 

111.  Regesten.  —  Regestes  des  diplômes  imprimés,  relatifs  à  l'his- 


198 

toire  du  grand-duché  de  Hesse;  par  le  D»"  Scriba.  4*  partie  :  suppléments. 
33,  112et  73  p.  gr.  in-4». 

112.  Die  Grafchaft.  —  Le  comté  et  la  ville  libre  de  Dortmund  ;  par 
A.  Fahne.  T.  P""  :  La  chronique  de  Dortmund,  avec  diplômes  et  armoiries. 
Cologne,  Heberle.  2G6  p.  in-S".  (5  fr.) 

113.  Geschichte.  —  Histoire  de  la  ville  libre  de  Dortmund;  par 
Bh.  Thiersch.  T.  I".  Dortmund  ,  Krieger.  198  p.  gr.  in  8'.  (4  fr.) 

114.  Geschichte.  —  Histoire  de  l'Ost-Frise  jusqu'en  1570;  par  Onno 
Klopp.  Hannovre,  Rùmpler.  479  p.  gr.  in-8°.  (8fr.) 

115.  Liber  fundationis  claustri  sanctœ  Mariœ  virginis  in  Heinrichow; 
publ.  et  illustré  par  G.  Ad.  Stenzel.  Breslau,  Max.  241  p.  avec  I  pi.  Gr. 
in-4»  (8  fr.). 


CHRONIQUE. 

Octobre  —  Novembre  1854. 

~  Le  29  novembre  dernier ,  le  diplôme  d'archiviste  paléographe ,  a  été 
conféré  à  MM.  Servois ,  Chassaing,  Rocquain  de  Courtemblay,  Boullé, 
Lacour,  Casati,  Laborde,  Gros-Burdet  et  Murcier. 

—  Par  arrêté  de  M.  le  préfet  de  Loir-et-Cher,  notre  confrère  M.  A.  de 
Martonne,  archiviste  de  la  préfecture ,  vient  d'être  nommé  inspecteur  des 
archives  communales  et  hospitalières  do  ce  département. 

—  D'une  statistique  des  bibliothèques  publiques  de  France,  publiée  dans 
le  Journal  général  de  F  instruction  publique  (N"  du  15  novembre  1854), 
nous  allons  extraire  le  nombre  des  manuscrits  conservés  dans  chacun  de 
ces  dépôts. 

Ain.  —  Bourg,  39.  Nantua,  2.  Pont-de-Vaux,  2.  Trévoux,  5. 

Aisne.  —  Laon,  522.  Saint-Quentin,  1.50.  Soissons,  293. 

Alliée.  —  Moulins,  51. 

Alpes  (Basses-).  —  Digne,  22. 

Alpes  (Hautes-).  —  Gap,  16. 

Abdennes.  —  Charleville,  399.  Sedan,  4. 

Abiége.  —  Foix,  8.  Pamiers,  1. 

Aube.  —  Troyes,  3,000. 

Aude.  —  Carcassonne,  47.  Narbonne,  12. 

Ave  Y  BON.  —  Rodez,  50. 

Bouches-du-Rhone.  —  Aix,  1,062.  Arles,  91.  Marseille,  1,335. 

Calvados.  —  Baveux,  10.  Caen,  226.  Falaise,  3.  Vire,  4. 


199 

Cantal. —  Aurillac,  150.  Mauriac,  3. 

Charente.  —  Angoulême,  38. 

Charente-Infébieube.  —  La  Rochelle,  324.  Kochefort,  2.  Saintes,  30. 

Cher.  —  Bourges,  310.  Saint-Amand,  3. 

CoRRÈZE.  —  Brives,  12.  Seilhac,  90. 

Corse.  —  Ajaccio,  1.  Bastia,  12.  Corte,  8. 

Cote-d'Or.  —  Beaune,  160.  Châtillon-sur-Seine,  10.  Dijon ,  500.  Se- 
niur,  98. 

CoTES-DU-NoRD.  —  Dinan ,  1.  Lamballe,  l.î».  Lannion,  1.  Saint- 
Brieuc,  12S. 

Creuse.  —  Giiéret,  6. 

DoBDOGNE.  —  Périgueux,  14. 

Doues.  —  Baume-les-Dames,  2.  Besançon,  1,500.  MoDtbéliard,  90. 
Pontarlier,  20.  Qiiingei,  7. 

Drome.  —  Valence,  26. 

Eure.  —  Conches,  8.  Évreux,  145.  Loiiviers,  28. 

Eure-et-Loir.  —  Chartres,  936.  Châteaudun,  10. 

Finistère.  —  Quimper,  32. 

Gard.  —  Nîmes,  207.  Uzès,  2.  Villeneuve,  135. 

Garonne  (Haute-).  —  Saint-Gaudens,  1.  Toulouse,  700. 

Gers.  —  Auch,  86.  Condom,  1.  Mirande,  25. 

GiBONDE.  —  Bordeaux,  320.  Libourne,  2. 

HÉRAULT.  —  Béziers,  10.  Cette,  2.  Montpellier,  66. 

Ille-et- Vil  AINE.  —  Fougères,  1.  Rennes,  220.  Saint-Malo,  3. 

Indre.  —  Châteauroux,  2.  Issoudun ,  3. 

Indre-et-Loire.  ~  Loches,  20.  Tours,  1,200. 

Isère.  —  Grenoble,  1,500.  Vienne,  7. 

Jura.  —  Dole,  617.  Lons-le-Saulnier,  3.  Saint-Claude,  3.  Salin,  35. 

Loir-et-Cher.  —  Blois,  10.  Vendôme,  279. 

Loire.  —  Monlbrison,  41.  Roanne,  75.  Saint-Étienne,  23. 

Loire  (Haute-).  —  Brioude,  15.  Le  Puy,  1. 

Loire-Inférieube.  —  Nantes,  187. 

Loiret.  —  Gien,  1.  Orléans,  486.  Pithiviers,  3. 

Lot.  —  Cahors,  12. 

Lot-et-Garonne.  —  Agen,  9.  Marmande,  4. 

Lozère  —  Mende,  60. 

Maine-et-Loire.  —  Angers,  900.  Saumur,  13. 

Manche.  —  Avrancbes,  201.  Cherbourg,  34.  Coutances,  2G.  Mor- 
tain,  5.  Saint-Lô,  2.  Volognes,  108. 

Marne.  —  Châlons,  80.  Épernay,  192.  Reims,  1,300.  Vitry-le-Fran- 
çais,  107. 

Marne  (Haute-).  —  Chaumont,  160.  Langres,  40. 

Mayenne.  —  Laval,  19. 

Meurthe.   -  Lunéville,  1.  Nancy,  265.  Pont-à-Mousson,  8. 


200 

Meuse.  —  Saint-Mihiel,  80.  Verdun,  150. 

MoBBiHAN.  —  Vannes,  4. 

Moselle.  —  Briey,  2.  Metz,  1,050. 

NiÈVBE.  —  Clamecy,  3.  Nevers,  18. 

Nord. — Bergues,  36.  Bourbourj,',   10.  Cambrai,  1,254.  Douai,  970. 
Dunkerqiie,  34.  Lille,  515.  Saint-Arnaud,  10.  Valencienne.s,  858. 

Oise.  — Beauvais,  19.  Clerniont,  100.  Compiègne,  12.  Senlis,  28. 

Orne.  —  Alençon,  180.  Argentan,  1.  Domfront,  10. 

Pas-de-Calais.  —  Aire,  10.  Arras,  1,I37.  Boulogne,  281.  Calais,  43. 
Saint-Omer,  934.  Saint-Pol,  20. 

Puy-de-Dome.  —  Clermont,  374. 

Pyrénées  (Hautes-)-  —  Tarbes,  75. 

Pyrénées-Orientales.  —  Perpignan,  86. 

Rhin  (Bas-).  —  Haguenau,   1.  Schelestad,    1.53.  Strasbourg,   1,.S89. 
Wisseinbourg,  87. 

Rhin  (Haut-).  Colmar,  451. 

Rhône.  —  Lyon,  1,500. 

Saone-et-Loire.  —  Autun,  t.  Châlon,  102.  Charolles,  8.  Cluny,  132. 
Maçon,  7. 

Saône  (Haute-).  —  Grai,  6.  Lure,  1.  Vesoul,  199. 

Sarthe.  —  Mamers,  i.  Le  Mans,  700.  Saint-Calais,  1. 

Seine-Inférieure.  —  Dieppe,  8.  Fécamp,  29.  Havre,  18.  Montivil- 
liers,  6.  INeufchâtel ,  6.  Rouen,  2,335. 

Seine-et-Marne.  — Fontainebleau,  3.  Meaux,  73.  Melun,  30.  Pro- 
vins, 100. 

Seine-et-Oise.   —  Mantes,  2.  Meulan ,  2.   Pontoise,  8.  Saint-Ger- 
main, II.  Versailles,  1?5. 

SÈVRES  (Deux-).  —  Niort ,  21. 

Somme.  —  Abbeville,  32.  Amiens,  600. 

Tarn.  —  Alby,  105.  Castres,  3.  Lavaur,  1. 

ïarn-et-Garonne.  —  Montaubau,  3. 

Var.  —  Draguignan,  22.  Fréjus,  9.  Grasse,  30.  Toulon,  22. 

Vaucluse.  —Avignon,  1,200.  Carpentras,  800. 
•     Vendée.  —  Fontenay,  3.  Napoléon-Véndée,  6.  Sables-d'Olonne,  1. 

Vienne  (Haute-).  —  Limoges,  15. 

Vienne.  —  Poitiers,  449. 

Vosges.  —  Épinal,  216.  Neufchâteau,  2.  Remiremont,  8.  Saint-Dié,  33. 

Yonne.  —  Auxerre,  172.  Avalion,  99.  .Toigny,  81.   Sens,  1,200.  Ton- 
nerre, 45. 

Algérie.  —  Alger,  1,002. 

Total    :   44,070    manuscrits.   Le    chiffre  des   imprimés  se   monte  à 
3,689,369  volumes. 


P.iii^.  — .Tvpofjnpliip  lie  Firmin  Didot  fn'rei,  nie  J.iooli.  56, 


ORGANISATION  JUDICIAIRE 

DU   LANGUEDOC, 

AU  MOYEN  AGE. 


INTRODUCTION. 

Je  me  propose  de  faire  connaître  l'organisation  judiciaire 
du  Languedoc  au  moyen  âge.  Je  m'attacherai  surtout  à  éclair- 
cir  l'origine  des  différentes  juridictions  qui  remplacèrent  les 
tribunaux  carloviugiens ,  et  subsistèrent ,  sauf  de  légères  mo- 
difications, jusqu'en  1791.  Les  illustres  historiens  du  Lan- 
guedoc, dom  de  Vie  et  dom  Vaissete,  comme  les  bénédictins  en 
général,  se  sont  peu  occupés  des  institutions;  les  Preuves  même 
de  leur  ouvrage,  si  curieuses  et  si  bien  choisies,  se  ressentent 
de  leur  indifférence  pour  cette  partie  de  l'histoire,  dont  l'im- 
portance n'a  été  bien  démontrée  que  de  nos  jours.  On  ne  saurait 
donc  puiser  dans  YHistoire  générale  du  Languedoc  une  idée 
nette  de  la  hiérarchie  judiciaire  et  de  la  compétence  des  tribu- 
naux ^ .  Un  grand  nombre  de  documents  ignorés  ou  négligés 
par  dom  Vaissete  et  encore  inédits,  et  l'étude  approfondie  de 
plusieurs  textes  qui  ont  été  publiés  depuis  le  siècle  dernier, 
m'ont  permis  de  tracer  un  tableau  des  anciennes  juridictions 
du  Languedoc,  et,  j'ose  le  dire,  de  la  plus  grande  partie  du 
midi  de  la  France,  qui  était  désignée  autrefois  sous  le  nom  gé- 
néral de  Langue  d'Oc. 

J'ai  divisé  mon  travail  en  trois  parties  qui  m'étaient  indiquées 
par  le  sujet  même^. 

1.  D.  Vaissete,  Hist.  gén.  du  Languedoc,  t.  il,  p.  511  ;  t.  Ill,  p.  479,  482;  t.  IV, 
p.  335 ,  501 ,  502.  Warnkœnig,  qui  a  suivi  D.  Vaissete  (Franzosische  Siaafsgeschi- 
chte,  Base].,  1846,  p.  447,  448,  449.) 

2.  C'est  aussi  la  division  adoptée  par  M.  Pardessus  dans  la  savante  préface  du 
tome  XXI  des  Ordonnances  des  rois  de  France,  qu'il  a  reproduite  dans  son  ouvrage 
sur  V Organisation  judiciaire ,  in-8°.  M.  Pardessus  commence  par  les  juridictions 

I.  {Quatrième  série.)  14 


202 

La  première  sera  consacrée  aux  juridictions  inférieures  ou  de 
première  instance,  parmi  lesquelles  les  juridictions  municipales  ; 
la  deuxième  traitera  des  juridictions  intermédiaires  ou  d'appel  ; 
la  dernière,  des  juridictions  supérieures  ou  en  dernier  ressort; 
car,  dès  le  treizième  siècle,  l'appel  existait  à  deux  degrés  dans  le 
Languedoc. 

Avant  d'entrer  en  matière,  je  crois  utile  de  retracer  en  quel- 
ques pages  l'état  du  Languedoc  au  treizième  siècle,  époque  où 
l'administration  publique  fut  fondée  dans  ce  pays,  comme  dans 
le  reste  de  la  France,  et  où  la  justice  reçut  son  organisation  dé- 
finitive. Pendant  que  la  royauté  prenait  une  force  nouvelle 
entre  les  mains  de  Philippe- Auguste,  et  étendait  au  nord  de  la 
France  son  influence  qui  allait  bientôt  tout  dominer,  la  maison 
de  Toulouse  paraissait  appelée,  par  sa  puissance,  à  jouer  un  rôle 
important  au  sud  de  la  Loire.  A  la  fin  du  douzième  siècle,  elle 
était  maîtresse  d'une  partie  du  midi;  le  comté  de  Toulouse, 
l'Albigeois,  le  Rouergue,  le  Quercy,  l'Agenais,  le  comtat  Ve- 
naissin ,  le  vicomte  de  Nîmes,  lui  étaient  soumis  immédiatement; 
les  vicomtes  de  Béziers,  de  Carcassonne,  les  comtes  de  Foix  et 
d'autres  feudataires  puissants  reconnaissaient  sa  suzeraineté. 

Tous  les  pays  dépendants  des  comtes  de  Toulouse  avaient  des 
lois  uniformes,  puisque  les  principes  généraux  des  coutumes 
languedociennes  étaient  ceux  du  droit  romain.  Ou  se  demande 
pourquoi ,  dès  qu'elles  furent  réunies  sous  l'autorité  d'un 
même  prince ,  ces  populations  n'ont  pas  formé ,  sinon  une  na- 
tionalité, du  moins  une  monarchie  nouvelle,  une  France  du 
midi  opposée  à  celle  du  nord?  Les  Raymond  avaient  assez  d'am- 
bition pour  entreprendre  cette  œuvre,  mais  ils  étaient  privés  de 
cet  auxiliaire  puissant  de  la  tradition  monarchique,  iqui ,  habile- 
ment invoquée  par  les  Capétiens ,  les  aida  à  renverser  le  régime 
féodal  et  à  s'établir  sur  ses  ruines.  Un  autre  obstacle  aux  désirs 
d'agrandissement  qu'auraient  pu  nourrir  les  comtes  de  Tou- 
louse était  dans  la  puissance  des  communes  qui  devaient  à  la 
violence  et  à  la  révolte  des  privilèges  étendus,  et  jouissaient 
d'une  indépendance  dont  elles  avaient  puisé  l'exemple  dans  les 
républiques  italiennes,  avec  lesquelles  elles  entretenaient  des 

supérieures.  l'ai  fait  le  cotitraire  pour  deux  raisons  :  il  m'a  paru  plus  logique  de  pla- 
cer les  Juridictions  de  première  instance  avant  les  tribunaux^d'appel.  En  second  lieu, 
<!ette  marche  est  conforme  à  l'iiistoire,  les  juridictions  d'appel  n'ayant  été  établies 
que  longtemps  après  les  autres. 


203 

relations  de  commerce  '.  Ces  puissantes  cités  levaient  des  ar- 
mées pour  leur  compte,  et  allaient  faire  la  guerre  aux  châteaux 
dont  les  seigneurs  avaient  offensé  quelque  bourgeois  ^.  Du 
reste,  nul  esprit  de  nationalité  parmi  les  méridionaux.  On 
trouve  même  chez  eux  un  certain  respect  pour  la  royauté  capé- 
tienne, qui  paraissait  à  leurs  yeux  environnée  d'un  prestige  dont 
elle  ne  jouissait  pas  dans  les  pays  plus  rapprochés  du  siège  de 
sa  puissance  ^. 

Telle  était  la  situation  du  Languedoc  quand  l'hérésie  des 
Albigeois  pénétra  dans  cette  malheureuse  province,  où  elle  fut 
bien  accueillie  de  la  noblesse,  qui  en  profita  pour  s'enrichir  des 
dépouilles  du  clergé.  Les  atteintes  portées  au  catholicisme  par 
les  adhérents  des  nouvelles  doctrines  religieuses  attirèrent 
contre  le  Languedoc  les  hommes  du  nord,  qui  avaient  déjà  été 
choqués  depuis  longtemps  par  la  civilisation  raffinée  et  quelque 
peu  corrompue  du  midi  "*.  Les  Languedociens ,  dont  une  partie 
seulement  avait  adopté  les  erreurs  des  Albigeois,  finirent  par 
succomber,  malgré  une  résistance  prolongée.  Tous  les  fruits  de 
la  conquête  furent  pour  la  royauté ,  qui  n'avait  pris  qu'une 
part  tardive  à  la  croisade  contre  les  hérétiques ,  laissant  pru- 
demment la  haine  des  vaincus  s'amasser  sur  les  conquérants. 
Elle  se  fit  céder  par  les  Montfort  le  bas  Languedoc;  et  si  Ray- 
mond "VII ,  héritier  des  anciens  comtes  de  Toulouse ,  conserva 

t.  L'établissement  des  communes  du  Midi  n'a  pas  été  aussi  pacifique  qu'on  le  croit 
généralement;  il  y  eut  dans  les  principales  villes  du  Languedoc  insurrection  popu- 
laire au  douzième  siècle.  Les  bourgeois  de  Béziers  massacrèrent  leur  vicomte  et  se 
t;ouvernèrent  en  république.  Voy.  Julia,  Hist.  de  Béziers,  p.  60.  Ceux  de  Montpel- 
lier se  rendirent  aussi  indépendants  pendant  quelque  temps.  (D'Aigrefeuilie,  Hist.  de 
Montpellier,  t.  I,  p.  25).  Les  comtes  de  Toulouse  furent  humiliés  par  les  Toulou- 
sains, et  contraints  par  la  violence  à  leur  faire  des  concessions.  Catel ,  Hist.  des 
comtes  de  Toulouse,  Toulouse,  1623  ,  in-fol.,  p.  217  et  226.  —  Tous  les  seigneurs 
du  Midi  prêtaient  serment  de  respecter  les  franchises  de  leurs  sujets.  Ainsi ,  au  trei- 
zième siècle,  en  1249,  les  habitants  de  l'Agénais  refusèrent  de  jurer  fidélité  à  Alphonse 
de  Poitiers,  et  de  le  reconnaître  en  qualité  de  comte  de  Toulouse,  sous  prétexte  que 
le  comte  devait  auparavant  promettre  de  maintenir  leurs  libertés.  Voy.  la  lettre  du 
chapelain  d'Alphonse.  Bibl.  de  V École  des  chartes,  V  série,  1. 1,  p.  389. 

2.  Rozoy,  Annal,  de  Toulouse,  t.  I,  preuves  ;  et  Fauriel,  Poëme  de  la  guerre  des 
Albigeois,  dans  la  Collection  des  documents  inédits  de  l'histoire  de  France,  préface. 

3-  Le  nom  du  roi  régnant  se  trouve  dans  la  plupart  des  chartes  rédigées  dans  le 
Midi,  même  à  partir  du  dixième  siècle.  Voy.  les  preuves  du  t.  II  de  D.  Vaissete. 

4.  On  peut  voir  dans  Helgaud  le  mépris  qu'avaient  .soulevé  les  seigneurs  qui  avaient 
accompagné  à  la  cour  de  France  Constance,  seconde  femme  du  roi  Robert. 

14. 


•204 

une  bonne  partie  de  ses  États ,  il  le  dul  uniquement  à  la  pro- 
messe de  donner  sa  fille  unique  en  mariage  à  un  frère  du  roi 
de  France,  à  Alphonse,  comte  de  Poitiers,  après  la  mort  duquel 
le  roi  réunit  sous  son  autorité  immédiate  tous  les  anciens  do- 
maines de  la  maison  de  Saint-Gilles  (1271). 

Au  douzième  siècle,  on  désignait  sous  le  nom  de  Provence, 
non-seulement  la  province  connue  sous  ce  nom,  mais  encore 
une  partie  du  Languedoc  ' .  Après  la  guerre  des  Albigeois,  on  ap- 
pela «  Partes  Tolosanœ  »  les  États  de  Raymond  VII  ^,  et  «  Partes 
Albienses  »  les  provinces  royales  du  midi ,  particulièrement  la 
sénéchaussée  de  Carcassone.  A  la  fin  du  treizième  siècle,  les  do- 
maines du  roi  s'étendaient  de  la  Manche  à  la  Méditerranée.  De  la 
différence  bien  tranchée  des  deux  langues  parlées  au  nord  et 
au  midi  de  ces  vastes  possessions  naquirent  les  noms  de  Langue 
d'Oïl  et  de-Langue  d'Oc,  qui  furent  donnés,  le  premier  aux  pays 
situés  au  nord  de  la  Loire ,  au  Poitou  et  à  la  Saintonge ,  le  second 
aux  provinces  que  la  royauté  possédait  dans  le  midi,  c'esf-à-dire 
au  Languedoc  de  nos  jours  et  à  une  partie  de  la  Guienne  ^.  C'est 
dans  ce  sens  large  que  je  prendrai  le  nom  de  Languedoc  dans  le 
cours  de  cette  dissertation,  tout  en  insistant  sur  les  pays  qui 
avaient  seuls  conservé  cette  dénomination  dans  les  temps  mo- 
dernes. 

Le  traité  de  Meaux,  qui  mit  un  terme  à  la  guerre  des  Albigeois 
(en  1229),  partagea,  ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit,  le  Languedoc  en 
deux  parties  :  l'une  fut  laissée  à  Raymond  VH,  et  l'autre  incor- 
porée au  domaine  royaP.  Ce  partage,  tout  court  qu'il  fut 
(de  1229  à  1271)  du  Languedoc  entre  deux  souverains,  eut  des 
résultats  considérables  et  qui  se  perpétuèrent;  car  les  établisse- 


1.  Voy.  une  dissertation  de  Ménard,  Hist.  de  Nîmes,  t.  H,  notes,  p.  1.  D.  Vaissete, 
t.  H,  p.  630;  t.  ni,  p.  96.  Catel,  Comtes  de  Toulouse,  p.  2  et  3. 

2.  C'est  ce  qui  résulte  d'un  grand  nombre  de  documents ,  entre  autres  du  registre 
des  enquêteurs  d'Alplionse  ;  les  domaines  de  ce  prince  y  sont  appelés  <  Partes  Tholo- 
sanœ,  »  et  le  Quercy  est  compris  sous  cette  dénomination.  Arch.  de  l'emp.,  J.  190, 
n.  61. 

3.  Vaissete,  t.  IV,  p.  536.  Le  mot  Lingua  Occitana  qui  se  retrouve  fréquemment 
dans  les  documents  à  partir  du  quatorzième  siècle  est  postérieur  à  celui  de  Langue- 
doc, dont  il  est  une  traduction  latine  barbare.  Il  est  inutile  de  signaler  la  fausseté  de 
l'étymologie  qui  fait  venir  ce  nom  de  Langue  de  Goth,  et  qui  repose  sur  ce  fait,  que 
les  Gotbs  ont  été  maîtres  de  ce  pays. 

4.  Bnissel,  Usage  général  des  fiefs,  t.  II,  preuves,  XXIX. 


205 

meuls  des  derniers  comtes  fureul  religieusement  respecte's  par 
la  royauté  du  moyen  âge,  dont  une  des  maximes  était  de  ne 
rien  changer  aux  institutions  des  pays  qui  étaient  réunis  à  la 
couronne;  et  comme  ce  fut  justement  pendant  cette  période  de 
démembrement  que  les  juridictions  furent  définitivement  cons- 
tituées, il  en  résulta  que,  si  au  fond  elles  étaient  identiques 
dans  les  provinces  acquises  par  la  royauté  en  vertu  du  traité  de 
Meaux  et  dans  celles  qui  lui  échurent  après  la  mort  d'Alphonse, 
elles  présentèrent  pourtant  des  différences  daiis  les  noms,  dif- 
férences qui  jettent  de  la  confusion  dans  un  sujet  déjà  plein 
d'incertitudes  et  d'obscurité. 

On  applique  généralement  au  Languedoc  le  système  d'organi- 
sation judiciaire  en  vigueur  dans  le  nord.  On  a  raison  d'assimiler 
les  sénéchaux  aux  baillis;  mais  il  n'est  pas  exact  de  dire  que 
les  magistrats  appelés  prévôts  dans  le  nord  étaient  connus  dans 
le  midi  sous  le  nom  de  viguiers  \  Ils  diffèrent  d'origine  ;  leurs 
fonctions  n'étaient  pas  les  mêmes ,  et  d'ailleurs  au-dessous  des 
viguiers  existait  une  classe  d'officiers  judiciaires  nommés  bayles, 
que  l'on  pourrait  plus  justement  comparer  aux  prévôts. 

PREMIÈRE  PARTIE. 

JURIDICTIONS  INFÉRIEURES. 


CHAPITRE  1". 

JURIDICT10^S    ROYALES    OU    SEIGNEURIALES. 

§  1.  Des  viguiers  (vicarii). 

Sous  les  deux,  premières  races,  les  comtes  avaient  des  vicaires 
(vicarii)  qui  les  suppléaient  dans  l'administration  de  la  justice. 
C'est  là,  suivant  Catel  ',  dom  Vaissete  ^  et  Lamoignon  de  Ba- 

1.  Pardessus,  Préface  du  tome  XXI  des  Ordonnances.  Voy.  aussi  Etienne  Pasquier, 
Recherches  de  la  France,  p.  113. 

2.  Catel,  Hist.  des  comtes  de  Tolose,  1623,  p. -36. 

3.  Vaissete,  IIl,  p.  525. 


206 

ville*,  l'origine  des  viguiers  du  Languedoc.  A  la  lin  de  la 
seconde  race,  on  vit  paraître  des  vigueries,  circonscriptions  ad- 
ministratives et  judiciaires,  qui  se  confondaient  avec  la  centaine, 
et  qui  étaient  une  subdivision  du  comté  ^.  A  la  tête  de  la  vigue- 
rie  était  un  viguier  (vicarius),  officier  différent  du  vicaire.  L'un 
était  le  lieutenant,  le  suppléant  du  comte ,  l'autre  un  officier  pu- 
blic ayant  une  autorité  personnelle  ;  l'un  exerçait  la  même  juri- 
diction que  le  comte  qu'il  remplaçait,  l'autre  avait  une  juridic- 
tion qui  lui  était  propre;  il  jugeait  toutes  les  causes  où  la  vie 
et  la  liberté  des  personnes  n'étaient  pas  engagées  ^ . 

Parmi  les  actes  passés  dans  le  Languedoc  au  dixième  siècle, 
on  en  rencontre  fort  peu  où ,  pour  préciser  la  situation  d'un 
immeuble,  on  n'indique  d'abord  le  comté,  ensuite  laviguerie  ou 
«  ministerium  »  (car  ces  deux  mots  sont  synonymes)  dans  laquelle 
le  bien  était  situé  "*;  mais  si  les  vigueries  existaient  encore  comme 
circonscriptions  territoriales ,  la  juridiction  des  viguiers  avait 
disparu ,  ou  bien  de  publique  était  devenue  privée.  Un  grand 
nombre  de  viguiers  avaient  pris  le  titre  de  vicomte.  Ainsi,  au 
milieu  du  onzième  siècle,  un  vicomte  d'Albigeois  laissa  deux 
fils  :  l'aîné  reçut  en  héritage  la  partie  septentrionale  des  do- 
maines paternels  ;  le  plus  jeune  eut  les  terres  situées  au  sud 
où  se  trouvait  la  viguerie  de  Lautrec,  et  prit  dès  lors  le  titre 
de  vicomte  de  Lautrec^.  D'autres  avaient  conservé  le  titre 
(ie  viguier.  Catel  nous  a  transmis  l'acte  d'hommage  du  viguier 
perpétuel  de  Sauve.  Il  avait,  au  treizième  siècle,  la  justice  civile 
et  criminelle ,  et  l'exerçait  au  nom  du  roi  sur  des  hommes  qui 
n'habitaient  pas   ses  domaines**.  Dom  Vaissete  a  eu  tort   de 

t.  Mémoire  sur  le  Languedoc,  parmi  les  mémoires  dressés  par  les  Intendants 
poxir  l'instruction  du  Dauphin  fils  de  Louis  XIV.  Arch.  de  l'Emp.,  KK.  1316. 

2.  Guérard,  Polyptique  d'Irminon,  Prolégomènes. 

3.  Pardessus,  Zoi  Sa^fg-we ,  dissertation  IX ,  intitulée  :  Organisation  judiciaire 
chez  les  Francs. 

4.  Voici  quelques  vigueries  qui  existaient  au  dixième  et  au  onzième  siècle  :  Boncone, 
viguerie  du  Toulousain;—  Cabardez,  viguerie  du  duché  de  Carcassonne;  — Kadi- 
niaxe,  dans  le  comté  de  Béziers,  en  988  ;  —  Camarez,  comté  de  Rouergue,  en  942  ; 
—  Lautrec,  Lastrinco,  en  Albigeois;  — Campacez,  Toulousain,  en  961,  appelée  mi- 
nisterium en   1025;  —  Cassiacum  ,  Quercy,  en  932;  —  vicaria  Chatumianensts, 

comté  de  Béziers,  en  988,  etc.  Vaissete,  passim.  Voy.  ces  noms  à  la  table Aucune 

de  ces  vigueries  ne  se  trouve  au  douzième  siècle. 

5.  Vaissete,  11,  p.  372. 

6.  Catel,  Comtes,  p.  36. 


•i07 

prendre  les  fonctions  de  ce  viguier  féodal  pour  type  de  celles  des 
viguiers  royaux  avec  lesquels  il  n'avait  rien  de  commun.  Ce 
qu'il  y  a  de  piquant ,  c'est  que  ce  viguier  de  Sauve  fit  hom- 
mage entre  les  mains  du  bayle  de  Sauve  son  inférieur  dans  la 
hiérarchie,  mais  qui  avait  l'avantage  d'être  officier  du  roi. 

On  trouve ,  au  douzième  siècle ,  des  viguiers  féodaux  qui  ne 
sont  pas  les  successeurs  des  anciers  viguiers  carlovingiens  En 
1 103,  le  seigneur  de  Montpellier,  pour  faire  droit  aux  réclama- 
tions d'un  de  ses  parents,  lui  accorda  la  viguerie  de  Montpellier. 
Ce  viguier  connaissait  des  causes  civiles,  mais  il  devait  être 
assisté  du  magistrat  représentant  le  seigneur  ;  sinon  les  sen- 
tences qu'il  avait  prononcées  seul  pouvaient  être  réformées 
par  le  seigneur  ,  qui  s'était  réservé  le  jugement  des  causes  des 
nobles  '.  Je  vois  dans  cet  acte,  d'un  côté,  une  pétition  d'héré- 
dité, de  l'autre,  l'abandon,  sous  le  nom  de  viguerie,  d'une 
part  dans  l'administration  de  la  justice.  Le  même  fait  se  re- 
présente à  Béziers.  En  1114,  le  vicomte  concéda  à  deux 
frères,  qui  avaient  déjà  la  juridiction  sur  les  juifs,  la  viguerie 
de  Béziers.  Le  vicomte  avait  retenu  la  justice  des  homicides 
et  des  adultères,  le  viguier  avait  le  tiers  de  la  justice  de  la  ville  ; 
comme  celui  de  Montpellier,  il  jugeait  assisté  du  bayle  seigneu- 
rial ^.  A  Nîmes,  le  viguier  avait  la  connaissance  des  causes  civiles; 
les  amendes  qui  ne  dépassaient  pas  deux  sous  lui  appartenaient  ; 
il  jugeait  les  voleurs,  emprisonnait,  fouettait,  et  mettait  au  pi- 
lori; mais  au  vicomte  appartenait  le  droit  de  prononcer  les  con- 
damnations capitales  ou  entraînant  la  perte  de  quelque  mem- 
bre'. Tous  ces  viguiers  transmettaient  leur  charge  à  leurs 
enfants.  Quant  à  celui  de  Toulouse,  il  n'avait  pu  rendre  ses 
fonctions  héréditaires,  et  la  viguerie  de  Toulouse  subsista  sans 
interruption  du  neuvième  au  dix-huitième  siècle  "*. 

Ainsi  donc,  dès  le  dixième  siècle,  les  viguiers  étaient  presque 
tous  féodaux.  Les  comtes  et  les  vicomtes  ne  créèrent  pas  des 
viguiers  amovibles  pour  rendre  la  justice,  ils  en  confièrent 
l'exercice  aux  bayles. 

1.  Brussel,  Usage  des  fiefs,  t.  H,  p.  726;  Vaissete,  11,  preuves,  col.  361  ;  d'Aigre- 
feoille.  Histoire  de  Montpellier,  t.!»"^,  p.  15,  et  dissertation  sur  les  juridictions  d« 
Montpellier,  placée  à  la  (iii  du  même  volume. 

2.  Vaissete,  t.  Il,  col.  398  (preuves). 

3.  Ménard,  Histoire  de  Nîmes,  1. 1",  preuves,  p.  17  (accord  entre  le  viguier  et  le 
vicomte  en  1161). 

4.  Dumège ,  Histoire  des  institutions  municipales  de  Toulouse,  1. 111,  p  325, 


208 


§  2.  Des  bayles. 

Selon  Ducange,  les  comtes  de  la  troisième  race  se  firent  rem- 
placer dans  l'administration  de  la  justice  par  des  officiers  nom- 
més «  bajuîi  ou  baillivi,  •>  quasi  justitiae  custodes  ' .  Brussel  et  les 
continuateurs  de  Ducange  se  sont  élevés  contre  cette  assertion,  et 
ont  prétendu  que  les  baillis  ne  paraissent  pas  avant  le  milieu  du 
douzième  siècle.  L'abbé  Bertin,  auteur  d'une  savante  disserta- 
tion sur  l'origine  des  baillis ,  trouve  cette  dernière  date  trop 
rapprochée  et  cite  un  bailli  en  Anjou  vers  la  fin  du  onzième 
siècle^.  Si  par  baillis  on  entend  des  officiers  ayant  une  juri- 
diction supérieure,  Brussel  a  raison;  mais  si  ou  veut  dire|que 
les  comtes  ont  confié  l'exercice  de  la  justice,  sans  préciser  à  quel 
degré,  à  des  officiers  nommés  baillis,  Ducange  est  dans  le 
vrai. 

Les  textes  rapportés  dans  le  Glossaire  de  Ducange  au  mot 
baillivus ,  bajulus,  et  qui  ont  trait  aux  deux  premières  races, 
s'appliquent  tous  à  des  officiers  ecclésiastiques.  Un  document  de 
977,  la  coutume  de  la  Réole,  en  Gascogne,  nous  donne  des  fonc- 
tions des  bayles  la  mention  la  plus  ancienne  que  j'aie  rencontrée, 
et  offre  une  définition  précieuse  de  leurs  fonctions.  Ils  étaient 
institués  pour  percevoir  les  revenus  de  l'abbaye,  tels  que  les  re- 
devances en  blé,  en  avoine  et  en  argent.  S'ils  n'avaient  pu  faire 
effectuer  les  payements  à  la  Saint-Martin  ,  ils  opéraient  des  sai- 
sies, mais  n'avaient  pas  de  juridiction^.  Ces  officiers,  nommés 
bayles  dans  la  coutume  delaBéole,  existaient  dans  d'autres  pro- 
vinces sous  un  nom  différent ,  sous  celui  de  «  ministeriales.  »  Le 
terme  de  «  ministeriales  »  avait  une  signification  très-étendue  :  il 
s'appliquait  aux  fonctionnaires  de  l'ordre  le  plus  élevé,  comme  à 
ceux  placés  aux  degrés  inférieurs  de  la  hiérarchie  administrative. 
11  était  pris  aussi  dans  une  acception  plus  restreinte.  On  appe- 

1.  Bajulus  signifie  custos;\e.  bailli  d'Auvergne  s'intitulait,  au  treizième  siècle, 
cusios  montanarum  Alvernie.  Arc.  de  l'Emp.,  J.  272. 

2.  Mémoires  de  l'Académie  des  inscriptions,  t.  XL,  p.  43i,  note  E  (édit.  in-12). 
.{.  Statntuin  est  quod  omues  baillivi  ad  hoc  sunt  constituti  ut  census  batliarum 

nobis  absque  difficultate  reddi  faciant,  videlicet  frumenti,  avenœ  et  denariorum. 
Quod  si  in  festo  beafi  Martini  ad  prefatos  census  subditos  non  compnlerint,  bailivi 
debent  pignorare ;  sed  ad  prioreni  pertinet  justitia  (M.  Giraud, //is/oire  du  droit 
Jrançais,  t.  n,  p.  155.) 


209 

lait  ainsi  des  ofiiciers  ruraux,  souvent  serfs,  qui  faisaient 
rentrer  les  revenus  et  prélevaient  des  sommes  sur  ces  rentrées  ; 
ils  avaient  le  pouvoir  de  contraindre  les  récalcitrants  ^ .  Ainsi 
donc  les  bayles ,  simples  officiers  ruraux  et  fiscaux  dans  le  prin- 
cipe, n'avaient  pas  de  juridiction  ;  ils  l'acquirent  avec  le  temps. 
Dans  le  Dauphiné,  des  fonctions  identiques  à  celles  des  bayles 
étaient  exercées  même  au  treizième  et  au  quatorzième  siècle  par 
des  mistraux ,  dont  le  nom  est  la  traduction  contractée  du  mot 
«  ministeriales  ^  ;  »  comme  les  bayles,  ils  n'avaient  pas  de  juridic- 
tion. Des  textes  montrent  la  synonymie  des  termes  de  mistralie 
etdebaylie;  toutefois,  on  n'appelait  pas  indifféremment  en  Dau- 
phiné ces  officiers  b^iyles  ou  mistraux.  Ce  nom  de  mistral  était 
usité  dans  la  partie  occidentale  de  cette  province  du  côté  des 
Alpes,  celui  de  bayle  dans  le  voisinage  du  Languedoc,  entre  au- 
tres dans  le  comté  de  Valentinois.  Le  terme  de  bayle  fut  donc  en 
usage  dans  le  midi  de  la  France  dès  la  chute  des  Carlovingiens , 
il  se  répandit  peu  à  peu  et  gagna  le  nord.  On  le  trouve,  comme 
nous  l'avons  vu,  eu  Anjou  au  onzième  siècle;  au  douzième  il 
devint  fréquent  en  Normandie  ^  Spelman  atteste  que  l'Angle- 
terre le  reçut  de  ce  dernier  pays  \  A  la  même  époque,  il  péné- 
tra en  Flandre  et  en  Picardie.  Nous  en  avons  un  témoignage 
d'un  poids  considérable.  Le  Cartulaire  de  Saint-Bertin  nous  ap- 
prend que  dans  la  seconde  moitié  du  douzième  siècle  les  ministé- 
riaux  furent  appelés  bayles  ^  Dans  le  Midi,  dès  le  treizième 
siècle ,  on  appela  baylie  une  circonscription  territoriale  admi- 
nistrée par  un  bayle. 

Les  premiers  bayles  qui  eurent  une  juridiction  furent  ceux 
des  seigneurs  ayant  justice;  les  comtes  et  les  vicomtes  leur  con- 
férèrent à  leur  tour  des  attributions  judiciaires.  Nous  avons,  dès 
le  commencement  du  douzième  siècle,  des  détails  sur  leur  com- 
pétence. A  Montpellier  ^,  ils  rendaient  la  justice  au  nom  du  sei- 

1.  Guérard,  Polyptiqued'Irminon.  Prolégomènes. 

2.  Valbonnais,  Mémoires  pour  V histoire  du  Dauphiné,  mémoire  sur  les  officiers 
ecclésiastiques.  Voy.  surtout  les  Preuves. 

3.  Bibliothèque  de  l'École  des  Chartes,  mémoire  de  M.  Delisle  sur  les  revenus  pu- 
blics en  Normandie ,  série  II,  t.  V,  p.  263,  et  Brussel ,  Usage  des  fiefs,  I,  p.  496.' 

4.  Glossaiinm,  v°.  Baillivus. 

5.  Cartulaire  de  Saint-Bertin,  édit.  Giiérard,  p.  366.  «  Hinc  sequitur  anctorisalio 
legis  quondam  facte  de  ministerialibus,  qui  moderno  te'mpore  ballivi  appellanluv, 
predii  et  ville  Sancti  Berlini...,  per  Philippura  Alsatie  Flandrarum  comitem.  » 

e.'Giraud,  Histoire  du  droit,  preuves,  t.  Il,  p.  3t;i. 


210 

gneur  ;  il  en  était  de  même  à  Béziers  * ,  ainsi  qu'à  Carcassone  - . 
Celui  de  Montpellier  était  le  supérieur  des  bayles  des  campagnes, 
mais  il  ne  recevait  pas  l'appel  de  leurs  sentences.  Les  bayles  con- 
servèrent des  fonctions  judiciaires  jusqu'au  commencement  du 
treizième  siècle;  mais  un  pareil  état  de  choses  présentait  de 
graves  inconvénients.  Ils  n'offraient  aucune  des  garanties  qu'on 
est  endroit  d'attendre  d'un  juge.  Ils  affermaient,  avec  les  reve- 
nus d'une  baylie,  le  droit  de 'rendre  justice,  et  cela  aux  en- 
chères publiques  ;  un  même  individu  se  rendait  adjudicataire  de 
plusieurs  baylies  et  les  sous-louait  ;  une  seule  baylie  était  même 
partagée  entre  plusieurs  agents  subalternes  qui  exerçaient  cha- 
cun, avec  le  nom  de  sous-bay  le,  une  juridiction  dans  le  district  qui 
lui  était  assigné.  De  là  naissaient  de  nombreux  conflits  entre  les 
bayles,  qui  se  disputaient  les  justiciables  ;  car  c'était  une  chose 
fructueuse  que  de  rendre  la  justice ,  le  produit  des  amendes 
leur  appartenait  jusqu'à  concurrence  de  30  sous  ^ . 

On  n'imposait  à  ces  bayles  d'autre  condition  que  de  n'être  ni 
juifs,  ni  hérétiques,  ni  usuriers.  A  Montpellier,  le  bayle  était 
annuel  et  ne  pouvait  être  réélu  qu'au  bout  de  deux  ans.  Le  sei- 
gneur s'était  engagé  à  ne  pas  le  nommer  sans  consulter  les  con- 
suls. Ceux-ci  s'arrogèrent  un  droit  d'élection,  mais  c'étaient  là 
des  garanties  locales  '' .  Il  y  avait  donc  dans  les  baylies  un  vice 
radical,  la  vénalité.  Il  était  impossible  de  laisser  rendre  la  justice  à 
de  pareils  hommes.  Ils  étaient  assistés,  il  est  vrai,  dans  les  causes 
criminelles  par  des  jurés  pris  parmi  les  bourgeois  ^.  En  outre, 
on  leur  imposa  des  jurisconsultes  pour  diriger  les  procès  civils. 
Cet  usage  existait  dès  le  commencement  du  treizième  siècle  à 
Montpellier  et  à  Carcassonne  ^ ,  à  Moissac ,  à  Castelsarrasiu  ' .  A 

1.  Vaissete,  II,  col.  389. 

2.  Giraud,  t.  U,  p.  351.  La  coutume  de  Carcassonne  était  en  grande  partie  la  même 
que  celle  de  Montpellier. 

3.  Lettre  du  sénéchal  de  Beaucaire,  1247,  Vaissete,  III,  col.  466-467.  — Bail  de 
la  baylie  de  Rodez,  en  1251  ('Arch.  de  l'Empire,  J.  1034').  Des  chevaliers  même  se 
mêlaient  de  ce  trafic.  (Arch.  de  l'Empire,  J.  190,  n.  61.) 

4.  Gkmd,  Hist.  du  droit,  t.  Il,  p.  361.  D'Aigrefeuille,  t.  Ij'p.  560. 

5.  Voy.  notre  chapitre  des  juridictions  municipales. 

6.  Giraud,  t.  II,  p.  361. 

7.  Arch.  de  l'Emp.,  J.  305,  n.  40,  Castelsarrazin  ;  J.  320,  n°  54,  Moissac.  Voici  un 
fragment  d'une  enquête  faite  en  1203  par  un  bayle  assisté  de  son  juge  :  «  Publicavit 
infrascriptos  testes  P.  Imbertus  de  Caslario  in  curia  domini  Raimundi  conaitis  To- 
lose,  coram  Poncio  de  Cerveria,  ejusdem  domini  comitis  bajulo  in  Castro  Castlari, 
assistente  ei  Petro  Fulcidio  judice;  »  original,  Arch.  de  l'Emp.,  J.  223,  n"  62, 


'211 

JVimes  \  ces  juristes  étaient  nommés  par  le  seigneur  et  quel- 
quefois par  le  bayle.  Enfin,  vers  le  milieu  du  treizième  siècle,, 
cette  défiance  contre  les  bayles  prit  une  plus  grande  force.  On 
leur  interdit  de  taxer  les  amendes  :  ce  droit  appartint  au  séné- 
chal ^ ,  magistrat  supérieur  dont  les  fonctions  répondaient  à 
celles  des  baillis  royaux. 

§  3.  Des  juges. 

Dom  Vaissete  assure  qu'Alfonse  divisa  la  partie  du  Languedoc 
qui  lui  appartenait  en  judicatures  ou  jugeries,  comprenant  cha- 
cune dans  son  ressort  plusieurs  baylies ,  lesquelles  furent  ainsi 
soumises  à  un  juge  '.  Quels  étaient  ces  juges?  Quelle  était  leur 
compétence?  Formaient-ils  dans  la  hiérarchie  judiciaire  un 
degré  au-dessus  des  bayles  ?  Dom  Vaissete  nous  représente  les 
bayles  comme  rendant  la  justice.  Cela  peut  être  vrai  dans  les 
cours  des  seigneurs  *  et  dans  la  Guienne;  mais  il  n'en  est  pas  de 
même  pour  les  domaines  soumis  immédiatement  dans  le  Languedoc 
à  l'autorité  des  comtes  de  Toulouse  et  du  roi  de  France,  et  cela 
à  partir  du  milieu  du  treizième  siècle.  Dom  Vaissete  a  été  induit 
en  erreur  par  une  ordonnance  très-confuse  d'Alphonse  sur  l'orga- 
nisation de  la  justice,  où  il  est  parlé  de  la  juridiction  des  bayles. 
C'est  là  un  abus  de  mots  ;  les  bayles  venaient  de  perdre  le  droit 
de  juger,  mais  il  leur  restait  encore  quelques  attributions  judi- 
ciaires auxquelles  on  a  bien  pu  donner  le  nom  de  juridiction. 
Ces  juges  dont  parle  l'historien  du  Languedoc  les  remplacèrent 

1.  Guillelmus  deCodolio,  jude\  et  cancellarius  in  Nemausensi  domini  Raimundi. 
Ménard,  Hist.  de  Nîmes,  preuves,  t.  I,  p.  68, en  1220. 

2.  Bailliviam  nostram  Riithenensem  cuna  pedagio  tradidimus  ad  firmamPetroRosi- 
gnelli.  Dictus  vero  Petrus  omnes  emendas  quas  in  dicta  baiilivia  evenire  contigerit  a 
viginiti  solidis  citra  percipiet...,  ita  tamen  quod  ipse  aliquas  emeMus  judicare  non 
poterit  nec  levare  sine  senescallo  nostro  Ruthenensi,  vel  ejus  speciali  mandato.  — 
Bail  de  la  baylie  de  Rodez,  par  Alphonse,  en  1251.  Arch.  de  l'Emp. ,  original,  J.  1022, 
n''4. 

3.  Vaissete,  t.  m,  p.  526. 

4.  A  Montpellier,  par  exemple,  le  bailli  ou  bayle  de  celte  ville  jugeait  au  civil  et 
au  criminel.  Il  choisissait  un  juge  pour  l'aider  à  rendre  la  justice,  un  substitut  du 
bailli  et  un  substitut  du  juge,  un  viguier  et  son  assesseur,  lesquels  ne  formaient 
qu'une  seule  cour,  divisée  en  trois  sièges  ou  banques,  la  première  appelée  cour  du 
bayle,  la  deuxième  cour  du  soiis-bayle,  la  dernière  cour  du  viguier.  D'Aigrereuille , 
I,  p.  560. 


212 

et  furent  de  première  instance.  Voici  quelle  est  leur  origine  : 
Nous  avons  vu  que  vers  le  milieu  du  treizième  siècle  le  séné- 
chal taxait  lui-même  les  amendes  et  les  dépens.  Cet  officier,  qui 
réunissait  entre  ses  mains  toutes  les  branches  de  l'administration, 
ne  pouvait  rendre  lui-même  la  justice  dans  toute  l'étendue  de  sa 
sénéchaussée  ;  il  se  fit  remplacer  par  un  magistrat  nommé  par 
lui,  et  qui  avait  les  mêmes  attributions;  ce  magistrat  s'appelait 
juge  du  sénéchal.  Il  ne  put  à  son  tour  suffire  à  porter  seul  le 
poids  de  ses  fonctions.  Alors  le  sénéchal  de  Toulouse  établit 
plusieurs  juges  dans  sa  sénéchaussée,  et  les  mit  à  la  tête  d'une 
circonscription  territoriale  qui  ne  répondit  à  aucune  autre  cir- 
conscription administrative.  Outre  la  viguerie  de  Toulouse,  il  y 
avait  au  treizième  siècle  dans  la  sénéchaussée  de  Toulouse  trois 
jugeries.  Un  compte  de  dépenses  inédit  nous  permet  de  fixer 
l'époque  à  laquelle  elles  étaient  déjà  instituées.  Au  terme  de  la 
Chandeleur  1256,  à  l'article  des  juges,  je  trouve  le  juge  du 
sénéchal,  celui  du  viguier  de  Toulouse ,  celui  de  Castelnaudary 
et  celui  de  Lavaur.  De  plus,  une  somme  de  26  livres  13  sous 
4  deniers,  somme  égale  au  traitement  de  chacun  des  deux  autres 
juges  desjugeries,  est  donnée  à  «  Johannes  Dominicus.  »  Nul 
doute  que  ce  dernier  ne  fût  aussi  un  juge,  celui  de  Gascogne,  et 
qu'il  n'ait  été  établi  à  cette  époque.  En  effet,  il  y  avait  dans  la 
sénéchaussée  de  Toulouse,  outre  la  viguerie  de  Toulouse,  trois 
jugeries  :  celle  de  Lauraguais  (chef-lieu  Castelnaudary),  celle 
de  Villelonge,  et  celle  de  Gascogne  * . 


1.  Salaria  judicum  :  pro  magistro  Gaufredo  judice  Tholose,  pro  teraiinis  oinniiitii 
sanctoiutn  et  purificationis  aniio  1256,  xxxiii  1.  vi  s.  viii  d.  t.  —  Pro  magistro 
Pelro  judice  Castri  Novi  de  Arri,  xxvi  1.  xni  s.'mi  d.  tur.  —  Pro  magistro  Guiilelmo 
dej  Sopet  judice  de  Vauro,  xxti  1.  xiii  s.  irir  d.  tur.  —Pro  magistro  Vï^iilelmo  judice 
senescaili ,  xxvi  I.  xiii  s.  nu  d.tur.  mandato  magistri  Stepliani.  (Bibl.  Impériale, 
Rouleau  original.) 

A  la  fin  du  treizième  siècle,  le  nombre  des  jugeries  était  augmenté.  On  trouve 
celles  de  Rieux,  de  Rivière,  de  Verdun,  de  Lauraguais,  de  Villelongue,  ainsi  que 
l'atteste  le  fragment  suivant,  extrait  d'un  compte  des  recettes  et  des  dépenses  de  la 
sénéchaussée  de  Toulouse  pour  l'année  1294  : 

Magistro  Arnaldo  de  Ponte,  magistro  Arnaldo  Magistri,  judicibus  Rivorum  et  Rippa- 
rie...— Magistro  Barlholomeo  de  Gardia  etsuccessori  suo  judici  Albigesii.  —  Magistro 
Slephano  de  Scalquenchiis  judici  Verduni.  —  Mag.  Bernardo  Sancii  judici  Laura- 
guesii.  —  Mag.  Arnaldo  de  Rayssac  ,  judici  Villelonge,  uii'"  1.  pro  anno.  Ces  80  livres 
forment  le  traitement  annuel  de  chacun  des  autres  juges.  (Arch.  de  l'Emp.,  Rooleau 
original,  R.  501). 


213 

En  Albigeois,  il  n'y  avait  qu'une  seule  jugerie*.  La  séné- 
chaussée d'Agenais  et  de  Quercy  en  comprenait  deux  ,  une  pour 
chacune  des  deux  provinces  dont  elle  était  formée^.  La  séné- 
chaussée de  Rouergue,  une  seule  \  Le  comtat  Venaissin  possé- 
dait, dès  le  douzième  siècle,  un  juge  particulier  du  comte  de 
Toulouse  qui  portait  le  titre  de  chancelier,  et  apposait  aux  actes 
de  la  juridiction  volontaire  la  bulle  de  plomb  des  marquis  de 
Provence^.  Ces  juges  étaient  appelés  juges  ordinaires  ou  tout 
simplement  juges.  Le  viguier  de  Toulouse  avait  les  mêmes  attri- 
butions judiciaires  qu'eux;  mais  il  était  remplacé  dans  l'exercice 
de  la  justice  par  un  juge  payé  par  le  comte. 


1.  Vaissete,  III,  preuves,  col.  581  et  486. 

2.  Compotus  Johannis  de  Angervillari,  militis,  senescalli  Agennensis  et  Calurcensis, 
de  termino  omnium  sanctonim  annt)  m.  ce.  lxix. 

Jiidici  Agennensi,  pro  primo  tertio  de  c.  lib.  tur.  pro  saiario  per  anniim,  xxxiii  1. 
VI  s.  VIII  d.  tur.  Magistio  Vincentio  judici  in  causis  appellationum ,  pro  primo  tertio 
de  c.  l.  tur.  per  annum,  xxxiii  1.  vi  s.  vin  d.  tnr. 

Pro  mantello  Joliannis  Cofferii  clèrici,  vi  1.  v  s.  tur. 

Judici  Caturcensi,  pro  primo  tertio  de  iiu"  1.  tur.  per  annum  pro  salarie,  xxvi  1. 
XIII  s.  iiii  d.  tur.  Senescallo  pro  ix"  m  diebus,  xxx  s.  tur.  per  diem,  iiii"xnii  1.  x  s. 
tur.  (Bibl.  imp.,  Rouleau  original).  Ce  juge  résidait  à  Milliau. 

3.  Gagia  senescalli,  per  annum  iiii^  lib.  tur.,  pro  secundo  tertio,  vi".  xiu  I.  vi  sol. 
vin  d.  tur.  Salaria  judicum  :  Magistro  Petro  Rayniundi  Foicaudi,  judici  senescalli  per 
annum  un"  1.  tur.,  pro  primo  tertio,  xxvi  1.  xui  s.  lui  d.  tur.  Judici  de  Amillavo, 
per  annum  xx  1.  tur.,  pro  primo  tertio,  vi  1.  xni  s.  iiii'd.  t.  En  1246 ,  il  est  fait  men- 
tion de  Bernardus  Sicardus,  judex  comilatus  Ruthinensis.  (Vaissete,  III, preuves, 
col.  457.) 

Voy.  aussi  le  registre  XI  du  trésor  des  chartes  intitulé  :  Recognitiones  feudorum 
Alfonsi  comidsPictaviensis  et  Tholosani.  Les  hommages  y  sont  souvent  reçus  par 
les  juges  de  Rouergue,  de  Quercy  ^■t  d'Agenais,  et  cela  en  1259  et  1260. 

4.  Ce  juge  rendait  aussi  la  justice.  Voyez  un  jugement  rendu  en  mars  1263  par 
«Raimondus  Bosslygonus ,  judex  Venaisini  pro  illustrissimo  domino  Alfonso.  »  Il 
condamna  par  contumace  à  une  amende  de  1000  livres  tournois  un  nommé  Oudard, 
qui  avait  injurié  et  menacé  un  bajle.  L'original  de  ce  jugement  est  scellé  d'une  bulle 
de  plomb  de  moyenne  grandeur,  offrant  d'un  côté  la  représentation  équestre  du 
comte  de  Poitiers,  avec  la  légende:  Alfonsvs  comes  Pictavie  et  TH0L.,et  de  l'autre 
la  croix  de  Toulouse,  avec  la  légende  :  Mabchio  provincie  (Arch.  de  l'Emp.,  J.  308, 
n"  72).  Cette  bulle  changeait  avec  chaque  comte;  la  légende  portait  le  nom  du  prince 
régnant.  Cependant  la  même  bulle  servit  sous  Raymond  vi  et  sous  Raymond  VII, 
bien  que  ce  dernier  ait  eu  aussi  une  bulle  qui  lui  était  propre.  (Arch.  de  l'Emp., 
M.  573),  pièce  de  Tan  1204.  —  Ego  Bertrandus  Radulfus,  judex  et  cancellarius,  sigil- 
lavi  et  eidem  subscripsi.  Cor  mundum  créa  in  me,  Deus.  Face  :  Raymond  à  cheval, 
galopant  à  gauche  et  brandissant  son  épée.  Légende  +  S'.  RAIMVNDI  III  COMITIS. 
Revers,  la  croix  de  Toulouse.  —  Même  bulle  employée  par  Raymond  VII,  J.  311, 


214 


§  4.  Des  viguiers  royaux. 

Dans  les  sénéchaussées  de  Beaucaire  et  de  Carcassonne ,  les 
juges  inférieurs  étaient  des  viguiers  qui  n'avaient  que  le  nom  de 
commun  avec  ces  viguiers  dont  nous  avons  parlé  plus  haut. 
Une  ordonnance  de  Philippe  de  Valois  nous  apprend  qu'ils 
furent  créés  au  treizième  siècle. 

Après  que  la  royauté  eut  acquis  les  vicomtes  de  Béziers  et  de 
Carcassonne,  elle  assembla  les  États  provinciaux  et  établit,  à  leur 
demande,  une  viguerie  à  Béziers  '.  On  ne  saurait  douter  que  les 
autres  vigueries  royales  n'aient  été  instituées  à  cette  époque. 
Dans  la  sénéchaussée  de  Carcassonne  se  trouvaient ,  au  commen- 
cement du  quatorzième  siècle,  les  vigueries  de  Carcassonne,  Ca- 
bardez ,  Minervois ,  Béziers ,  Albi ,  Gignac ,  Limoux ,  Narbonne , 
Fenouillède,  Termenois,  les  AUemans,  le  bailliage  de  Sault  et  la 
chàtellenie  de  Montréal.  Dans  celle  de  Beaucaire,  les  vigueries 
de  Nîmes,  Beaucaire,  Uzès  ,  Anduse,  Sommiers,  Aigues-Mortes, 
Pont-Saint-Esprit,  Bagnols,  Boquemaure  et  Saint-André,  les 
bailliages  de  Gévaudan,  de  Vivarais  et  de  Vêlai  ^. 

Dom  Vaissete  a  bien  apprécié  les  fonctions  des  viguiers  en  les 
appelant  de  petits  sénéchaux;  mais  il  a  négligé  d'éclaircir  leur 
juridiction.  Ils  jugeaient  en  première  instance  toutes  les  causes 
en  matière  civile  et  criminelle  ^  et  l'appel  des  justices  seigneu- 
riales, comme  nous  le  montrerons  quand  nous  traiterons  des 
sénéchaux.  Telle  était  aussi  la  compétence  des  juges  des  jugeries  : 
on  les  voit  juger  des  causes  entre  nobles  *.  Quant  au  criminel, 
les  coutumes  des  différentes  bastides  élevées  par  Alphonse  leur 


n»  62.  Autre  bulle,  appendue  à  un  acte  de  l'an  1246.  Face  :  Raymond  à  cheval,  armé  de 
toutes  pièces,  galopant  à  gauche.  +  S.  R.COMITIS.  Revers  :  la  croix  de  Toulouse; 
légende  +  S.  VENAISSINI. 

1.  Ordonnance  de  Philippe  de  Valois,  confirmant  les  privilèges  de  Béziers  en  1338. 
Ordonnances  des  rois  de  France,  t.  in,  p.  168. 

2.  Vaissete,  IV,  p.  502;  Bâville,  Mémoire  sur  le  Languedoc.  (Arch.  de  l'Emp., 
K.K.  1316.) 

3.  «Ordinatum  fuit  quod  in  dicta  villa  (Biterris)  esset  unus  vicarius  et  unus  ju- 
dex  pro  nobis  qui  in  dicta  villa  Biterris  de  omnibus  causis  tam  civilibus  quam  crimi- 
nalibus  et  aliis  quibuscumque  ad  nos  pertinentibus...,soli  et  in  solidum  primam  co- 
gnilioneni  haberent.  Ord.  de  Philippe  de  Valois.  Ordonnances,  t.  ni,  p.  268.» 

4.  Jngement  d'un  procès  entre  la  dame  de  Montjoire  et  le  sénéchal  de  Toulouse. 


215 

attribuent  la  punition  des  homicides  ' ,  et  une  ordonnance  de 
Louis  X  constate  qu'ils  avaient  une  juridiction  criminelle  2. 
Mais  à  l'article  des  juridictions  municipales  nous  verrons  que 
les  bourgeois  prenaient  part  au  jugement  des  causes  crimi- 
nelles. 

Les  viguiers  royaux  ne  pouvaient  rendre  seuls  la  justice ,  ils 
devaient  être  assistés  d'un  juge  payé  par  le  roi.  A  eux  deux  ils 
formaient  ce  qu'on  appelait  la  cour^.  Ainsi  quand  on  trouvera 
dans  un  texte,  par  exemple,  la  cour  de  Nîmes,  la  cour  de  Car- 
cassonne,  on  saura  qu'il  s'agit  du  tribunal  du  viguier  de  Nîmes, 
du  viguier  de  Carcassonne.  Les  juges  du  viguier  étaient  annuels, 
ceux  des  jugeries  le  devinrent  également.  C'était  là  une  garantie 
chère  aux  Méridionaux  *;  mais  elle  était  abusive  en  ce  qu'elle 
empêchait  les  magistrats  d'acquérir  la  pratique  qui  est  indis- 
pensable à  l'expédition  de  la  justice.  On  y  remédia  en  établis- 
sant un  roulement  parmi  ces  juges,  et  en  les  faisant  passer 
chaque  année  d'une  jugerie  à  une  autre  ' . 

Arch.  de  l'Emp.,  J.  329,  u"  41.  Le  jnge  du  viguier  de  Toulouse  juge  un  différend  entre 
un  clievalier  et  des  vilains.  Ibidem,  J.  319,  n»  4,  fol.  127. 

1.  Bibl.  Imp.  Mss.  de  Doat,t.  LXXIV,  Coutumes  de  Castelsagrat,  etc.,  fol.  91,  etc. 

2.  Ordonunance  de  Louis  X  en  1315-  Rozoy,  Annales  de  Toulouse,  1. 1,  preuves, 
p.  133. 

3.  Ménard,  I,  preuves,  p.  86.  On  y  voit  que  le  juge  du  viguier  avait  un  lieute- 
nant qui  le  remplaçait  en  cas  d'absence, 

4.  Les  habitants  de  Beaucaire,  en  1248,  demandèrent  aux  enquêteurs  du  roi  qu'on 
observât  l'ancienne  coutume  de  changer  chaque  année  le  viguier  et  son  juge. 
(Arch.  de  l'Emp.,  J.  889.) 

Bajulus,  subbajulus,  judex  vel  vicarius  non  debent  in  curia  stare  nisi  per  annum , 
et  postea  infra  biennium  nemo  illorum  in  curia  débet  restitui.  Coût,  de  Montpel- 
fler,  art.  119,  Giraud,  p.  71. 

5.  Je  donne  ici  des  extraits  d'un  règlement  concernant  les  juridictions  inférieures 
de  l'an  1300  environ  : 

«  Item,  qnod  judices  residebunt  in  jndicatnris  suis,  et  ibi  continiiatis  assiziis  cau> 
«  sas  audient  privatorum,  et  in  causis  fiscalibns  procedi  faciant  présente  procura- 
«  tore  régis  cum  suo  advocato  diligenter  et  celeriter  donec  in  eis  renuntiatum  fuerit 
«  et  conclussum . 

«  Item,  nuUas  commissiones  recipiant,  sed  penitus  insistent  examinationi  nego- 
»  ciorum  sue  judicature. 

«  Item,  judex  omnes  causas  privatorum  determinabit  infra  duos  menses  postquam 
«  in  eis  renuntiatum  fuerit  et  conclussum. 

«  Item ,  in  singutis  assiziis  assistent  judici  bajulus  et  servientes  cujusque  loci  et 
«  pertinentiarum  ejusdem. 

«  Item,  judex  uti  nequeat  substitulo  nisi  ex  causa  necessaria  probabiii,  in  qua  se- 
«  nescallus  sibi  provideat  ydoneo  substitnto. 


216 

Dom  Vaissele  prétend  que,  dès  1251,  il  y  avait  un  procureur 
du  comte  de  Toulouse  permanent  auprès  du  juge  d'Albigeois;  il 
ne  donne  pas  de  preuves  de  ce  fait,  qui  nous  parait  douteux.  On 
trouve  bien  des  procureurs  du  comte  de  Toulouse,  mais  ils 
étaient  nommés  pour  soutenir  les  intérêts  de  leur  maître  dans 
une  circonstance  déterminée.  Un  règlement  qui  ne  porte  pas  de 
date,  mais  qui  est  au  plus  tard  des  premières  années  du  qua- 
torzième siècle,  nous  fait  voir  qu'il  y  avait  un  procureur  du  roi 
dans  chaque  sénéchaussée  des  anciens  domaines  d'Alphonse.  II  y 
en  avait  aussi  dans  les  sénéchaussées  royales,  car  on  en  trouve 
un  dans  la  sénéchaussée  de  Nimes  dès  1294.  Ces  procureurs 
avaient  sous  leurs  ordres  des  avocats  du  roi,  et  étaient  chargés 
de  surveiller  l'instruction  des  causes  dans  lesquelles  le  trésor 
royal  pouvait  se  trouver  intéressé;  mais  ils  ne  paraissent  pas 
avoir  rempli  les  fonctions  actuelles  du  ministère  public  ' . 

Qu'étaient  devenus  les  bayles?  Ils  avaient  perdu  le  droit  de 
rendre  la  justice,  mais  ils  conservèrent  quelques  attributions 
judiciaires.  C'était  pour  eux  une  obligation  d'assister  aux  juge- 
ments rendus  dans  l'étendue  de  leur  baylie.  L'exercice  de  la 
police  leur  donnait  les  moyens  de  commettre  impunément  des 
exactions  odieuses,  car  si  leurs  fonctions  se  bornaient  à  arrêter 
les  criminels  dans  le  cas  de  flagrant  délit  ou  sur  un  ordre  des 
magistrats ,  il  y  avait  une  foule  de  contraventions  qui  étaient 
punies  par  des  amendes  dont  les  coutumes  locales  donnaient  le 
tarif  :  c'était  ce  qu'on  appelait  le  ban.  De  nos  jours,  l'agent  qui 
constate  le  délit  n'a  pas  le  droit  d'appliquer  la  peine.  Au  moyen 
âge,  il  n'en  était  pas  ainsi;  le  bayle  qui  surprenait  un  déhn- 
quant  lui  faisait  payer  le  ban  sans  autre  forme  de  procès  et  sou- 
vent contre  toute  justice.  En  un  mot,  les  bayles  remplissaient 
les  fonctions  d'huissiers  et  de  commissaires  de  police  ^. 

Dans  certaines  villes ,  il  existait  des  hommes  qui  n'étaient  pas 

«  Item,  judices  sint  annales,  vel  saltem  quod  annis  singulis  de  una  judicatura  in 
«  aliam  tiansfeiantur.  »  Arch.  de  l'Emp.,  J.  329,  n°  43. 

1.  «  Item,  procuratores  domini  régis  diligenter  et  sollicite  causas  fiscales  informa- 
tione  prehabita  permanebunt,  et  celeriter  ad  finem  peiducent.  Et  in  ipsis  causis  per- 
sonaliter  insistent  una  cum  advocato  suo,  ullo super  hoc  a  se  substituto. »  (Arch. 
del'Emp.,  J.  329,  n"  43.) 

2.  Les  bayles  avaient,  dans  certains  endroits,  la  vérification  des  poids  et  mesures 
employés  par  les  marchands  ;  ils  trouvaient  souvent  des  contraventions  là  où  il  n'en 
existait  pas.  Arch.  de  l'Emp.,  J.  889  passim. 


•217 

îonclionnaires  publics,  et  qui  avaient  pour  mission  de  dénoncer 
les  crimes  et  les  délits  qui  parvenaient  à  leur  connaissance,  no- 
tamment les  adultères.  C'étaient  des  agents  de  police  subal- 
ternes, dont  la  négligence  était  souvent  punie  par  des  amendes 
que  leur  infligeait  le  magistrat  qu'ils  auraient  dû  avertir  ' . 


CHAPITRE   II. 

JURIDICTIONS   MUNICIPALES. 

§  1 .  Origine. 

Nt)us  avons  vu  quels  étaient  les  officiers  chargés  de  rendre  la 
justice  en  première  instance;  mais  à  eux  seuls  n'appartenait  pas 
la  première  connaissance  des  causes  civiles  et  criminelles.  Le 
droit  de  juger  fut  aussi  le  partage  des  magistrats  municipaux, 
et  c'est  la  mesure  dans  laquelle  ces  magistrats,  nommés  consuls, 
exerçaient  une  juridiction  qu'il  convient  de  déterminer  d'une 
manière  précise.  Je  n'entrerai  pas  dans  des  détails  sur  la  juri- 
diction de  chacune  des  communes  du  Languedoc,  je  m'attache 
rai  à  démontrer  quelle  fut  l'origine  de  ces  justices  et  à  en  faire 
saisir  le  caractère  général. 

Il  y  avait  en  1271,  dans  la  seule  sénéchaussée  de  Toulouse, 
c'est-à-dire  dans  une  étendue  de  pays  qui  répond  à  peu  près  au 
département  de  la  Haute- Garonne,  plus  de  cent  dix  localités 
administrées  par  des  consuls  2.  Ces  communes  n'étaient  pas 
toutes  soumises  au  môme  régime.  C'étaient,  pour  la  plupart,  des 

1.  «  Significat  Guillelmus  Andra  de  Margunco  quod,  tenipore  senescailie  domini 
Guillelmi  de  Ulmoio,  ipse  fuit  constitutus  ad  servandiim  jura  ilomini  régis  in  Castro  de 
Margunco  ;  et  tiim  luit  dictuni  in  castro  quod  quedam  mulier  que  erat  de  jurisdic- 
tione  régis  comiserat  adulterium ,  quod  denunciavit  curie  ;  et  tuin  vicarius  Biterri, 
videlicet  P.  de  Ulmoio  ,  dixit  ei  :  Tarde  dennnciasti  curie,  et  ipse  erat  paratus  jurare 
quod  ipse  denunciavit  qnando  audivit  a  gentibus,  et  propter  tioc  extorsit  ab  eo  xx 
solidos  Melgorienses,  inde  petit  jnsticiam.  »  (Arcli.  de  i'Emp.,  3.  1032,  u"!,  an- 
née 1247.) 

2  Voy.  le  Saisimentum  comitatus  Tholose,  ou  procès-verbal  de  prise  de  posses- 
sion par  Philippe  le  Hardi  de  la  partie  du  Languedoc  qui  lui  était  échue  par  la 
mort  d'Alplionse.  Un  fragment  de  ce  document  important  ^st  publié  dans  les  Preuves 
du  tome  I"  des  Annales  de  Toulouse,  de  la  Faille  (Toulouse,  2  vol.  in-fol.),  et  dans 
Ips  Preuves  du  tome  I"  des  Annales  de  Ja  même  ville,  de  Rozoy.  Ce  dernier  a  mis, 
I.  (Quatrième  série.)  15 


218 

bastides  ou  des  villages  ouverts  constriiHs  au  douzième  et  au 
treizième  siècle',  où  l'on  avait  attiré  des  habitants  par  l'appât 
de  quelques  avantages ,  tels  qu'exemption  de  péages ,  impôts 
modérés,  tous  privilèges  matériels  contribuant  au  bien-être 
de  l'individu,  sauvegardant  sa  personne  et  ses  biens,  mai* 
n'ayant  pas  de  rapport  avec  la  liberté  politique  ^.  Aussi  les  con- 
suls de  ces  bourgades  ne  reçurent-ils,  lors  de  la  fondation  de 
leur  bastide,  que  l'exercice  de  la  police  et  une  juridiclion  civile 
insignifiante. 

Mais  à  côté  de  ces  communes  rurales  sans  importnnce  s'éle- 
vaient de  riches  et  puissantes  cités  dont  les  habitants  avaient 
acquis,  au  prix  de  luttes  sanglantes,  une  indépendance  qu'ils 
savaient  faire  respecter.  Quelques-unes  avaient  un  long  passé,  et 
remontaient  à  la  période  de  l'occupation  romaine.  Plusieurs  his- 
toriens se  sont  plu  à  rattacher  la  juridiction  des  consuls  du 
treizième  siècle  à  celle  des  magistrats  municipaux  gallo-romains. 
Aucun  texte  ne  permet  de  prouver  la  perpétuité  de  ces  juridic- 
tions, qui  devinrent  inutiles  par  l'adoption  dans  toutes  les  Gaules 
des  mais  mérovingiens,  où  chacun  était  jugé  par  des  hommes  de 
sa  nation,  lesquels  offraient  toutes  les  garanties,  sinon  de 
lumières,  du  moins  d'impartialité  et  de  justice.  En  outre,  le& 
magistrats  municipaux  gallo-romains,  ordinairement  appelés  du- 
umvirs,  ne  possédaient  qu  une  juridiction  civile  fort  peu  éten- 
due^. Les  consuls  du  treizième  siècle,  au  contraire,  connais- 
saient des  crimes  capitaux,  tandis  que  leur  compétence  en 
matière  civile  était  presque  nulle.  Tout  porte  donc  à  croire  que 
la  juridiction  des  consuls  ne  lire  pas  son  origine  de  celle  des 
duumvirs  ;  on  doit  lui  en  assigner  une  beaucoup  plus  récente. 
C'est  au  douzième  siècle  seulement  qu'il  est  possible  de  cons- 


en  bon  français ,  l'ouvrage  de  ta  Faille,  et  l'a  embelli  de  réflexions  philosophiques 
ridicules.  Toulouse,  3  vol.  in-4". 

1  Alphonse  en  lit  élever  un  grand  nombre.  On  en  trouve  une  liste  tronquée  dans 
Vaissete,  111,  preuves,  p.  600.  Elle  est  complète  dans  le  Carlul.  d'Alphonse.  Bibl. 
imp.,  Mss.  Doat,  t.  74,  p.  9i. 

2.  Coutumes  de  Villeneuve, ']mn  \11V),  ibidem,  p.  335  et  seq. 

3.  M.  de  Savigny  prétenci  que  les  villes  des  Gaules  n'avaient  pas  de  magistrats  élec- 
tils,  ou  que,  si  elles  en  avaient,  ceux-ci  étaient  dépourvus  de  juridiction.  M.  Giraud 
a  démontré  que  l'organisation  municipale  a  été  la  môme  en  Gaule  et  en  Halie;  par 
■conséquent,  ce  que  l'on  sait  de  la  juridiction  de^  duumvirs  italiens  s';q)plique  au\ 
«huimvirs  gaulois.  Giraud,  Essai  sur  l'hist.  du  droit  français,  t.  I,  p.  125  et  suiv. 


•2  lu 

lali'i'  l'tixislfiice  des  juridictions  coin  mu  uu  les.  J'exposerai  suc- 
cessivement la  compétence  civile  et  la  compétence  criminelle  des 
consuls  des  vilUs  du  Languedoc,  mais  auparavant  je  ferai  re- 
marquer que  les  bourgeois  pouvaient  prendre  part  de  deux  ma- 
nières à  l'administration  de  la  justice,  ou  bien  en  servant  d'as- 
sesseurs aux  juges  seigneuriaux,  ou  bien  en  ayant  eux-mêmes 
un  tribunal  exclusivement  composé  de  magistrats  municipaux, 
en  un  mot,  être  juges  ou  jurés. 

§  2.  Juridiction  municipale  en  matière  civile. 

La  juridiction  civile  n  entrait  dans  les  attributions  des  consuls 
que  dans  un  très-petit  nombre  de  cités  importantes.  Au  milieu 
«lu  douzième  siècle,  les  jugements  étaient  rendus  à  Toulouse  par 
le  viguier  assisté  des  consuls'.  A  la  même  époque,  on  voit 
des  procès  civils  jugés  par  les  consuls ,  formant  à  eux  seuls 
lin  tribnuiil.  Comment  expliquer  l'existence  simultanée  de  ces 
deux  juridictions  ayant  la  même  compétence?  Voici  ce  qui  s'est 
passé.  Le  seigneur  fut  contiaitil  de  partager  avec  la  commune  le 
droit  de  rendre  justice;  chaque  citoyen  put  à  son  choix  aller  se 
plaindre  aux  consuls  ou  au  juge  seigneurial.  Écoutons  la  cou- 
tume de  Montpellier,  qui,  bien  que  rédigée  en  1204,  nous  re- 
porte à  un  état  de  choses  beaucoup  plus  ancien  : 

«  Tamen  causse  et  lites  possunt  venire  in  posse  consulum  et 
proborum  hominum  aliorum  antequam  clamor  fiat  coram  curia  , 
sed  consules  debent  decidere  illudsine  sumptibus.  » 

Le  même  article  est  reproduit  textuellement  dans  la  coutume 
de  Garcassonne,  qui  est  de  la  même  époque. 

On  lit   dans  les  privilèges  accordés  à  la  ville  de  jNîmes  en 


i.  Voy.  Pardessii!*,  préface  du  t.  XXI  des  Ordonnances,  §  Juridictions  munici- 
pales. Ja  dois  faire  connaître  ici  le  système  qu'a  adopté  ce  savant  jurisconsulte, 
pour  expliquer  l'origine  de  ces  juridictions.  Il  est  porté  à  croire  que,  dans  le  Midi, 
elles  ont  survécu  aux  invasions.  Cependant  voici  comment  elles  se  sont  formées  en 
général.  Au  dixième  siècle,  les  mais  furent  remplacés  par  les  juridictions  des  sei- 
gneurs. En  cerlains  endroits  les  prud'hommes  qui  avaient  composé  les  mais  conti- 
nuèrent de  rendre  la  justice  sous  la  présidence  d'un  des  leurs.  Ainsi  les  villes  qui , 
dès  la  3*  race,  eurent  une  juridiction  la  durent  à  i'usurpatioji  qui  en  donna  une  aux 
seigneurs.  Quand  une  ville  n'était  pas  assez  forte,  elle  transigeait  avec  le  seigneur. 
Ce  système  est  très-ingénieux.  Que  les  juges  municipaux  procèdent  des  scabins  ou 


220 

1209  par  Raymond  YT,  et  confirmés  en   1217   par  Simoti  de 
Montfort. 

«  Concedimus  postquamititer  quaslibet  personas  in  mann  con- 
sulura  litigare  volentes  lis  cœpta  et  contestata  fuerit,  ita  quod 
unum  placitum  habuerint ,  non  liceat  eis  vel  alicui  personarnm 
illarum  a  manu  eoiisuium  exire,  donec  cansa  ista  in  mann  con- 
sulum  terminata  fuerit  et  sopita.  Ante  litem  vero  contestatam  et 
antequam  unum  placitum  in  manu  consuliim  habuerint,  licebit 
eis  personis  et  ciiilibet  earumdem  ad  curiam  nostram  accédera 
et  placitare  ï.  » 

A  Toulouse,  nul  texte  législatif  ne  fixe  ce  droit  d'option,  mais 
il  est  constaté  au  treizième  siècle  par  une  déclaration  du  viguier  ^. 
Ce  droit  de  choisir  entre  le  tribunal  des  consuls  et  celui  des 
seigneurs  est  l'origine  de  la  juridiction  municipale  en  matière 
civile.  Ce  fut  une  conquête  de  la  démocratie  du  douzième  siècle, 
conquête  que  les  seigneurs  furent  contraints  de  sanctionner  et 
d'inscrire  dans  les  coutumes.  Mais  pour  que  la  juridiction  mnni- 

plutôt  des  racliimbonr<;s ,  cela  ne  saurait  être  mis  en  doute.  Mais  poiinimti  supposer 
une  usurpation  ?  pourquoi  supposer  que  les  scabins  ont  continué  de  se  réunir  sous  la 
présidence  d'un  scabin  ?  Ce  dernier  point  ne  pourrait  se  prouver;  au  contraire,  nous 
voyons,  au  douzième  siècle,  les  juges  municipaux  rendre  la  justice  comme  asses- 
seurs des  ofliciers  seigneuriaux;  et  quand  il  y  eut  un  tribunal  uniquement  composé 
des  magistrats  de  la  commune,  ce  fut  là  un  résultat  obtenu  par  la  révolution  com- 
munale. Je  n'insiste  pas,  le  cbapitre  que  je  consacre  aux  juridictions  municipales 
n'ayant  d'autre  but  que  de  prouver  et  de  développer  cette  vérité. 

1.  Ménard,  Histoire  de  Nîmes,  t.  I,  preuves,  p.  54 

2.  Les  consuls  dé  Toulouse  étaient  dépouillés  de  leurs  droits  par  le  viguier  :  ce- 
lui-ci, ayant  appris  qu'Alpliouse  désapprouvait  sa  conduite,  déclara  aux  consuls 
«  quod  in  voluntate  coaquerentium  sit  conqut-ri  vicario  vel  consulibus  Tolosanis.  » 
(Catel,  Comtes,  p,  382,  vers  1252.)  Il  paraît  que  cette  bonne  volonté  du  viguier  ne 
dura  pas,  et  que  les  consuls  ne  pouvaient  exercer  leur  juridiction  ;  car  les  Toulou- 
sains choisissaient  des  arbitres  aux  décisions  desquels  ils  prétendaient  donner  force 
de  jugement,  bien  qu'une  des  parties  n'acceptât  pas  leur  arbitrage.  Ces  arbitres 
étaient  souvent  des  personnes  peu  éclairées.  (Catel,  ibid.,  p.  388  ,  et  Archives  de 
l'Empire,!.  318,  \i"  Sb;  Lettre  d'Alfonse  aux  Toulousains,  en  1254.)  Les  consuls 
de  Toulouse  conservèrent,  pendant  tout  le  treizième  siècle,  le  droit  de  juger  les 
causes  où  il  y  avait  à  interpréter  la  coutume.  (Arcli.  de  l'Emp.,  J.  896.  Vaissete, 
t.  m,  preuves,  col.  518.)  Voy.  un  jugement  des  consuls  en  matière  de  succession 
(1246)  dans  Giraud,  preuves,  p.  1 10.  M.  Warrliaenig  a  mis  à  tort  cet  acte  sous  l'année 
1305,  qui  est  la  date  du  vidimus.  {Franzosische  Staatsgeschliche,  preuves.)  Cette 
prérogative  des  consuls  de  fixer  la  coutume  est  attestée  par  un  règlement  fait  par 
les  commissaires  d'Alphonse  sur  la  juridiction  du  viguier  :  «  si  consuetudo  allegetur 
inter  civitatenses,  sletur  diclo  consulum  Tolosœ,  vel  mnjori  parti  ipsorum.  -  (Vais- 
sete, III,  col.  518.) 


2-21 

«ipale  pût  s'exercer,  il  i'aliait  que  l'une  des  deux  parties  fût  un 
bourgeois.  La  règle  «  Actor  seqnitur  forum  rei  »  recevait  aussi 
son  application.  Quand  un  procès  s'élevait  entre  un  bourgeois  et 
un  étranger,  tout  honjme  n'appartenant  pas  à  la  commune  pou- 
vait décliner  la  compétence  des  consuls.  Quelquefois  aussi  le  «  fo- 
rum contractiis  »  était  admis  ' .  Ces  règles  salutaires  étaient  sou- 
vent éludées  par  les  magistrats  municipaux ,  et  je  dois,  à  ce  pro- 
pos, signaler  dans  le  Languedoc,  au  treizième  siècle,  un  contraste 
frappant  entre  l'administration  supérieure  et  l'administration 
municipale.  i>a  première  était  juste  et  équitable,  pleine  de  sol- 
licitude pour  le  peuple;  la  seconde,  à  vues  étroites,  exclusive, 
défiante.  Un  règlement  des  consuls  de  Toulouse  interdisait  aux 
avocats  de  plaider  pour  un  étranger  contre  un  bourgeois.  Si 
quelque  seigneur  avait  contracté  une  dette  envers  un  habitant, 
et  s'il  ne  remplissait  pas  ses  obligations,  les  consuls  faisaient 
saisir  les  biens  des  hommes  de  ce  seigneur,  et  ruinaient  ainsi  des 
innocents.  Avaient-ils  à  se  plaindre  de  quelque  bayle,  ils  le 
«itaientà  leur  tribunal;  et  si  le  bayle  ne  comparaissait  pas,  ses 
justiciables  payaient  pour  lui,  et  se  voyaient  enlever  par  ordre 
des  magistrats  municipaux  leurs  meubles  ou  leurs  récoltes  2.  Al- 
phonse mit  un  terme  à  ces  abus,  et  fit  plusieurs  ordonnances 
concernant  la  bonne  administration  de  la  justice;  dans  un  de 
ces  règlements  je  trouve  une  disposition  bien  honorable  pour  ce 

1.  «  Polestatem  hal)€nt  corisnles  cognosceiidi  et  esseqncndi  soli  de  dissaisinis  in- 
■«  ter  voleiitfs  et  invites  et  aliis  causis  civilibiis  pecuniariis,  veiiienlibus  coraiii  ris 
«  inter  honiines  de  Figiaco  volentes  et  iiUer  liomiiies  foreuses  voieiites,  et  ad 
«  reqiiestain  forensium  conqiierentiuni  de  lioiiiiiiibus  de  villa  volenlibiss  sen  iiivilis.  » 
iCoutumes  judiciaires  An  Figeac,  fin  du  treizième  siècle,  Arcii.  de  i'Emp  ,  J.  342, 
\\°  10).  A  Montpellier  :  «  Si  bomines  de  potestate  et  jiisticia  comitatns  Melgorii  con- 
»  traxerint,  vel  aiiquid  commiserint  in  villa  Montispessiilani,  ibi  debent  lespoiidere 
«  si  ibi  iiivenianUir  ■  et  eudcni  modo  bomines  Moulispessulani  snb  jiirisdictione  co- 
«  mitatns  Melgorii.  Et  si  extra  villam  contiactum  vel  commissnin  tneril,  nltro  ci- 
«  troque  aclor  sequitnr  Ibrnm  rei.  »  (Giraud,  !,  57,  art.  33.) 

2.  J.  318,  n°  85,  et  Catel,  p.  388  et  seq  —  Lettre  d'Aipbonse  aux  Toulousains, 
«nl254:  «Vobis  districte  praecipimus  ne  vicarios,  bajiilos  vel  officiales  nostros, 
l)ro  facto  quolibet  ad  suum  officium  pertinente  citetis  vel  coram  vobis  respondere 
cogatis,  nec  in  eos  aliquem  exerceatis  districtum,  nec  pro  ipsurum  debitis,  vel  de- 
iictis  bomines  eorum  <!e  bailiviis  eorumdein  impediatis,  vel  eorum  pign.>ra  capiatis..; 
non  pro  quocumque  delicto  terras  baronum  noslrotnni  et  alioruni  fideiinm  autliori-  ■ 
tate  vestra  invadere  vel  vastare  sine  licentia  nostra  pi-œ.sun.atis..;  interdicta  que 
fecisse  dicimini  ne  advocali  Tolosae  in  curia  vicarii  no,4ri  ferant  alicui  patrocinium, 
non   patrocinetur  extraneo   entra  civem..,  eadem    indilale  relaxari   jubemus.  >< 


22-2 

prince  :  il   prescrivit  de  faire  gratuitement  les  citations  judi- 
ciaires pour  les  pauvres  ' . 

Les  consuls  de  la  plupart  des  villes  et  des  bourgs  du  Langue 
doc  avaient  le  droit  de  faire  des  règlements  de  police;  ils  don- 
naient des  tuteurs  aux  orphelins,  punissaient  les  marchands  qui 
usaient  de  faux  poids ,  et  connaissaient  des  causes  de  voirie  et 
de  simple  police 2.  Dans  certaines  villes,  les  procès  issus  de  la 
contiguïté  des  héritages  étaient  jugés  par  des  maçons  experts 
élus  par  les  consuls  ^ .  Quelquefois  les  bourgeois  servaient  d'as- 
sesseurs dans  les  causes  civiles  aux  juges  seigneuriaux.  A  Tou- 
louse, il  y  avait  au  douzième  siècle  une  cour  jurée  composée  do 
quatre  juges  choisis  parmi  les  habitants  de  la  ville  et  du  bourg, 
sous  la  présidence  du  viguier  *.  Les  consuls  se  substituèrent  à 
ces  jurés  ^.  Au  douzième  siècle,  les  jurys  en  matière  civile  n'exis- 
taient plus  ou  étaient  très-rares. 


1.  "■  Citalioiieset  piguoi ationes  gratis  facieut  pro  paiiperibus  liomiiiibns  infra  Tolo- 
sam  non  habentibns  nntle  solvant  eis  ad  cognitionem  curie...,  item  qnod  curia  det 
advocatiim  non  babenti.  »  (Vaissete,  t.  HI,  pr.  col.  418,  1255.) 

2.  Voy.  les  sentences  des  consuls  de  Nîmes  en  1217  et  années  suivantes.  (Mé- 
uard,  I,  preuves,  p.  55  et  seqq.)  Les  consuls  des  plus  cbélifs  villages  avaient  une 
juridiction  de  simple  police. 

Tournay,  en  1307,  art.  52  :  «Si  quis  in  dicta  villa  jactaverit  fœtentia  vel  aliqna 
nocentia,  per  nostrom  bajulum  et  consules  puniatur.»  (Ord.  Xll,  p.  371.) —  AMont- 
cabrier  (Quercy) ,  les  consuls  jugeaient  des  procès  entraînant  une  amende  ne  dépas- 
sant pas  60  sous  et  1  denier.  «  Cognitio  autem  et  diffinitio  causarum,  emendas 
sexaginta  solidorum  et  unius  deriarii  et  infra  exigentium,  inter  burgenses...  erimt 
consulum  memoratse  bastidae.  »  (1307.  Ibid.,  p.  366.)— Marziac,  1300.  Môme  dispo- 
sition qu'à  Tournay.  {Ibidem.,  345). 

3.  «  Ad  dirimendas  autem  quœstiones  de  piano  et  sine  figura  judicii,  qua?  inci- 
•  dunt  infra  caslrum  de  stillicidiis  et  parietum  oneribus  fenesriis  et  avannis  et  simi- 
"  libus  quaistionibus  fréquenter  contingentibus  inter  babentes  domos  contiuguas  vel 
"  vicinas,  volumus,  secnndum  quod  petierunt,  duos  lathomos,  quos  ipsi  magistros 
«  laj)iduai  appellant,  juratos  constitui,  sicut  fui?se  dicunt  longis  temporibus  obser- 
«  vatum.  »  Ord.  de  saint  Louis,  en  1254,  en  faveur  des  habitants  de  Beaucaire  et  de 
JNImes.  (Vaissete,  m,  pr.,  col.  507).  Ces  experts  étaient  nommés  par  les  consuls 
à  Carcassonne.  (Ordonn.,i.  Xli,  p.  464,  année  1319). 

4.  Catel,  Comtes,  p.  34.  «  Notum  sit  quod  Tliolosanus  joculator  babuit  causam 
cum  Sclarmuuilasua  privigna  in  presentia  Ramundi  Monacbi  vicarii  et  curie  jurato 
scilicet  Pelri  de  Marca-fava,  et  Bi^rnardi  Pétri  de  Cossanno  et  Pétri  Rogerii  et  Ra- 
mundi Roberti,  qui  tune  erant  constituti  judices.  »  Année  1188.  (Arch.  del'Emp., 
IJ.  \xi.) 

î^.  Arcb  dt' l'Kînp  ,  Ji  \vi   (<•   regisiic  contient  un  certain  nombre  de  jugements 


'in 

Les  juridiclioiis  civiles  iiiuriicipales  furent  respectées  par  la 
royauté  là  où  elle   les  trouva  établie»  ;  iimis  elles  furent  peu  à 

(les  consuls  de  Toulouse  au  douzième  et  au  trei/Jèine  siècle.  Passé  l2oo,  on  ne 
trouve  plus  que  des  sentences  rendues  par  les  consuls.  En  voici  une  qui  m'a  paru 
t)onnc  à  rapporter,  afin  de  montrer  quelle  était  la  procédure  en  matière  civile  de- 
vant une  juridiction  municipale.  Je  crois  cette  pièce  inédite;  elle  est  de  l'année  1175. 

'<  Hec  est  caria  rememorationis.  Sciendum  est  quod  Porto  de  Mollivernela  cum 
«'  multis  probis  liominibus  venit  aute  capitulum  in  ecclesia  sancti  Quintini  ubi  capi- 
«  tularii  erant  congregati  cum  nuiltis  aliis  probis  bominibns  qui  «rant  de  consilio 
"  capituli,  et  ihi  Porto  de  Molliverueta  fecit  gravem  et  durani  querimoniam  de  Ba- 
"  bilonia  uxore  sua ,  in  presencia  capituli  et  in  presencia  multorum  proborum  ho- 
«  niinum  qui  ibi  aderant.  Dixit  enim  Porto  de  Mollivernela  quod  Babilonia  rapuerat 
«  et  oxpoliaverat  ei  suam  donium  f'urlim,  el  traxerat  inde  ei  .suos  deiiarios,  et  suos 
«  pannost  et  suas  vestes,  et  suam  ioricam  perobtimam,  et  cetera,  et  quod  hoc  to- 
"  tum  dederat  cuidam  garcifero  alieuo  de  alia  terra,  scilicet  cui'jam  Braimausono,  et 
<■  occulte  recesserHt  ab  eo,  et  fngerat  cum  illo  garcifero  in  exercitu  Braymansonum 
«  e  dels  Ties  ;  rogavit  Forlo  de  Mollivernela  capitulum  ut  super  hoc  facto  darent  ei 
«  consiliuni  et  darent  sentenciam  super  bac  causa,  et  de  tanla  injuria  et  de  tanta 
«  iuiquitale  ponerent  suum  decreium,  et  darent  justum  judicium. 

«  De  qiio  (  apilulo,  tenipore  illo  erant  constituti  capitularii  :  de  urbe,  Ramundus 
«  de  Roaxio,  et  Ramundus  Galerinus,  et  Guillelmus  Ramundus  de  Portaiia,  et  Ber- 
"  nardus  de  Sancto  Romaiio,  et  Ramundus  Gaita  podium  ,  et  Steplianus  de  l'opuli- 
"  vflla:  et  de  suburbio,  olric'îs  Carabordas,  et  Stepliantis  de  Monte-Vairono  prior 
-  ecclesie  Sancti  Pétri  Goquinarum,  et  Petrus  Ruf'fus,  et  Arnaldus  Raiutundus  filins 
<<  diclus  Ramundi  Freuarii,el  Bertrandus  Ramundus,  el  Petrus  Guitardus,  sub  vincido 
"  jurisjurandi  ut  res  comujunes  Tbolose  urbis  et  suburbii  anle  eos  delalas  dili- 
«  genter  audirent,  et  lideliter  cousulerent  et  Iractarenl,  et  judiciarioordine  diffini- 
«  rent.  In  presencia  islorum  Porto  de  Mollivernela  hostendebat  hoc  factum,  rogans 
"  illos  ut  de  hoc  facto  traclnreut  et  tantam  iniquitatein  sollicite  considerarenl.  Tune 
"  predicti  coiisules,  cum  multis  probis  honiinibus  qui  erant  de  consilio  eorum,  ac- 
»  cepto  consilio,  tlederunl  sentenciam  suam  super  bac  causa,  et  judicaverunt  atque 
"  judicando  dixerunt,  ipiod  si  Porto  de  Mollivernela  aliquid  babuer.il  vel  hahelial  de 
«  Babilonia  uxore  sua,  vel  peream,  illud  e.sset  totum  de  Fortone,  pro  sua  volun- 
'«  tate,  el  totani  illam  donationem  quam  babilonia  ei  fecerat,  haberet  Porto  pro 
«  sua  voluntate  ,  ita  quod  Babilonia  aiiquidde  hoc  non  haberet ,  neque  recuperaret, 
«  neque  pelere  posiel.  Similiter,  ^i  Porto  de  Mollivernela  Babilonie  aliquid  donave- 
«  rat,  vet  aliquaai  don;'.fionem  ei  fecerat,  vel  facere  convenerat,  illu(i  totum  perdcret 
«  Babilonia,  ita  quod  aliquid  de  hoc  unqnam  noïi  haberet,  neque  petere  posset  :  et 
'(  s-i  hoc  petebat,  jam  non  valeret  ei,  quia  ita  hoc  judicaverunt  predicti  Judices 
«  cum  suo  consilio  et  sic  judicio  diffinierunt.  Hoc  ita  facto  et  sic  judicato.  dixit  Porto 
«  de  Mollivernela  quod  carte  que  fuerunt  lacté  de  suo  matrimoriio  et  de  liabilonia 
«  uxore  sua  comburerentur,  et  capitularii  dixerunl  judicio  ut  carie  ille  comhure- 
"  rentnr  vel  delerenlur,  et  mandato  capituli  carte  ille  destrncle  el  comhusie  fuerunt. 
<(  Ita  et  in  himc  modum  snpradieli  capitularii  causam  istsm  judicaverimt  et  judicio 
<  difliuierunl.  Item  eaiidem  sentenciam  et  ipsum  jiidiciuh)  donaverimt  snpradieli 
«  eonsules  super  omnes  iilas  nuiliercs  (pie  hujus  modi  lacLum  lacèrent.  Facta  earta 
«  hujus  judieii  dato  niense  niareii,  die  sahhato.  tej-nante  Lodoyco  Francorum   re^<', 


224 

peu  H  mitées  et  restreintes.  Ënlin  l'ordonnance  de  Moulins,  eiî. 
1 566,  les  supprima  dans  toute  l'étendue  de  la  France,  et  ne  laissa 
plus  aux  magistrats  municipaux  que  l'exercice  de  la  justice  cri- 
minelle et  de  simple  police. 

S  3.  Juridiction  municipale  en  matière  criminelle. 

Au  quatorzième  siècle,  presque  toutes  les  communes  du  Lan- 
guedoc avaient  la  juridiction  criminelle  la  plus  étendue. 

Sous  la  première  race  de  nos  rois ,  chacun  était  jugé  par  ses 
concitoyens  réunis  sous  la  présidence  du  comte,  et  portant  dans 
l'exercice  de  leurs  fonctions  judiciaires  le  nom  de  rachimbourgs. 
Sous  les  Carlovingiens ,  aux  rachimbourgs  furent  substitués  les 
scabins  ou  écbevins,  juges  permanents,  choisis  par  le  peuple  en 
présence  de  l'envoyé  de  l'empereur.  Cependant  on  voit,  dans 
un  grand  nombre  de  procès  importants, des  rachimbourgs  figu- 
rer à  côté  des  scabins'.  Après  l'établissement  du  régime  féodal, 
les  mais  ou  tribunaux  royaux  furent  remplacés  par  les  assises 
seigneuriales.  On  revint  alors  au  système  mérovingien,  qui  n'a- 
vait jamais  entièrement  disparu.  Seulement  le  jury  ne  fut  plus, 
comme  autrefois,  composé  de  personnes  professant  la  même  loi 


«  et  Piamiindo  Tholosano  comité,  episcopo  absente.  Anno  ab  iiicarnatione  Domiiii 
<<  M°.c°.i,x"x.vo.  »  (Arcli.  (le  l'Emp.,  Registre  du  trésor  des  chartes,  xxi,  copie  aii- 
Uientiqiie  de  l'an  J305,  fol.  61  et  seqq.) 

1.  «Ciim  in  Dei  iiomine  resideret  Ardemaldiis  episcopns  sedis  Tolosfe  civitatis  cura 
«  viro  venerabiii  Bernardo...,  uiia  ciim  abbatibus,  presbyteris  judices  scastrinos  (leg. 
«  scabinos)  et  regimburgos  tam  gotos  quam  roniatios  seii  eliam  et  salicos  qui  jnssi 
«  simt,  caiisain  audire  dirimereet  legibus  defmire.  »  Placitum  coram  Ardemaldo 
Tolosas  episcopo,  anno  818,  Gallia  Christ.,  tome  X;  instrum.,  p.  2. 

Il  m'a  paru  intéressant  de  rechercher  jusqu'à  quelle  époque  les  plaids  ont  subsisté 
avec  les  scabins  et  les  rachimbourgs,  prolessant  la  loi  des  accusés.  Judices  tam 
salicos  quam  gothos.  (Placitum  anni  898,  Ménard,  Hist.  de  Nimes,  I,  pr.,  p.  17.) 

Judices  qui  jussi  sunt  causas  dirimere  et  legibus  difftnire  gothos  romanos 
et  salicos.  Placiium  apud  Narbonam,  anno  933.(Vaissete,  II,  pr.,  col.  69.)  Passé  le 
milieu  du  dixième  siècle,  je  ne  pense  pas  qu'on  rencontre  beaucoup  d'exemples  de 
la  personnalité  des  lois  dans  le  Languedoc.  Le  droit  romain  l'emporta,  et  régit,  à  titre 
de  coutume,  cette  vaste  province.  On  ne  trouve  pas  non  plus,  à  partir  de  cette 
époque,  <le  rachimbourgs,  ni  de  scabins,  mais  bien  des  boni  homines.  Le  terme  de 
p?-obi  homines,  providi  homines,  prud'hommes,  fut  réservé  aux  non  nobles.  Il  ne 
nous  reste  malheureusement  plus  pour  les  neuvième,  dixième  et  onzième  siècles,  de 
jugements  rendus  entre  roturiers. 


225 

que  les  parties ,  mais  bien  d'hommes  ayant  la  même  condition 
sociale  que  ceux  qui  comparaissaient  en  justice.  Le  noble  fur 
jugé  par  les  nobles,  le  roturier  par  les  roturiers.  C'est  ainsi 
qu'on  peut  expliquer  comment  au  treizième  siècle,  dans  la  plu- 
part des  villes  et  même  des  villages,  les  bourgeois  ou  prud'hom- 
mes formaient  un  jury  sous  la  présidence  du  seigneur  ou  de  son 
délégué.  Quelquefois  tonte  la  communauté  prenait  part  au  juge- 
ment, et  cet  état  de  choses  persista  dans  certaines  localités  jus- 
qu'à une  époque  avancée.  En  voici  un  exemple  ((ui  est  de  la  fin 
du  treizième  siècle. 

Un  brigand,  nommé  Pierre  Baya,  épouvantait  le  pays  de  Lau- 
trec  par  ses  vols  audacieux  et  par  ses  crimes  midtipliés  ;  il  fut 
traduit  devant  la  cour  du  vicomte.  Le  jugement  se  fit  en  plein 
air,  suivant  l'ancienne  coutume,  en  présence  du  peuple  assemblé 
sur  la  place  publique,  où  s'élevait  un  de  ces  ormes  séculaires, 
au  pied  desquels  aimaient  a  siéger  les  cours  féodales,  et  qui  était 
comme  un  emblème  du  droit  de  juridiction.  Le  jury  était  com- 
posé de  chevaliers,  de  damoiseaux  (c'est-à-dire  de  nobles  qui 
n'avaient  pas  reçu  l'ordre  de  chevalerie)  et  de  bourgeois.  Après 
l'interrogatoire  de  l'accusé  et  l'audition  des  charges  qui  s'éle- 
vaient contre  lui,  un  chevalier  se  leva  et  opina  pour  le  bannis- 
sement. Un  damoiseau  prit  ensuite  lu  parole,  et  conclut  à  la  mu- 
tilation; mais  le  reste  des  assistants,  tant  nobles  que  non  nobles, 
au  nombre  de  plus  de  deux  cents,  parmi  lesquels  figuraient  les 
syndics  du  Lautrécois,  demandèrent  à  grands  cris  que  Baya  fût 
pendu;  et  cette  acclamation  décida  du  sort  du  coupable  :  ce  fut 
sa  condamnation.  Le  vicomte,  qui  était  présent,  fut  requis  par  les 
bourgeois  de  faire  rédiger  par  écrit  cette  sentence  ' . 

Ordinairement  les  bourgeois  seuls  prenaient  part  au  juge- 
ment des  bourgeois.  Cette  coutume  était  générale;  on  la  retrouve 
vers  11 40  à  Saint-Antonin  en  Rouergue  '".  Dans  la  charte  de  pri- 
vilèges de  cetie  ville  le  seigneur  promet  de  ne  lever  aucun  droit 
sur  un  de  ses  hommes,  à  moins  qu'il  ne  quitte  la  ville  à  la  suite 
d'un  délit,  lequel  délit  devait  être  jugé  par  les  hommes  de  la 

1.  Vaissele,  IV,  col.  124,  année  1299. 

2.  M.  de  Gaujal,  qui  a  publié  la  charte  de»  pri\ilé{^es  de  Saint-Ântonin  en  langue 
romane  (  Docum.  inédits^  Mélanges,  t.  11,  p.  IJ),  en  a  fixé  la  date  entre  les  années» 
1140  et  1144.  Celte  opinion  nous  semble  tout  à  fait  fondée,, attendu  que,  dansTexeiU' 
plaire  latin  que  possèdent  les  Archives  de  l'Empire,  il  est  dit  que  ces  privilèges  ont  été 
concédés  de  l'avi-s  d'Adémar,  évéque  de  Rode/  (1099-1144),  et  de  Raymond,  évêque 


226 

ville  \  Il  en  était  de  même  à  Millaïad  eu  I  (87,  à  Montpellier, 
à  Carcassonne -,  à  Toulouse^,  à  Moissac  *^  à  Gastt-lsarraziii  ^,  à 
Montauban  ",  à  Albi.  D^ns  cette  dernière  cité,  le  bayle  de 
l'évêque  convoquait  20  bourgeois  pour  le  jugement  de  chaqne 
cause  criminelle  ^ . 

Au  treizième  siècle,  ce  ne  sont  plus  les  simples  bourgeois  seu- 
lement qui  forment  le  jury  :  les  consuls  en  font  partie,  soit  seuls, 
soit  en  concurrence  avec  les  autres  citoyens.  Pour  donner  une  idée 
de  l'exercice  de  la  juridiction  municipale,  je  rapporterai  comment 
s'instruisait  à  la  fin  du  treizième  siècle  un  procès  criminel  à 
Limoux.  Quand  un  crime  avait  été  commis,  on  faisait  une  en- 
quête à  laquelle  étaient  tenus  d'assister  quelques-uns  des  con- 
suls. Les  consuls  qui  avaient  été  témoins  de  l'information  ,  ou  , 
a  leur  défaut,  deux  de  leurs  collègues,  choisissaient  des  pru- 
d'hommes dont  le  nombre,  y  compris  celui  des  consuls,  ne  de- 

(1e  Toulouse,  él(i  en  1 140.  Item,  assecuramus  omncs  homines  et  feminas  ville  Sancti 
Antonini  quod  si  forte  mansionem  suam  in  alio  loco  transmutare  voluerint,  pec- 
cuniani  suam...  eis  nullathenus  auferamus,  nisipro  aliqno  foris/aclo  cognito; 
et  illud  forisfactum  quod  sit  justificatum  per  laudamentum  homtnum  ville 
Sancti  Antonini.  (Arch.  de  l'Emp.,  J.  308,  n.  88.) 

1.  Doc.  inéd.,  p.  21.  Per  arbitrium  consiilum  et  judicis  et  coiiciliatoriim  curie 
poslquam  inde  clamorem  acceperint ,  voluiuiis  definiri  quanluin  de  jiisticiis  placi- 
torunti  cuf  ia  habere  debeat,  etc. 

2.  Giraud,  t.  1,  p.  54.  Homicidia  et  cetera  crimina  quae  pœnani  sangiiinis  irrogant, 
pro  arbitrio  et  judicio  domini  et  sapientium  vironim  puniiintur. 

3.  Arch.  de  l'Emp.,  J.  320,  n.  64. 

4.  Ibid.,  J.  305,  11.  40. 

5.  «  Item  donaverunt  (consules  et  maxima  pars  tociiis  universitatis  opidi  et  ville 
Caslri  Sarraceni)  et  concessernnt  ut  vicarius  et  bajulus  suus ,  qui  lempore  aderil^ 
possit  et  debeat  recipere  querelas  seu  clamores  super  quibuscuinqire  criminibus  et 
confessioiies  reoruni  super  ei.sdem ,  et  recipere,  inquirere  et  audire  testes  datos  su- 
per liiis  seu  compulses  per  eumdem  vicarium,  et  ex;iminare  et  terminare  seu  dif- 
Hriire  causam  cum  eisdem  consulibus,  vel  saniori  seu  majori  parte  consulum  eo- 
rumdem  prout  secundum  justiciani  eidera  vicario  vel  bailivo  et  consulibus  eisdem 
videbilnr.  »  (Transaction  entre  les  habitants  et  Raymond  Vil  au  sujet  des  droits  di' 
leur  consulat,  1245.  Arch.  de  l'Emp.,  J.  320,  n.  54.) 

6.  Ibid.,  J.  304,  n.  95. 

7.  Sobre  crinis  que  pena  porto  de  sanc  enquesla sera  fa.sedoira.. .  per  lo  baile  del 
avesque,  mar  sera  tengutz  apelar  ii  o  très  o  mai  dels  prohomes. . .  lo  baile  a  far  lo 
jutgamen  sera  tenguz  apelar  dels  prohomes  de  la  ciutat  almeinhs  xx  o  mai,  lo  quais 
creiia  non  esser  amix ,  o  cosis,  o  enemics  del  malfaclior  jutgador,  e  legida  ia  en<piesta 
davant  aquels,  e  ausida  la  cofessio  del  meseime  m.ilfaclior,  demandara  a  casciui 
dels  prohomes  upelatz  per  lui  s'el  malCachor  sia  absolvedor  o  punidor,  o  «pial  causa 
.sia  de  lui  fasethjyra.  Coût.  d'.\lby,  r2«)8.  (iiraud ,  I,  Preuves,  p.  îKi. 


\ait  pas  dépasser  viiifft-ciiiq.  Le  tribunal  ainsi  uoniposé  faÏKtit 
comparaître  l'accusé  ,  auquel  on  donnait  lecture  de  l'enquête  : 
il  présentait  sa  défense,  ensuite  le  jujjje  du  seigneur  deman- 
dait à  chaque  prud'homme  d'émettre  sou  avis  d'après  les  faits 
exposés  à  l'audience,  et  après  avoir  recueilli  les  voix  il  pix)- 
nonçait  la  sentence  conformément  à  la  décision  de  la  majo- 
rité des  jurés,  qui  fixaient  eux-mêmes  la  peine',  différant  en 
cela  de  nos  jurés  modernes ,  dont  le  rôU  se  borne  à  apprécier 
ks  questions  de  fait.  L'institîHion  du  jury,  que  la  révolution 
française  a  empruntée  d'uii^  manière  fort  incomplète  aux  lois 
anj^laises,  existait  doue  dan»  noire  piiys  à  cette  époque  que  la 
philosophie  s'est  plu  à  accuser  de  servitude  et  de  barbarie; 
l'Angleterre,  qui  s'appelle  avec  une  juste  fierté  la  vieille  Angle- 
terre, parce  quelle  n'a  pas  répudié ,  comme  nous,  ses  vieilles 
coutumes,  ses  vieilles  mœurs,  ses  vieilles  institutions,  a  con- 
servé le  jury  qui  existMit  chez  tous  les  peuples  du  moyen  âge  ^, 
où  il  était  une  conséquence  de  la  féodalité,  qui  avait  pour  prin- 
cipe que  tout  homme  libre  devait  être  jugé  par  ses  pairs. 

Dans  un  grand  nombie  de  villes  du  Languedoc ,  dès  la  fin  du 
douzième  siècle,  les  consuls  furent  seuls  les  assesseurs  des  juges 
seigneuriaux.  Dès  1 188,  à  Toulouse,  les  bourgeois  ou  prud'hom- 
mes ne  sont  appelés  à  juger  qu'a  défaut  des  consuls^.  Les  ma- 
gistrats de  cette  puis><ante  cité  profilèrent  des  services  qu'ils 
rendirent  à  leurs  comtes  pendant  la  guerre  des  Albigeois  pour 
usurper  une  juridiction  criminelle  :  mais  ils  n'en  jouirent  pas 
longtemps.  Alphonse  la  leur  contesta,  et  finit  par  leur  permettre 
de  l'exercer  par  prévention  avec  le  viguier;  c'est-à-dire  qu'ils 
eurent  le  droit  de  juger  les  crimes  qui  leur  étaient  dénoncés,  ou 

1.  Libertés  et  coutumes  de  Limoiix,  pabliées  p.ir  M.  BitKairies,  p.  49,  cli.  xm  ;  et 
Mémoires  de  l'Académie  de  législation  de  Toulouse,  aiitioe  185'^-1853,  pag.  24o  et 
suivîintes  ;  Rapport  de  M.  G.  Demante  sur  un  travail  inédit  de  M.  Forids-Lamotlie,  in- 
titulé ;  Organisation  judiciaire  de  la  ville  de  Limoux.  On  remarquera  que  cette 
procédure  était  la  même  que  celle  qu'on  suivait  à  Albi.  Dans  cette  dernière  ville,  on 
clioisisbait  les  jurés  parmi  les  bourgeois  qui  n'étaient  ui  parents,  ni  amis,  ni  ennemis 
de  l'accusé. 

2.  Il  existait  en  Normandie.  Voy.  le  remarquable  mémoire  de  M.  Conppey  de  Cher- 
bourg, publié  dans  la  Revue  anglo-française,  2"  série,  t.  1,  \u  232  et  seqq.,  et  313 
et  seqq. 

'.i.  «  Faciaui  ]u!>ticiam  quaui  cousules  l'olose  judicaveiint  \e\  alii  probi  liomiues 
«  Tolose  si  cousuli's  ibi  non  liieriiit.  ■■  (Charte  de  Raymond  Vf,  en  1188.)  Calcl , 
Comtes,  p.  2 te. 


228 

dont  les  auteurs  avaient  clé  arrêtés  par  les  sergents  de  la  com- 
mune. Philippe  le  Hardi  leur  accorda,  eu  1283,  la  connaissance 
exclusive  de  tous  les  crimes  commis  dans  l'étendue  de  la  cité  et 
de  la  banlieue,  sauf  ceux  qui  étaient  imputés  aux  prêtres,  aux 
lïobles  et  aux  officiers  royaux.  Cette  juridiction  criminelle  leur 
fut  conservée  jusqu'à  la  révolution,  non  sans  luttes  ni  vicis- 
situdes :  ils  se  la  virent  même  supprimer  en  13.31  pour  avoir 
fait  pendre,  bien  qu'il  eût  appelé  de  leur  sentence,  un  écolier 
qui  avait  manqué  de  révérence  à  un  capitoul  (c'était  le  Jiom 
que  portèrent  les  consuls  de  Toulouse  dès  la  fin  du  treizième 
siècle)  ^ .  Du  reste,  les  magistrats  municipaux  se  rendaient  sou- 
vent coupables  de  graves  irrégularités  dans  la  procédure  crimi- 
nelle. A  la  fin  du  treizième  siècle,  les  consuls  de  Cahors  payè- 
rent au  roi  une  forte  amende  pour  avoir  fait  pendre  un  voleur, 
au  mépris  de  l'appel  qu'il  avait  interjeté  au  sénéchal  de  Quercy  ^. 
La  juridiction  criminelle  des  consuls  fut  donc  non-seulement 
tolérée,  mais  encore  accrue  par  la  royauté  du  moyen  âge.  Quel 
était  le  caractère  de  ces  juridictions  municipales?  On  a  dit 
qu'elles  n'étaient  ni  royales  ni  seigneuriales,  mais  qu'elles  for- 
maient une  classe  à  part  ^.  Cela  est  vrai  pour  le  douzième  et  une 

1.  «si  tamen  prius  querimonia  super  his  veniret  ad  eos,  vel  si  per  servienles 
«  ipsorum  in  praesenti  delicto  depreliensi  fuissent ,  quamvis  tamen  vicarins  noster 
«  'J'iiolosse,  de  consirniiibus  criminibns  perpetratis  in  civitate  Tliolosœ  et  locis  supe- 
«  riiis  nominatis  simiiiter  cognitionem  et  judicium  liabet  pro  notns ,  si  primo  ad  eum 
«  venirel  querimonia,  vel  si  per  servientes  ejusdem  vicarii  caperenlur.  Nos  simiiiter 
«  oniinamus  quod  de  caelero  prœfali  consules  de  praedictis  omnibus  et  singulis  crimi- 
«  nii)us  Tholosae . . . ,  prœsente  vicario  nostro  vel  iocum  ejusteneute,  non  tamen  par- 
ti tem  judicis  oblinente,  cognoscant  et  judicent,  etc.  »  Ord.  III,  p.  109.  Voy.  Lafailie, 
Annales,  année  1335,  pag.  76,  et  Preuves,  pag.  75.  M.  Pardessus  avance  que  le  mal- 
heureux Calas  fut  condamné  au  supplice  par  les  capitouis  (t  XXI  des  Ordonnances, 
préfac  e) ,  et  c'est  là  une  opinion  généralement  répandue.  Elle  n'est  pas  exacte.  Calas 
fut  condamné  à  la  question  par  sentence  des  capitouis  du  18  novembre  1761  ; 
appel  de  cette  sentence  fut  porté  au  parlement  de  Toulouse  et  par  Calas  et  par  lu 
procureur  du  roi  de  la  ville,  ce  dernier  appelant  à  miniinâ.  Le  parlement  cassa  le 
premier  jugement ,  et  condamna  lui-môme  Calas  à  l'horrible  supplice  de  la  roue 
(9  mars  176'2).  Ainsi  la  mort  de  Calas  est  réellement  l'œuvre  du  parlement.  J'ai  con- 
sulté pour  établir  ces  faits  les  copies  authenliques  des  pièces  du  procès,  qui  furent 
soumises  aux  requêtes  de  l'hôtel  lors  de  la  révision  qui,  le  9  mars  1765,  amena  la 
réliabilitation  de  Calas.  (Arcli.  de  l'Emp.,  V.  2009.) 

2.  Compte  de  recettes.  Arcli.  de  l'Emp.,  K.  502. 

3.  Traité  des  seigneuries ,  ch.  16.  «  En  France,  outre  la  justice  des  rois  et  celle 
n  des  seigneurs,  il  y  en  a  une  qui  appartient  aux  villes,  laquelle,  pour  n'être  point 
«  émanée  du  roi  ni  exercée  en  son  nom,  quoique  soiis  son  autorité,  ne  peut  être 


229 

partie  du  treizième  siècle ,  mais  à  partir  du  quatorzième  siècle 
elles  devinrent  royales  ou  seigneuriales,  selon  que  la  commune 
dépendait  du  roi  ou  d'un  seigneur  * .  Elles  rendaient  toutes  la 
justice  au  nom  du  roi,  même  à  Toulouse.  Ce  fait  est  attesté  par 
les  lettres  de  Philippe  le  Hardi  de  1283  :  «  Les  consuls,  dit-il, 
rendaient  la  justice  en  notre  nom^.  »  Tous  les  magistrats  muni- 
cipaux jugeaient  en  la  présence  d'un  viguier  ou  d'un  autre  offi- 
cier seigneurial  ou  royal,  qui  assistait  au  jugement  pour  veil- 
ler à  l'accomplissement  des  formalités  requises  par  la  loi,  mais 
qui  n'avait  pas  voix  délibérative '.  La  présence  de  cet  officier 
devint  une  simple  formalité;  et  ce  fut  ainsi  que  dès  le  quator- 
zième siècle  il  y  eut  des  tribunaux  criminels  exclusivement 
composés  de  magistrats  municipaux. 

Les  consuls  de  Moniauban,  obligés  de  défendre  leur  juridic- 
tion criminelle  attaquée  par  le  juge  de  Quercy,  qui  leur  deman- 
dait de  montrer  les  titres  sur  lesquels  elle  était  fondée;  les  con- 
suls répondirent  que  les  villes  du  Quercy,  du  Périgord,  du 
Toulousain  et  de  la  sénéchaussée  de  Carcassonne  étaient  en  pos- 
session de  cette  juridiction  depuis  un  temps  immémorial,  sans 
qu'il  y  ait  jamais  eu  de  concession  ^.  Telle  était  l'opinion  des 

«  censée  royale.  Elle  ne  peut  non  plus  être  mise  au  rangdes  seigneuriales,  parce  que 
«  ces  villes  ne  font  point  d'hommage  au  roi.  »  Voy.  aussi  Lettre  d'un  conseiller 
du  parlement  de  Rouen  au  sujet  d'un  traité  du  comte  de  Boulainvilliers.  Con- 
tinuation des  Mémoires  de  littérature  et  d'histoire  {de  Sallengre),  t.  IX,  2»  partie. 
Paris,  1730,  in-12. 

1.  Dans  les  archives  de  Mirevail  (Aude),  il  existe  encore  des  registres  contenant  les 
procès  instruits  par  les  consuls  pendant  les  années  1333,  1338,  1341.  Les  enquêtes 
commencent  ordinairement  ainsi  :  «  Inlormatio  facta  per  curiam  dominorum  consu- 
»  lum  de  Miravalle ,  judicum  in  causis  criminalihus  et  in  quibusdam  civilibus  pro 
«  domino  nostro  Francorum  rege.  »  Docum.  inédits.  Mélanges,  t.  I,  p.  35.  {Rapp. 
de  M.  de  Mas-Latrie  sur  les  archives  du  département  de  l'Aude.) 

2.  Ord.,  II,  p.  109.  —  «  Super  cognitione  et  judicio  crimiuum  de  quibus  ipsi  consu- 
les  vice  nostra  ac  nomine  nostri  cognitionem  et  judicium  habebanl  Tholosaeet  inira 
terminos,  de  quibus  erant  in  possessione  pacitica  cognoscendi  et  judicandi.  »  (Lettres 
de  Philippe  le  Hardi,  1283.) 

3.  «  Consules  sunt  in  possessione  injurias  determinandi  vocato  secum  vicario  régis, 
et  dictus  vicaiius  a  sentencia  lata  per  dictos  consules  appellare  consuevit  pro  jure 
et  conservacione  juris  regii  ad  judicem  ordinarium  vel  senescallum.  »  Montauban , 
commencement  du  quatorzième  siècle,  procès  au  parlement  de  Paris,  soutenu  par 
les  consuls  pour  défendre  leur  juridiction.  (Arch.  de  l'Emp.,  J.  304,  n.  95.) 

4.  Item,  dicti  consules  et  eorum  predecessores  sunt  et  fuerunt  per  tempus  predic- 
tum  (a  tanto  tempore  quod  de  contrario  hominum  mcmoria  non  extitit)  in  posses- 
sione vel  quasi  per  seipsos  soli  et  in  soiidum,  vocalo  secum  vicario  régis,  inquirendi 


230 

Languedociens  au  commencement  du  quatorzième  siècle ,  et  telle 
élait  aussi  la  vérité.  Mais  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  que,  dans 
le  principe,  les  magistrats  municipaux  n'étaient  que  des  asses- 
seurs, et  c'est  dans  ce  sens  seul  que  Ion  doit  entendre  la  pos- 
session immémoriale  dont  parlent  les  consuls  de  Montauban. 

La  plupart  de  ces  juridictions  durèrent  jusqu'en  1791,  mais 
modifiées,  mutilées.  En  1539,  François  P'  ordonna  aux  juges 
ordinaires  de  servir  d'assesseurs  aux  consuls.  On  voit  que  les 
rôles  étaient  intervertis.  Le  parlement  de  Toulouse  protesta  contre 
cette  mesure,  qu'il  regardait  comme  avilissante  pour  la  magistra- 
ture. Un  édit  de  1541  supprima  les  juridictions  municipales', 
mais  il  ne  fut  pas  exécuté.  Knfin  un  nouvel  édit  de  1545  établissait 
que  les  consuls  exerceraient  la  juridiction  criminelle  par  pré- 
vention avec  les  juges  ordinaires.  Cette  mesure  reçut  son  effet 
dans  le  Languedoc,  sauf  à  Toulouse,  dont  les  antiques  privilèges 
furent  respectés  2, 

de  causis  criminalibus  et  injuriarutn,  diftiniendi  et  deteiminancH  easdem ;  et  dictus 
vicaiiiis  a  sentenciie  latis  per  dieLos  coiisules  appeliare  coiisnevit  pro  jure  et  coiiser- 
vatione  juris  legis  ad  jiidiceni  ordinariuni  vel  senescallum  Caturcensem  ;  et  quod  in 
lali  possessione  siint  et  fuerunt  consiiles  civitatiim,  castronim,  et  magnarum  iiniver- 
sitatum  senescallie  Petragoiicensis,  CatinceDsis,  Tholose  et  Carcassone,  et  aliqui  ex 
eis  etiam  de  causis  civilibiis  cognoscendi ,  absqne  aiiqua  coiicessione  seu  privilégie. 
(Arcli.  de  l'Emp.,  J.  304,  n.  95) 

J.  Voy.  Mémoires  de  l'Académie  de  législation  de  Toulouse,  t  II ,  année  1852- 
1853,  p.  240  et  seqq. 

2.  Même  par  Louis  XIV.  Voy.  un  arrêt  du  conseil  privé  du  3  juin  1671.  Leur  juri- 
diction fut  même  étendue  par  prévention  sur  les  nobles.  «  Les  capitouls  sont  main- 
tenus en  droit  et  possession  de  connaître  en  première  instance  de  tous  les  crimes 
qui  se  commettent  dans  la  ville  de  Toulouse  et  le  gardiage  d'icelle ,  contre  toute 
sorte  de  personnes. . .  ainsi  qu'ils  ont  accoutumé  pi-ivativement  au  lieutenant 
criminel . . .  à  l'exception  des  causes  des  nobles  et  des  cas  royaux,  dont  le  lieute- 
nant criminel  et  autres  officiers  de  la  sénéchaussée  peuvent  connaître  par  pré- 
vention et  en  concurrence  avec  lesdits  capitouls.  »  —  Documents  inéd..  Mélanges 
extraits  des  bibliothèques  et  des  archives,  t.  I,  p.  163.  Rapp.  de  M.  de  Mas-Latrie 
sur  les  archives  de  Toulouse. 

Edgard  BOUTARIC. 

(  La  mite  prochainement.) 


CN  MANUSCRIT  INTERPOLÉ 


DE     LA 


CHRONIQUE  SCANDALKUSE. 


Il  y  a  un  livre  compté  paimi  les  originaux  du  quinzième 
siècle,  auquel  la  critique  ne  s'est  jamais  nltaquée,  quoiqu'il  ne 
soit  pas  de  ceux  qui  ont  le  droit  de  passer  sans  examen.  Je  veux 
parler  du  Cabinet  de  Louis  XI,  recueil  dont  se  sont  servis  tous 
nos  historiens  depuis  Variilas,  et  qui  a  été  réimprimé  plusieurs 
fois.  J.  B.  Tristan  Lhermite,  frère  de  F.  Lbermile  l'académicien, 
fit  paraître  ce  livre  en  1661,  comme  un  hommage  à  M.  de  Guéné- 
gaud  dont  il  était  l'obligé.  Usant  de  la  permission  qu'avaient 
alors  les  éditeurs  de  ne  pas  expliquer  la  provenance  des  docu- 
ments qu'ils  publiaient,  il  mit  pour  unique  information,  dans 
son  intitulé,  que  la  substance  du  Cabinet  de  Louis  XI  avait  été 
«  recueillie  de  divers  archives  et  trésors,  »  de  sorte  qu'il  restait 
et  reste  encore  à  deviner  quelles  archives  il  a  compulsées,  quels 
trésors  lui  ont  été  ouverts. 

A  part  le  titre  qui  est  fort  ambitieux  et  ne  répond  nullement  à 
la  matière  ;  abstraction  faite  de  la  préface  où  l'auteur  affiche  très- 
mal  à  propos  le  dessein  «  de  montrer  par  quelle  heureuse  philoso- 
«  phie  un  grand  roi  sut  réprimer  la  révolte  de  ses  sujets  et  les  in- 
«  suites  de  ses  mauvais  voisins,  »  le  Cabinet  de  Louis  XI  n'est  pas 
autre  chose  qu'un  recueil  anecdotique  sur  Antoine  de  Chabannes, 
comte  de  Dammartin,  grand  maître  de  la  maison  de  Louis  XI.  On 
n'y  trouve ,  en  effet ,  que  des  lettres  et  des  mémoires  relatifs  aux 
affaires  où  ce  personnage  fut  employé,  avec  une  sorte  de  com- 
mentaire historique  très-fort  à  sa  louange  ou  à  celle  de  ses  amis, 
et  au  contraire  extrêmement  défavorable  à  ses  ennemis.  Quant 
à  discerner  la  provenance  de  tout  cela,  volontiers  on  attribue- 


232 

Vait  les  lettres  et  mémoires  à  des  recherches  faites  dans  deâ 
arcliives,  comme  le  dit  le  développement  du  titre;  mais  les  faits 
dont  le  commentaire  est  nourri  ne  sont  pas  dans  le  même  cas. 
Non-seulement  ils  n'ont  rien  de  commun  avec  le  genre  de  ren- 
seignements que  fournissent  les  papiers  d'archives,  mais  Tristan 
l.hermite  avoue  indirectement  les  avoir  tirés  d'un  auteur  con- 
temporain par  cette  locution,  «  la  chronique  prétend,  la  chro- 
nique ajoute,  »  qui  lui  échappe  plusieurs  fois;  et  comme  ces 
faits  ne  sont  dans  aucun  des  auteurs  du  quinzième  siècle  con- 
nus et  consultés  aujourd'hui,  il  faut  conclure  qu'une  chronique 
qui  ne  nous  est  pas  parvenue  se  trouvait  entre  les  mains  de 
Tristan  Lherraite.  La  trace  du  même  ouvrage  se  montre  encore  à 
une  cinquantaine  d'années  d'intervalle.  Parmi  les  additions  de 
Lenglet-Dufresnoy  à  Philippe  de  Commines  '  figure  un  curieux 
récit  de  la  disgrâce  d'Antoine  de  Chabannes,  récit  tiré  des 
recueils  de  l'abbé  Legrand,  avec  l'indication  qu'il  appartient  à 
une  chronique  manuscrite  sur  le  comte  de  Dammartiu.  Or,  la 
comparaison  de  ce  morceau  avec  le  premier  chapitre  du  Cabinet 
de  Louis  XI  fait  voir  de  la  manière  la  plus  évidente,  d'un  côté  le 
texte  original,  de  l'autre  l'abrégé;  et  de  là  il  résulte  non-seule- 
ment que  l'abbé  Legrand  a  eu  à  sa  disposition  le  manuscrit  cité 
par  Tristan  Lhermite,  mais  qu'il  nous  en  a  conservé  un  fragment 
important. 

Mais  c'est  assez  de  discussion  sur  un  point  à  l'avantage  duquel 
je  vais  ôler  toute  matière  à  hypothèse,  car  l'objet  de  cette  notice 
est  de  faire  connaître  le  manuscrit,  non  pas  perdu  mais  oublie, 
que  Tristan  Lhermite  et  l'abbé  Legrand  mirent  jadis  à  con- 
tribution 2.  Pour  n'avoir  point  à  revenir  sur  le  Cabinet  de 
Louis  XI,  je  dirai  tout  de  suite  qu'il  est  tiré  en  entier  du  ma- 
nuscrit en  question  ,  aussi  bien  les  pièces  que  les  anecdotes  ; 
qu'ainsi  l'auteur  n'a  pas  eu  à  s'exténuer,  comme  il  le  donne  à 
entendre,  sur  des  monceaux  de  parchemins,  et  qu'au  lieu  d'être 
un  investigateur  de  trésors  et  d'archives,  il  ne  faut  le  tenir  que 
pour  un  plagiaire  de  mauvaise  foi.  Après  cela  j'entre  en  matière, 
me  proposant  d  abord  de  décrire  le  manuscrit,  ensuite  de  déga- 
ger du  texte  les  passages  à  l'aide  desquels  il  est  possible  d'en 

X.  Mémoires  de  inessire  Philippe  de  Commines,  t.  Il,  p.  312. 
2.  Je  dois  moi-même  la  connaissance  de  ce  précieux  ms.  à  M.  Lacabaue,  conserva- 
teur-adjoint des  mss.  de  la  Bibl.  imp. 


233 

établir  le  caractère  ;  en  troisième  lieu ,  de  rechercher  de  quel 
auteur  il  est  l'ouvrage;  et  enfin  de  faire  conuaitre  par  des 
extraits  ce  qu'il  renferme  encore  d'inédit. 


Description  du  manuscrit. 

C'est  un  volume  in-folio  composé  de  268  feuillets  de  parche- 
min, écrit  de  ce  grand  caractère  gothique  de  la  fin  du  quinzième 
siècle  qu'on  appelait  lettre  de  forme ,  avec  initiales  peintes  à 
tous  les  alinéas  ,  lettres  historiées  et  miniatures.  Il  est  doré  sur 
tranche,  relié  en  veau  rouge  avec  dorures  sur  les  plats,  intitulé 
au  dos  :  Chronique  de  Louis  XI.  Il  est  conservé  au  département 
des  manuscrits  de  la  Bibliothèque  impériale,  coté  n"  758  des 
Mélanges  de  Clairambault.  C'est  en  effet  de  Nicolas-Pascal  Clai- 
rambault  qu'il  provient,  ayant  été  acheté  en  même  temps  que 
les  collections  de  ce  généalogiste  ,  pour  le  compte  du  roi 
Louis  XV. 

Le  frontispice,  richement  encadré  d'une  bordure  de  rinceaux, 
de  fleurons  et  de  fruits ,  représente  l'auteur  de  l'ouvrage  assis 
dans  une  chaire  et  écrivant  sur  un  guéridon  placé  devant  lui. 
Son  costume  est  celui  d'un  fonctionnaire  d'un  rang  éminent 
dans  l'ordre  civil.  Coiffé  d'une  calotte  noire ,  il  a  pour  habille- 
ment une  robe  bleue,  que  recouvre  presque  entièrement  un 
manteau  rouge  fourré  de  blanc  et  muni  d'un  vaste  capuchon 
retombant  sur  les  épaules.  Deux  clercs  debout ,  au  fond  du  ta- 
bleau, paraissent  attendre  ses  ordres. 

Le  texte  commence  sous  cette  peinture  même,  par  un  prolo- 
gue dont  il  sera  parlé  ci-après.  A  la  fin  du  volume  est  consignée 
la  date  de  son  exécution ,  avec  d'autres  renseignements  sur  les 
personnes  dont  il  est  l'ouvrage  ;  voici  en  quels  termes  : 

Cy  fmistla  cronicque  du  très  craint  et  redoublé  roy  Loys,  unziesme  de 
ce  nom,  laquelle  je,  facteur  de  ce  livre,  dont  le  nom  ne  se  appert,  ay  faict 
mectre  en  forme  deue  selon  la  possibilité  de  mon  entendement  ;  et  laquelle 
a  esté  escripte  l'an  de  grâce  mil  cinq  cens  et  deux,  le  vendredi  de  devant 
Noël,  vingt-troisiesme  jour  de  décembre,  par  la  main  de  Jehan  Lebourg, 
natif  de  Vallongnes  on  pays  de  Constantin. 

Ainsi  notre  manuscrit  est  un  produit  de  l'industrie  normande, 

I.  {Quatrième  série.)  16 


234 

sorti  de  la  plume  d'un  calligraphe  de  Yalogiies  appelé  Jean 
Lebourg,  et  achevé  dans  les  derniers  jours  de  l'an  1502.  L'exé- 
cution a  été  surveillée  par  l'auteur  de  l'ouvrage,  qui ,  tout  en 
consignant  sa  sollicitude  sur  ce  point,  n'a  pas  jugé  à  propos  de 
dire  son  nom,  quoiqu'on  serait  bien  aise  de  le  trouver,  après 
avoir  vu  son  portrait  si  magistralement  posé  en  tête  du  livre  ; 
mais  par  modestie  ou  par  coquetterie ,  ou  tout  bonnement  pour 
le  plaisir  de  dérouter  les  curieux,  il  garde  l'anonyme  et  déclare 
qu'il  le  garde  de  propos  délibéré. 

Le  personnage  pour  qui  a  été  fait  le  volume  ne  s'environne 
pas  de  tant  de  mystère.  Ses  armoiries,  repétées  de  plusieurs 
façons  sur  toutes  les  pages  à  miniatures,  le  désignent  aussi  clai- 
rement que  pourrait  faire  le  protocole  d'un  acte  notarié.  Ces 
armoiries,  plus  complètes  sur  le  feuillet  117  qu'en  aucun  autre 
endroit  du  manuscrit,  sont  distribuées  en  six  écussons ,  savoir  : 

1"  Un  fascé  d'argent  et  d'azur  bordé  de  gueules,  qui  est  Dam- 
martin  dans  l'Ile  de  France; 

2°  Les  armes  de  France  brisées  d'un  bâton  noueux  coupé 
d'argent  et  de  gueules  :  blason  de  Louis ,  bâtard  de  Bourbon , 
gendre  et  amiral  de  Louis  XI  ; 

3°  De  gueules  à  trois  pals  de  vair  au  chef  d'or  chargé  de  trois 
merlettes  de  gueules,  qui  est  de  Châtillon  avec  brisure; 

4°  Un  parti  de  Chabannes-Dammartin  (écartelé  1  et  4  de 
gueules  au  lion  rampant  d'hermine,  2  et  3  de  Dammartin,  avec 
Fécu  précité  de  Châtillon  posé  sur  le  tout),  et  de  Nanteuil  (de 
gueules  semé  de  fleurs  de  lis  d'or)  ; 

5»  Un  autre  parti  de  Chabannes-Dammartin,  comme  le  précé- 
dent, et  de  ProveDce-Sicile-Anjou-Bar-Lorraine  avec  la  brisure 
d'une  cotice  de  sable  posée  en  barre; 

6°  Un  troisième  parti  de  Chabannes-Dammartin  et  de  la  bran- 
che bâtarde  de  Bourbon. 

Tout  cela  nous  décèle  la  personne  de  Jean  de  Chabannes , 
fils  d'Antoine  de  Chabannes  et  de  ftlarguerite  de  Nanteuil,  com- 
tesse de  Dammartin ,  issue  de  Châtillon  ;  lequel  Jean  de  Cha- 
bannes, comte  de  Dammartin  lui-même,  fut  marié  en  premières 
noces  à  une  bâtarde  de  Nicolas  d'Anjou,  duc  de  Lorraine,  petit- 
fils  du  roi  Bené,  et  en  secondes  noces  à  Suzanne  de  Bourbon,  fille 
du  bâtard-amiral. 

Il  y  a  un  autre  écusson,  plus  fréquemment  répété  que  les 
précédents,  et  qui  représente  les  prétentions  de  la  maison  de 


235 

Dammartin.  On  y  voit  par  exemple,  entre  autres  pièces,  un  parti 
d'Angleterre  et  de  Dammartin  ,  accouplement  dont  l'idée  a  dû 
être  prise  dans  le  roman  d'Assaillant  et  de  Girard,  qui  est  celui 
des  amours  d'un  comte  de  Dammartin  avec  la  nièce  d'un  roi 
d'Angleterre.  Jean  de  €habannes  ne  pouvait  manquer  d'avoir 
été  bercé  avec  cette  histoire,  dont  il  existe  parmi  les  manuscrits 
de  la  Bibliothèque  impériale  une  rédaction  faite  exprès  pour 
son  père  ^ . 

Ce  Jean  de  Chabannes  mourut  vers  1503  sans  laisser  d'héri- 
tiers directs,  ce  qui  est  cause  que  les  insignes  qui  viennent 
d'être  décrits  ne  peuvent  s'appliquer  qu'à  lui  seul.  Le  pays 
natal  de  l'écrivain  convient  encore  avec  ce  qu'on  sait  de  lui,  at- 
tendu que  la  dot  que  lui  apporta  sa  seconde  femme  était  consti- 
tuée sur  la  recette  de  Valognes,  dont  le  bâtard  de  Bourbon  avait 
été  seigneur  en  son  vivant. 

Aucune  marque  n'enseigne  quels  ont  été  les  possesseurs  du 
manuscrit  entre  Jean  de  Chabannes  et  Clairambault.  Aux  noms 
de  Tristan  Lhermite  et  de  l'abbé  Legrand  qui  le  consultèrent  du 
temps  de  Louis  XIV,  on  verra  ci-après  s'ajouter  celui  d'un  troi- 
sième littérateur  plus  ancien. 

II. 

Critique  du  texte. 

Le  manuscrit  de  Clairambault  serait  d'un  prix  inestimable  s  il 
était  d'un  bout  à  l'autre  ce  que  semble  annoncer  l'échantillon 
publié  par  Lenglet-Dufresnoy.  Malheureusement  ce  morceau  et 
les  autres  que  je  ferai  connaître  ne  sont  que  des  interpolations 
à  un  texte  déjà  connu ,  déjà  vingt  fois  publié.  Pour  le  fond, 
notre  chronique  est  conforme  à  la  Chronique  Scandaleuse  ;  c'est 
cette  chronique  même  dont  on  a  essayé  de  remplir  les  lacunes 
en  quelques  endroits,  à  laquelle  on  a  ajouté  ici  un  trait,  là  un 
récit  développé,  ailleurs  la  copie  de  papiers  d'affaires  :  tout 
cela  jeté  le  plus  souvent  sans  soin,  sans  ordre,  sans  à-propos, 
commode  simples  annotations  qui,  par  le  fait  d'un  copiste  ma- 
ladroit, seraient  plus  tard  devenues  des  fourrures.  Néanmoins 
il  n'est  pas  possible  de  douter  que  ces  additions  n'aient  été  in- 

1.  Ms.  SHppl«5ment  français,  n"  1130. 

16. 


236 

troduiles  de  propos  délibéré  dans  le  texte.  L'auteur  les  a  faites 
pour  la  place  qu'elles  occupent  et  avec  une  prétention  marquée 
d'historien,  puisque,  à  ses  yeux,  elles  ont  eu  assez  d'importance 
pour  lui  permettre  de  s'attribuer  la  totalité  d'un  ouvrage  dont 
elles  forment  tout  au  plus  la  cinquième  partie.  C'est  ce  qu'il 
déclare  dans  sa  préface,  copiée  mutatis  mutandis  sur  la  préface 
de  la  Chronique  Scandaleuse. 

Nous  n'avons  pas  à  nous  arrêter  sur  l'audace  de  plagiaire 
que  tout  cela  dénote  de  sa  part.  Avant  de  lui  en  faire  un  repro- 
che, il  faudrait  commencer  par  prendre  à  partie  l'auteur  de  la 
Chronique  Scandaleuse  qui,  lui  non  plus,  n'a  pas  fait  autre  chose 
que  de  s'approprier  la  chronique  officielle  de  Louis  XI  \  en  y 
introduisant,  par  un  procédé  analogue  à  celui  de  son  propre 
spoliateur,  quelques  faits  particuliers  de  l'histoire  de  Paris.  11 
y  a  à  dire  pour  la  justification  de  l'un  et  de  l'autre  que  nos  idées 
en  matière  de  propriété  littéraire  n'existaient  point  de  leur 
temps,  et  que  la  plupart  de  nos  anciennes  compositions  histori- 
ques ne  sont,  de  même,  que  du  pillage  racheté  çà  et  là  par  des 
traits  originaux.  C'est  ce  que  le  manuscrit  de  Clairambault  con- 
tient d'important  en  ce  genre  qu'il  s'agit  d'indiquer  d'abord 
d'une  manière  sommaire,  et  en  dégageant  tous  les  renseigne- 
ments que  l'interpolateur  donne  sur  sa  personne  ou  sur  ses 
moyens  d'information. 

Tandis  que  l'auteur  de  la  Chronique  Scandaleuse  annonce  dans 
sa  préface  qu'il  commença  à  prendre  note  des  événements  eu 
1460,  étant  âgé  de  trente-cinq  ans,  l'autre  dit  qu'il  avait  vingt- 
six  ans  lorsqu'il  se  mit  à  écrire,  et  qu'il  prit  son  début  à  l'avé- 
nement  de  Louis  XI  (22  juillet  1461). 

L'auteur  de  la  Chronique  Scandaleuse  croit  devoir  s'excuser  de 
ce  qu'il  écrit  l'histoire  sans  avoir  qualité  pour  cela  :  «  Com- 
«  bien,  »  dit-il,  «  que  je  ne  veuille  ne  n'entens  point  les  choses 
«  cy-après  escriptes  estre  appelées,  dictes  ou  nommées  cronic- 
«  ques,  pour  ce  que  à  moy  n'appartient  et  que  pour  ce  faire 
«  n'ay  pas  esté  ordonné  ne  ne  m'a  esté  permis  ;  mais  seulement 
»  pour  donner  aucun  petit  passe-temps  aux  lisans,  regardans  ou 


1.  J'ai  traité  cette  question  après  l'abbé  Lebeuf,  dans  une  notice  sur  le  chroniqueur 
Castel,  véritable  auteur  de  la  Chronique  de  Louis  XI,  ou  du  moins  préparateur  d'une 
partie  des  matériaux  avec  .lesquels  elle  a  été  c.om'poaée..  Bibliofh.  de  l'Ecole  des 
chartes,  t.  il  (première  série),  p.  40. 


237 

«  escouluus  icelles;  en  leur  priant  humblement  excuser  et  sup- 
«  ployer  à  mon  ignorance,  et  addresser  ce  que  y  seroit  mal  mis 
«  on  escript  :  car  plusieurs  desdictes  choses  sont  advenues  en 
«  tant  de  diversitez  et  façons  estranges,  que  moult  pénible  chose 
«  auroit  esté  à  moy  ou  aultre  de  bien  au  vray  et  au  long  escri- 
«  pre  la  vérité  des  choses  advenues  durant  ledit  temps.  »  Notre 
auteur  copie  la  dernière  phrase  sur  la  difficulté  qu'il  aurait  eue 
à  consigner  tous  les  événements  ;  mais,  loin  de  l'amener  par  la 
considération  qu'il  n'était  pas  en  position  d'être  bien  informé,  il 
en  restreint,  au  contraire,  la  conséquence  par  l'aveu  qu'il  était 
en  lieu  propice  pour  savoir  le  vrai  des  choses  :  «  Jaçoit,  dit-il , 
«  que  je  fusse  notaire  et  secrétaire  dudit  seigneur  (Louis  XI)  à 
«  escripre  la  vérité  desdictes  choses  advenues  oudit  temps,  dont 
«  je  pensoye  estre  seur,  pour  ce  que  alors  j'estoye  serviteur 
«  d'ung  homme  qui  sçavoit  des  secretz  dudit  seigneur  et  aultres 
«  choses  faicles  oudit  temps  :  au  moyen  duquel  service  je  fuz 
«  constitué  oudit  office  de  secrétaire.  »  Ainsi  il  était  secrétaire 
de  Louis  XI  et  en  même  temps  attaché  à  la  maison  d'un  confi- 
dent du  roi,  au  crédit  duquel  il  devait  sa  charge  de  secrétaire. 

Le  commencement  de  la  Chronique  Scandaleuse  est  d'une  pau- 
vreté extrême.  Elle  débute  par  le  récit  des  accidents  qui  défrayè- 
rent les  conversations  des  Parisiens  en  l'an  1460  ,  raconte  en- 
suite la  mort  de  Charles  VII  et  l'avènement  de  Louis  XI,  saute 
par-dessus  les  deux  années  1462  et  1463,  sous  prétexte  que  dans 
tout  ce  temps  «  ne  survindrent  guères  nouvelles  qui  fussent  de 
«  grant  mémoire,  »  et  arrive  ainsi  au  15  mai  1464,  où  la  chaîne 
des  événements  commence  à  se  dérouler  sans  interruption. 

Le  début  du  manuscrit  de  Clairambault  diffère  essentiellement 
de  celui-là.  Après  le  prologue,  voici  comment  l'auteur  entre  en 
matière  : 


«  Et  est  assavoir  que  pour  mon  premier  commancement,  qui  fut  l'an 
mil  quatre  cent  soixante-un ,  ouquel  an  décéda  ledit  bon  roy  Charles  à 
Mehun  sur  Yèvre,  lequel  durant  son  resgne  chassa  et  mist  hors  de  son 
royaulme  de  France  les  Angloys,  ses  anciens  ennemys,  lesquels  contre 
droict  et  raison  occupoient  ledit  royaulme  de  France;  et  réduisit  à  la  co- 
ronne  les  duchés  de  Guienne  et  de  Normandie  que  tenoient  lesditz  Angloys. 
Et  aussi  pour  ce  que  durant  sondit  règne  furent  faitz  plusieurs  grants  faiz 
de  guerre  par  Anthoine  de  Chabannes,  conte  de  Dampmartin,  j'en  ay 
volnntiers  voullu  mettre  aucune  chose  par  escript.  » 


■23g 

Là-dessus  il  indique  la  défense  de  Louviersen  1430,  et  raconte 
au  long  la  bataille  livrée  près  de  Bàle  contre  les  Suisses  en 
1444  ,  deux  actions  où  Antoine  de  Chabannes  s'était  effective- 
ment distingué.  Le  récit  de  la  bataille  est  copié  mot  pour  mot 
dans  la  chronique  Martinienne ,  ou  plutôt  dans  la  continuation 
de  celte  chronique  imprimée  pour  Vérard  :  circonstance  qui  mé- 
rite d'être  relevée  ici  parce  que  la  continuation  de  la  Marti- 
nienne, pour  toute  la  partie  qui  concerne  le  règne  de  Charles  VII, 
est  le  registre  des  exploits  d'Antoine  de  Chabannes.  C'est  un 
point  établi  par  l'abbé  Lebeuf  * . 

Notre  auteur,  après  avoir  achevé  son  emprunt,  conclut  en  ces 
termes  : 

«  Lesquelz  fais  cy-devant  couchés,  je  fuz  chargé  mettre  et  insérer  par 
«  escript,  ensemble  d'autres  charges  données  audit  conte  par  le  roy  Loys , 
«  lesquelles  j'ay  mises  en  escript  en  ce  présent  livre,  et  mesmement  depuis 
«  ledit  advèneraent  ;  ensemble  les  services  qu'il  a  faicts  au  royaulme.  » 

Ainsi  c'est  par  l'ordre  de  quelqu'un  qu'il  fit  cette  interpolation 
aussi  bien  que  les  suivantes,  dont  Tune  des  principales  est  ame- 
née par  la  suite  du  récit  : 

a  Audit  an  mil  quatre  cent  soixante  et  ung ,  fut  mené  sacrer  à  Raîms 
«  Loys^  unziesme  de  ce  nom,  roy  de  France,  et  lilz  dudit  bon  roy  Charles; 
«  et  fut  sacré  par  l'arcevesque  nommé  Jouvenel,  en  la  compaignie  de  plu- 
«  sieurs  grans  seigneurs  de  son  sang.  Et  incontinant  après  ledit  sacre 
«  furent  faiz  au  roy  plusieurs  faulx  et  mauvais  rappors  dudit  conte  de 
«  Dampmartin,  par  aucuns  ses  ennemys  et  malveillans,  disans  que  si  le 
«  roy  le  povoit  tenir,  qu'il  feroit  manger  le  cueurde  son  ventre  à  ses  chiens. 
'.  Desquelz  faulx  rappors  ledit  conte  fut  fort  estonné  et  courroucé  en  son 
«  cueur...  « 

Cette  dernière  phrase  commence  le  fragment  de  Lenglet-Du- 
fresnoy,  oii  sont  racontées  d'une  manière  si  dramatique  la  dé- 
fection des  serviteurs  d'Antoine  de  Chabannes  et  la  trahison  de 
ses  vieux  compagnons  d'armes  qui,  loin  de  se  prêter  à  intercé- 
der pour  lui  comme  il  les  en  priait ,  allèrent  solliciter  secrète- 
ment le  partage  de  sa  dépouille. 

Un  récit  non  moins  circonstancié  des  vengeances  exercées 

t.  Mémoires  de  V Académie  des  inscriptions  et  belles'lettres,  t.  XX,  p.  224. 


2Vd 

contre  sa  personne  et  ses  bieus  occupe  les  années  1462  et 
1 463,  avec  d'autres  faits  sur  lesquels  il  est  inutile  d'insister,  parce 
([ue  toutes  ces  circonstances  seront  rapportées  textuellement  à 
Ja  suite  de  cette  notice.  Je  signalerai  seulement  une  réflexion 
que  fait  notre  auteur  à  l'occasion  de  la  naissance  de  Jeanne  de 
France,  seconde  fille  de  Louis  XI,  «  laquelle,  dit-il,  le  roy  depuis 
«  contraignit  Lojs,  duc  d'Orléans,  à  force  et  soubz  le  daugier  de 
<  sa  personne,  de  la  prandre  par  forme  de  mariage  pour  estre  sa 
«  femme  ;  ce  que  jamais  ne  se  put  faire,  pour  ce  qu'il  n'y  donna 
«  point  de  consentement.  » 

Une  pareille  chose,,  qui  n'a  pu  être  dite  qu'après  le  divorce  des 
deux  époux  prononcé  par  l'Église  dans  les  derniers  jours  de 
1498,  donne  la  certitude  que  la  rédaction  du  manuscrit  de  Clai- 
rambault  n'en  précéda  la  transcription  que  de  peu  de  temps, 
puisque  celle-ci  fut  accomplie  en  1  502. 

La  conformité  entre  les  deux  chroniques  commence  en  1464, 
à  l'endroit  que  j'ai  signalé  comme  la  véritable  entrée  en  matière 
de  l'auteur  de  la  Chronique  Scandaleuse  ;  mais  le  secrétaire  de 
Louis  XI  ne  tarde  pas  à  reprendre  son  originalité  par  le  grand 
nombre  d'épisodes  qu'il  ajoute  au  récit  de  la  guerre  du  Bien  pu- 
blic. Les  détails  qu'il  donne  sur  l'évasion  d'Antoine  deChabannes 
détenu  à  la  Bastille  seront  lus  par  tout  le  monde  avec  le  plus 
vif  intérêt  ';  il  n'y  a  rien  de  plus  romanesque  dans  toute  l'his- 
toire de  la  sinistre  forteresse.  L'aventure,  réduite  à  deux  lignes 
dans  le  Cabinet  de  Louis  XI,  occupe  plusieurs  pages  du  manus- 
crit ;  on  peut  la  regarder  comme  écrite  sous  la  dictée  du  fugitif 
lui-même,  car  l'auteur  a  soin  de  dire  qu'il  était  présent  à  une 
conversation  où  Antoine  de  Chabannes  en  fit  le  rapport  au  roi. 
«  Et  sçay  ces  choses  estre  vrayes,  pour  ce  que  quant  le  conte 
«  de  Dampmartin  fut  retourné  en  la  bonne  grâce  du  roy,  il  en 
«  fut  assermenté  ;  et  estoye  présent  quant  il  nomma  au  roy  les 
«  dessusditz  qui  lui  avoient  fait  service  après  son  eschappe- 
«  ment.  » 

Les  autres  points  sur  lesquels  insiste  l'interpoleur  sont  l'expé- 
dition de  Louis  XI  en  Bourbonnais ,  les  intrigues  du  duc  de 
Nemours  parmi  les  confédérés  du  Midi,  la  trahison  vraie  ou 
fausse  de  Charles  de  Melun  qu'il  ne  mentionne  pas  une  fois  sans 
lui  imputer  un  grief  ou  lui  décocher  une  injtire,  au  contraire  de 

1.  ci-après,  p.  266. 


240 

la  Chronique  Scandaleuse  qui  n'en  parle  qu'a\ec  considération. 
Comme  il  cite  une  déposition  recueillie  à  Rodez  contre  le  même 
Charles  de  Melun,  c'est  signe  qu'il  eut  entre  les  mains  les  pièces 
du  procès  à  la  suite  duquel  ce  malheureux  eut  la  tète  coupée  en 
1468. 

Le  comte  de  Dammartin  rentre  en  faveur  par  un  article  spécial 
du  traité  de  Saint-Maur  (29  octobre  1465),  et  dès  lors  toutes  les 
grâces  que  lui  fait  le  roi,  toutes  les  commissions  dont  il  est  chargé, 
sont  enregistrées  soigneusement  dans  notre  chronique;  mais  l'au- 
teur ne  paraît  pas  toujours  tenir  le  fil  des  affaires  dont  il  voudrait 
consigner  la  mémoire.  Telle  lettre  qu'il  transcrit  n'est  pas  mise 
à  la  date  convenable  ;  telle  autre  qu'il  ne  comprend  pas,  il  l'attri- 
bue à  une  négociation  secrète  ;  enfin  il  ne  donne  pas  signe  de 
beaucoup  d'intelligence,  ou  bien  il  vise  à  étendre  la  matière  sans 
beaucoup  de  discrétion,  lorsqu'à  propos  du  traité  de  Péronne 
(1468)  il  introduit  textuellement  celui  d'Arras  (1435),  et  cela 
parce  que  Louis  XI  écrivit  de  Péronne  à  Antoine  de  Chabaunes 
une  lettre  qui  était  accompagnée  de  la  copie  de  ce  traité. 

Le  récit  de  l'année  1469  est  remarquable  en  ce  que  la  rédac- 
tion de  la  Chronique  Scandaleuse  disparaît  complètement  pour 
faire  place  encore  une  fois  aux  mémoires  particuliers  d'Antoine 
de  Chabaunes,  chargé  cette  année-là  de  rétablir  l'ordre  dans  le 
Midi,  que  le  comte  d'Armagnac  avait  mis  tout  en  feu.  Cette  par- 
tie, moins  anecdotique  que  ce  qui  a  trait  à  la  guerre  du  Bien 
public  ,  paraît  avoir  été  faite  uniquement  avec  les  papiers 
conservés  par  la  famille.  L'auteur  n'avait  pas  accompagné 
le  comte  de  Dammartin  dans  son  expédition,  se  trouvant  pour 
lors  employé  auprès  du  roi.  Cela  ressort  d'un  passage  où  il  dit 
qu'il  assista  à  l'inventaire  exécuté  après  la  saisie  des  biens  du 
cardinal  Balue  :  «  Ses  robes  et  ung  peu  de  mesnaige  fut  vendu 
«  pour  payer  les  fraiz  des  officiers  et  commissaires  qui  avoient 
«  vacqué  à  faire  ladicte  inventoire  ;  et  le  sçay  pour  vérité,  pour 
«  ce  que  j'estoie  présent  à  le  faire.  » 

A  partir  de  1470  il  ne  cesse  plus  de  se  traîner  sur  la  Chroni- 
que Scandaleuse  ,  mais  toujours  en  intercalant  des  choses  à 
l'honneur  d'Antoine  de  Chabaunes  ou  bien  des  anecdotes  de  son 
propre  cru.  Ce  qu'il  rapporte  de  la  réduction  d'Amiens  (1471),  de 
la  défense  de  Beauvais(l472),  de  celle  du  Quesnoy  (1478),  de  la 
bataille  d'Enquinegatte  (1479),  ajoute  beaucoup  à  l'histoire 
connue  de  ces  événements.  Je  n'en  dis  pas  autant  de  ses  insinua- 


241 

lions  contre  Louis  XI  à  propos  de  la  mort  du  duc  de  Guyenne  : 
c'est  de  lui  que  paraît  dériver  le  récit  consacré  de  cette  mort 
mystérieuse;  mais  l'emprunt  lui  en  a  été  fait  depuis  très-long- 
temps, car  plusieurs  de  ses  expressions  se  trouvent  déjà  dans  les 
Annales  d'Aquitaine  de  Jean  Bouchet ,  outre  que  l'auteur  du 
Cabinet  de  Louis  XI  les  a  reproduites  textuellement.  Il  n'y  a 
donc  rien  de  neuf  à  tirer  de  lui  sur  ce  point. 

Je  noterai  encore  deux  témoignages  qu'il  porte  sur  lui-même, 
se  mettant  en  scène  à  l'occasion  du  siège  d'Amiens,  où  il  dit 
que  le  roi  l'envoya  «  pour  veoir  comment  il  y  estoit  servi,  »  et 
une  autre  fois  à  l'an  1 475  pour  rapporter  le  bon  mot  que  voici , 
supposé  que  cela  soit  un  bon  mot  :  «  Et  ay  esté  présent,  moy 
failiste  de  ce  livre  ,  que  le  gouverneur  de  Lymosin ,  nommé 
Gilbert  de  Chabanues,  quant  il  fut  retourné  d'une  ambassade 
où  le  roy  l'avoit  envoyé  par  devers  le  duc  de  Bourgogne,  dist 
au  roy  qu'il  avoit  oy  dire  audit  duc  que,  pour  suy  venger  du 
roy,  il  avoit  esté  contraint espouser  une  putain.  »  C'est  sur 
Marguerite  d'York,  seconde  femme  de  Charles  le  Téméraire,  que 
tombe  cette  honnêteté  conjugale  ;  et,  circonstance  plus  digne  de 
remarque  ici ,  un  neveu  d'Antoine  de  Cbabannes  est  l'auteur  du 
propos  rapporté. 

En  voilà  assez  pour  qu'on  sache  à  quoi  s'en  tenir  sur  la  nature 
et  sur  l'esprit  du  manuscrit  de  Cairambault.  Les  interpolations 
à  la  Chronique  Scandaleuse  dont  il  est  plein  ont  pour  but  la  plus 
grande  gloire  du  comte  de  Dammartin ,  soit  qu'on  y  parle  à 
l'avantage  de  sa  personne  ,  soit  qu'on  loue  ses  parents  ou  qu'on 
déverse  l'odieux  sur  ses  ennemis,  comme  Charles  de  Melun,  le 
duc  de  Nemours,  et  d'autres.  En  outre  le  travail  a  été  exécuté 
entre  1499  et  1502.  Rapprocher  ces  deux  circonstances,  c'est 
nommer  la  personne  qui  a  mis  à  l'œuvre  notre  interpolateur.  La 
rédaction  aussi  bien  que  la  transcription  a  été  commandée  par 
Jean  de  Cbabannes.  Quant  à  l'homme  de  lettres  sur  qui  tomba 
le  choix  de  ce  seigneur,  nous  savons  de  lui  : 

r  Qu'en  1502  il  portait  le  manteau  rouge  attribué  aux  mem- 
bres des  cours  souveraines ,  puisque  c'est  ainsi  qu'il  est  peint 
au  frontispice  du  manuscrit  ; 

2°  Qu'il  avait  été  secrétaire  de  Louis  XI,  placé  près  de  ce  roi 
à  l'âge  de  vingt-six  ans  par  un  homme  en,  crédit  dans  lequel  il 
est  bien  difficile  de  ne  pas  reconnaître  Antoine  de  Cbabannes  ; 
3"  Qu'il  assista  à  l'inventaire  du  cardinalBalue  en  1469; 


242 

4°  Qu'il  eut  unemissiou  à  Amiens  en  1471  ; 

5°  Qu'il  dut  incliner  pour  le  parti  du  duc  de  Guyenne  dans 
les  démêle's  de  ce  prince  avec  le  roi ,  à  cause  des  soupçons  qu'il 
laisse  planer  sur  sa  mort. 

Nous  allons  voir  si  ces  données  peuvent  nous  conduire  à  quel- 
que chose  de  plus  précis. 

IIL 

Recherche  du  nom  de  l'auteur. 

Il  s'agirait  d'abord  de  découvrir  le  nom  «  qui  ne  se  appert  » 
de  notre  mystérieux  chroniqueur. 

Il  était  présent  à  l'inventaire  du  cardinal  Balue,  et  justement 
le  compte  de  la  confiscation  Balue  nous  a  été  conservé.  Il  fait 
partie  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque  impériale  (n.  4936 
A.  4.  4),  On  y  voit  que  l'inventaire  fut  dressé  par  deux  greffiers 
du  Châtelet ,  Henri  Le  Wast  et  Jean  de  Koye ,  sous  les  yeux  de 
la  commission  chargée  d'instruire  le  procès  du  cardinal  ;  que 
dans  cette  commission,  composée  de  hauts  fonctionnaires,  un 
secrétaire  du  roi  nommé  Jean  de  Moulins  tenait  la  plume  ,  tandis 
que  Pierre  de  Lailly ,  autre  secrétaire  du  roi ,  y  était  attaché 
comme  agent  comptable  ;  enfin  qu'un  troisième  secrétaire  du  roi, 
sans  avoir  été  pourvu  de  mandat  spécial,  remplaça  le  secrétaire 
en  titre  de  la  commission  :  ce  que  prouve  l'attache  des  commis- 
saires jointe  à  la  nomination  de  Pierre  de  Lailly  et  signée  «  Jehan 
Le  Clerc  » ,  qui  est  le  secrétaire  dont  je  veux  parler  * . 

Voilà  donc  trois  secrétaires  du  roi,  Jean  de  Moulitis,  Pierre  de 

1.  Voici  la  teneur  de  cette  pièce  : 

«  Les  commissaires  ordonnez  par  le  roy,  nostre  sire ,  à  faire  le  procès  du  cardinal 
d'Angiers ,  veues  par  nous  les  lectres  patentes  dudit  seigneur  auxquelles  ces  présentes 
sont  atachées  soubz  l'un  de  noz  signefz,  par  lesquelles  et  pour  les  causes  dedans  con- 
tenues icelui  seigneur  a  commis  et  ordonné  M'  Pierre  de  Lailly,  son  notaire  et  secré- 
taire, à  tenir  le  compte  et  faire  recepte  et  despense  des  biens  tant  deniers,  joiaulx, 
vaisselle,  linge,  tappicerie,  comme  autres  biens  meubles  qui  appartehoient  au  c^ 
d'Angiers,  à  telz  gaiges  et  sallaires  qui  par  ledit  seigneur  ou  nous  lui  seront  pour  ce 
tauxez  et  ordonnez,  et  dont  ledit  de  Lailly  sera  tenu  rendre  compte  en  la  cbambredes 
comptes  dudit  seigneur,  quant  il  appartiendra  :  consentons  l'entérinement  et  acom- 
plissement  desdictes  lettres,  tout  ainsi  et  par  la  forme  et  manière  que  ledit  seigneur 
le  veult  et  mande  par  sesdictes  lectres.  Donné  soubz  nosditz  signetz,  le  XXl^  jour  de 
février  l'an  mil  cccc  soixante-neuf.  Ainsi  signé,  J.  Le  Clerc.  » 


213 

Lailly  et  Jeau  Le  Clerc,  employés  dans  l'alïaire  de  la  coulisca- 
tion  à  des  litres  qui  justifient  leur  présence  à  l'inventaire.  Si  l'un 
de  ces  personnages  réunit  sur  lui ,  à  l'exclusion  des  deux  autres, 
les  circonstances  énoncées  à  la  fin  du  paragraphe  précédent,  il 
y  aura  grande  probabilité  que  les  mots  «  j'estoye  présent  à  faire 
ladicte inveutoire  »  lui  conviennent,  et  certitude  à  peu  près  com- 
plète que  notre  inconnu  a  cessé  de  l'être. 

Il  vivait  en  1502. 

Or  Pierre  de  Lailly ,  notaire  et  secrétaire  de  Louis  XI,  créé 
receveur  général  des  finances  en  1473,  mourut  en  1482,  comme 
l'indiquait  l'épitaphe  de  son  tombeau  placé  aux  Innocents  * . 

Jeau  de  Moulins,  maire  de  Poitiers  en  1464,  avocat  du  roi 
près  cette  ville  en  même  temps  que  secrétaire ,  avait  cessé  de  vivre 
en  1 500 ,  puisque  ses  enfants  se  partagèrent  sa  succession  le 
15  janvier  de  cette  année  -. 

Reste  Jean  Le  Clerc,  qui,  lui,  vivait  encore  en  1502.  J'ai  eu 
sous  les  yeux  plusieurs  cédules  de  sa  main ,  dont  une  datée  de 
1 507  ^ .  Il  s'y  donne  la  qualité  de  clerc  des  comptes  ;  de  sorte 
qu'en  recourant  au  registre  matricule  des  officiers  de  la  chambre 
des  comptes,  j'ai  pu  vérifier  que  Jean  Le  Clerc,  secrétaire  du  roi, 
fut  pourvu  le  2  décembre  1475  d'une  charge  de  clerc  (c'est  ce 
qu'on  a  appelé  depuis  auditeur),  laquelle  il  cessa  d'exercer  en 
octobre  1476  pour  la  reprendre  le  16  juin  1496  et  la  garder  cette 
fois  jusqu'au  18  décembre  1510,  où  elle  passa,  par  sa  mort,  à 
son  fils  nommé  Jean  Le  Clerc  comme  lui  "*. 

Cela  commence  à  convenir  à  l'auteur  anonyme  de  notre  manus- 
crit. Mais  au  costume  du  personnage  que  représente  ce  manuscrit, 
peut-on  reconnaître  un  clerc  des  comptes  ? 

1.  Bibl.  imp..  Cabinet  des  titres,  v°  Lailly. 

2.  D'Hozier,  Armoriai  général. 

3.  «  L'en  doit  entre  les  gaiges  des  gens  des  comptes  au  Trésor  du  Roy  nostre  sire, 
à  Paris,  à  naaistre  Jehan  Le  Clerc,  clerc  ordinaire  dudit  seigneur  en  sa  chambre  des- 
dictz  comptes,  à  cause  de  ses  gaiges  qui  sont  de  6  s.  p.  par  jonr,  pour  les  mois  de 
janvier,  février  et  mars  derrenier  passez,  contenant  91  jours  entiers  à  cause  du  bi- 
xeste,  27  liv.  6  s.  p.  Item,  à  cause  de  ses  droiz  d'escripture,  qui  sont  de  30  1.  p.  par 
an,  pour  le  dit  temps  faisant  ung  quartier  d'an  et  moictié  du  terme  S.  Jehan-Baptiste 
prouchain  venant,  7  1.  11  s.  p.  Pour  tout,  la  somme  de  34  1.  16  s.  p.  Escript  ou  dit 
Trésor,  le  3»  jour  d'avril  l'an  1507,  avant  Pasques.  Corretin.  Quam  summam  una 
cum  summa  decem  libr arum  paris,  pro  mets  juribus  lignorum  quarterii  anni 
de  quo  supra,  habui  a  Petro  Daniel  commisso,  etc.  Lié  et  anno  prsedictis.  J.  Le 
Clerc.  »  Bibl.  imp,,  Cabinet  des  titres. 

4.  Bibl.  imp.,  ms.  Siippl.  fr.,  n.  882, 


244 

Oui,  car  il  est  affublé  d'un  manteau  à  capuchon  fourré ,  coufor 
mément  aux  anciens  statuts  qui  prescrivaient  aux  clercs  mariés  de 
la  chambre  des  comptes  d'aller  m  mantellis  foratis  et  capucia 
forata  aussi  bien  à  la  ville  qu'au  palais  * . 

Son  manteau  est  rouge ,  et  le  rouge  était ,  du  temps  de 
Louis  XII,  la  couleur  des  officiers  de  la  chambre  des  comptes  ^. 

Enfin,  il  est  escorté  de  deux  commis,  et  la  grande  ordonnance 
de  1454  sur  l'organisation  de  la  chambre  des  comptes  prouve 
que  les  clercs  de  cette  cour  avaient  d'autres  clercs  à  leurs  or- 
dres ^ . 

La  conformité  entre  Jean  Le  Clerc  et  l'inconnu  s'augmente 
ainsi  d'un  trait  nouveau. 

Jean  Le  Clerc,  appelé  à  la  chambre  des  comptes  en  1475,  y  est 
remplacé  six  mois  après.  A  quoi  attribuer  cette  jouissance  pas- 
sagère d'une  position  qui,  après  tout,  devait  satisfaire  l'ambition 
du  secrétaire  de  Louis  XI,  puisqu'il  y  rentra  plus  tard  et  y  ter- 
mina ses  jours  ? 

Des  lettres  patentes  de  Louis  XI  vont  nous  éclairer  sur  ce 
point  ;  je  les  transcris,  vu  leur  importance  : 

Loys,  etc.,  sçavoir  faisons  que  nous  confians  à  plain  des  sens,  souffisance 
et  loyaulté,  prudhommie  et  bonne  dilligence  de  nostre  amé  et  féal  conseiller 
et  médecin  maistre  Jacques  Coictier  ;  considérans  les  bons,  grans,  continuels 
et  recommandables  services  qu'il  nous  a  longuement  fait  etfaict  de  jour  en 
jour  en  son  office  et  estât  de  médecin  et  espérons  que  encores  plus  face  ou 
temps  advenir,  iceluy,  pour  ces  causes  et  autres  à  ce  nous  mouvans,  avons 
créé  et  créons  clerc  ordinaire  en  nostre  chambre  des  comptes,  et  luy  avons 
donné  et  octroyé,  donnons  et  octroyons  l'office  ordinaire  de  nostre  clerc  des 
comptes  que  tient  de  présent  maistre  Jehan  Le  Clerc,  lequel  nous  en  avons 
deschargié  et  deschargeons  par  ces  présentes ,  tant  parce  que  nous  avons 
esté  deument  informez  qu'il  a  eu,  ou  vivant  de  feu  nostre  frère  le  duc  de 
Guyenne,  intelligence  et  parolle  avec  luy  de  nous  abandonner  et  aller  de- 

1.  Dissertation  sur  la  chambre  des  comptes,  par  Michel  Le  Chanteur,  p.  94  (ia-i", 
1765). 

2.  «  Et  en  la  compaignie  de  son  entrée,  après  que  les  quatre  religions  mendiennes 
•  furent  venuz  au-devant  de  luy  à  l'entrée  de  ladicle  ville ,  devant  ledit  seigneur 
«  naarchoient  les  seigneurs  des  comptes  vestuz  d'escarlate ,  moult  noblement  appoin- 
«  tez  chascun  selon  son  estât,  et  leurs  huyssiers  devant  eulx.  »  L'entrée  du  très 
chrestien  roy  de  France  Loys  douziesme  de  ce  nom;  gothique,  1498. 

3.  «  Nul  des  présidens  des  comptes,  maistres  ou  clercs,  ne  pourra  admener  en  la 
'<  chambre  ne  au  pourpris  d'icelle  aucuns  clercs  pour  y  séjourner  ou  résider  sans  le 
«  congié  du  bureau.  » 


245 

mourer  avecques  nostre  dict  frère,  que  pour  autres  causes  ad  ce  nous  mou- 
vans,  pour  lesquelles  causes  nous  avons  declairé  et  déclarons  icelluy  ofGce 
estre  vacant,  etc.  Donné  le  xxxe  de  septembre  mcccclxxvj. 

Prestitit  juramentum  et  receptus  fuit  ad  burellum  in  caméra  compo- 
iorum  domini  régis  ad  officium  quo  infra,  die  vij  mensis  octobris,  anno 
Domini  mcccclxxvj.  Signé  Le  Blanc  '. 

Ainsi  Louis  XI  destitua  Jean  Le  Clerc  à  cause  de  l'affection 
qu'il  avait  portée  au  feu  duc  de  Guyenne,  et  le  ton  de  notre 
auteur  racontant  la  mort  du  même  prince  est  celui  de  l'attache- 
ment ;  de  sorte  que  sur  ce  point  l'identité  mise  en  avant  prend 
encore  de  la  consistance. 

Jean  Le  Clerc  fut-il  envoyé  à  Amiens  après  la  réduction  de 
cette  ville,  c'est-à-dire  en  février  ou  mars  1471,  conformément 
à  ce  que  le  chroniqueur  témoigne  de  lui-même? 

Bien  que  nous  ayons  le  registre  des  dépenses  du  roi  pendant 
les  premiers  mois  de  1 47 1 ,  source  où  il  est  le  plus  naturel  d'aller 
chercher  un  pareil  fait  en  l'absence  du  témoignage  des  histo- 
riens; bien  que  ce  registre  relate  l'envoi  de  plusieurs  personnes 
à  Amiens  ;  aucun  secrétaire  n'y  figure  comme  ayant  été  chargé 
de  ces  commissions,  qui  toutes  sont  portées  sur  le  compte  des 
chevaucheurs  d'écurie  ou  courriers  d'office.  Toutefois,  il  est  à 
remarquer  que  Jean  Le  Clerc,  nommé  plus  d'une  fois  dans  le 
même  registre,  y  apparaît  comme  l'homme  de  confiance  du  roi 
à  ce  moment-là.  Il  réside  constamment  auprès  de  sa  personne; 
lui  rend  mille  petits  services  de  valet  de  chambre,  d'économe  et 
de  confident,  autant  que  de  secrétaire  ;  en  un  mot,  semble  être  si 
bien  celui  aux  yeux  de  qui  Louis  XI  devait  avoir  recours  «  pour 
voir  comment  il  était  servi,  »  que  si  la  mission  à  Amiens  ne  peut 
pas  se  démontrer,  elle  est  très-présumable. 

Par  d'autres  raisons  qui  aboutissent  encore  à  une  très-grande 
probabilité,  il  est  permis  d'attribuer  à  Jean  Le  Clerc  ce  que  nous 
avons  déduit  tant  du  prologue  que  des  interpolations  du  manus- 
crit Clairambault,  au  sujet  de  l'auteur  devenu  secrétaire  de 
Louis  XI  par  la  faveur  d'Antoine  de  Chabannes. 

La  conséquence  nécessaire  de  la  protection  d'Antoine  de  Cha- 
bannes est  que  son  homme  ne  dut  être  investi  de  l'office  en  ques- 
tion qu'à  la  fin  de  1465  au  plus  tôt,  puisque  lui,  Antoine  de  Cha- 

1.  Ms.  Fontanieu,  n.  138  (Bibl.  imp.),  d'après  le  mémorial  P.  de  la  chambre  des 
comptes,  foi.  354. 


246 

bannes,  fut  et  demeura,  jusqu'au  traité  de  Saint-Maur,  l'ennemi 
le  plus  détesté  de  Louis  XI.  Eh  bien,  ce  qu'il  est  possible  de  re- 
cueillir sur  Jean  Le  Clerc  est  tout  à  fait  d'accord  avec  cette  don- 
née. Son  nom  comme  secrétaire  du  roi  ne  paraît  au  bas  d'aucune 
ordonnance  avant  1466  *  ;  il  ne  se  libéra  qu'entre  1472  et  1476 
du  droit  de  marc  d'or,  que  chaque  secrétaire  était  tenu  de  payer 
pour  son  institution  ^  ;  enfin  ,  un  extrait  des  registres  détruits 
de  la  chambre  des  comptes,  conservé  par  Gaignières^,  constate,  à 
la  date  du  6  février  1466,  la  somme  de  cinq  livres  cinq  sous,  don- 
née «  à  maistre  Jehan  Le  Clerc,  notaire  et  secrétaire  du  roy  nostre 
«  sire,  au  Pontaudemer,  pour  estre  venu  devers  ledit  seigneur  »  : 
gratification  sans  analogue  sur  le  même  compte,  et  qui  a  tout 
l'air  d'être  le  prix  de  sa  bienvenue  au  moment  où  il  allait  com- 
mencer l'exercice  de  ses  fonctions  dans  les  circonstances  les  plus 
favorables  pour  un  protégé  du  comte  de  Dammartin  ;  car  le  roi 
Tenait  d'entrer  en  Normandie  pour  reprendre  sur  son  frère  cette 
province  qu'il  avait  lâchée  avec  une  peine  inouïe  au  traité  de 
Saint-Maur,  et  que  les  intrigues  d'Antoine  de  Chabanues  contri- 
buaient à  lui  rendre,  à  sa  grande  joie,  au  bout  de  deux  mois. 

Si  toutes  les  apparences  sont  pour  qu'on  assigne  la  même  date 
à  la  nomination  de  Jean  Le  Clerc  et  à  la  rentrée  en  grâce  du 
comte  de  Dammartin ,  il  existe  la  preuve  que  la  disgrâce  du 
secrétaire  eut  lieu  au  moment  même  où  le  roi  commença  à  con- 
cevoir de  nouveaux  sujets  de  haine  contre  le  premier  ministre 
de  sa  maison.  Cette  punition  infligée  en  1476  à  Jean  Le  Clerc 
pour  ses  relations  avec  le  duc  de  Guyenne,  mort  en  1472,  tient, 
on  n'en  peut  pas  douter,  à  des  renseignements  qui  étaient  venus 
aux  oreilles  du  roi  par  le  procès  de  Louis  de  Luxembourg,  et  que 
celui  du  duc  de  Nemours,  commencé  en  1476  ,  promettait 
d'éclaircir  davantage.  Le  comte  de  Dammartin  et  tout  son 
monde  y  était  fort  compromis.  Le  roi  frappe  tout  d'abord  l'agent 
inférieur  ;  il  destitue  Jean  Le  Clerc  le  30  septembre  ;  le  lende- 
main 1"  octobre,  il  écrit  au  geôlier  du  duc  de  Nemours  «  de  le 
«  faire  gehenner  bien  estroit  »  pour  qu'il  parle,  pour  qu'on 
obtienne  de  sa  bouche  tout  ce  que  n'a  pas  dit  le  connétable  ;  et  il 
ajoute  :  «  Si  nostre  chancelier  n'eust  eu  peur  de  descouvrir  son 

1.  La  première  pièce  dans  ce  cas  est  un  naandat  des  généraux  des  finances  rendu  à 
Orléans  le  22  mars  1466.  Ordonn.  des  rois  de  France,  t.  XVl,  p.  463. 

2.  Tessereau,  Hist.  de  la  chancellerie,  t.  1,  p.  54. 

3.  Ms.  Gaignières  772-2,  t.  H,  à  la  Bibl.  imp. 


247 

«  raaistre  le  comte  de  Dampmartia  et  luy  aussi ,  il  n'eust  pas 
«  fait  mourir  le  connestable  sans  le  faire  gehenner  \  »  Le  duc 
de  Nemours,  mis  à  la  torture,  parla  en  effet  contre  le  comte  de 
Dammartin  ",  et  mérita  ainsi  l'aversion  qui  se  trahit  dans  plu- 
sieurs passages  de  notre  chronique. 

Je  me  résume. 

Jean  Le  Clerc  fut  notaire  et  secrétaire  du  roi  postérieurement 
à  la  guerre  du  Bien  public,  fut  employé  dans  l'affaire  de  la  con- 
fiscation du  cardinal  Balue,  jouissait  de  toute  la  confiance  du 
roi  au  moment  de  la  réduction  d'Amiens,  partagea  la  faveur  et 
les  disgrâces  du  comte  de  Dammartin,  était  attaché  en  1502  à  la 
chambre  des  comptes.  Il  a  tous  ces  points  communs  avec  l'au- 
teur des  interpolations  du  Ms.  de  Clairambault.  C'est  assez,  si 
je  ne  m'abuse,  pour  conclure  l'identité,  et  pour  affirmer  que  «  le 
faitiste  de  ce  livre  dont  le  nom  ne  se  appert  »  est  Jean  Le  Clerc 
lui-même. 

Comme  jusqu'ici  l'histoire  s'est  tue  sur  Jean  Le  Clerc,  pour 
compléter  cette  dissertation  je  crois  utile  de  consigner  ici ,  en 
manière  de  biographie,  tous  les  renseignements  que  j'ai  pu  me 
procurer  sur  sa  personne. 

IV. 

vie  de  Jean  Le  Clerc. 

Il  paraît  avoir  appartenu  à  une  famille  de  finance  dont  un 
membre,  appelé  Jean  comme  lui,  était  en  1 404  administrateur 
du  grenier  à  sel  de  Dreux.  Le  motif  sur  lequel  je  fonde  cette 
affinité  est  que  le  grenetierde  Dreux  avait  un  cygne  pour  armes, 
et  que  notre  Jean  Le  Clerc  en  avait  trois  ^.  Après  cela  je  trouve 
plusieurs  Jean  Le  Clerc:  un,  surnommé  le  Jeune,  qui  était 
secrétaire  de  Charles  VII ,  greffier  de  la  cour  des  aides  et  fabri- 
cieu  de  la  paroisse  Saint -Gervais  à  Paris  en  1453  '';  un  autre 
qui  était  procureur  du  roi  en  Nivernais  en  1461  ^  ;  mais  sans 

1.  Lenglet-Dufresnoy,  Preuves  à  Commines,  t.  III,  p.  490. 

2.  Ibid.,  p.  518  et  suiv. 

3.  Voir  leurs  cachets  sur  les  cédules  originales  de  la  Bibl.  inip.,  Cabinet  des  titres. 

4.  Cabinet  des  titres  de  la  Bibl.  imp.—  Arch.  de  l'Emp.,  L,  164. 

5.  Ordonn.  des  rois  de  France,  t.  XV. 


248 

pouvoir  dire  si  ces  gens-là  tenaient  au  secrétaire  de  Louis  XI  par 
quelque  lien  de  parenté.  Ce  dernier,  par  le  témoignage  du  Ms. 
de  Clairambault,  où  il  dit  avoir  été  ûgé  de  vingt-six  ans  lorsqu'il 
fut  mis  auprès  du  roi,  serait  né  vers  1 440  ;  par  conséquent  il  était 
au  début  de  sa  carrière  à  l'avènement  de  Louis  XI  (22  juillet 
1461).  Il  servait  alors  dans  la  maison  d'Antoine  de  Cliabannes, 
comte  de  Daramartin.  Il  dut  être  témoin  de  cette  scène  lugubre 
([u'il  raconte  lui-même,  laquelle  eut  lieu  à  Meun-sur-Yèvre, 
dans  le  château  où  venait  d'expirer  Charles  VII ,  lorsque  An- 
toine de  Chabannes,  pressentant  les  vengeances  du  nouveau  roi, 
«  demanda  à  ses  gens  et  serviteurs,  qui  de  longtemps  l'avoient 
«  servy  et  auxquels  il  avoit  fait  moult  de  grans  biens,  s'ilz  es- 
«  toient  délibérez  de  le  servir  comme  ilz  avoient  accoustumé,  et 
«  de  eulx  en  aller  avec  luy  hors  du  royaulme,  pour  esviter  la 
«  fureur  du  roy  et  la  haine  qu'il  avoit  à  luy  ;  et  la  plus  part 
«  d'iceulx  luy  respondirent  que  non,  et  qu'ilz  ne  se  mettroient 
«  point  en  dangier  pour  luy  ' .  » 

Jean  Le  Clerc  fut  nécessairement  du  petit  nombre  de  ceux  qui 
restèrent  fidèles.  En  supposant  qu'il  alla  se  cacher  avec  son 
maître  au  château  de  Bort  en  Limousin,  qu'il  l'accompagna 
ensuite  à  Bordeaux  où  Antoine  de  Chabannes  alla  implorer  inu- 
tilement son  pardon  en  1462,  que  de  Bordeaux  il  s'enfuit  en 
Navarre  afin  de  pourvoir  à  sa  propre  sûreté  :  on  aura  l'explica- 
tion d'une  circonstance  fort  singulière  établie  par  un  passage  du 
Ms.  de  Clairambault  :  c'est  que  l'interpolateur  de  la  Chronique 
Scandaleuse  savait  le  basque,  ou  du  moins  qu'il  en  avait  appris 
quelques  mots,  puisqu'il  cite  un  proverbe  en  cette  langue  ^. 

Antoine  de  Chabannes  languissait  cependant  à  la  Bastille.  Un 
arrêt  du  parlement  l'avait  dépouillé  de  tous  ses  biens  et  con- 
damné à  la  prison,  jusqu'à  ce  qu'il  eût  consigné  une  somme 
énorme  comme  caution  d'un  bannissement  à  perpétuité  qu'il 
devait  subir  dans  l'île  de  Rhodes  * .  Mais  il  trouva  moyen  de 
s'évader  en  1465,  au  moment  où  commençait  l'insurrection  du 
Bien  public,  et  il  courut  se  joindre  à  Moulins  aux  révoltés  du 
Midi,  qui  avaient  pris  rendez-vous  auprès  du  duc  de  Bourbon. 
Les  amples  détails  que  donne  Jean  Le  Clerc  sur  les  mouvements 

1.  Fragment  du  ms.  Clairambault,  imprimé  d'après  la  copie  de  Legrand  dans  le 
Comminesde,  Lenglet-Dufresnoy,  t.  Il,  p.  312. 

2.  Voir  ci-après  le  récit  de  la  guerre  du  Bourbonnais  en  1465. 

3.  Lenglet-Dufresnoy,  Commines,  t.  II,  p.  334. 


249 

jn  Bourbonnais  ne  permettent  pas  de  douter  qu'il  n'y  soit  veau 
retrouver  son  maître,  sans  doute  à  la  suite  des  bandes  pyrénéen- 
nes qui  formaient  l'escorte  du  duc  de  INemours.  Amené  par 
Antoine  de  Chabannes  sous  les  murs  de  Paris  avec  toute  l'armée 
des  confédérés,  il  aurait  obtenu,  dans  la  distribution  de  faveurs 
qui  termina  les  troubles,  l'office  de  secrétaire  dont  nous  le 
trouvons  pourvu  au  mois  de  février  1466,  lorsqu'il  va  rejoindre 
Louis  XI  à  Pont-Audemer  * . 

Jean  Le  Clerc  fut  d'abord  attaché  au  comité  des  finances  qui 
travaillait  sous  les  yeux  du  roi  et  l'accompagnait  dans  ses  voya- 
ges. 11  y  a  trace  de  son  séjour  à  Orléans  en  mars  1466  et  à 
Chartres  en  juillet  1467.  Il  eut  à  surveiller  dans  cette  dernière 
ville  l'exécution  d'une  grâce  faite  par  le  roi  à  un  prince  de  la 
maison  de  Foix  ^.  En  1468,  il  fut  envoyé  à  Paris  pour  recueillir 
les  pièces  et  papiers  qui  devaient  servir  de  texte  aux  délibérations 
des  États  généraux  convoqués  à  Tours  '\  Peut-être  eut- il  une 
commission  du  même  genre  dans  l'instruction  du  procès  crimi- 
nel intenté  peu  de  temps  après  à  Charles  de  Melun.  Les  pour- 
suites contre  Charles  de  Melun  étaient  l'effet  d'une  vengeance 
personnelle  d'Antoine  de  Chabannes,  quoique  notre  auteur 
cheiche  à  en  déverser  l'odieux  sur  le  cardinal  Balue.  Nous  avons 
vu  qu'il  avait  une  connaissance  toute  particulière  de  cette  affaire 
par  un  document  qu'il  rapporte. 

En  1469,  cent  livres  furent  allouées  à  Jean  Le  Clerc  pour  un 
voyage  de  Montilz-lez-Tours  en  Flandre  et  en  Hollande  ^,  sans 
doute  auprès  de  Charles  le  Téméraire,  qui  passa  les  mois  de 
juillet  et  d'août  de  cette  année  à  visiter  ses  bonnes  villes  de 

1.  CWessns,  p.  246. 

2.  Voici  la  cédule  qui  constate  ce  fait.  Elle  est  au  Cabiuet  des  titres  de  la  Biblio- 
thèque impér.  :  «Je,  Jehan  Le  Clerc,  notait  e  et  secrétaire  du  roy  nostre  sire,  cerliffie 
à  tous  qu'il  apartient  que  le  jour  d'uy,  en  ma  présence,  a  esté  baillé  et  délivré  con- 
tent, pour  et  ou  nom  de  maistre  Nicolas  Arlant,  conseiller  dudit  seigneur  et  trésorier 
du  Languedoc,  à  messire  Jehan  de  Foix,  viconte  de  Nerbonne,  la  soninae  de  275  1. 1. 
en  200  escuz  d'or,  que  le  roy  nostre  sire  luy  avoit  donnée  et  fait  bailler  ce  dit  jour 
comptant,  pour  lui  aidier  à  soy  deffraier  de  la  despence  qu'il  a  faicte  en  ceste  ville  de 
Chartres.  En  tesmoing  de  ce,  j'ay  signé  ceste  présente  certifficacion  de  mon  seing  ma- 
nuel, le  2"  jour  de  juillet  l'an  1467.  J.  Le  Clerc.  » 

*3.  «  A  Jehan  Le  Clerc,  notaire  et  secrétaire  du  roy,  16  1.  10  s.  pour  aller  à  Paris  tou- 
chant aucunes  matières  qui  se  doivent  traictier  en  l'assemblée  des  trois  estais  qui  se 
tient  à  Tours.  »  Extraits  de  la  cliambrc  des  comptes  recueillis  par  Gaignières ,  ms 
11.  772-2,  t.  H,  à  la  BJbl.  imp. 

4.  ma.,  fol.  472. 

I.  (Qiialrième  sMe)  17 


25(1 

Flandre  et  de  HoUande  ',  sans  doute  aussi  pour  lui  parler  dit 
cardinal  Balue  qui  venait  d'être  arrêté  à  sou  tour  et  mis  en 
accusation.  Il  faut  que  dans  cette  mission,  et  dans  les  autres  qui 
lui  avaient  été  confiées,  Jean  Le  Clerc  ait  fait  preuve  de  diligence 
et  de  capacité,  car  nous  le  voyons  à  son  retour  installé  auprès 
du  roi  comme  l'agent  préféré  et  indispensable.  Le  20  septembre 
1469,  Briçonnet,  banquier  de  Louis  XI  à  Tours,  écrivait  a 
M.  Bourré  du  Plessis,  tréî«orier  de  France  :  «  Toujours  sauray 
«  des  nouvelles  par  Mgr.  De  la  Forest,  et  par  maistre  Jehan  Le 
«  Clerc  qui  fait  continuelle  résidence  '.  »  Cette  assertion  est 
pleinement  confirmée  par  les  documents,  et  encore  plus  pour  les 
années  1470  et  1471  que  pour  1469.  Sans  parler  des  nombreuses 
ordonnances  au  bas  desquelles  figure  le  nom  de  Jean  Le  Clerc  % 
on  voit  par  les  registres  des  Comptes  qu'il  était  le  compagnon 
dont  le  roi  usait  le  plus  volontiers  pour  faire  ses  promenades 
d'Amboise  à  Tours  et  de  Tours  au  Plessis.  Dans  ces  excursions, 
Jean  Le  Clerc  tenait  la  bourse  et  fournissait  aux  largesses  de  tout 
genre  que  le  libéral  monarque  répandait  sur  son  chemin.  Un 
jour  il  donne  le  pour-boire  à  des  maçons  que  le  roi  était  allé 
voir  travailler  à  Amboise  "' j  une  autre  fois  il  récompense  magni- 
fiquement des  courriers  qui  avaient  apporté  de  bonnes  nou- 
velles ^  ;  ou  bien  c'est  une  église  à  laquelle  Louis  XI  veut  laisser 
un  souvenir  de  sa  visite  "  ;  de  pauvres  petits  pèlerins  qui  implo- 
rent sa  charité  "^  ;  une  fille  sans  fortune  à  qui  il  fait  son  cadeau  de 
noces  *;  une  femme  dont  le  mari  a  été  brûlé,  et  qui  vient  devant 
lui  déplorer  son  malheur  "  ;  des  paysans  qui  veulent  bien  prêter 


1.  Itinéraire  du  duc  de  Bourgogne,  parmi  les  preuves  au  Commines  de  Lenglet-Ou- 
fresnoy,  t.  H,  p- 194. 

2.  Lettre  originale  dans  Gaignières,  ms.  373,  fol.  87. 

3.  Ordonn.  des  rois  de  France ,  t.  xvn ,  p.  266,  280,  308,  320,  330,  347,  366, 
386,  60i. 

4.  Arcli.  de  l'Eaap.,  K.  registre  294,  26  mai  1470. 

5.  Bibl.  imp.,  suppl.  franc.,  n.  1499,  foi.  214  et  231. 

6.  Quinze  escus  devant  l'iniaige  de  Nostre-Daiiie  du  Carme  à  Tours.  28  déc.  1469. 
(Archives  imp.,  r.  c.)  Un  escu  pour  faire  dire  une  haute  messe  en  l'église  de  N.  D.  de 
Bonnes  Nouvelles  à  Orléans.  (Ms.  de  la  Bibl.  impér.,  suppl.  fr.,  1866-2,  fol.  18.)  Treize 
écus  à  S.  Martin  deCandes.  (Suppl.  fr.,  1499,  fol.  231,  4  juillet  1470.)  • 

7.  Un  ducat  à  cinq  pauvres  enffans  pellerins  allans  à  Saint-Micliiel ,  estans  sur  le 
chemin  devant  Saincte-Katherine.  (Arcli.  de  l'Emp.,  r.  c.  26  mai  1470.) 

8.  Arch.  de  l'Emp.,  reg.  cité,  26  mai,  donné  quinze  escuz. 

9.  Ms.  Suppl.  Ir.,  1499,  fol.  231,  4  juillet  1470. 


251 

ieurs  chiens  pour  une  partie  de  chasse  '  ;  un  vieux  malelol  que 
le  roi  accosle  pour  le  faire  parler  de  l'état  de  sa  marine  "'.  Avec 
Louis  XT,  il  fallait  sans  cesse  avoir  l'argent  à  la  main;  c'était 
l'aliment  de  sa  conduite  privée  comme  le  ressort  de  sa  politique; 
toutes  les  idées  qui  lui  venaient,  sérieuses  ou  bouffonnes,  se 
traduisaient  aussitôt  p^ir  de  la  dépense.  Il  apprend  un  jour  que 
plusieurs  des  gentilshommes  de  sa  maison  n'avaient  pas  d'ar- 
mures ;  incontinent  il  envoyé  Jean  Le  Clerc  acheter  des  écritoires 
pour  les  pendre  à  la  ceinture  de  ces  chevaliers  pacifiques  ^. 

Quelque  plaisir  que  le  roi  trouvât  en  la  compagnie  de  son 
secrétaire,  il  ne  laissait  pas  néanmoins  que  de  l'employer  de 
temps  en  temps  à  des  commissions  assez  lointaines.  Au  mois  de 
janvier  1 470,  il  l'envoya  d'Amboise  porter  une  lettre  à  l'abbé  de 
Fontdouce,  près  de  Cognac  ^.  A  peine  était-il  revenu  de  ce  voyage 
qu'il  le  fit  remettre  en  chemin  pour  offrir,  de  sa  part,  un  cierge 
de  cent  quarante-quatre  livres  devant  la  statue  de  Notre-Dame 
de  Selles  en  Poitou.  Cette  offrande  faite  ,  Jehan  Le  Clerc  devait 
porter  à  Angoulême  et  à  Poitiers  des  lettres  adressées  aux  lieu- 
tenants-du  roi  dans  ces  villes,  avec  des  instructions  écrites  et 
orales  pour  faire  crier  le  ban  et  arrière-ban  par  tout  le  pays  ^ . 
Louis  XI  voulait  que  la  noblesse  de  l'Ouest  fût  réunie  en  armes 
pour  le  mois  de  mars,  s'attendant  à  ce  que  le  beau  temps  amène- 
rait du  nouveau. 

De  grandes  affaires  où  notre  lettré  eut  beaucoup  de  besogne 
signalèrent  effectivement  l'année  1470.  Elles  commencèrent  par 
l'arrivée  du  comte  de  Warwick,  qui,  chassé  de  son  pays,  vint  se 
jeter  à  refuge  sur  la  côte  de  Normandie.  Le  roi,  qui  voulait  con- 
certer avec  ce  seigneur  le  renversement  de  la  maison  d'York , 
l'accueillit  dans  son  infortune  et  ouvrit  table  d'hôte  pour  lui  et 
pour  sa  suite  à  Gran ville,  à  Barfleur,  à  la  Hogue.  Son  intention 
était  de  lui  fournir  prompteraent  de  l'argent  et  des  armes  pour 

1.  Ibid.,M.  241,  16sept.  1470  :«  Dix  escus  d'or  pour  donner  aux  bonnes  gens  qui 
admenèrent  leurs  mastins  audit  seigneur  pour  cliasser  an  lieu  de  Chasteaux-i'Ermi- 
tagc.  « 

2.  Ibid.,  fol.  238,  sept.  1470  :  «  Huit  livres  cinq  sous  baillés  du  sien  à  ung  marinier 
à  Avranclies,  auquel  ledit  seigneur  demanda  d'aucunes  choses  de  la  mer.  « 

3.  Ibid.,  fol.  238  :  «  A  M' Jehan  Le  Clerc 27  s.  6  d.  pour  avoir  achecté  plu- 
sieurs escriploueres  pour  donner  à  aucuns  des  gentiiz  hommes  de  son  hostel,  pour 
icelles  porter  en  lieu  de  ce  qu'ilz  n'avoient  point  de  harnoiz.  » 

4.  Ms.  de  îa  Bibl.  imp.,  suppl.  fr.,  2J4. 

5.  Ibid. 

17. 


252 

le  renvoyer  en  Angleterre  y  prendre  sa  revanche  de  la  révolu- 
tion qu  il  avait  manqué  d'accomplir  une  première  fois.  Le  tréso 
rier  Bourré  et  l'amiral  de  France,  qui  avaient  charge  de  faire  les 
fournitures/  ne  purent  s'en  acquitter  sitôt  que  le  roi  ne  perdît  pa- 
tience. Pour  accélérer  les  choses ,  il  partit  lui-même  et  vint , 
sous  prétexte  d'un  pèlerinage  au  mont  Saint-Michel,  rôder  aux 
abords  du  Cotentin.  Comme  il  ne  vouliiit  pas  tiop  se  mettre  à 
découvert,  Jean  Le  Clerc  fut  Thomme  dont  il  se  servit  pour  se 
mettre  en  rapport  direct  avec  ses  agents,  et  hâter  des  préparatifs 
dont  la  lenteur  le  torturait.  Il  ne  tarda  pas  d'apprendre  par  lui 
que  la  cause  du  retard  apporté  au  départ  des  Anglais  était  la 
présence  d'une  flottille  bourguignonne  dans  les  eaux  de  la  Man- 
che, et  que,  pour  peu  que  ce  retard  se  prolongeât,  tout  l'argent 
amassé  pour  l'expédition  serait  mangé  sur  le  continent  ' .  Jean 
Le  Clerc  lui  ayant  rendu  ces  nouvelles  à  Avranches,  il  eut  bien- 
tôt pris  son  parti  de  faire  armer  tout  ce  qu'il  y  avait  de  na- 
vires disponibles  dans  les  ports  de  Normandie  pour  donner  la 
conduite  à  l'escadre  de  Warwick.  Le  prétexte  allégué  pour  justi- 
iier  cet  armement  fut  la  nécessité  de  défendre  l'embouchure  de 
la  Seine,  où  des  actes  de  piraterie  s'étaient  commis  jusque  dans 
les  ports  d'Harfleur  et  de  Honîleur.  Le  roi  écrivit  dans  ce  sens  à 
Dammartin,  en  lui  donnant  à  entendre  que  l'armée  qu'il  com- 
mandait pourrait  devenir  nécessaire  à  la  défense  de  la  Nor- 


1.  Minute  d'une  lettre  de  Bourré  à  Luuis  XI,  dans  te  ms.  de  Gaignière»  374,  fol.  5  : 
«  Sire,  j'ay  receu  les  lectres  qu'il  vous  a  pieu  de  m'escripre  par  raaistre  Jehan  Le  Clerc, 
et  ay  oy  ce  qu'il  m'a  dit  de  par  vous.  Et  au  regart  de  l'argent  que  j'ay,  je  le  bailleré 
tout  à  M.  de  Varvubic,  ainsi  qu'il  vous  a  pieu  me  mander.  A  ce  que  dictes  que  m'aviez 
mande  que  je  le  lui  baillasse,  je  vous  asseure,  Sire,  que  jamais  n'en  eii  leclres  de  vous 
jusques  à  lundi  derrain,  que  la  Ilote  desBourgoignonsestoit  jà  devant  Barfleu  et  à  la 
Hogue,  pour  quoy  M.  de  Warvuhic  n'estoit  délibéré  de  paitir.  Et  pour  ce  que  vous 
me  commandastes  de  bouche  et  par  instruction  signée  de  vostre  main,  de  entrer  en 
ses  navires,  aussi  que  depuis  le  m'avez  escript,  et  pareillement  que  M.  le  gouverneur 
de  Rouxiîlon  m'a  dit  que  telle  estoit  vostre  entencion,  j'ay  dissimulé  le  plus  que  ay 
peu,  combien  que  à  l'afivée  dudit  maistre  Jehan  Le  Clerc  il  en  avoit  jà  eu  plus  de 
12200  escus,  ainsi  que  avoit  esté  advisé  par  vos  gens,  pour  le  mieulx,  penssant  qu'il 
s'en  diist  aler  ;  mes  qui  eust  [»enci!  que  la  flote  des  Bourgoignons  s'en  fust  retournée, 
je  croy  qu'ils  n'eussent  pas  esté  d'opinion  qu'il  eust  tant  eu;  car  en  effect,  autant  eu 
aroit,  autant  en  de'^pendroit;  et  s'il  l'eust  eu  si  tost  que  lui  et  aucuns  qui  sont  icy  le 
vouloient,  il  y  a  bien  grant  temps  qu'il  n'en  y  eust  pas  ung  escu,  et  eussiez  esté  à  re- 

commancer Sire ,  depuis  ces  lectres  faictes,  raaistre  Jehan  Le  Clerc  est  revenu  de 

Barileu,  qui  vous  dira  l'oppinion  de  voz  gens  qui  y  sont,  et  qu'ilz  m'ont  fait  savoir, 
«ur  ce  que  leur  aviez  escript  de  l'argent.  •> 


253 

maïidie,  et  qu'il  s  allcMidit  bienlôl  u  se  voir  appelé  duii  moment 
à  l'autre.  Cette  lettre,  expédiée  d'Avranches  le  l"  août  1470, 
est  imprimée  dans  le  Cabinet  de  Louis  XI  ;  elle  fut  écrite  de  la 
main  de  Jean  Le  Clerc. 

Le  duc  de  Bourgogne  ne  prit  pas  le  change  sur  les  dispositions 
du  roi  :  charmé  d'avoir  une  occasion  de  rupture  qu'il  cherchait 
depuis  longtemps,  il  fit  saisir  sur  le  marché  d'Anvers,  dont  la 
foire  se  tenait  en  ce  moment,  toutes  les  denrées  apportées  par 
des  marchands  français.  Louis  XI ,  au  lieu  de  s'emporter  sur 
cette  provocation,  temporisa  pour  lui  donner  la  tournure  d'un 
gros  procès  qu'il  lit  instruire  dans  les  règles.  Il  convoqua  par 
devers  lui  les  notables  de  toutes  les  villes  marchandes  pour 
s'adresser  à  leur  sensibilité,  et  faire  naître  par  eux  le  cri  public 
que  le  duc  de  Bourgogne  avait  manqué  à  sa  foi  et  ne  méritait 
plus  que  le  roi  lui  gardât  l'observation  du  traité  de  Péronne. 
Jean  Le  Clerc  fut  envoyé,  au  mois  de  septembre,  à  Rouen  et  à 
Caen  porter  «  aux  bourgeois  et  habitans  desdictes  villes  lettres 
closes  de  par  le  roy,  à  ce  qu'ils  fissent  venir  en  la  ville  de  Toins 
devers  ledit  seigneur  deux  des  plus  notables  de  leurs  marchands, 
pour  savoir  leur  opinion  sur  le  fait  des  foires  d'Anvers  * .  » 

La  guerre  qui  sortit  de  là  permit  aux  Français  de  recouvrer 
Amiens  par  un  coup  de  main  heureux.  La  joie  de  cette  conquête 
ou  plutôt  la  craiute  de  la  perdre  lit  de  nouveau  abandonner  au 
roi  le  séjour  de  la  Touraine.  Il  vint  à  Noyon  surveiller  ses  géné- 
raux, comme  il  était  venu  à  Avranches  surveiller  les  agents  de 
l'expédition  anglaise.  C'est  alors  qu'il  donna  à  son  secrétairt 
cette  commission  dont  il  est  parlé  dans  le  manuscrit  de  Clairam- 
bault.  Il  est  certain  que  Jean  Le  Clerc  était  à  Coinpiègue  le 
10  février  1471  2.  Le  duc  de  Guyenne  y  était  aussi,  car  il  fut 
de  ce  voyage.  Là  commencèrent  sans  doute  les  relations  qui  de- 
vinrent plus  tard  si  funestes  au  secrétaire  du  roi. 

La  série  des  registres  des  comptes,  interrompue  depuis  le 
milieu  de  1 47 1 ,  ne  permet  plus  de  suivre  d'aussi  près  les  pas  et  les 
démarches  de  notre  auteur.  Nous  apprenons  par  un  extrait  qu'à 
la  fin  de  l'hiver  1474  il  voyagea  en  Picardie  pour  percevoir  un 
emprunt  de  plusieurs  milliers  de  livres  tournois  qui  avait  été 
contracté  par  Louis  XI,  tant  sur  Antoine  de  Chabannes  qui  rési- 


1.  Ms.  (le  la  Bibl.  iini).,  Siippl.  Ir.,  n   1499,  loi.  190. 

2.  Ordonn.  des  mis  de  trame,  t.  XV II,  p.  386. 


254 

dait  alors  eu  son  château  de  Dammartin,  que  sur  les  habitants 
des  villes  de  Senlis,  Beauvais,  Compiègne,  Laon  et  Meaux'. 
Eniin  il  arriva  le  2  décembre  1475  à  cette  place  de  clerc  ordi- 
naire en  la  chambre  des  comptes,  qui  était  l'objet  de  l'ambition 
des  secrétaires  du  roi.  Elle  était  fructueuse.  Outre  les  exemp- 
tions de  dîmes,  d'octrois  et  de  péages  qu'elle  entraînait  avec  soi, 
outre  un  fixe  de  125  livres  qui  y  était  attaché,  outre  les  livrai- 
sons de  gants .  de  manteaux  et  de  bois  à  brûler,  qui  commen- 
çaient dès  lors  à  se  faire  en  espèces,  mille  profits  quotidiens 
naissaient  des  transactions  soumises  à  renregistrement  de  la 
cour.  Ainsi,  sur  les  mutations  des  propriétés  roturières  en  Nor- 
mandie, les  clercs  des  comptes  avaient  leur  droit  appelé  stipes 
et  nobis  ;  ils  avaient  leur  Champagne  sur  la  vt'nte  des  offices  de 
prévôté  en  cette  province;  presque  toutes  les  adjudications  de 
receltes  affermées  leur  rapportaient  également,  etc.,  etc.  Tout 
cela  formait  une  augmentation  de  traitement  qu'on  appelait  «  le 
fief  des  gens  de  comptes,  »  et  dout  les  parties  prenantes  savaient 
seules  le  produit  '. 

De  ces  beaux  émoluments,  Jean  Le  Clerc  ne  toucha  pas  autant 
qu'il  aurait  voulu;  car  comme  il  entrait  dans  sou  onzième  mois 
d'exercice,  sa  destitution  survint.  Les  causes  de  cette  disgrâce 
ont  été  suffisamment  expliquées  ci-dessus;  il  ne  me  reste  qu'à 
en  dire  les  conséquences,  qui  ne  furent  pas  aussi  graves  que  le 
pauvre  homme  aurait  pu  le  craindre  d'abord. 

Le  duc  de  Nemours,  malgré  l'envie  qu'il  aurait  eue  de  se  sauver 
en  perdant  le  comte  de  Dammartin,  n'articula  pas  contie  lui  la 
preuve  d'une  trahison  consommée,  mais  seulement  de  ces  griefs 
qui  annoncent  un  homme  ébranlé  momentanément  dans  son 
devoir.  Le  roi ,  trèsirrité  au  premier  abord ,  fut  porté  par  la 
réflexion  à  mettre  tout  cela  en  oubli,  eu  égard  surtout  aux 
grands  services  qu'Antoine  de  Chabannes  lui  avait  rendus  aus- 
sitôt après  la  mort  du  duc  de  Guyenne.  Son  courroux  contre 
.Jean  Le  Clerc  fut  également  passager.  Il  ne  lui  rendit  pas  sa 
place  de  la  chambre  des  comptes,  parce  que  Jacques  Coictier 
n'était  pas  un  homme  qu'on  pût  dessaisir  de  ce  qu'il  tenait; 
mais  il  le  réintégra  dans  son  office  de  secrétaire,  et  y  joignit, 
aux  termes  d'une  ordonnance  de  Charles  VTIl,  «  la  charge  de  sa 


I.  Ms.  Gîiignière^  772-'i,  fol.  filO- 


*2Ô5 

chambre,  argenterie,  eseuyerie  et  payement  de  sa  garde',  - 
c'est-à-dire  que  Jean  Le  Clerc  eut  le  maniement  des  fonds  des- 
tinés à  l'entretien  de  Ihabillement  et  de  l'ameublement  du  roi , 
à  celui  de  ses  chevaux  et  à  la  solde  des  Écossais  qui  composaient 
sa  garde  du  corps.  Il  continua  en  outre  à  être  chargé,  comme 
par  le  passé,  de  commissions  et  d'ambassades;  mais  plus  à  son 
honneur  qu'à  son  profit,  car  le  même  document  ajoute  que, 
"  desditz  voiaiges,  ambassades  et  autres  charges,  il  n'eut  jamais 
«  laxacion  ne  récompense.  »  Le  roi  lui  faisait  ainsi  payer  par 
des  services  gratuits  un  retour  de  conliance  qui  fut  d'ailleurs 
aussi  complet  que  possible,  à  en  juger  par  une  de  ces  commis- 
sions dont  nous  avons  le  titre  ^.  Ce  sont  des  lettres  patentes 
adressées  à  Jean  Le  Clerc  le  19  janvier  1477,  lendemain  du  jour 
où  Louis  XI  apprit  la  mort  de  Charles  le  Téméraire.  Elles  inves- 
tissent ledit  Le  Clerc  de  pouvoirs  suffisants  pour  se  présenter  dans 
les  villes  de  Paris,  Senlis,  Compiègne,  Laon,  Beauvais,  Langres 
et  Chartres,  ainsi  qu'au  marché  de  IVleaux.  Quoique  ces  localités 
soient  affranchies  des  tailles  et  contributions  affectées  au  paye- 
ment des  gens  de  guerre,  toutefois,  vu  la  gravité  des  circons- 
tances, il  aura  à  tirer  d'elles,  sous  couleur  de  prêt,  diverses  cotes 
«élevant  à  la  somme  de  9,(500  écus  d'or.  En  cas  de  refus,  il 
exercera  la  contrainte  et,  les  sergents  royaux  appelés,  fera  pro- 
céder immédiatement  à  la  saisie  chez  les  plus  riches  des  récalci- 
trants. 

Ce  voyage  tant  soit  peu  proconsulaire,  joint  au  contre-seing 
de  plusieurs  ordonnances  rendues  dans  le  cours  de  l'année  1 480, 
sont  les  seuls  témoignages  sur  Jean  Le  Clerc  pendant  la  vieil- 
lesse de  Louis  XL  Comme  la  promotion  de  Jacques  Coictier  à  la 
présidence  des  comptes  ne  lui  fit  pas  ravoir  son  bureau  de 
clerc,  objet  toujours  présent  de  ses  regrets,  il  se  mit  en  mouve- 
ment aussitôt  que  le  roi  eut  les  yeux  fermés,  se  promettant  bien 
d'être  plus  heureux  sous  son  successeur.  Effectivement ,  il  ma- 
nœuvra si  bien,  qu'il  fit  passer  pour  intrus,  contre  son  propre 
droit,  le  dernier  clerc  des  comptes  nommé  par  Louis  XI,  et 
qu'il  amena  le  grand  conseil  à  statuer  sur  cette  contestation  \ 


1.  Bibl.  imp.,  Cabinet  des  titres. 

2.  Docum.  inéd.  sur  l'iiist.  de  France,  Mélanges,  t.  I,  p.  710. 

3.  Arcli.  del'Emp.jK.  76  :  «  Le  22*  jour  de  mars  1484  (1485)  à  Evreux,  Cliaries  VJli 
«ojjfifma  l'appointement  l'ait  par  M.  le  chancelier  et  le  grand  conseil  touchant  l'ol- 


256 

La  nature  de  l  appointement  n'est  pas  spéciliée,  mais  on  peut  con- 
jecturer quel  il  était,  tant  d'après  une  ordonnance  du  14  mai 
1491  *,  que  d'après  le  tableau  d'inscription  des  clercs  aux 
comptes  que  nous  avons  déjà  cité.  En  effet ,  l'ordonnance  de 
1491  attribue  à  Jean  Le  Clerc  la  qualité  de  clerc  ordinaire,  tt 
constate  que  depuis  le  30  septembre  1484  il  reçut  les  gages  de 
cet  office;  d'un  autre  côté,  le  tableau  d'inscription  le  repré- 
sente comme  réintégré  au  même  office  seulement  le  16  juin 
1496.  Que  faut-il  inférer  de  cette  contradiction  apparente,  sinon 
que,  pour  apaiser  le  débat,  le  grand  conseil  avait  fait  plier  les 
règlements  de  la  cour  et  constitué  dès  le  30  septembre  1484,  en 
faveur  de  Jean  Le  Clerc,  une  charge  de  clerc  en  sus  du  nombre 
voulu,  charge  tout  à  fait  transitoire,  que  sa  mort  ou  celle  de 
son  compétiteur  devait  éteindre. 

J'achève  de  faire  sortir  de  l'ordonnance  du  14  mai  1491  tout 
ce  qu'elle  renferme  d'intéressant  potir  la  vie  de  Jean  Le  Clerc. 
Elle  intervint  sur  une  requête  de  l'infatigable  pétitionnaire,  qui, 
non  content  de  se  voir  réintégré  en  dépit  des  lois  et  règlements, 
voulut  encore  rentrer  dans  les  huit  années  de  traitement  que  sa 
destitution  lui  avait  fait  perdre.  C'était  là,  non  pas  un  acte  de  jus- 
lice,  puisqu'il  réclamait  de  l'argent  qu'il  n'avait  pas  gagné,  mais 
une  pure  faveur,  que  le  roi  voulut  bien  lui  accorder  à  condition 
qu'il  produirait  un  certificat  du  trésor  comme  quoi,  depuis  sa 
destitution  sous  le  feu  roi  jusqu'à  sa  rentrée  à  la  chambre  des 
comptes,  il  n'avait  effectivement  rien  louché  des  gages  et  pro- 
fits attachés  à  l'office  de  clerc.  Nicole  Gilles,  qui  était  algrs  se- 
crétaire des  trésoriers  de  France,  donna  l'attestation  demandée. 
Il  Qst  curieux  de  voir  réunis  dans  le  même  acte  les  noms  de  ces 
deux  personnages,  tous  deux  fonctionnaires  d'un  ordre  élevé  dans 
l'administration  des  finances,  tous  deux  littérateurs  dans  le  genre 
historique.  C'est  pourquoi  je  rapporte  la  teneur  de  cet  écrit, 
inséré  dans  l'ordonnance  en  question  : 

Je  Nicole  Gilles,  notaire  et  secrétaire  et  clerc  du  trésor  du  roy  nostre 
sire  à  Paris,  certifie  à  tous  que,  depuis  !e  septiesme  jour  d'octobre  1476 
jusques  au  premier  jour  d'octobre  1484,  lesditz  jours  excludz,  n'a  esté  fait 
ou  baillé  à  maistre  Jehan  Le  Clerc,  clerc  des  comptes  ordinaire  dudit  sei- 

fice  de  clerc  ordinaire  des  comptes,  que  maistre  Gi!es  Cointin  et  Jean  Le  Clerc  coulos- 
toient.  »  Mémorial  S,  fol.  123. 
I.  Bil)!.  imp.jCabiiiel  des  litres. 


257 

iiiieiir,  aucune  lettre  de  debentur  dudict  trésor^  pour  cstre  paie  des  gaiges 
et  (Iroiz  de  son  dit  ottice  de  clerc  desditz  comptes,  du  temps  dessus  dit, 
pour  oe  que,  durant  icelluy  temps,  le  roy  Loys,  que  Dieu  absoille,  Tavoit 
(lescliar^é  et  desappoincté  de  son  dicl  ofGce,  comme  ;ippert  par  les  livres  et 
registres  dudit  trésor.  En  tesmoing  de  ce,  j'ay  signé  ceste  présente  cerliffi- 
cacion  de  mon  seing  manuel,  le  17*  jour  dejuing  l'an  1491.  Ainsi  signé  : 

Gilles. 

J'ai  déjà  parlé  de  la  réintégration  officielle  de  Jean  Le  Clerc, 
qui  eut  lieu  le  16  juin  1496.  Elle  arriva  par  vacance  d'une 
place  qui  n'était  pas  celle  de  son  compétiteur,  sans  doute  parce 
qu'on  voulut  faire  cesser  le  plus  tôt  possible  l'abus  consacré  par 
l'appointement  de  1484  :  autrement  il  ne  serait  rentré  en  posses- 
sion de  son  titre  qu'en  août  1501,  car  c'est  alors  seulement  que 
mourut  ce  compétiteur,  qui  avait  été,  comme  lui,  secrétaire  de 
Louis  XI  et  qui  s'appelait  Gilles  Gourtin. 

Les  derniers  faits  qui  se  placent  dans  la  vie  de  Jean  Le  Clerc 
sont,  en  1498,  un  voyage  à  l\îontpellier,  où  son  administration 
l'envoya  pour  apurer  les  comptes  du  Languedoc  *  ;  en  1499,  une 
commission  qui  lui  fut  décernée  en  compagnie  de  quelques  au- 
tres personnages  des  comptes  pour  arbitrer  sur  un  différend 
survenu  entre  le  contrôleur  général  des  finances  et  son  délégué  '"; 
enfin  le  remaniement  de  la  Chronique  de  Louis  XI,  qui,  d'après 
le  pas.sage  relatif  au  divorce  de  Louis  XII,  et  la  souscription 
tinale  du  Ms.  de  Clairambault,  n  a  pu  être  fait  qu'entre  les  an 
nées  1499  et  1502.  Or  de  1499  à  1502  il  survint  dans  la  maison 
de  Dammartin  des  choses  si  graves,  qu'il  est  impossible  que, 
d'une  manière  ou  d'une  autre,  elles  n'aient  point  influé  sur  ce 
travail. 

Pendant  que  Louis  XH  préparait  les  moyens  de  faire  casser 
sou  mariage,  il  eut  avis  que  Jean  de  Chabannes  gardait  des 
lettres  de  Louis  XI  à  son  père,  qui  constataient  la  violence  faite  à 
lui  Louis  XII,  n'étant  alors  que  duc  d'Oriéans,  pour  épouser  la 
princesse  Jeanne  de  France,  contrefaite  et  malsaine.  Il  écrivit  à 
Jean  de  Chabannes  pour  avoir  communication  de  ces  pièces. 
Jean  de  Chabannes,  marié,  comme  nous  l'avons  vu,  à  Suzanne  de 

1.  Bibl.  imp  .Cabinet  des  titres.  «Jean  LeClerc,  comme  aiMlileur  des  comptes  du  roi 
en  Languedoc,  signe  un  mandat  sin'  le  gienetier  de  Pont-S. -Esprit  payable  à  G.  Bon- 
dillion,  pour  un  voyage  de  S, -Esprit  en  ceste  ville  de  Montpellier.  »  5  juillet  1498. 

2.  Dissertation  sur  la  Chambre  des  comptes,  par  Michel  Lecliantenr,  [i.  l'25. 


258 

Bourbon  ,  avait  pour  son  malheur  une  belle-mère  impérieuse,  et 
qui  ne  manquait  aucune  occasion  de  mettre  le  trouble  dans  son 
intérieur.  Déjà  ils  étaient  en  contestation  pour  la  dot  promise 
à  Suzanne  de  Bourbon,  et  dont  la  mère  retenait  par  devers 
elle  le  plus  qu'elle  pouvait.  11  ne  faut  pas  oublier  que  cette  dif- 
ficile personne  était  fille  bâtarde  de  Louis  XI  :  à  ce  titre,  le 
divorce  du  nouveau  roi  ne  lui  plaisait  pas;  elle  y  voyait  un 
outrage  à  la  mémoire  de  sou  père,  et  un  affreux  malheur  pour 
une  sœur  qui  était  la  bonté  et  la  vertu  mêmes.  Informée  que 
son  gendre  était  requis  de  livrer  les  fameuses  lettres,  elle  lui 
écrivit  de  n'en  rien  faire,  et  que  s'il. le  faisait,  il  s'en  repentirait. 
Pour  lui  faire  pièce,  le  comte  de  Dammartin  envoya  au  roi, 
sous  la  même  enveloppe,  et  les  lettres  qu'il  lui  demandait,  et 
celle  où  sa  belle-mère  lui  faisait  si  bien  laleçon.  Là-dessus  grande 
colère  de  madame  l'amirale.  Elle  alla  disant  partout  que  son  gen- 
dre était  un  faussaire  qui  avait  fabriqué  ces  lettres  pour  la  perdre 
et  faire  le  bon  serviteur  en  déshonorant  le  feu  roi.  Puis  elle  fei- 
gnit de  se  radoucir,  et  alla  l'été  suivant  demeurer  quelque  temps 
au  château  de  Saint-Fa rgeau,  oii  sa  fille  avait  coutume  de  passer 
la  belle  saison  avec  son  mari.  Ceci  se  passait  en  1499.  Soit  pen- 
dant, soit  après  cette  visite,  le  comte  de  Dammartin  fut  pris  un 
soir  de  convulsions  affreuses.  Une  grande  maladie  s'ensuivit, 
dont  il  ne  releva  jamais;  car,  après  avoir  langui  pendant  deux 
ans,  il  mourut.  Or  on  prétend  qu'avant  qu'il  rendit  l'àme,  un 
de  ses  domestiques  se  jeta  à  ses  pieds  et  lui  confessa  qu'il  l'avait 
empoisonné,  à  la  suggestion  de  sa  belle-mère.  Le  moribond  aurait 
pardonné  le  crime,  mais  après  avoir  fait  instrumenter  par  un 
notaire  la  déposition  de  l'assassin  \ 

Tel  est  le  conte  que  l'on  faisait  au  seizième  siècle  et  où  il 
est  possible  qu'il  y  ait  bien  des  choses  controuvées;  mais  néan 
moins  il  ne  saurait  mentir  à  l'égard  de  cette  longue  maladie  à 
laquelle  succomba  Jean  de  Chabannes ,  et  l'époque  de  la  rédac- 
tion de  la  Chronique  se  trouve  ainsi  cadrer  avec  celle  de  la  ma- 
ladie. Jean  de  Chabannes  n'avait  plus  d'enfant;  nul  doute  que, 
se  sentant  mourir,  il  n'ait  voulu ,  avant  de  quitter  ce  monde , 
préserver  de  l'oubli  la  mémoire  de  son  père,  dont  il  prévoyait 
que  personne  ne  se  soucierait  plus  guère  après  lui.  Pour  cela  il 


I    Ménjoire  nuiiiiiscrit  sur  An(oino  et  .Uan  de  Cliabanucs,  îliM.  imp  ,  lis.  Bé 
8-Ki7. 


259 

s'adressa  à  uti  nncien  familier  du  comte  de  Dammartin,  dont 
rinstruction  et  la  part  qu'il  avait  prise  aux  affaires  semblaient 
lui  garantir  l'aptitude.  Le  travail  répondit-il  à  ses  vues?  put-il 
seulement  lui  être  soumis?  C'est  ce  qu'il  est  impossible  de  dire. 
Nous  n'avons  pas  la  date  de  son  décès;  nous  savons  seulement 
que  sa  femme  était  veuve  en  1503;  elle  pourrait  l'avoir  été  dès 
1502,  avant  que  Jean  Lebourj?  eût  achevé  sa  transcription.  Il  est 
certain  d'autre  part  que  l'ouvrage  de  Jean  Le  Clerc  porte  la 
marque  de  la  précipitation.  Quoique  l'on  ne  s'improvise  pas 
historien  à  soixante  ans  passes,  beaucoup  de  traits  d'esprit  qui 
distinguent  ses  annotations,  certains  passages  plus  soignés  que 
les  autres  et  où  le  récit  prend  un  véritable  intérêt,  donnent  à 
penser  qu'il  était  capable  de  mieux  faire,  s'il  se  fût  recueilli  da- 
vantage; mais  l'envie  de  ce  moribond  qu'il  fallait  contenter  à 
toute  force  l'aura  obligé  d'aller  un  train  de  poste,  sans  choisir 
les  moments  d'une  mémoire  qui  n'était  peut-être  plus  bien  pré- 
sente. 

Jean  Le  Clerc  mourut  à  la  lin  de  1510,  ûgé  par  conséquent 
de  soixante-dix  ou  soixante-onze  ans.  Son  lils,  nommé  Jean 
comme  lui,  le  remplaça  le  31  décembre  de  la  même  année  dans 
les  fonctions  de  clerc  et  correcteur  des  comptes,  qu'il  conserva 
jusqu'en  1532. 


Extraits  du  manuscrit. 

Les  extraits  qui  suivent  se  composent  uniquement  de  pas- 
sages inédits.  Il  eût  été  inutile  de  reproduire  ce  que  Lenglet 
Dufresnoy  et  Tristan  Lhermite  ont  déjà  publié;  mais  lorsque  des 
récits  importants  ont  été  par  trop  abrégés  dans  le  Cabinet  de 
Louis  XI,  j'ai  cru  devoir  les  rendre  avec  toutes  leurs  circons- 
tances et  dans  leur  langage  original. 

Poiirsuitos  contre  Antoine  de  Chabannes. 

Au  mois  d'octobre  ensuivant  (i46i),  w.  roy  s'en  alla  au  pays  dt? 
ïhouraine,  et  list  mettre  hors  de  prison  du  chasteau  de  Loches  le  duc 
d'Alençon.  Puis  se  partit  de  Thouraine  et  son  alla  en  voyaige  à  Saint- 


260 

Sauveur  de  Redoii  en  Bretagne,  ou  le  duc  le  receut  grandement.  Et, 
après  ce,  le  roy  s'en  alla  à  Bourdeaulx,  où  il  traicta  le  mariage  de 
Magdaleine  de  France,  sa  seur,  avec  Gaston  de  Foiz,  aisné  filz  du 
conte  de  Foiz,  prince  et  héritier  présomptif  du  royaulme  de  Na- 
varre. 

Auquel  lieu  de  Bordeaulx  se  trouva  le  conte  de  Dampmartin  en 
ung  jour  de  vendredi  aoré  i,  et  se  getta  à  genoulx  devant  le  roy.  en  luy 
suppliant  qu'il  luy  pleust  le  laisser  vivre  du  sien  en  son  royaulme.  Et 
le  roi  luy  comença  à  dire  :  «  Comment,  conte  de  Dampmartin ,  vous 
osez  vous  trouver  devant  moy,  veu  que  vous  avez  eu  charge  de  mon 
père  de  prendre  mes  gens  1  «  Et  le  dit  conte  luy  dist  :  «  Sire,  sçay 
mon  2,  car  il  estoit  mon  seigneur  et  maistre.  Et  prens  Dieu  à  tesmoing 
se  bien  et  loyaument  ne  vous  ay  servy  du  temps  que  vous  estiez  dau- 
phin ;  et  n'est  point  encorez  ma  voulenté  morte  envers  vous.  »  Mais  le 
roy  luy  fist  response  de  deux  choses  l'une,  c'est  assavoir  lequel  il  ay- 
moit  mieuix,  justice  ou  miséricorde?  Et  il  luy  respondit  :  «  Sire, 
j'ayme  mieulx  justice  3.  »  Et  alors  le  roy  dit  :  «  Je  vous  bannis  de  mon 
royaulme.  »  Et  pour  s'en  aller  le  roy  lui  donna  douze  cens  escus,  qui 
luy  furent  délivrés  par  les  mains  de  monseigneur  de  Cominges,  qui 
l'avoit  fait  entrer  en  la  chambre  du  roy. 

Et  après  que  le  dit  conte  eut  ouy  la  response  du  roy,  il  s'en  alla  es 
Allemaignes,  où  il  fut  grant  espace  de  temps  et  jusquez  à  ce  que  ung 
nommé  maistre  Jehan  Vigier,  nepveu  dudit  conte,  qui  depuis  fut  es- 
vesque  de  Lavaur  par  le  moyen  dudit  conte 'i.  Et  envoya  le  dit  Vigier 

1.  c'est-à-dire  le  vendredi  saint,  16  avril  1462. 

2.  Comme  on  a  dit  aussi  à  savoir  mon;  locutions  équivalentes  à  en  vérité. 

3.  Cela  est  rapporté  un  peu  différemment  dans  l'arrêt  de  réhabilitation  du  comte  de 
Dammartiii  (13  août  1468)  :  «  Dictus  de  Chabannes  certioratus  de  sno  facto...  eriiu 
nos  Burdigale,  tune  existentes,  se  transtulerat,  ac  post(|uam  apud  nos  se  bene  et  dé- 
bite e\cusaverat  de  et  super  eo  quod  sibi  pruîdicUis  de  Meloduno  et  alii  sui  malevoli 
torcionarie  et  inique  imposueranl,  nos,  scientes  dictam  accusationem  contra  ipsum 
de  Chabannes,  odio  plus  quam  aliter  factam  fuisse,  sibi  très  oblationes  fieri  fecera- 
mus;  quarum  prima  erat,  si  dicius  àa  Chabannes  alicubi  extra  regiium  nostrum 
ire  veliet,  quod  nos  de  boc  contenti  essemus,  absque  aliter  in  personam  suam  alteii- 
tari  faciendo;  et  secunda  ipsarum  oblationum  cxistebat,  si  ipse  dt»  Chabannes  in 
nostro  magno  consilio  justitiam  subire  et  in  ea  se  fonere  veliet,  quod  ci  rationem 
(ieri  laceremus,  atqne  in  suis  justificationibus  et  defensionibus  audiretur;  et  tertia 
liujiis  modi  oblationum  talis  fuerat,  quod,  si  dictus  de  Chabannes,  in  dicta  nostra 
parlamenli  curia  venire  praediligebat,  nos  contenti  cramus  quod  in  ea  sibi  ratio  (ieret. 
Quam  ultimam  oblationem  idem  de  Chabannes  ..  acceptaverat.  «  Lenglet-Dufrcs- 
poy,  Preuves  à  Commines,  t.  il,  p.  338. 

4.  La  phrase  est  ainsi  inachevée  dans  le  Ms.  (in  voit,  d'après  l'arrêt  de  condamna- 


'261 

uDg  sauf-conduit  audit  coule  pour  soy  venir  rendre  en  la  Consiergerie 
pour  estre  purifié  des  charges  à  lui  imposées,  à  cause  qu'il  estoit  desja 
cryé  à  ban  par  le  royaulme,  à  la  requeste  de  ses  haigneux  et  malveil- 
lans.  Et  aussi  la  pluspart  de  ses  arays  auxquelx  il  avoit  fiance  et  qui  luy 
pouvoient  ayder,  luy  mandèrent  qu'il  devoit  venir  pour  soy  justifier,  et 
qu'ilz  lui  ayderoient  à  soubstenir  son  bon  droit.  Lesquelx  entendant  ^  le 
neu  de  la  matière,  lui  mandoient  qu'il  n'y  avoit  point  de  cas  eu  luy 
pourquoy  il  deust  mourir,  et  qu'il  ne  s'en  justifiast  bien  par  bonne  jus- 
lice.  Et  quant  le  dit  conte  sceut  les  nouvelles,  comme  soy  pensant  es- 
tre pur  et  innocent  de  tous  crimes,  espérant  que  justice  et  raison  luy 
seroit  faite,  se  vint  rendre  en  la  Consiergerie  du  palais  à  Paris,  non 
obstant  que  ce  fust  estre  le  gré  d'aucuns  de  ses  amys,  pour  ce  qu'ils 
savoient  que  ses  ennemys  avoient  grant  auctorité  envers  le  roy,  les- 
quelx injustement  l'avoient  accusé. 

Et  demanda  le  dit  conte,  pour  commissaire  à  le  mener  en  la  ditte 
Consiergerie,  le  lieutenant  du  bailly  de  Lyon;  ce  qui  fut  fait;  et  passa 
par  Thoucy  2.  Auquel  lieu  il  manda  à  aller  vers  luy  Loys  du  Solier  et 
Voyau,  auxquelz  il  parla  de  ses  affaires,  et  leur  chargea  qu'ilz  se  ren- 
dissent le  lendemain  au  giste  vers  luy,  à Saint-Mathuriu  de  Larchant; 
ce  qu'ilz  firent. 

Tentatives  des  fils  de  Jacques  Cœur  pour  faire  abolir  la  condamnation 
de  leur  père  3. 

En  la  ditte  année  mil  THF  LXII'i,  le  conte  de  Dampmartin  se  ren- 
dit prisonnier  de  sa  volunté  en  la  Conciergerie  du  palais  à  Paris.  Et 
après  qu'il  eust  esté  assez  longuement,  fut  mené  en  la  bastide  Saint- 
Anthoine.  Et  lui  estant  en  icelle ,  l'archevesque  de  Bourges ,  fils  de 
Jacques  Cueur,  et  ses  frères,  cuidèrent  trouver  moyen  de  faire  abolir  la 
sentence  donnée  contre  ledit  Jacques  Cueur,  par  le  roy  Charles  sep- 
tiesme  tenant  son  lyt  de  justice,  et  son  grant  conseil.  Et  de  ce  faire  re- 
quirent lesdits  Cueurs  monseigneur  du  Lo,  Waste  de  Montepedon,  lors 

lion  du  20  août  1463,  que  Jean  Vigiur  assistait  Antoine  de  Cbabannes,  comme  avocat, 
devant  le  parlement.  Lenglet-Dufresnoy,  ibidem,  p.  332. 

1.  Entendaient  dans  le  Ms. 

2.  Toucy  dans  l'Auxerrois,  seigneurie  que  Cbabannes  avait  eue  de  la  conCscation  de 
Jacques  Cœur. 

3.  On  ^e  rappellera  qu'Antoine  de  Cbabannes  fut  le  plus  acbarné  des  persécuteurs 
de  Jacques  Cœur,  et  que  la  plupart  de  ses  richesses  lui  venatient  de  la  confiscation  de 
cet  illustre  financier. 

4.  Il  y  a,  1463  par  erreur,  dans  le  Ms. 


26-2 

l>ailly  de  Rouen,  Charles  de  Meleun,  et  plusieurs  auHres  grans  person- 
nages ;  lesquieulx  conspirèrent  entre  eulx  de  partir  et  diviser  les  biens 
dudit  conte  de  Dannpmartin.  Laquelle  sentence  le  roy  ne  voulut  estre 
abolie,  pour  ce  que  justement  elle  avoit  esté  donnée  contre  ledit  Cueur  ; 
et  aussi  que  les  faitzdu  roy  Charles  septiesme,  père  du  roy  Loys,  avoient 
esté  si  bien  approuvés  par  grande  et  meure  délibération  de  son  conseil, 
où  estoient  les  présidents  de  Torrette  et  de  Nanterre,  et  plusieurs  au- 
tres grans  et  saiges  conseilliers  du  royaulme;  et  qu^ilz  disoient  qu'ilz 
estoient  d'oppinion  que,  par  forme  de  droit,  on  ne  pouroit  aller  contre 
ladite  sentence  ;  et  encore  estoient  d'oppinion  la  plus  grande  partie  des 
plus  saiges  du  royaulme,  que  ledit  Jacques  Cueur  devoit  perdre  le  corps 
et  les  biens.  Et  si  remonstrèrent  au  roy  lesditz  présidens  que  s'il  abolis- 
soit  laditte  sentence  qui  estoit  juste  et  raisonnable,  qu'il  fauldroit  que 
les  sentences  qui  seroient  données  de  là  en  avant  par  luy  et  les  autres 
roys,  ses  subcesseurs,  pourroient  estre  après  leurs  descès  déclairés  de 
nulle  effect  et  valleur,  et  que  cela  touchoit  totallement  à  sa  majesté 
royalle  touchant  les  arrestz  qui  par  son  grant  conseil  pourroient  estre 
donnez  contre  ceulx  qui  auroient  forfait  contre  luy. 

Et  aussi  vouloient  iceulx  Cueurs  faire  vuyder  le  fraudeleux  appel 
qu'ilz  avoient  par  avant  intergetté  pour  raison  de  laditte  sentence  contre 
eulx  donnée,  jaeoit  ce  qu'ilz  avoient  eu  trestous  de  leur  franche  volunté 
ledit  arrest  pour  aggréable.  Et  ce  qui  les  mouvoit  ad  ce  faire  estoit  pour 
ce  quilz  avoient  le  procès  de  leur  père  entre  lez  mains,  duquel  ilz  avoient 
osté  plusieurs  cayers,  où  estoient  les  principalles  charges  qui  estoient 
contre  ledit  Jacques  Cueur.  Mais  après  que  le  procès  eut  esté  veu,  fut 
trouvé  en  icelluy  aucuns  cayers  couppés.  Et  estoit  la  mynutte  en  l'ostel 
de  Gueteville,  qui  avoit  esté  greffier  du  grant  conseil.  En  laquelle  my- 
nutte y  avoit  plusieurs  choses  au  désavantaige  dudit  Cueur,  qui  n'es- 
toient  en  la  grosse  de  son  procès  :  parquoy  ledit  procès  demoura  en 
Testât  quil  estoit.  Et  en  oultre  furent  trouvées  unes  lettres  que  ledit 
Jacques  Cueur  escripvoit  au  roy,  luy  estant  à  Rome,  par  lesquelles  il 
confessoittous  les  cas  à  luy  imposés,  requérant  au  roy  par  icelles  lettres 
quil  luy  voulsist  faire  grâce  et  pardon  ;  ce  qu'il  ne  voulut  accorder,  en 
ensuivant  l'oppinion  de  tout  son  conseil,  pour  ce  qu'il  avoit  mérité 
une  plus  grant  pugnition.  Mais  le  roy,  de  grâce  espécialle  et  à  la  re- 
queste  de  monseigneur  de  Rourbon,  du  conte  de  Dampmartin  et  autres 
seigneurs,  donna  des  biens  dudit  Jacques  Cueur  à  ses  enfants,  comme 
la  Chaussée,  la  maison  de  Rourges  et  autres  héritaiges. 


263 

Inlurmalion  sur  le  mariage  de  Lourdin  de  Saligny  ■ . 

En  la  ditte  année  mil  quatre  cent  soixante-deux,  le  roy  estant  à  Poi- 
tiers, décerna  commission  à  messire  Charles  do  Meleun ,  bailly  de 
Sens,  pour  soy  informer  se  messire  Lourdin  de  Salligny  avoit  espousé 
la  contesse  de  Sancerre  au  lieu  de  Bonny  sur  Loyre,  et  de  faire  infor- 
macion  touchant  laditte  matière.  Pour  laquelle  information  furent  in- 
terrogués  certaines  personnes  cy  après  nommées  : 

C'est  assavoir  EstienneMarrilier,  marchant,  demourantenla  ville  de 
Sancerre,  aagéde  quatre-vingts  ans  ou  environ,  comme  sur  le  contenu 
des  dittes  lettres  royaulx  données  à  Poitiers  le  XVII"  jour  de  décembre 
l'an  mil  IIIP  LXII,  dist  et  depposa  que  cinquante  troys  avoit  ou  envi- 
ron, es  jours  des  rovaisons  qiji  sont  avant  l'Ascencion,  qu'il  fut  présent 
ou  chasteau  de  Sancerre,  que  feu  messire  Lourdin  de  Salligny  espousa  la 
contesse  duditlieu,  nommée  Marguerite,  fille  du  conte  Jehan  2,  et  fu- 
rent bénists  par  le  prestre  de  Saint- Martin  dudit  lieu.  Et  après  les  dit- 
tes espousailles  faictes,  le  duc  de  Berry  3,  le  conte  Dauphin  et  ses  troys 
frères,  enfans  de  la  dite  contesse,  allèrent  assiéger  le  dit  Lourdin  de 
Salligny  qui  estoit  lors  ou  dit  chasteau  dudit  Sancerre,  pour  ce  qu'ils 
disoient  qu'il  n' estoit  pas  assez  grant  personnaige  pour  avoir  une  telle 
contesse;  et  tellement  que  icelluy  Lourdin  de  Salligny  fut  contraint  de 
rendre  la  ditte  place  et  s'en  aller.  Lequel  depuys  entretint  par  manière 
de  concubinaige,  et  durant  ledit  mariaige,  Jehanne,  fille  de  messire 
Blanchet  Bracque,  lors  dame  de  Chastillon  sur  Loing'^. 

Jehan  Ysambert,  vigneron,  Estienne  Godin,  cordonnier,  Jehan 
Chaurge,  tanneur,  André  Dargent,  Estienne  Passeron,  bouchier,  Es- 
tienne Visart,  notaire,  Estienne  Pitat,  sergent,  frère  Anthoine,  prieur 
de  Saint-Tybault,  tous  demourans  lors  audit  Sancerre,  depposèrent 
touchant  le  dit  mariaige  comme  fist  le  dit  Estienne  Marrilier  ;  mais  ne 
savoient  riens  que  le  dit  de  Salligny  eust  entretenu  durant  le  dit  ma- 

1.  Histoire  de  famille  pour  les  Cbabannes,  car  l'arrière-petit-fiis  de  ce  Lourdin 
de  Saligny  fut  le  gendre  de  Jean,  comte  de  Dammartin,  pour  qui  fut  exécuté  le  Ms. 
de  Clairambault.  Histoire  généal.  de  la  maison  de  France,  t.  VII,  p.  I4l  et  151. 

2.  Le  dernier  de  la  race  des  comtes  de  Sancerre,  qui  descendaient  des  comtes  de 
Champagne. 

3.  Oncle  du  roi  Ciiarles  VI. 

4.  De  cette  union  sortit  Catlierine  de  Saligny,  qui  porta  dans  la  maison  deColigny 
les  terres  de  .Saligny,  Lamothe-Saint-Jean  etCliâtillon,  et  dont  le  petit-fils,  Jacques  de 
Coligny,  épousa  la  fille  de  Jean  de  Cliabannes. 


264 

riaige  laditte  Jehanne  Bracque,  excepté  ledit  Estienne  Pitat ,  qui 
l'atesta. 

Guillaume  Perdriau,  Guillemette,  vefve  de  Jehan  Pommier,  messire 
Pierre  Boutonnet  et  Jehan  Hacquineau,  tous  demourans  à  Bonny  sur 
Loyre,  attestèrent  que  ou  dit  temps,  et  par  la  dite  informaeion  faitte, 
que  ledit  Lourdin  de  Salligny  espousa  audit  lieu  laditte  Jehanne  Brac- 
que, fille  dudit  messire  Blanchet  Bracque,  chevalier,  seigneur  dudit 
Chastillon  sur  Loing,  donc  ilz  eurent  une  fille  nommée  Katherine ,  qui 
depuis  fut  conjoincte  par  loy  de  mariage  au  seigneur  d'Andelot,  non- 
obstant que  vesquit  pour  lors  laditte  contesse  de  Sancerre ,  première 
femme  dudit  Lourdin  de  Salligny. 

Maistre  Jean  Bourgois  i  fut  commissiooné  à  faire  ceste  informaeion 
de  par  le  roy. 

Digression  snr  le  mariage  de  Loiiis  d'Orléans. 

En  l'année  mil  quatre  ceut  soixante-trois,  àung  mardi,  quinziesme 
jour  de  may,  le  roy  vint  et  arriva  en  la  ville  de  Paris,  qui  venoit  de 
Nogent-le-Roy,  où  illec  la  royne  s'estoit  délivrée  d'une  fille,  laquelle 
depuis  le  roy  contraignit  Loys,  duc  d'Orléans,  à  force  et  soubz  ledan- 
gier  de  sa  personne,  de  la  prandre  par  forme  de  mariage,  pour  estre  sa 
femme  ;  ce  que  jamais  ne  se  peult  faire  pour  ce  qu'il  n'y  donna  point  de 
consentement.  Et  en  parla  le  roy  à  plusieurs  notables  gens  de  ceste 
matère,  lesquelz  la  trouvèrent  estrange,  pour  ce  qu'ilz  congnoissoient 
qu'elle  n'estoit  capable  d'avoir  lignée.  Et  n'osoient  parler  nés  ung, 
pour  ce  que  le  roy  menassoit  que  tous  ceulx  qui  vouidroient  aller  au 
contraire  dudit  mariage  ne  seroient  point  asseurez  de  leurs  vies  en  ce 
royaulme. 

Condamnation  d'Antoine  de  Cliabannes. 

En  laditte  année  mil  quatre  cens  soixante-trois,  vingtiesme  jour 
d'aoust,  fut  donné  certain  arrest  contre  Anthoine  de  Ghabannes,  conte 
de  Dampmartin,  qui  estoit  détenu  prisonnier  en  la  bastide  de  Saint- 
Anthoine  2,  à  la  requeste  de  ses  baigneurs  et  malveillans,  par  faulx, 
mauvais  et  sinistres  rappors,  donc  estoit  inventeur  principal  messire 

1.  Ce  personnage  étant  bailli  de  Nemours  en  1472,  a  souscrit  l'acte  de  fondation 
de  la  collégiale  instituée  à  Saint-Fargeau  par  Antoine  de  Cliabannes.  Gallia  chris- 
tiana,  t.  XII,  pr.  col.  205. 

2.  Erreur;  il  avait  été  transféré  de  la  Conciergerie  au  Louvre.  H  fut  mis  à  la  Bastille 
seulement  après  sa  condamnation.  Voir  l'arrêt  de  réhabilitation,  I.  c. 


265 

Charles  de  Meleuû  avec  ses  adhérans,  vaâsal  dudit  conte  de  Damp- 
martin  à  cause  de  sa  terre  de  Nantouillet,  prétendans  la  confiscation 
des  corps  et  biens  dudit  conte. 

Lequel  arrest  fut  donné  pour  ce  qu'il  fut  recellé  par  ledit  de  Me- 
leun  une  depposition  d'enqueste  faicte  en  la  cité  d'Ast  par  maistre 
Pierre  Doriolle,  conseillier  de  la  court  de  parlement,  d'un  nommé 
messire  Regnauit  du  Dresnay,  chevallier  ;  laquelle  depposition  signée 
et  scellée  dudit  conseillier,  avoit  esté  baillée  par  le  roy  audit  de  Me- 
leun  pour  joindre  au  procès  dudit  de  Chabannes  ;  ce  qu'il  ne  fist*; 
mais  par  lui  veue  laditte  depposition  et  enqueste,  en  laquelle  gisoit  la 
purification  dudit  conte,  sollicita  à  toute  dilligence  l'expédition  dudit 
arreât  sans  y  joindre  la  ditte  enqueste,  pour  ce  [que],  comme  dist  est, 
elle  parloit  au  prouffit  de  la  purification  dudit  conte. 

Et  après  ledit  arrest  donné  audit  moys  d'aoust  mil  quatre  cent 
soixante-trois,  le  roy  donna  au  seigneur  du  Lau,  qui  couchoit  ordinai- 
rement avecques  luy,  la  seigneurie  de  Blancaffort  en  Guienne,  appar- 
tenant audit  conte  de  Darapmartin ,  et  à  Waste  de  Montepedon  la 
baronnie  de  Rochefort  et  Aurière  en  Auvergne,  que  ieelluy  conte  avoit 
achetée  du  sire  du  Beuil,  conte  de  Sancerre,  la  somme  de  dix  mille 
escus.  Et  aussi  fisttant  l'archevesque  de  Bourges^,  ses  frères  et  alliez, 
envers  le  roy,  qu'ilz  eurent  commission  pour  les  mettre  en  possession 
des  biens  de  Saint-Fergeau,  Saint-Morise  et  pais  de  Puisaye  3  ;  lesquelles 
lettres  s'adressèrent  à  monseigneur  de  Montgascon,  qui  se  transporta 
audit  Saint-Fergeau  pour  mettre  à  exécution  sa  ditte  commission. 
Auquel  lieu  faisoit  sa  résidence  la  contesse  de  Dampmartin,  qui  avoit 
avec  elle  son  fils  Jehan  de  Chabannes,  aagé  de  dix-huit  moys  ou  envi- 
ron, que  le  duc  Jehan  de  Bourbon  avoit  fait  tenir  en  son  nom.  Et  fut 
contrainte  par  ledit  de  Montgascon  issir  et  départir  dudit  Saint-Fer- 
geau, sans  ce  qu'il  voulsist  permettre  ne  souffrir  qu'elle  emportast 
aucune  chose  de  ses  biens,  non  pas  tant  seulement  ung  drappeau  pour 
en  envelopper  son  filz.  Et  luy  convint  en  emprunter  à  la  ville.  Et  de 
là  s'en  alla  à  Dampmartin  où  elle  trouva  ledit  de  Meleun  qui  joissoit 
et  possédoit  de  tous  les  biens  de  la  conté,  sans  en  vouloir  aucune  chose 
bailler  pour  vivre  à  la  contesse  ne  à  son  filz.  Et  se  n'eust  esté  ung  la- 
boureur de  la  contrée,  nommé  Anthoine  Lefort,  qui  luy  aida  à  nour- 
rir, elleeust  eu  beaucop  à  souffrir.  Et  luy  tint  plusieurs  grans  rigueurs 

1.  Ces  faits  sont  rapportés  plus  au  long  dans  l'arrêt  de  la  réhabilitation  d'Antoine 
de  Chabannes,  1.  c. 

2.  Jean  Cœur,  fils  aîné  de  Jacques  Cœur. 

3.  Ces  biens  étaient  de  ceux  dont  leur  père  avait  été  spolié. 

l.  {Quatrième  série.)  Ig 


266 

ledit  de  Meleuu,  espérant  faire  le  mariage  du  filz  du  conte  de  Damp- 
martin,  qui  n'avoit  que  deux  ans,  à  la  fille  dudit  de  Meleun  ;  mais  le 
conte  ne  la  contesse  ne  voulurent  aucunement  entendre,  pour  ce 
qu'ilz  veoient  le  mariage  non  estre  sortable,  et  n'estoit  que  leur  vassal 
à  cause  de  la  terre  de  Nantouillet,  qui  est  tenue  en  fief  à  cause  de  la- 
ditte  conté  de  Dampmartin. 

Incidence  sur  le  pape  Paul  II. 

En  ce  temps  et  ou  dit  an  (1464),  vingt-huitiesme  jour  du  moys 
d'aoust  ' ,  après  le  trespas  du  pape  Pius^  fut  eslu  en  pape,  deuxiesme  de 
ce  nom,  Paul.  Ledit  pape  approuva  la  feste  de  la  présentacion  de  la 
vierge  Marie.  Il  ne  donnoit  pas  de  legiers  pardons  ne  aultres  choses^ 
disant  qu'il  valloit  mieulx  petit  donner  et  bien  fermement  observer, 
que  d'en  baillier  si  grant  multitude.  Il  fist  faire  ung  grant  et  sump- 
tueux  palais  à  Saint-Marc  qu'il  laissa  imparfait,  car  il  mourust  plus 
tost  qu'il  ne  cuidoit,  et  tint  la  papalité  sept  ans. 

Récit  de  l'évasion  d'Antoine  de  Chabannes. 

En  icelle  année  mil  quatre  cent  soixante-quatre,  le  quinziesrae  jour 
d'octobre,  fut  pratiqué  l'eschappement  du  conte  de  Dampmartin,  luy 
estant  en  la  bastide  Saint- Anlhoine,  par  le  moyen  de  la  contesse  sa 
femme  et  d'aucuns  de  ses  serviteurs.  Et  fut  ledit  conte  adverty  de  Ta- 
lée du  duc  de  Berry  en  Bretaigne  2  ;  par  quoy  il  envoya  quérir  Guiuot 
Vigier,  son  nepveu,  qui  estoit  à  Dampmartin  avec  la  contesse  sa 
femme.  Et  après  qu'il  fut  par  devers  icelluy  conte,  il  [!']  envoya  par 
devers  le  duc  de  Nemours,  pour  savoir  amples  nouvelles  de  ce  que  icel- 
luy conte  avoit  affaire. 

Et  en  cet  instant,  qui  fut  l'an  mil  quatre  cent  soixante-quatre,  laditte 
contesse  de  Dampmartin  envoya  quesrir  le  bastard  Vigier,  frère  bas- 
tard  dudit  Guynot,  nepveu  d'icelluy  conte  de  Dampmartin,  etluy  dist 
telles  paroles  ou  semblables  :  «  Bastard,  mon  amy,  je  suis  esbahye,  veu 
que  monseigneur  a  nourri  tant  de  gens  de  bien,  qu'il  n'y  a  quelque 

1.  La  date  du  28  août  indique  probablement  le  jour  où  on  eut  connaissance  en 
France  de  la  mort  du  pape  Pie  II,  arrivée  le  16  du  même  mois.  L'élection  de  Paul  II 
est  du  30  août. 

2.  Non  pas  que  la  fuite  du  prince  eût  déjà  été  effectuée ,  elle  n'eut  lieu  qu'au  mois 
de  mars  1465;  mais  on  sait  que  la  ligue  du  Bien  public,  dont  cette  fuite  fut  le  signal, 
fut  complotée  plusieurs  mois  avant  qu'elle  éclatât. 


267 

ung  qui  se  essaiast  de  le  getter  dehors  de  la  captivité  où  il  est  par  riti- 
justice  et  tort  qu'on  luy  fait,  veu  que  je  sçay  bien  que  une  femme  de 
Paris  a  bien  trouvé  moyen  de  tyrer  hors  du  Louvre  monseigneur  de 
Ponts.  »  Alors  lebastard  respondit  :  «Le  Louvre  et  la  bastide,  ce  sont 
deux.  »  Sur  quoy  elle  dist  audit  bastard  :  «  Si  cet  homme  peult  ungne 
foys  sortir  dehors,  c'est  la  ressource  de  toute  sa  lignée  et  des  vostres.» 
Et  ledit  bastard  luy  dist  :  «  Mon  corps  ne  mes  biens  ne  seront  point  es- 
pergnez  à  le  mettre  hors.  »  Et  exprima  lors  en  son  couraige  les  moyens 
comment  il  [1']  en  pourroit  faire  sortir. 

Et  ce  fait,  fut  conclud  par  ledit  bastard  Vigier  et  Guinot  Vigier, 
après  ce  qu'il  fut  retourné  de  devers  le  duc  de  Nemours,  et  Jehan  de 
Harmes,  de  trouver  les  moyens  de  le  bouter  dehors,  se  faire  se  povoit. 
Et  pour  ce  faire,  le  bastard  alla  en  la  bastide  où  estoit  ledit  conte.  Le- 
quel conte  mena  icelluy  bastard  en  sa  chambre;  auquel  lieu  ledit  bas- 
tard  dist  à  icelluy  conte  ce  que  sa  femme  la  contesse  luy  avoit  dit;  de 
quoi  il  fut  bien  joieulx,  disant  que  c'estoit  une  bonne  femme ,  mais  de 
luy  qu'il  n'avoit  point  d'envye  de  sortir,  pour  ce  qu'il  ne  faisoit  nulle 
doubte  que  le  roy  ne  le  fist  mettre  dehors,  à  cause  qu'il  penssoit  qu'il 
ne  avoit  point  mis  en  oubly  les  services  qu'il  avoit  faits  à  feu  son  père 
et  à  luy.  Mais  par  les  dessusdits  luy  furent  faictes  tant  de  remons- 
trances,  qu'il  se  accorda,  et  leur  donna  par  propices  oreilles  à  entendre 
touchant  son  eschapperaent. 

Et  alors  appelia  Voyaui  et  le  mena  sur  le  hault  des  murs  de  la  bas- 
tide, et  là  estant,  en  parlant  de  plusieurs  moyens  par  lesquieulx  il 
pourroit  sortir,  sy  fut  dit  par  Voyau  audit  conte  les  oppinions  qu'a- 
voient  délibéré  ung  chacun  de  ses  secrétaires,  touchant  sa  sortie;  mais 
l'oppinion  dudit  bastard  et  de  Harmes  estoit  qu'il  failloit  avoir  des  ly- 
mes  sourdes  pour  lymer  cinq  ou  six  barreaulx  du  treilliz  de  fer  d'une 
fenestre.  Et  eulx  estans  en  ce  propos ,  Voyau  regarda  à  la  main  destre 
ung  huys  ouvert  ou  plus  hault  estaige  de  la  bastide,  et  entra  dedans  pour 
regarder  une  grant  fenestre  où  il  n'y  avoit  ne  fer  ne  bois,  qui  estoit  toute 
ouverte,  laquelle  il  monstra  au  conte  en  luy  distant  :  «  Monseigneur, 
Dieu  est  pour  vous.  »  Et  après  cela  descendirent  et  s'en  allèrent  en  la 
basse  court,  où  ils  demandèrent  à  ceulx  de  la  maison  une  ligne  pour 
peschier  es  fossez  de  laditte  bastide  ;  et  avoit  ledit  Voyau  du  plomb  et 

1.  Voyau  d'Imonville ,  écuyer,  l'un  des  rares  serviteurs  qui  étaient  restés  fidèles 
au  comte  de  Dammartin.  Il  alla,  au  péril  de  sa  vie,  sonder  les  dispositions  des  favoris 
de  Louis  XI  à  l'endroit  de  son  maître,  lorsque  le  nouveau  roi  vint  de  Brabaat  en 
France  en  1461.  Voir  l'extrait  du  Ms.  de  Clairambauit  publié  par  Lenglet-Dufresnoy, 
Commines,  t.  II,  p.  312. 

18. 


268 

«ng  bout  de  chandelle;  et  aflin  qu'on  ne  s'en  apperceust  de  ce  qu'ils 
vouloyent  faire,  le  conte  demanda  du  fourmage,  faignant  de  vouloir 
prandre  du  poisson.  Et  quant  ilz  furent  en  la  fenestre  sur  le  bort  du 
fossé,  le  conte  dit  à  Voyau  qu'il  ne  craingnoit  qu'ung  paillardeau  de  la 
bastide,  lequel  il  fit  appeler,  et  affin  qu'il  ne  se  doubtast  de  leur  fait, 
l'envoya  à  Saincte-Geneviefve  dire  au  prieur  qu'il  luy  prioit  qu'il  luy 
envoyast  sa  Bible  pour  lire. 

Et  cependant  que  icelluy  serviteur  estoit  allé  quérir  icelle  Bible  , 
ilz  mesurèrent  quelle  haulteur  il  y  avoit  de  la  fenestre  jusques  au  fons 
des  fossez  de  la  bastide  ;  et  quant  ils  eurent  prins  la  mesure,  ledit 
conte  envoya  quérir  ledit  bastard  Vigier,  lequel  estoit  prévost  du 
Thour  en  Champaigne,  et  lui  demanda  son  oppinion  comment  ils  por- 
roient  sortir.  A.  quoy  il  fist  responce  que  ce  seroit  en  plain  mydi  s'iî 
vouloit.  Et  le  conte  lui  demanda  :  «  Bastard,  comment  se  pourroit-il 
faire  ?  »  A  quoy  il  luy  respondit  :  «  Monseigneur,  vous  estez  bien  servy 
et  traicté  du  cappitaine,  car  il  laisse  aller  et  venir  tous  ceulx  qu'il 
vous  phiist,  sans  aulcune  chose  leur  demander;  et  si  y  a  des  gens  de 
Lymosin  en  ceste  ville,  que  je  congnois  bien,  qui  nous  feront  du  ser- 
vice ;  et  Jean  de  Harmes  et  moy  turons  bien  le  portier  et  sa  femme  et 
d'autres  qui  nous  pourroient  nuyre  ;  et  ce  fait  monterons  à  cheval  et 
nous  en  yrons.  »  Lequel  conte  dist  qu'il  ne  se  consentiroit  jamais  à  faire 
ledit  murtre,  car  en  Dieu  gisoit  tout  son  espérance,  et  que,  en  ce  fai- 
sant, le  mettroit  contre  luy;  et  aussi  qu'il  n'avoit  pas  ung  blanc  pour 
achepter  des  chevaulx,  si  non  troys  escus  qu'il  bailla  audit  bastard 
Vigier  pour  acheter  ung  cheval.  Et  alors  ledit  bastard  luy  commença 
à  dire  qu'il  auroit  encorez  cent  escus  à  son  commandement,  de  quoy 
il  le  remercya.  Il  fut  conclud  entre  eulx  qu'il  s'en  yroit  à  Reins,  près 
dudit  Thour,  pour  faire  faire  un  cordaige  nécessaire  poiir  laditte  yssue; 
ce  que  fist  ledit  bastard. 

Et  ledit  cordaige  fait,  où  il  y  avoit  trente-trois  toises,  l'apporta  à 
Dampmartin,  et  le  fist  savoir  au  conte,  lequel  luy  manda  qu'il  luy 
apportast  ;  ce  qu'il  fist.  Et  l'avoit  icelluy  Bastard  envelopé  tout  autour 
de  son  corps  desoubz  sa  chemise,  avecquez  ung  ehevrel  et  six  con- 
gninsi,  pour  double  que  on  se  apperceust  de  rien.  Et  lequel  cordaige 
fut  caché  soubz  une  grant  pierre  dessoubz  des  retraictz,  et  y  fut  l'es- 
pace de  certain  temps,  durant  lequel  temps  furent  prinses  diverses  op- 
pinions  entre  Guinot  Vigier  et  le  bastard  et  Jehan  de  Harmes.  Mais 
leur  conclusion  fut  par  eulx  arrestée  que  le  conte  sortiroit  par  laditte 

1.  Un  chevreuil  et  six  lapins. 


1 


•201) 

fenestre  qu'ilz  avoient  trouvée,  au  moyen  dudit  eordaige.  Et  aussi  fut 
par  eulx  advisé  que  ledit  Guynot  iroit  eu  court  pour  savoir  des  nou- 
velles; ce  qu'il  fist.  Et  lui  bailla  le  dit  bastard  vingt-huit  escus  pour 
faire  ses  despens.  Et  en  chemin  trouva  ung  gentilhomme  nommé  Guyot 
Duchesnoy,  maistre  d'ostel  de  monseigneurleducde  Berry,  qui  depuis 
fut  au  roy,  qui  luy  demanda  des  nouvelles  ;  et  luy  conta  son  cas.  Le- 
quel Duchesnoy  dist  audit  bastard  qu'il  s'en  retournast,  et  qu'il  dlst  au 
conte  qu'il  sortist  de  ladite  bastide  si  faire  se  povoit ,  pour  ce  que  le 
roy  envoioit  à  Paris  Charles  de  Meleun,  annemy  cappital  dudit  conte , 
pour  luy  faire  injustement  trancher  la  teste,  pour  ce  que  ledit  de  Me- 
leun ne  mettoit  point  de  différence  entre  les  justes  et  les  criminaulx  ; 
et  aussi  que  le  due  de  Berry  mandoit  au  conte  qu'il  avoit  espérance 
de  soy  trouver  bien  bref  devant  Paris  à  toute  une  grant  puissance  de 
gens;  et  que  alors  il  mettroit peine  de  faire  raison  et  justice  à  tous  les 
bons  serviteurs  de  son  feu  père. 

Et  les  dittes  nouvelles  sceues  par  ledit  Guinot  Vigier,  fist  diligence 
de  s'en  retourner  devers  ledit  conte  de  Darapmartin;  et  quant  il  y  fut 
arrivé,  fut  ordonné  par  ledit  conte  que  ledit  Guinot  Vigier  et  le  bastard 
iroient  à  Dampmartin,  où  ilz  trouveroient  ledit  Voyau,  pour  adviser 
ensemble  entre  eux  à  quel  jour  ilz  pourroient  faire  sortir  ledit  conte  de 
la  bastide,  ce  qu'ilz  firent  ;  et  aussi  quel  chemin  le  conte  et  eulx  tien- 
droient  après  laditte  sortie.  Mais  les  ungs  estaient  d'oppinion  qu'il 
s'en  devoit  tirer  en  Flandres,  et  les  autres  en  Bourgoigne.  Par  quoy  le- 
dit conte  fist  ung  mémoire  signé  de  sa  main,  pour  savoir  l'oppinion  du- 
dit Voyau ,  quel  chemin  il  auroit  à  tenir.  Lequel  Voyau  fut  d'oppinion 
d'aller  passer  au  pont  de  Charenton,  en  disant  que  quant  ils  auroient 
passé  ledit  pont,  qu'ils  ne  craindroient  plus  personne. 

Et  après  s'en  viendrent  lesditz  bastard  et  Voyau  à  Paris,  sans  ce 
que  personne  en  sceust  riens,  et  se  logèrent  auprès  de  Saint- Anthoine, 
en  la  rue  de  la  bastide.  Et  ainsi  qu'ilz  entrèrent  en  laditte  ville,  sur- 
vint une  neige  si  espesse  qu'on  ne  congnoissoit  pas  l'un  l'autre.  Et  en 
allant  par  eulx  en  leurs  logys,  trouvèrent  le  lieutenant  du  cappitaine  de 
la  ditte  bastide ,  lequel  ne  les  congnut  point  ;  donc  ilz  furent  bien 
joieulx,  et  disoient  que  c'estoit  chose  miraculeuse. 

Et  le  jeudi,  douziesme  jour  de  mars  mil  quatre  cent  soixante-qu^re^, 
s'en  allèrent  les  dessus  ditz  par  devers  ledit  conte  en  laditte  bastide, 
et  parlèrent  à  luy.  Et  ce  fait,  vint  ledit  bastard  en  la  ville,  qui  acheta 
ung  cheval  pour  ledit  conte,  qui  estoit  de  poil  bayard,  très-bon ,  mais 

1.  c'est-à-dire  1465,  selon  le  comput  actuel. 


270 

il  alloit  dur;  et  ung  autre  pour  Jehan  de  Harmes,  qui  estoit  varlet  de 
chambre  dudit  conte.  Et  jQst  faire  pour  ledit  conte  des  chausses  four- 
rées, une  jaquette  fourrée  et  des  houzeaulx  fourrez,  pour  ce  qu'il 
avait  jà  longtemps  qu'il  n'avoit  monté  à  cheval.  Et  conclurent  [quant] 
le  jour  de  laditte  sortie  se  feroit,  quidevoit  estre  le  samedi  ensieuvaut, 
vtille  des  brandons.  Et  pour  ce  faire  furent  entreprins  par  lesditz  Gui- 
nof,  bastard  et  Voyau  plusieurs  conclusions  et  signés,  lesquelz  ils  dé- 
voient baillier  audit  conte  et  ledit  conte  à  eulx  ;  et  aussi  que  ledit 
Voyau  iroit  avec  le  bastard  au  pont  de  Cliarenton,  pour  savoir  com- 
ment ilz  pourroient  avoir  passaige.  Et  s'en  allèrent  loger  pour  yssir 
hors  de  Paris  aux  forsbours  de  la  porte  Saint-Denis,  à  l'Escu  de  France. 
Duquel  logis  se  partirent  lesditz  bastard  et  Voyau  avec  ung  page 
nommé  Guyot  Aquest,  et  s'en  allèrent  audit  pont  de  Charenton.  Au- 
quel lieu  ne  trouvèrent  en  leurs  logeis  que  une  jeune  femme  à  laquelle 
ilz  demandèrent  où  estoit  l'oste,  qui  leur  respondit  que  la  nuyt  passée 
leur  varlet  les  avoit  desrobés,  et  son  mary  estoit  allé  après,  et  ne  sa- 
voit  où  ;  toutefois  luy  firent  aprester  à  disner. 

Et  durant  le  temps  que  l'ostesse  apparailloit  ledit  disner,  fut  regardé 
entre  ledit  bastard  et  Voyau  ce  qui  estoit  à  faire  entre  eulx,  et  con- 
clurent que  ledit  bastard  s'en  retourneroit  aux  forbours  dudit  Saint- 
Denys,  et  ledit  Voyau  demourroit  audit  pont.  Et  dist  audit  bastard 
qu'après  ce  qu'il  auroit  trouvé  les  moyens  de  l'ouverture  dudit  pont 
et  fait  ses  diligences ,  qu'il  s'en  iroit  après  luy  ausdits  forsbours  de 
Saint-Denis. 

Alors  ledit  bastard  s'en  alla  et  ledit  Voyau  demoura,  qui  besoigna 
si  bien  que  toute  la  nuyt  ledit  pont  de  Charenton  fut  ouvert.  Et  laissa 
icelluy  Voyau  audit  Charenton  ledit  Guyot  Acquest,  qui  estoit  page 
dudit  Guyot  ;  et  dist  à  laditte  hostesse  que  certains  commissaires  dé- 
voient venir  et  qu'elle  gardast  bien  ledit  page  de  dormir,  affin  que  à 
l'eure  que  lesdits  commissaires  passeroient  par  là,  que  ledit  page  feust 
prest  de  monter  à  cheval.  Et  ce  fait^  ledit  Voyau  s'en  alla  ausdits  fors- 
bours Saint-Denis,  où  il  trouva  le  bastard  qui  l'atendoit  pour  faire  faire 
et  mener  à  bonne  fin  leurs  entreprinses.  Et  conclurent  audit  logis  qu'il 
estoit  temps  de  besongner  pour  parfaire  et  mener  affin  leur  ditte  en- 
treprinse,  et  se  partirent  dudit  logis,  requérans  à  leur  hoste  qu'il  leur 
monstrast  le  chemin  pour  aller  à  Louvres  en  Parisis  ;  ce  qu'il  fist  vou- 
1  entiers. 

Et  après  qu'il  fut  parti  de  leur  avoir  monstre  ledit  chemin,  iceulx 
tournèrent  tout  court  par  desoubz  Montfaucon,  et  allèrent  jusques  à 
Saint-Anthoine  des  Champs  et  jusques  à  ung  lieu  où  l'on  mettoit  W& 


271 

ordures  de  la  ville  de  Paris.  Auquel  lieu  il  y  avoit  ung  graut  fossé  ou 
ledit  Guinot,  bastard  et  Voyau  laissèrent  leurs  chevaulx,  et  s'en  allè- 
rent à  la  porte  Saint- Anthoine  près  les  fossez  de  laditte  bastide,  et  fu- 
rent une  espace  de  temps  couchés  sur  le  bort  desditz  fossez,  regardans 
droit  à  la  fenestre  par  où  le  conte  devoit  sortir,  pour  veoir  s'ilz  ver- 
roient  point  de  la  clarté.  Et  ne  furent  guerez  là,  que  Jehan  de  Harmes 
qui  estoit  natif  de  Beauvoys,  qui  estoit  bon,  hardi  homme  d'armes, 
autant  que  nul  pour  ce  temps  se  peust  trouver,,  lequel  ouvrit  une  grant 
voerrière.  Et  lesditz  bastard  et  Voyau  se  levèrent  lors  debout  ou  milieu 
du  chemin,  affin  que  ledit  Jehan  de  Harmes  les  peult  veoir  etapperce- 
voir;  ce  qu'il  fist.  Et  après  ce,  referma  laditte  voerrière,  et  ne  demoura 
guères  après  qu'il  ne  rouvrist  laditte  fenestre  de  rechief,  et  fist  le  signe 
qui  estoit  conclud  entre  eulx  ;  et  incontinant  qu'ilz  apparceurent  ledit 
signe,  icelluy  Jehan  de  Harmes  referma  laditte  fenestre;  et  ledit  bas- 
tard  et  Voyau  s'en  allèrent  à  l'entour  de  la  bastide.  Auquel  bastard 
Voyau  demanda  s'il  avoit  point  pourveu  d'une  sentyne^  ;  et  il  fist  res- 
ponce  que  non.  Et  eulx  estans  sur  les  fossés  virent  une  sentyne  qui  estoit 
de  l'autre  costédes  fossez  de  laditte  ville,  enchaînée  et  fermée  d'une 
serreure  lyée  à  ung  gros  pyeu. 

Et  durant  lequel  temps  il  neigeoit,  gresloit  et  faisoit  grant  froit  ;  et 
nonobstant  ledit  Voyau  se  despouilla  tout  nud  et  se  getta  dedans  les- 
dits  fossez  pour  recouvrer  laditte  sentyne,  et  tellement  fist  hocher  et 
branler  ledit  pieu,  qu'il  l'arracha;  et  luy  estant  près  d'avoir  icelle  sen- 
tyne, survint  quelque  ung  des  serviteurs  du  chasteau  à  une  voirière 
du  portail  de  la  bastide  pour  puyser  de  l'eau;  donc  ledit  Voyau  eut 
grant  paour,  pour  ce  qu'il  faisoit  cler  de  lune,  et  se  cacha  dessoubz  le 
bout  de  laditte  sentyne ,  affln  qu'on  ne  le  peust  appercevoir. 

Et  tantost  après  que  laditte  voirierre  fut  fermée,  Voyau  poussa  de- 
vant lui  la  sentyne  jusques  à  l'eau  vive,  tant  qu'il  ne  povoit  plus  pran- 
dre  fons,  parquoy  il  se  getta  sur  le  bort  de  laditte  sentyne,  et  fist  tant 
qu'il  passa  icelle  du  costé  où  estoit  ledit  bastard  Vigier,  qui  se  mist  de- 
dans icelle  sentyne  avec  les  habillements  dudit  Voyau  qui  se  rabilia; 
et  avoient  deux  grandes  javelines  dedans  laditte  sentyne,  et  menèrent 
icelle  dedans  les  fossez  de  laditte  bastide  par  une  brèche  par  où  l'eaue 
des  fossez  de  la  ville  entroit  dedans  ceulx  de  la  bastide.  Et  après  ce, 
menèrent  laditte  sentyne  dessoubz  le  pont  de  la  basse-court,  où  il  se 
tindrent  ung  peu  de  temps  jusques  ad  ce  que  ledit  de  Harmes  ouvrist 


1.  Un  bateau. 


272 

la  fenestre  (qui  estoit  la  troisiesrae  foys),  et  regarda  en  bas  et  les 
vit. 

Et  tantost  après  ledit  de  Harmes  getta  une  grant  corde  par  laditte 
fenestre,  donc  l'un  des  boutz  tumba  en  la  sentyne  qui  estoit  au  pied  de 
la  tour.  Et  ce  faisant,  ledit  bastard  et  Voyau  se  recommandèrent  de 
bon  cueur  à  monseigneur  saint  Nicolas  ;  et  la  corde  gettée,  ledit 
conte  descendit  par  laditte  corde  ayant  ung  baston  entre  ses  jambes; 
et  si  tost  qu'il  fut  descendu  en  la  sentyne,  ledit  de  Harmes  getta  par  la- 
ditte fenestre  ung  pacquet  d'abillements  dedans  laditte  sentyne,  et 
puis  après  descendit  par  autres  cordes  que  icelluy  de  Harmes  avoitfait 
des  couvertures  et  draps  de  lyt  où  couchoit  ledit  conte  ;  et  eulx  descen- 
duz,  s'en  allèrent  tous  dehors  par  laditte  sentyne  jusques  là  où  estoit 
Guynot  Vigier,  assés  près,  qui  gardoit  les  chevaulx.  Lequel  conte 
arrivé,  ledit  Guyot  et  autres  firent  dilligence  de  monter  à  cheval  et 
s'en  allèrent  droit  au  pont  de  Charenton,  où  Voyau  trouva  ledit  page 
qu'il  y  avoit  laissé,  et  demanda  sa  boete  à  l'ostesse,  et  passèrent  par  le- 
dit pont,  qu'ils  trouvèrent  tout  ouvert. 

Et  aussi,  avant  que  ledit  Voyau  partist  dudit  pont  de  Charenton,  il 
avoit  tant  fait  que  le  musnier  dudit  pont  luy  avoit  promis  passer  la 
rivière  de  Seyne.  Auquel  lieu  ledit  conte  alla,  mais  il  ne  sceut  pas 
trouver  ledit  musnier,  et  estoit  en  sa  loge  endormy  de  l'autre  part  de 
la  rivière.  Et  quant  ilz  virent  qu'ilz  ne  povoient  eschapper  en  cette 
manière,  Hz  menèrent  avec  eulx  le^filz  du  musnier,  qui  par  deux  foys 
appella  sondit  père  ;  mais  ledit  conte  le  fist  cesser  en  luy  disant  qu'il 
les  menast  jusqu'à  Corbeil,  et  luy  donnèrent  de  l'argent;  ce  que  flst 
ledit  filz.  Et  tant  chevauchèrent  qu'ilz  approchèrent  dudit  Corbeil, 
parquoy  renvoièrent  ledit  guide,  en  luy  disant  par  ledit  conte  que, 
s'il  trouvoit  aucuns  chevaucheurs  ou  autres  qui  luy  demandassent  s'il 
avoit  personne  veu,  qu'il  dist  que  non;  ce  que  le  filz  dudit  musnier 
leur  promist  faire. 

Et  ledit  conte  et  sa  compaignye  arrivez  es  forsbours  dudit  Corbeil, 
du  costé  du  chastel,  trouvèrent  les  portes  closes  ;  mais  si  bien  leur  ad- 
vint, qu'ilz  trouvèrent  ung  jeune  clerc  qui  alloit  à  matines,  qui  estoit 
à  la  porte,  auquel  ilz  demandèrent  si  les  portes  ouvreroyent  bien 
tost  ;  et  en  ce  disant,  le  clerc  regarda  à  icelle  porte  s'elle  estoit  fermée  à 
clef,  et  trouva  que  non  ;  par  quoy  ouvrit  la  porte,  et  ce  fait,  passa  le- 
dit conte  et  ses  gens  parmy  la  ville  jusques  a  l'autre  porte,  laquelle  ilz 
trouvèrent  fermée.  Et  à  ceste  cause  descendit  ledit  Voyau  et  alla  à 
celluy  qui  avoit  les  clefz,  et  luy  dist  que  c'estoit  mal  fait  à  luy  qu'il 
lï'avoit  plus  matin  ouvert  lesditez  portes.  Toutefoys  ledit  Voyau  luy 


273 

donna  six  blancs,  et  incontinant  il  alla  ouvrir  laditte  porte.  Et  eulx 
issuz  de  la  ville,  tirèrent  leur  chemin ,  et  allèrent  passer  pardevant  la 
raaiaderie  dudit  Corbeil  ;  et  auprès  d'icelle  raaladerie  avoit  nne  croix 
devant  laquelle  le  conte  descendit,  et  luy  descendu  se  myst  à  deux  ge- 
noulx  devant  icelle  croix  et  fist  grant  révérance  et  honneur  à  laditte 
croix,  rendant  grâces  à  Dieu  et  à  sa  benoiste  mère  de  sa  délivrance. 
Et  ce  fait,  remonta  à  cheval  avec  sa  ditte  compagnie,  c'est  assavoir 
luy,  Guynot  Vigler,  le  bastard  Vigier,  Voyau  d'Ymonville,  Le  Goujat, 
Guiot  Acquest  et  Jehan  de  Harmes,  qui  estoit  en  somme  sept  chevaulx, 
et  s'en  allèrent  disner  au  Vaudoéi.  Et  sur  le  chemin  ledit  conte  se 
resjouissoit  et  chantoit  à  haulte  voix,  de  grant  joye  qu'il  avoit,  ensem- 
ble tous  ceutx  de  sa  compaignye. 

Et  après  qu'il  eut  repeu  legièrement  audit  Vaudoé,  conclurent  en- 
semble d'eux  détracquer  et  départir  par  divers  chemins,  pour  eulx  rendre 
tous  auprès  de  Nemours,  et  illec  attendre  l'un  l'autre;  ce  qu'ilz  firent. 
Et  illec  trouvèrent  ledit  conte  qui  s'en  alla  avec  sa  dite  compaignie  au 
giste  à  Ferrières  2,  où  ledit  conte  fut  congnu.  Auquel  lieu  de  Ferrières 
il  reposa  bien  peu,  et  donna  cent  soubz  pour  faire  recouvrir  Notre- 
Dame  de  Bethlehem  ;  et  dès  deux  heures  après  mynuyt  ou  plus  tost, 
se  partit  et  sa  compaignie,  et  s'en  alla  à  Bonny  sur  Loyre,  distant  du- 
dit Ferrières  de  quinze  lieues  ou  plus.  Auquel  lieu  de  Bonny  sembla- 
blement  furent  cougneuz,  et  leur  fist  on  bonne  chiere. 

Et  après  laditte  repeue  faitte,  ledit  conte  de  Dampraartin  passa  la 
livière  de  Loyre  audit  Bonny,  et  s'en  allèrent  au  giste  à  Lezé^.  Auquel 
lieu  de  Lezé  ledit  conte  trouva  ceulx  qui  s'ensuyt  :  c'est  assavoir,  ung 
nommé  Grant  Jehan  Tavernat,  jeune  homme  qui  portoit  des  lettres  du 
duc  de  Bourgoigne  au  duc  de  Berry  ;  ung  nommé  Pierre  Pastron,  qui 
portoit  lettres  du  conte  d'Armignac  au  conte  de  Charroloys;  ung 
nommé  Anthoine  de  Jantes,  qui  portoit  lettres  de  monseigneur  du 
Mayne à  monseigneur  de  Nemours;  ung  nommé  Nicolas  Boucher,  na- 
tif de  Bretaigne,  au  conte  de  Charroloys;  ung  nommé  Martin  Bénédi- 
cité, qui  portoit  lettres  de  lacontesse  de  Dampmartin  audit  conte,  pour 
ce  qu'il  le  cuidoit  trouver  en  la  bastide  à  Paris,  qui  fut  la  cause  pour 
quoy  il  alloit  après,  et  aussi  que  par  plusieurs  autres  foys  il  luy  avoit  porté 
des  lettres  touchant  son  empeschement  ;  ung  nommé  Durant  Mavieulx, 
qui  portoit  lettres  de  monseigneur  d'Alebret  au  conte  de  Charroloys  ; 

1.  Le  VaufJoué,  aujourd'hui  dans  l'arrondissement  de  Fontainebleau. 

2.  Près  de  Moutargis. 

3.  Cgnigez  Léré,  qui  est  la  prenaière  ville  du  Berry,  quand  on  a  passé  la  Loire  à 
Bonny. 


274 

ung  nommé  Carbonnel,  qui  portoit  lettres  du  duc  de  Berry  au  conte 
de  Charroloysi.  Desquels  dessusditz  Pierre  Pastron,  Nicolas  Boucher, 
Durant  Mavieulx  et  Carbonnel,  qui  portoient  lettres  audit  conte  de 
Charroloys,  furent  envolées  lesdittes  lettres  pour  ledit  conte  2  par  un  cor- 
delier  auquel  il  bailla  de  l'argent  pour  ce  faire,  et  se  servit  d'eulx  en 
son  affaire  ;  et  des  autres,  qui  portoient  lettres  aux  autres  seigneurs, 
furent  envolées  par  ung  autre  cordelier  à  qui  ledit  conte  pareillement 
bailla  de  l'argent  3.  Tous  lesquelz  dessus  ditz  nommez  furent  fort 
joyeulx  d'avoir  trouvé  ledit  conte  pour  ce  qu'il  tenoit  le  party  du  duc 
de  Berry,  et  le  servirent  en  son  affaire. 

Et  scey  ces  choses  estre  vrayes  pour  ce  que,  quant  le  conte  de  Damp- 
martin  fut  retourné  en  la  bonne  grâce  du  roy,  il  en  fut  assermenté,  et 
estoye  présent  quant  il  nomma  au  roy  les  dessus  ditz  qui  lui  avoient 
fait  service  après  son  eschappement. 

Vengeance  du  comte  de  Dammartin  contre  la  famille  Cœur. 

Et  duquel  lieu  de  Lezé  ledit  conte  de  Dampmartin  s'enpartit  au 
matin  dès  deux  heures,  et  fist  chevaucher  devant,  pour  descouvrir  le 
pais,  ung  page  assez  entendu  pour  aller  à  Sancerre  savoir  des  nouvelles, 
pour  ce  que  [la  ditte  villeestoità]  monseigneur  Du  Beuil,  chevalier très- 
vertueulx  de  bonne  renommée,  conte  dudit  Sancerre,  qui  estoit  amy  du 
conte  de  Dampmartin,  et  estoit  homme  de  bon  renon.  Ce  nonobstant  le 
roy  luy  avoitosté  l'offlce  d'amiral  de  France,  pour  le  donner  au  seigneur 
de  Montauban;  donc  ledit  conte  Du  Beuil  estoit  très-mal  content; 
et  à  ceste  cause  tenoit  laditte  ville  de  Sancerre  le  parti  du  duc  de 
Berry. 

Et  ledit  conte  estant  audit  Sancerre,  dist  audit  Voyau  qu'il  allastjus- 
ques  aux  barrières  de  la  ville  pour  parler  à  un  nommé  Thibergault, 
alors  gouverneur  de  laditte  conté,  pour  ce  que  ledit  conte  le  congnois- 
soit;et  à  l'eure  n'y  trouva  ledit  Thibergault;  parquoy  ledit  Voyau, 
voyant  qu'il  ne  trouvoit  point  ce  qu'il  sarchoit,  requist  à  plusieurs 
gens  de  bien  estans  à  la  porte  dudit  Sancerre  qu'on  luy  dist  nouvelles 
dudit  seigneur  du  Beuil,  conte  dudit  Sancerre.  A  laquelle  porte  estoit 
ung  nommé  maistre  Jehan  Girard,  lequel  sortist  de  ladite  ville  et  alla 

l.Tous  ces  personnages  étaient  les  commissionnaires  des  conspirateurs  du  Bien 
public. 

2.  C'est-à-dire  Antoine  de  Chabannes, 

3.  J'ai  corrigé  cette  phrase  inintelligible  dans  le  Ms.  en  substituant  desquels  à 
lesquels  dans  le  premier  membre,  et  des  mitres  à  les  autres  dans  le  second. 


275 

avec  ledit  Voyau  jusques  à  la  maladerie  de  Sancerre  où  esloit  ledit 
conte  de  Dampmartin,  et  lequel  conte  dist  audit  Girard  qu'il  lui  prioit 
qu'il  retournast  en  la  ville  et  qu'il  luy  fist  venir  Thibergault,  s'il  le 
veoit  ;  ce.  qu'il  list. 

Et  eulx  estans  à  laditte  maladerie  et  ainsy  qu'ilz  parloient  ensemble, 
virent  venir  ung  chevaucheur,  bien  monté  sur  ung  cheval  de  poil  gris; 
auquel  fut  demandé  par  ledit  Voyau  donc  il  venoit;  et  il  luy  respondit 
qu'il  venoit  de  Montargis.  Et  ledit  conte  estant  assés  loing  de  ses  dits 
gens,  distà  iceulx  :  «  Sachiez  donc  il  vient.  »  Et  il  respondit  audit  Guy- 
not  Acquest  qu'il  venoit  de  Gyen,  puis  dist  qu'il  venoit  de  Saint-Fer- 
geau.  Donc  ledit  Voyau  luy  dist  qu'il  estoit  contraire  en  ses  paroUes; 
parquoy  ledit  conte  voyant  sa  variation,  comme  se  congnoissoit  en  plus 
granl  matière  queicelle,s'aprouchadudithommeet  luy  demanda  à  qui  il 
estoit.  Lequel  luy  respondit  qu'il  estoit  à  l'archevesque  de  Bourges.  Et 
devés  savoir  que  à  ceste  cause  ledit  conte,  rempli  de  ire  et  de  mautallent, 
donna  des  espérons  à  son  cheval  et  ala  contre  ledit  homme,  et  telle- 
ment le  heurta  que  il  le  tumba  par  terre.  Et  icelluy  tumbé,  ledit  bas- 
tard  descendit  et  print  la  boete  qui  estoit  à  l'arçon  de  sa  selle,  et  icelle 
bailla  audit  conte,  qui  en  fist  ouverture.  Et  ce  pendant  icelluy  bastard 
releva  icelluy  homme  tumbé,  et  en  le  relevant  mist  sa  main  en  sa 
bource,  en  laquelle  trouva  deux  pièces  d'or  et  ung  signet  pesant  quatre 
escus  ou  environ. 

En  faisant  lesquellez  chosez  par  ledit  bastard,  ledit  homme  tumbé 
leregardoiti  piteusement;  parquoy  ledit  Voyau  lui  demanda  qui  le 
mouvoit  à  faire  si  mauvaise  chère.  Lequel  respondit  que  c' estoit  pour 
ce  que  ledit  bastard  luy  avoit  osté  deux  pièces  d'or  ensemble  ung  si- 
gnet d'or  qu'il  avoit  en  sa  bource,  donc  il  signoit  en  la  court  de  l'offi- 
cial  dudit  Bourges.  Icelluy  serviteur  dist  et  déclaira  que  par  l'ordon- 
nance dudit  archevesque  il  avoit  esté  à  Saint-Fergeau,  devers  Geuffroy 
Cueur,  qui  estoit  audit  lieu,  pour  lui  nottiffier  et  dire  qu'il  gardast 
bien  la  place  dudit  Saint-Fergeau,  pour  celle  émocion  qui  estoit  es- 
meue  par  le  duc  de  Berry  et  les  seigneurs  de  France  contre  le  roy  ;  et 
que,  pour  quelque  rescription  qui  faicte  luy  fust,  il  ne  mist  personne  en 
ladicte  place,  ne  ne  saillist  d'icelle,  sinon  qu'il  veist  le  signet  d'or  de 
son  frère  l'archevesque,  qui  estoit  le  signet  que  ledit  bastard  lui  avoit 
osté.  Et  ce  fait,  après  plusieurs  autres  parolles,  ledit  conte,  ses  gens 
et  le  serviteur  dudit  archevesque  allèrent  disner  en  la  ville  dudit  San- 
cerre. 

1 .  Regardant  dans  le  Ms. 


276 

Et  après  le  disner  demanda  à  eeulx  de  laditte  ville  qu'on  iuy  bailiast 
quelques  gens  pour  l'aceompaigner.  Au  moyen  de  quoy  eeulx  de  laditte 
ville  Iuy  baillèrent  deux  francs  archiers,  dont  l'un  avoit  nom  Christo- 
fle  Barbarin  ,  desquelz  il  fut  receu  à  bonne  chère  ;  et  s'en  partit  ledit 
conte  dudit  Sancerre,  et  avec  Iuy  mena  ledit  raaistre  Jehan  Girard,  les 
dessus  ditz  qu'il  avoit  trouvez  audit  Liroye^,  et  passa  par  le  pont  Saint- 
Tybault  et  par  les  faulxbours  de  la  ville  de  Cosne  2.  Auquel  lieu  il 
trouva  trois  archiers  qui  estoient  à  messire  Philebert  de  Thorcy  ;  et 
s'en  alla  jusques  auprès  dudit  Saint-Fergeau,  auquel  lieu  fist  troys  ara- 
busches. 

Et  ce  fait,  icelluy  conte  descendit  en  l'ostel  d'un  nommé  Bichereau, 
près  dudit  Saint-Fergeau,  et  mena  avec  Iuy  ledit  serviteur,  et  Iuy  fist 
escripre  des  lettres  adressans  à  Geuffroy  Gueur,  qui  furent  baillées  à 
l'un  des  ditz  francs'archiers,  avec  le  plaquet  dudit  archevesque. 

Lesquellez  lettres  receuespar  ledit  Geuffroy  Cueur,  avec  ledit  pla- 
quet, incontinant  follement  issit  hors  de  laditte  place  de  Saint-Fergeau 
avecques  ung  nommé  Bernard,  son  maistre  d'ostel,  et  ung  nommé  Di- 
menche  Brimon,  son  serviteur,  et  allèrent  jusques  à  la  croix  de  Vau- 
vert.  A  laquelle  croix  ledit  Bernard  alla  devant,  vers  la  maison  dudit 
Bichereau,  et  ledit  Dimenche  vers  le  boulin.  Et  en  aprouchant  par  le- 
dit Bernard  à  l'ostel  dudit  Bichereau,  dès  ce  que  le  dit  conte  les  vit, 
il  n'eut  aucune  passience  qu'il  ne  suyvist  ledit  Bernard  vigoureuse- 
ment jusques  ad  ce  qui  l'eust  attaint.  En  laquelle  attainte  Iuy  donna 
plusieurs  coups  d'espée,  et  fut  chassé  jusques  à  laditte  croix  de  Vau- 
vert. 

Et  en  ce  faisant,  ledit  conte  vit  traverser  ledit  Voyau  du  Beau-Ches- 
ne,  lequel  lieu  est  constitué  en  Puisaye.  Auquel  Voyau  ledit  conte  de- 
manda donc  il  venoit;  lequel  Iuy  respondit  qui  venoit  de  là  où  il  l'a- 
voit  envoyé.  Et  ledit  conte  Iuy  dist  :  «  Nous  avons  perdu  nostre 
homme,  »  et  ledit  Voyau  respondit  :  «  Vous  n'avés  rien  perdu  ;  regar- 
dés derrière  vous,  vous  verres  qu'on  le  vous  amène.  »  Et  ledit 
conte  Iuy  demanda  s'il  savoit  bien  ce  que  c'estoit;  il  Iuy  respondit 
que  oy. 

Alprs  ledit  conte  ne  bougea  et  attendit  ledit  Geuffroy  Cueur  à  laditte 
Croix,  et  sitost  que  ledit  Cueur  congnut  ledit  conte  de  Dampmartin, 
requist  à  eeulx  qui  le  raenoient  qu'ilz  le  laissassent  descendre  ;  ce  qu'ilz 
firent.  Et  quantleditGeuffroy  Cueur  s'aproucha  dudit  conte,  se  mistà  deux 
genoulx  devant  Iuy,  Iuy  requérant  mercy.  Lequel  conte  icelluy  releva 

1 .  c'est  toujours  Lérc. 

2.  Rosne  dans  le  Ms. 


277 

et  le  print  par  dessoubz  lesbras^  et  luy  dist:  «  N'aiez  peur;  »  et  le  mena 
à  pied  jusques  à  la  porte  de  la  ville  dudit  Saint-Fergeau,  laquelle  ilz 
trouvèrent  fermée.  Et  estoit  sus  le  portai  de  laditte  porte^la  femme  de 
Jehan  Cueur-de-Roy,  natif  de  Bretaigne,  boulengier ,  messire  Jehan 
Marehaiz  prestre,  et  Jehan  le  Fèvre.  Laquelle  femme  congnut  ledit  conte 
à  son  parler;  pourquoy  elle  descendit  en  bas  et  ouvrit  la  porte.  Et  le- 
dit des  Marehaiz  et  Fèvre  s'en  fouyrent,  voyant  ledit  conte  ;  et  laditte 
porte  ouverte,  entra  dedans  laditte  ville,  menant  toujours  ledit  Cueur, 
et  alla  jusquez  à  la  porte  du  chastel  de  Saint-Fergeau  avec  ses  gens.  Et 
eulx  estans  devant  la  porte  dudit  chastel,  ledit  Voyau  vit  Estienne 
Dassigny  qui  avoit  ouvert  une  des  voirières  du  portai  dudit  chastel  ;  et 
derrière  icelluy  Dassigny  avoit  deux  ou  troys  grosses  arbalestes  beii- 
dées  ;  pour  laquelle  cause  ledit  Voyau  se  couvrit  de  son  cheval  et  dist 
audit  conte  qu'il  se  couvrist  dudit  Cueur  ;  ce  qu'il  fist;  et  dist  à  icelluy 
Cueur  :  «  Faictes  bien  tost  ouvrir  la  porte,  ou,  par  la  Vierge  Marie,  je 
vous  feray  pendre  à  ceste  barrière.  »  Et  incontinant  ledit  Geuffroy 
Cueur  crya  à  ses  gens  :  «  Ouvrez  la  porte,  car  il  n'est  pas  temps  de 
fermer  l'estable  quant  les  chevaulx  sont  perduz.  » 

En  laquelle  place  ledit  conte  entra,  et  n'y  avoit  aucuns  biens  meu- 
bles, synon  ung  pou  de  vins  venuz  du  cru  de  Ferreuse,  dont  ledit 
conte  avoit  fait  planter  la  vigne.  Et  le  reste  des  autrez  biens  ledit  Cueur, 
peu  de  temps  avant,  avoit  fait  mener  audit  Bourges. 

Et  ce  fait,  bailla  ledit  conte  son  prisonnier  en  garde  à  Guynot  Vi- 
gier,  et  puis,  sur  la  nuyt,  ledit  Voyau  s'en  alla  en  laditte  ville  par  de- 
vers ung  nommé  Thienon  Gillet  qui  avoit  en  garde  les  clefs  de  laditte 
ville,  et  luy  ordona  fermer  les  portes  de  laditte  ville  et  mettre  guect  et 
garde  sur  les  murailles  d'icelle,  et  print  les  clefs  et  les  apporta  audit 
chastel.  Et  en  soy  départant  dudit  Gillet,  icelluy  dist  audit  Voyau  que, 
se  ledit  conte  de  Dampmartin  estoit  dilligent,  il  recouvreroit  bien  Saint- 
Moricei.  Lequel  Voyau  s'en  alla  audit  chastel,  et  trouva  ledit  conte  qui 
luy  demanda  donc  il  venoit;  lequel  Voyau  luy  dist  qu'il  venoit  de  qué- 
rir les  clefs  de  la  ville  et  qu'il  avoit  sceu  de  bonnes  nouvelles,  qui  es- 
toient  tellez  que,  si  ledit  conte  faisoit  diligence,  il  recouvreroit  Saint- 
Morice,  pour  ce  que  audit  lieu  n'y  avoit  que  ung  nommé  le  Carme 
et  le  prieur  de  Pluraarché2,  «  et  n'avés  que  à  prandre  Geuffroy  Cueur, 
le  mettre  sur  une  muUe  et  le  mener.  »  Ce  qu'il  pleut  audit  conte;  et 
ordonna  à  icelluy  Voyau  soy  lever  dès  deux  heures  après  mynuyt,  et 

1.  Saint-Maurice-sur-Tholon,  aujourd'hui  dans  le  département  de  l'Yonne. 

2.  Nom  défiguré  par  l'écrivain  du  Ms.  On  lit  plus  loin  Planmarché. 


278 

aussi  ordonna  audit  Jehan  de  Harmes  qu'il  allast  parler  à  luy  ;  ce  qu'il 
fist  5  et  luy  ordonna  qu'il  allast  dire  audit  Guynot  qu'il  ne  fust  endormy, 
et  qu'il  fust  prest  à  deux  heures  après  mynuyt  avec  son  prisonnier. 
Lequel  Guynot  en  obtempérant  audit  conte  fut  prest,  ensemble  sondit 
prisonnier,  à  ladite  heure,  et  aussi  la  muUe  et  chevaulx.  Et  montèrent 
à  cheval  et  s'en  allèrent  audit  Saint-Morise.  Et  du  lieu  de  Fontaine,  le- 
dit conte  envoya  Jehan  de  Harmes  devant  jusques  à  Saint-Morise  et 
luy  dist  qu'il  chevauchast  fort,  car  ceulx  dudit  lieu  congnoistroient  son 
cheval;  parquoy  incontinantsans  difficulté  lemettroient  dedanz,  pour 
l'amitié  qu'ilz  lui  portoient  à  cause  qu'il  les  avoit  tousjours  bien  traic- 
tés  ;  ce  qu'il  fist.  Ledit  Voyau  et  luy  estant  près  dudit  Saint-Morise,  son 
cheval  commença  fort  à  cryer,  parquoy  le  guet  qui  estoit  sus  le  por- 
tail de  la  bassecourt  vit  icelluy  Voyau  et  le  congneut,  et  tantost  des- 
cendit en  bas  et  ouvrit  la  porte,  en  disant  par  eulx  que  ledit  conte  ve- 
noit  après. 

Lesquelles  portes  ouvertes,  il  entra  dedans  laditte  basse-court  où  il 
ne  trouva  à  qui  parler,  et  s'en  alla  à  la  porte  du  chasteau,  laquelle  il  vit 
ouverte,  et  estoit  à  chacun  des  costés  ledit  Carme  et  le  prieur  de  Plan- 
marché.  Lequel  Carme  ledit  Voyau  print  par  les  cheveulx  et  le  tint  jus- 
ques ad  ce  que  ledit  conte  et  ses  gens  fussent  venuz  dedans  ledit 
chasteau,  auquel  lieu  ledit  conte  fit  bonne  chère  toute  la  journée. 

Et  le  lendemain  ledit  conte  de  Dampmartin  s'en  retourna  à  Saint- 
Fergeau  et  laissa  ledit  prisonnier  en  garde  au  dit  bastard  Vigier,  en- 
semble la  place  dudit  Saint-Morise.  Et  dudit  Saint-Fergeau  ledit  conte 
s'en  alla  à  Moulins  en  Bourbonnoys  ;  et  lui  estant  audit  lieu,  manda 
ausdiz  Guynot,  bastard  et  Voyau,  qu'ilz  luy  menassent  ledit  prisonnier 
jusquez  oultre  la  rivière  de  Loyre;  ce  qu'ilz  firent.  Et  passèrent  entre 
Cosne  et  la  rivière  de  Loyre.  Et  ainsi  qu'ilz  passoient ,  avoit  à  Cosne 
des  francs  archiers  qui  saillirent  sur  eulx,  et  ledit  Voyau,  Jehan  de 
Harmes  et  autres  chargèrent  sus  lesdits  francs  archiers  et  passèrent 
pardessus  la  rivière,  et  enmenoirent  ledit  Geuffroy  Cueur  au  port  Saint- 
Thybault,  et  Guynot  le  bastard,  Jehan  de  Harmes  et  autres  de  leur 
compaignye  portoient  le  faiz  et  recueillirent  lesditz  francs  archiers , 
tant  qu'ilz  arrivèrent  audit  port  et  se  saulvèrent.  Et  quant  ilz  furent 
tous  passez ,  ilz  chargèrent  ledit  Geuffroy  Cueur  et  l'enmenoirent  une 
partie  de  la  nuit  à  Montigny  i,  en  l'ostel  de  Jean  de  la  Granche,  ancien 
annemy  dudit  conte. 

Et  le  lendemain  au  matin,  quant  ilz  furent  partis  dudit  Montigny, 

1.  Aujourd'liui  dans  l'arrondissement  de  Sancerie. 


279 

•• 

rencontrèrent  plusieurs  geutilzhommes  de  la  maison  de  monseigneur 
de  Bourbon  qui  venoieut  quérir  ledit  Geuffroy  Cueur,  pour  ce  que  ledit 
conte  de  Dampmartin  les  en  avoit  advertiz  qu'ilz  se  trouvassent  audit 
lieu,  et  le  menèrent  à  Hesnay-le-Chasteau  i,  et  de  là  s'en  retournèrent 
à  Moulins,  et  laissèrent  ledit  Cueur  en  garde  à  Patris  Foucart,  Escos- 
soys,  qui  estoit  pour  lors  cappitaine  dudit  Hesnay,  jusquez  ad  ce  que 
aultrement  monseigneur  de  Bourbon  et  ledit  conte  de  Dampmartin  en 
eussent  ordonné.  Lequel  monseigneur  de  Bourbon  et  le  conte  de  Damp- 
martin depuis  baillèrent  ledit  Cueur  à  Jehan  de  Ferrières  l'aisné,  qui 
pour  lors  estoit  bailly  de  Beaujoletz ,  qui  le  tint  une  espace  de  temps 
audit  Hesnay,  tant  que  ledit  Geuffroy  Cueur  eschappa,  et  ne  scet-on 
comment,  sinon  qu'il  fut  grant  bruit  que  ledit  Ferrièïes  en  avoit  eu  de 
l'argent,  tellement  qu'il  en  fut  noté,  et  en  dyminua  grandement  de  son 
honneur. 

1.  On  écrit  aujourd'hui  Aisnay.  C'est  un  bourg  de  l'arrondissement  de  Montluçon 
(Allier). 

{La  suite  des  Extraits  à  une  autre  livraison.) 
J.  QUICHERAT. 


280 

BIBLIOGRAPHIE. 

HiSTOiBE  de  la  conquête  de  la  Normandie  par  Philippe-Auguste ,  en 
1204;  par  A.  Poignant.  Paris ,  Sagnier  et  Bray.  1854,  in-S»  de  230  p. 

«  Retracer  les  vicissitudes  de  la  lutte  qui ,  dans  les  premières  années 
du  treizième  siècle,  a  eu  lieu  entre  la  France  et  l'Angleterre  pour  la  pos- 
session de  la  Normandie,  et  étudier  comment  s'est  opérée  la  réunion  dé- 
finitive de  cette  belle  et  riche  province  à  la  France ,  »  tel  est  l'objet  de  l'ou- 
vrage de  M.  Poignant.  Sans  aucune  prétention  scientifique,  l'auteur  a  ra- 
conté d'une  manière  élégante  et  facile  les  principaux  événements  qui  firent 
rentrer  la  Normandie  dans  le  domaine  des  rois  de  France.  Pour  découvrir 
la  vérité,  il  a,  en  juge  impartial,  consulté  les  auteurs  originaux  et  contrôlé 
les  uns  par  leg  autres  les  témoignages  des  historiens  français  et  des  histo- 
riens anglais. 

Ces  mérites  reconnus ,  nous  ne  pouvons  dissimuler  les  taches  qui  dépa- 
rent V Histoire  de  la  conquête  de  la  Normandie.  L'auteur  s'est  privé  de 
ressources  bien  précieuses  en  ne  mettant  pas  à  contribution  les  documents 
diplomatiques  récemment  publiés  par  la  Commission  des  archives  d'An- 
gleterre, par  M.  Stapleton  et  par  la  Société  des  antiquaires  de  Normandie. 
Il  a  aussi ,  sur  quelques  points ,  accordé  trop  de  confiance  aux  ouvrages 
de  seconde  main.  De  là,  des  inexactitudes,  principalement  dans  le  chapi- 
tre où  il  a  tracé  un  tab/eau  de  la  Normandie  au  moment  de  la  conquête 
par  Philippe-Auguste. 

L.  D. 

L.  VOLKMAR,  tribunali  Boruss.  supr.  advocatus,  Pabœmia  etregulx 
juris  Romanorum,  Germanorum ,  Franco-Gallorum,  Britannorum. 
Berlin,  1854.  Allgem.  deutsche  Verlags-Anstalt.  In-16  de  vi  et  513  p. 

On  ne  saurait  contester  l'utilité  d'un  recueil  complet  des  maximes  gé- 
nérales du  droit  romain,  germanique,  français  et  anglais,  résumées  dans 
ces  aphorismes,  qui  les  revêtent  souvent  d'une  forme  originale  et  piquante. 
Un  semblable  travail,  fait  avec  critique,  fournirait  de  bons  matériaux  pour 
l'étude  des  législations  comparées  et  pour  l'histoire  du  droit.  La  compilation 
de  M.  Volkmar  ne  remplira  pas  ce  but  :  on  pourrait  même  lui  reprocher 
de  nombreuses  inexactitudes ,  des  omissions  plus  nombreuses  encore ,  l'ab- 
sence de  commentaires,  si  l'auteur  ne  nous  avertissait  qu'il  a  écrit  son 
livre  pour  sa  satisfaction  personnelle. 

Ce  petit  volume  est  divisé  en  quatre  parties  :  1"  Parœmia  Romanorum 
(p.  1-333).  Règles  de  droit  extraites  du  Corpus  juris ,  et  brocards  em- 
pruntés aux  glossateurs;  l'auteur  a  négligé  des  textes  plus  anciens  qui  au- 
raient pu  lui  fournir  des  axiomes  importants  à  noter  (Cf.  Gaïus,III, 
§  180,  IV,  §  140,  etc.).  —-Parœmia  Germanorum  (p.  335-367),  Recueil 


281 

d'axiomes  empruntés  à  Eisenhart  et  de  proverbes  qui  n'ont  pas  toujours 
trait  au  droit  (Ex.  :  «  à  10  ans,  enfant;  à  20  ans,  jeune  hommme  »). 
3°  Parœmia  Franco-Gallorum  {p.  371-495)  ;  les  Institutes  coutiimières  de 
Loysel  ont  fait  tous  les  frais  de  cette  partie.  4"  Parœmia  Britannorum 
(p.  499-513),  réimpression  de  la  Table  of  légal  maxims ,  qui  se  trouve 
dans  l'ouvrage  de  Warren ,  intitulé  :  ^  particular  introduction  ta  Law 
studies. 

Ad.  t. 

Revue  de  V Anjou  et  de  Maine-et-Loire ,  publiée  sous  les  auspices  du 
Conseil  général  du  département  et  du  conseil  municipal  d'Jngers,  par 
MM.  Paul  Marchegay,  A.  Lemarchand  et  L.  Cosnier.  Angers,  Cosnier  et 
Lachèse.  1852  et  1853. 

Nous  demandons  pardon  à  nos  lecteurs  de  ne  pas  leur  avoir  fait  con- 
naître plus  tôt  une  revue  qui  termine  déjà  sa  troisième  année  d'existence, 
et  qui  a  pris  un  rang  très-honorable  parmi  les  recueils  consacrés  à  l'étude 
consciencieuse  de  nos  antiquités  nationales. 

La  Revue  d'Anjou  est  comme  une  bibliothèque  historique  de  la  pro- 
vince, et  on  y  trouve,  non-seulement  les  travaux  de  la  génération  ac- 
tuelle, mais  encore  des  études  médites  et  savantes  faites  par  les  auteurs 
qui  l'ont  précédée. 

L'histoire  générale  y  a  pour  interprète  Barthélémy  Roger,  savant  béné- 
dictin de  l'abbaye  de  Saint-Nicolas  d'Angers.  Son  Histoire  d'Anjou,  bien 
supérieure  à  tout  ce  qui  avait  été  fait  jusqu'à  lui,  n'est  point  cependant 
exempte  de  défauts;  ainsi,  tout  en  rejetant  les  origines  fabuleuses  d'Angers, 
il  nous  donne  la  liste  des  rois  de  la  Gaule,  qu'il  fait  remonter  quelques 
siècles  avant  la  prise  de  Troie.  Nous  ne  voulons  point  relever  avec  trop 
de  sévérité  quelques  erreurs  géographiques,  comme  quand  il  met  Pont- 
levoye  dans  le  voisinage  du  Mans  au  lieu  de  Pontlieu ,  ou  quand  il  prend 
le  Port-Cordon  pour  Saint-Mars-la-Pille;  mais  nous  lui  reprochons  d'avoir 
rompu  le  fil  des  événements  pour  nous  donner  d'un  seul  trait  les  mono- 
graphies de  toutes  les  institutions  ou  corporations,  à  mesure  que  la  date 
de  leur  fondation  l'amène  à  parler  d'elles.  Quoi  qu'il  en  soit,  nous  n'en 
sommes  pas  moins  très-reconnaissants  aux  éditeurs  de  la  Revue  d'avoir 
enrichi  leur  recueil  d'un  travail  aussi  important  (527  pages),  et  qui ,  resté 
inédit  et  même  inconnu  pendant  près  de  deux  siècles ,  n'en  est  pas  moins 
l'ouvrage  le  plus  complet  et  le  plus  consciencieux  qui  ait  été  fait  sur  cette 
province. 

Les  Recherches  sur  le  Fieil-Baugé  par  M.  Marchegay  prouvent  ce  que 
peut  faire  la  patience  dans  les  investigations,  unie  à  l'érudition.  Grâce  à 
notre  confrère,  outre  la  fondation  de  l'importante  forteresse  de  Baugé  au 
commencement  du  onzième  siècle,  et  la  célèbre  victoire  sur  les  Anglais  de 
l'an  1421,  nous  connaîtrons  la  succession  des  seigneurs  de  Baugé,  les  fon- 
dations de  ses  églises,  et  ces  querelles  interminables  du  clergé  régulier  et 
\.  [Quatrième  série.)  19 


•282 

séculier  auxquelles,  dans  ces  temps  anciens/s'intéressait  la  population  touî 
entière. 

Parmi  les  autres  travaux  sur  l'histoire  civile ,  nous  avons  remarqué  la 
longue  étude  sur  saiut  Louis  en  Anjou,  par  M.  Lemarchand.  Le  résumé  de 
l'histoire  des  diverses  constructions  du  château  d'Angers  est  puisé  aux 
bonnes  sources.  M.  Paye,  conseiller  à  la  cour  impériale  de  Poitiers,  a  dis- 
cuté avec  talent  l'origine  des  droits  des  comtes  d'Anjou  sur  la  Saintonge  , 
et  s'est  attaché  à  prouver,  par  le  témoignage  d'Adémar,  auteur  contempo- 
rain, que  cette  province  fut  inféodée  par  Guillaume  le  Grand,  duc  d'Aqui- 
taine, au  comte  Foulques  Nerra.  Il  termine  par  l'exposé  des  faits  les  plus 
saillants  de  l'histoire  de  la  Saintonge  pendant  tout  le  temps  qu'elle  fut  sous 
la  domination  de  Foulques  Nerra  et  de  ses  successeurs.  Sous  le  titre  de  la 
Fronde  en  Anjou ,  M.  Eugène  Berger  a  fait  le  tableau  animé  des  troubles 
qui  agitèrent  l'Anjou  pendant  les  premières  années  du  règne  de  Louis  XIV. 
Nous  y  voyons  apparaître  le  sévère  Urbain  de  Maillé-Brézé,  gouver- 
neur royaliste  de  l'Anjou;  Henri  Arnaud,  évêque  d'Angers,  invariable- 
ment dévoué  à  la  cause  royale  et  sollicitant  le  pardon  de  son  peuple;  le 
duc  de  Rohan-Chabot ,  gouverneur  de  la  province,  levant  l'étendard  de  la 
révolte  et  entraînant  avec  lui  la  population  angevine,  qui  bientôt  est  obli- 
gée de  se  rendre  à  discrétion.  Nous  aurons  à  citer  encore  les  documents 
communiqués  et  annotés  par  M.  Marchegay  sur  la  sédition  de  la  Tricoterie 
en  1461,  causée  par  l'annonce  de  nouveaux  impôts  que  voulait  lever 
Louis  XI,  et  ceux  qui  concernent  l'entrée  solennelle  de  Jeanne  de  Laval  à 
Angers  et  les  mystères  et  festins  qui  l'accompagnèrent.  M.  le  procureur  gé- 
néral Métivier  a  fait  connaître  dans  un  travail  très-substantiel  le  nombre  (31) 
et  les  attributions  des  anciennes  juridictions  qui  régissaient  la  ville  d'An- 
gers. Nous  avons  été  surpris  de  rencontrer  dans  la  Revue  d'Anjou  l'article 
intitulé  la  Chappelle  Sainte-Émerance ;  l'auteur  jtravestit  l'histoire  en 
roman ,  et  son  coloris  prétentieux  rend  plus  évident  encore  le  défaut  de 
réalité  des  faits  qu'il  raconte. 

L'histoire  ecclésiastique  occupe  une  grande  place  dans  la, Revue  d'Anjou 
et  a  donné  lieu  à  des  travaux  remarquables.  Les  notices  sur  le  prieuré  de 
l'Évière-lez-Angers  et  la  communauté  de  Notre-Dame  des  Gardes  portent 
avec  elles  le  cachet  de  la  vérité;  on  voit  qu'elles  ont  été  écrites  dans  le 
silence  du  cloître.  Non  moins  claire  est  l'histoire  du  prieuré  et  de  la  pa- 
roisse du  château  de  Saumur  par  Dom  Huynes,  mais  on  y  reconnaît  l'éru- 
dition du  bénédictin.  Les  écrivains  modernes  de  la  Revue  ont  su  se  tenir  à 
cette  hauteur,  et  nous  n'aurons  qu'à  citer  les  noms  de  MM.  Marchegay  et 
Quicberat  pour  le  persuader  à  nos  lecteurs.  Celui-ci ,  que  ses  études  sur  le 
quinzième  siècle  avaient  amené  à  visiter  la  chapelle  où  Louis  XI  fit  de  fré- 
quents pèlerinages,  a  fait  l'histoire  complète  des  îles  de  Béhuart.  La  dona- 
tion de  ces  îles  aux  moines  de  Saint-Nicolas  d'Angers,  l'agrandissement 
successif  de  leur  propriété,  l'épisode  du  danger  couru  dans  un  bateau  par 
le  comte  Foulques  qui ,  par  reconnaissance ,  concède  à  un  des  amis  de 


283 

îabbaye  le  péage  depuis  longtemps  sollicité,  les  donations  des  divers  bras 
de  la  Loire  qui  avoisinent  l'île,  telles  sont  les  diverses  phases  qui  sont 
retracées  sous  nos  yeux.  Un  naufrage  auquel  Louis  XI  échappa  en  1442  en 
se  vouant  à  Notre-Dame  de  Béhuard,  fut  l'origine  de  sa  vénération  pour  ce 
sanctuaire.  Il  achète  l'île  en  1431  aux  religieux  de  Saint-Nicolas  et  fonde 
dans  la  modeste  chapelle  un  chapitre  royal  qui  ne  lui  survit  pas. 

M.  Marchegay,  de  son  côté  ,  nous  a  fait  connaître,  par  un  titre  de  996 , 
la  date  de  construction  de  l'église  de  Saint-Michel-la-Pallud ,  à  Angers , 
aujourd'hui  détruite.  Une  charte  de  1110,  traduite  et  commentée,  expose, 
dans  un  récit  naïf  et  plein  d'intérêt,  les  contestations  qui  s'élèvent  entre 
les  religieuses  du  Ronceray  et  les  moines  de  Saint-Serge  pour  l'enterre- 
ment d'un  personnage  nommé  Bernier  Mantel.  Mais  le  travail  le  plus 
remarquable  de  notre  confrère  est  l'histoire  de  l'abbaye  de  Nyoiseau,  fait 
avec  le  soin  consciencieux  que  nous  lui  connaissons. 

Les  écussons  angevins  du  musée  de  Versailles  ont  fourni  l'occasion  à 
M.  Bougler  de  donner  quelques  notes  intéressantes  sur  plusieurs  familles 
de  l'Anjou,  qui  se  sont  illustrées  aux  croisades  ;  seulement  l'historien  a 
élargi  son  cadre  en  y  faisant  entrer  toutes  les  maisons  de  diverses  origines 
qui  ont  aujourd'hui  des  représentants  dans  son  pays.  La  vie  de  François 
de  Scepeaux,  sire  de  la  Vieille-Ville,  et  celle  de  Jean  II,  duc  d'Alençon, 
prince  d'une  valeur  incontestable  mais  d'un  esprit  inquiet  et  turbulent,  ont 
fourni  la  matière  de  deux  études  pleines  d'intérêt.  M.  Léopold  Delisle  a 
écrit,  avec  ce  luxe  de  citations  auquel  il  nous  a  accoutumés,  un  résumé 
très-complet  de  la  vie  de  Guillaume  Longue-Épée,  fils  de  Geoffroi  III  le 
Bel,  comte  d'Anjou.  Enfin,  nous  terminerons  notre  revue  des  mono- 
graphies des  grands  hommes  par  l'indication  de  trois  lettres  patentes  du 
roi  René,  qui  prouvent  combien  il  était  digne  de  ce  surnom  de  Bon  qui  lui 
a  été  donné  par  ses  sujets  de  l'Anjou  et  de  la  Provence.  La  première  offre 
le  charmant  et  naïf  tableau  de  la  remise  d'une  rente  de  onze  sous  au 
pauvre  pêcheur  Enquetin ,  moyennant  la  redevance  annuelle  d'une  platée 
d'ablettes.  Dans  la  seconde,  le  roi  René  assigne  une  pension  à  Nicolas 
W^yart,  savant  médecin,  afin  qu'il  soigne  les  malades  d'Angers  et  des 
environs;  enfin,  dans  la  dernière,  il  fait  aux  fermiers  de  ses  péages,  en 
Anjou,  une  remise  proportionnelle  aux  pertes  qu'ils  ont  subies.  Ces  trois 
pièces  ont  été  exhumées  des  archives  de  Paris  et  d'Angers  par  M,  Mar- 
chegay. 

Nous  devrons  aussi  appeler  l'attention  des  érudits  sur  vingt-neuf  chartes 
en  langue  vulgaire  antérieures  à  1275,  publiées  d'après  les  originaux  par 
notre  confrère.  Un  glossaire  et  une  table  des  noms  de  personnes  et  de 
lieux  complètent  ce  travail. 

L'instruction  publique,  en  Anjou,  n'a  point  été  mise  de  côté.  Nous  avons 
remarqué  surtout  l'histoire  de  V Académie  des  protestants  à  Sanmur,  si 
florissante  au  dix-septième  siècle,  publiée  par  M.  Marchegay  d'après  la 
notice  du  bénédictin  Dom  Jarno  et  divers  documents  inédits.  L'article  de 

19- 


•284 

M.  Boreau  sur  le  premier  jardin  des  plantes  d'Angers  et  les  progrès  de  lu 
botanique  en  Anjou,  nous  a  également  intéressé.  M.  le  président  de  Beau- 
regard  a  résumé  en  quelques  pages  substantielles  la  courte  existence  de  la 
première  société  littéraire  d'Angers.  Il  nous  montre  à  côté  de  l'élite  des 
savants  de  la  province,  d'illustres  associés,  tels  que  Réaumur,  Louis 
Racine,  Florian,  Marmontel  et  Voltaire.  Enfin,  nous  avons  lu  avec  émo- 
tion l'bistoire  du  collège  de  Beau  préau  tracée  par  la  plume  reconnaissante 
de  M.  le  chanoine  Bernier.  On  sent,  en  lisant  ces  pages,  combien  dut  être 
grande  l'influence  exercée  en  Anjou  par  un  établissement  aussi  riche  en 
talents  et  en  dévouements. 

Il  nous  serait  difficile  d'analyser  tous  les  travaux  de  biographies  aux- 
quels ont  donné  lieu  dans  ce  recueil  les  littérateurs  angevins  ;  nous  nous 
contenterons  de  signaler  les  plus  remarquables.  A  leur  tête  comme  im- 
portance est  le  discours  historique  et  critique  sur  les  écrivains  de  l'histoire 
d'Anjou  par  Pierre  Rangeard ,  écrivain  du  siècle  dernier.  Il  y  passe  en 
revue  non-seulement  les  historiens  proprement  dits ,  mais  encore  les 
sources  de  l'histoire  du  pays,  les  anciennes  chroniques,  les  légendes  des 
saints,  les  cartulaires  et  les  chartes.  La  biographie  de  Claude  Ménard  a 
été  écrite  par  M.  Marchegay  d'après  les  notes  de  Toussaint  Grille,  ce  mo- 
deste savant  qui  consacra  sa  vie  à  sauver  les  nombreux  et  magnifiques 
documents  de  l'histoire  d'Anjou,  rachetés  à  sa  mort  par  la  munificence 
éclairée  du  conseil  municipal  d'Angers  et  du  conseil  général  de  Maine-et- 
Loire.  Le  défaut  d'espace  nous  permet  seulement  de  citer  les  études 
consciencieuses  faites  sur  Lazare  et  Antoine  de  Bayf,  Jean  Bodin ,  Jean 
le  Masie,  Jacques  Bruneau  sieur  de  Tartifume,  Volney,  et  surtout  la  notice 
d'un  savant  conseiller  à  la  cour  de  cassation,  M.  Taillandier,  sur  Charles 
Loyson.  L'intérêt  qui  s'attache  à  tout  ce  qui  concerne  madame  de  Sévigné 
fait  lire  avec  plaisir  la  pièce,  publiée  par  M.  de  Falloux,  dans  laquelle  elle 
apparaît  comme  bienfaitrice  de  la  paroisse  de  Grugé. 

L'époque  plus  moderne  de  la  révolution  française  a  été  aussi  explorée 
avec  succès.  L'interrogatoire  d'un  jeune  Vendéen  fournit  des  données  cu- 
rieuses sur  l'organisation  des  armées  vendéennes.  On  devra  le  rapprocher 
d'un  tableau  plein  d'intérêt,  tracé  par  M.  Poitou,  du  rôle  joué  par  les  repré- 
sentants du  peuple  en  mission  dans  l'Anjou,  pendant  les  années  1793  et 
1794.  Les  documents  relatifs  à  la  déportation  en  Espagne  des  prêtres  an- 
gevins en  1792,  publiés  par  M.  Marchegay,  attachent  et  font  frémir.  Enfin, 
le  rapport  du  préfet  de  Maine-et-Loire,  M.  INardon,  aux  membres  com- 
posant le  conseil  général  en  l'an  XI,  nous  console  un  peu  de  ces  horreurs, 
en  nous  faisant  voir  les  essais  tentés  par  l'administration  pour  cicatriser 
les  plaies  causées  par  la  guerre  civile  à  peiue  éteinte. 

La  Revue  d'Anjou  ne  semblerait  point  complète,  si  l'on  n'y  lisait  quelques 
notices  archéologiques.  M.  le  président  de  Beauregard  y  a  inséré  un 
tableau  complet  des  monuments  celtiques  qui  abondent  dans  le  départe- 
ment de  Maine-et-Loire.  De  plus ,  il  a  esquissé  en  quelques  pages  l'his- 


285 

toire  de  l'hôtel  si  remarquable  de  la  rue  du  Figuier,  à  Angers,  construit 
par  Jean  de  l'Espine  pour  Martin  René  de  Pencé,  maire  d'Angers,  en 
1511,  dont  on  retrouve  les  armoiries  sculptées  sur  un  des  pendentifs  du 
vestibule  d'entrée.  Enfin,  nous  rattachons  à  celte  branche  de  l'histoire  les 
lettres  écrites  par  Lazare  de  Bayf,  ambassadeur  de  France  à  Venise,  dans 
lesquelles  il  raconte  ses  essais  infructueux  pour  attirer  en  France  l'illustre 
Michel-Ange  Buonarotti ,  ou,  à  son  défaut ,  un  habile  architecte  nommé 
Faustus.  Du  reste,  la  science  archéologique  est  largement  représentée  par 
le  bulletin  de  M.  deSoland,  qui  est  maintenant  annexé  à  la  Revue  de 
l'Anjou. 

Ce  recueil  termine  maintenant  sa  troisième  année  d'existence,  et  nous 
pouvons  lui  prédire  de  longs  succès,  si,  fidèle  à  son  but,  alliant  l'intérêt  à 
la  critique  et  à'  la  conscience  dans  les  tr.ivaux,  il  continue  à  suivre  la  voie 
dans  laquelle  il  s'est  acquis  le  concours  du  conseil  général  de  Maine-et- 
Loire,  et  les  sympathies  d'un  public  éclairé. 

A.  S. 

MÈuoiJXES  du  président  Hénault  écrits  par  lui-même,  recueillis  et 
mis  en  ordre  par  son  arrière-neveu,  M.  le  baron  de  Vigan. 

L'histoire  intime  de  la  société  française  au  dix-huitième  siècle,  déjà  étu- 
diée dans  de  célèbres  mémoires,  vient  de  s'enrichir  d'une  page  nouvelle  qui 
ne  nous  ménage  pas  les  détails  sur  les  hommes  et  sur  les  choses  de  la 
régence  et  de  Louis  XV;  elle  est  l'œuvre  du  président  Hénault.  La  figure 
de  cet  homme  célèbre  commence  à  tant  soit  peu  s'effacer  ;  et  si  V Abrégé 
chronologique  n'existait  pas,  on  peut  dire  qu'elle  serait  tout  à  fait  oubliée, 
car  des  chansons  et  de  médiocres  pièces  de  théâtre  ne  suffisent  pas  pour 
éterniser  un  nom.  Il  était  temps  que  ces  mémoires  fussent  mis  au  jour 
pour  nous  rappeler  la  vie  du  courtisan  et  de  l'homme  de  lettres,  vie  qui 
s'écoula  paisiblement,  quoique  mêlée  à  tous  les  événements  du  siècle, 
tantôt  au  milieu  de  jolies  femmes  en  des  soupers  fins  chantés  par  Voltaire, 
tantôt  sur  le  siège  du  magistrat  parmi  les  célébrités  des  parlements.  Le 
président  n'avait  pas  reçu  en  partage  le  feu  sacré  du  génie,  ce  n'était  pas 
même  un  homme  de  talent  dans  toute  la  force  du  mot ,  mais  un  esprit 
heureux  et  conciliant  qui  consacra  son  existence  à  étudier  l'art  de  plaire, 
comme  il  l'avoue  lui-même  je  ne  sais  où  ;  et  l'on  peut  dire  qu'il  réussit 
parfaitement,  car  ce  fut  avant  tout  un  grand  homme  de  société,  poste  où 
l'on  n'arrive  ordinairement  que  par  la  séduction  des  formes,  par  la  facilité 
d'élocution,  avec  cet  esprit  naturel  et  particulier  que  le  monde  exige,  et 
surtout  par  une  attention  continuelle  qui  prescrit  de  ne  rien  négliger  de 
ce  qui  peut  concilier  l'affection  de  tous.  Mais  il  faut  dire  aussi  que  les 
événements  le  servirent  à  merveille.  Élevé  au  collège  des  Quatre-Nations , 
il  y  connut  les  rejetons  des  meilleures  familles,  qui,  parvenus  plus  tard  aux 
premières  places,  le  protégèrent  jusqu'à  sa  mort  :  «  Je  me  suis  trouvé, 
dit-il ,  dans  l'intimité  avec  les  hommes  les  plus  considérables  de  moi\ 


286 

temps,  ce  qui  a  pu  faire  dire  et  ce  qui  a  fait  dire ,  en  effet,  que  je  recher- 
chais la  faveur.  On  aurait  pu  se  contenter  de  remarquer,  si  on  avait  voulu^ 
que  j'avais  fait  d'assez  bons  choix  dans  ma  jeunesse.  Ce  que  j'atteste,  c'est 
que  je  n'ai  jamais  fait  de  mai  à  personne  ;  que  le  peu  de  crédit  que  j'avais 
n'a  jamais,  par  ma  volonté,  tourné  à  mon  profit  ;  que  je  ne  l'ai  employé 
qu'au  profit  de  mes  parents,  de  mes  amis  et  de  mes  connaissances.  »  Dans 
ses  mémoires  il  nous  divulgue  beaucoup  d'anecdotes  sur  ces  amis  et  con- 
naissances dont  il  vient  de  parler,  et  c'est  ce  qu'on  lit  avec  le  plus  de  plai- 
sir. Nous  avons,  plus  haut,  dit  un  mot  de  ses  chansons  :  ce  furent,  en 
effet,  ces  œuvres  futiles  qui  fondèrent  une  réputation  que  l'Histoire  de 
France  a  ensuite  confirmée  et  entretenue  jusqu'à  nous  ;  elles  couraient  toute 
la  ville,  après  avoir  séjourné  dans  les  salons  et  les  boudoirs  ;  les  vers  en 
sont  faciles ,  et  l'esprit  n'y  manque  point.  Les  œuvres  dramatiques  du 
président  sont,  entre  autres,  les  tragédies  de  Cornélie  vestale  et  de  Marins, 
qui  furent  représentées  sans  le  moindre  succès,  quoique  assez  bien  écrites. 
On  sait  que  Hénault  fut,  en  récompense  de  ses  travaux,  admis  à  succéder 
comme  académicien  au  trop  fameux  cardinal  Dubois;  il  avait  alors  trente- 
huit  ans;  ce  fut  presque  un  demi-siècle  plus  tard  qu'il  commença  le  livre 
dont  il  est  question,  c'est-à-dire  dans  sa  vieillesse  et  peu  de  temps  avant 
sa  mort;  malgré  cela,  sa  mémoire  est  assez  fraîche  et  l'on  croirait  qu'il 
vient  d'assister  à  tout  ce  qu'il  raconte.  Nous  n'aurions  qu'à  nous  louer 
de  ce  livre  si  l'éditeur  avait  fait  preuve  des  qualités  nécessaires  à  tous 
ceux  qui  entreprennent  de  pareils  travaux.  Nous  permettra -t-on  de  dire 
ce  que  nous  exigeons  de  l'éditeur  consciencieux  ?  Nous  voulons  à  chaque 
nom  d'homme  et  de  lieu  trouver  une  notice  succincte;  à  chaque  événement, 
le  récit  des  faits  auxquels  l'auteur  fait  allusion  et  leurs  accidents  s'il  les  a 
omis  ;  nous  voulons  enfin  que  le  texte  soit  correct  et  qu'il  ne  s'y  rencontre 
aucune  erreur.  Que  si  l'on  parle  d'un  homme  qui  satisfasse  à  toutes  ces 
conditions,  nous  citerons  M.  de  Monmerqué ,  qui  fouille  les  collections, 
compulse  les  originaux,  rétablit  tout  ce  qui  est  défectueux,  et  nous  donne 
les  lettres  de  madame  de  Sévigné  avec  des  notes  qui  les  rendent  aussi 
faciles  à  comprendre  que  si  elles  eussent  été  écrites  hier.  Mais  M.  de 
Vigan ,  loin  de  fournir  cette  clef  si  nécessaire  à  intéresser  le  lecteur ,  en 
lui  épargnant  de  pénibles  recherches,  lui  a  donné  de  nouvelles  peines  soit 
en  écorchant  une  multitude  de  noms,  soit  en  en  oubliant  d'autres ,  soit  en 
attribuant  au  même  nom  trois  ou  quatre  formes  différentes.  En  vérité  , 
M.  de  Vigan  aurait  pu  mieux  s'y  prendre.  Les  Mémoires  du  président 
Hénault  sont  fort  intéressants  ;  mais  ils  sont  à  rééditer,  les  notes  y  man- 
quent et  le  texte  est  fautif. 

Louis  Lacour. 


287 

ATHÈNES  aux  seizième^  dix-septième  et  dix-huitième  siècles^  d'après 
des  documents  inédits  tirés  des  grandes  archives  impériales  de  Fenise, 
des  archives  des  ministères  des  affaires  étrangères,  de  la  guerre  et  de 
la  marine  de  Paris,  des'  bibliothèques  impériales  de  Paris  et  de  Fienney 
des  bibliothèques  de  Saint- Marc  à  Denise,  et  du  musée  Britannique  à 
Londres,  etc.,  etc.  ;  par  le  comte  de  Laborde,  membre  de  l'Institut.  2  vol. 
in-8°,  avec  plans  et  gravures.  Paris,  chez  Jules  Renouard  ,  1854. 

11  y  a  trois  villes  dans  le  monde  dont  on  ne  se  lassera  jamais  de  parler 
et  qui  auront  toujours  le  privilège  par  leur  destinée  de  fixer  plus  que  toutes 
les  autres  l'intérêt  général.  En  dehors  des  circonstances  d'un  ordre  supé- 
rieur qui  ont  fait  des  villes  de  Jérusalem,  de  Rome  et  d'Athènes  le  théâtre 
d'événements  dont  l'influence  s'est  fait  sentir  dans  le  monde  entier,  des 
raisons  particulières,  et  en  quelque  sorte  nationales,  appellent  d'une 
manière  spéciale  l'attention  de  la  France  sur  leur  histoire  et  sur  leur 
avenir.  Jérusalem  a  été  quelque  temps  le  siège  d'un  royaume  entièrement 
français  dans  sa  constitution,  dans  sa  langue  et  dans  ses  mœurs  -,  Rome 
semble  aux  Français  comme  une  seconde  patrie;  Athènes,  ainsi  que  Jéru- 
salem, a  été  le  centre  où  une  société  française  s'est  établie,  s'est  longtemps 
maintenue,  et  a  fait  espérer  un  moment  qu'une  race  nouvelle  allait  pénétrer, 
pour  les  rajeunir,  les  populations  d'Orient. 

L'histoire  des  événements  à  la  suite  desquels  cette  période,  si  différente 
de  tout  ce  qui  avait  précédé  et  si  longtemps  méconnue,  est  venue  .s'ajouter 
à  l'histoire  de  la  ville  de  Minerve,  n'est  pas  le  sujet  dont  s'occupe  aujour- 
d'hui M.  de  Laborde.  Retirée  de  l'oubli  et  éclairée  dans  son  ensemble  par 
l'universelle  érudition  de  du  Cange,  complétée  à  beaucoup  d'égards  par  les 
estimables  travaux  de  Buchon ,  l'histoire  de  la  Morée  au  moyen  âge,  qui 
trouvera  de  précieux  renseignements  dans  les  publications  de  M.  de  La- 
borde, reste  encore  inachevée.  Les  deux  beaux  volumes  que  nous  avons 
sous  les  yeux,  enrichis  de  cartes,  de  plans,  de  fac-similés  et  de  photogra- 
phies, sont  destinés  à  rappeler  seulement  le  sort  qu'ont  éprouvé  les  monu- 
ments et  la  ville  d'Athènes  elle-même,  sous  la  domination  des  Turcs,  de- 
puis l'an  1456,  où  Mahomet  II  s'empara  de  l'Attique,  jusqu'en  1687,  où 
Morosini  enleva  le  pays  aux  Ottomans,  qui  devaient  y  replacer  le  croissant 
en  1715. 

M.  de  Laborde  s'attache  surtout  à  exposer,  en  les  jugeant ,  les  travaux 
des  voyageurs  et  des  savants  qui  ont  signalé ,  expliqué ,  décrit  ou  dessiné 
pendant  cette  période  de  plus  de  deux  siècles  les  monuments  de  l'anti- 
quité couvrant  encore  le  sol  classique  de  la  ville  d'Athènes.  Son  livre  est 
en  quelque  sorte,  et  suivant  l'ordre  chronologique .  l'histoire  pittoresque 
de  ces  monuments,  au  moyen  des  relations,  des  études  et  des  monogra- 
phies qui  en  ont  été  données,  et  en  même  temps  l'histoire  des  hdmmes  et 
des  événements  qui  ont  eu  quelque  part  à  leur  illustration,  à  leur  codscj'- 
vation  ou  à  leur  dégradation. 

Cette  revue,  à  la  fois  descriptive  et  historique,  archéologique  et  esthé- 


288 

tique,  a  souvent  d'ailleurs  le  mérite  d'une  véritable  exhumation.  M.  de  La- 
borde,  en  effet,  a  choisi  de  préférence  ses  informations  dans  les  sources 
inédites  ou  négligées.  Chacun  des  noms  de  voyageurs,  de  missionnaires, 
de  critiques,  d'ambassadeurs  ou  de  généraux  qui  tour  à  tour  l'occupent, 
a  été  de  sa  part  l'objet  de  recherches  suivies.  Il  a  dans  ce  but  exploré 
avec  une  attentive  curiosité  les  archives  publiques  et  les  archives  privées 
aussi  bien  que  les  documents  déjà  publiés,  et  sa  persévérance  a  eu  quel- 
quefois la  bonne  fortune  de  faire  de  véritables  découvertes  jusque  dans  les 
livres  imprimés.  Telle  est  l'heureuse  trouvaille  de  l'État  présent  de  la 
ville  d'Athènes,  relation  du  jésuite  français  Babin,  publiée  en  1674,  re- 
cherchée pendant  longtemps,  et  toujours  vainement,  dans  les  plus  grandes 
bibliothèques  d'Europe,  retrouvée  enfin  dans  une  collection  privée  à  Paris 
en  1854,  et  assurée  aujourd'hui  à  la  science  par  sa  réimpression,  au  milieu 
des  appendices  A' Athènes. 

Dans  la  longue  et  intéressante  étude  à  laquelle  il  se  livre,  et  où  l'on  voit 
les  monuments  de  l'Attique  attirer  successivement  l'attention  des  voyageurs 
et  des  savants,  c'est  surtout  les  noms  et  les  actions  de  la  France  que 
M.  de  Laborde  met  en  relief  plus  volontiers  et  avec  plus  de  développements. 
C'est  aussi  la  voie  où  nous  voudrions  entrer  avec  lui^  et  où  nous  aimerions 
à  nous  arrêter,  si  les  limites  de  ce  bulletin  nous  le  permettaient.  Nous  en 
indiquerons  au  moins  les  faits  principaux  qu'ont  éclairés  ses  recherches. 

Au  début,  M.  de  Laborde  remarque,  avec  beaucoup  de  justesse,  com- 
bien les  ravages  des  Turcs  dans  les  mers  de  l'Archipel  d'une  part,  et  d'au- 
tre part  la  direction  trop  méridionale  suivie  par  les  pèlerins  allant  en 
terre  sainte,  avaient  contribué  dès  le  quatorzième  siècle  à  éloigner  les  voya- 
geurs des  ports  de  la  Morée,  à  plus  forte  raison  des  poris  de  l'Attique,  en 
faisant  oublier  presque  entièrement  Athènes  du  monde  latin.  Mais  dès 
l'époque  où  les  relations  pacifiques  de  la  chrétienté  avec  la  Porte,  inaugu- 
rées par  François  ler^  ralenties  et  reprises  ensuite,  deviennent  régulières  et 
permanentes,  on  voit  les  ambassadeurs  français  à  Constantinople,  soit 
par  curiosité,  soit  dans  un  but  politique,  commencer  à  visiter  les  pro- 
vinces de  l'empire  turc,  s'arrêter  particulièrement  en  Grèce,  une  de  leurs 
stations  naturelles,  et  rendre  ainsi  à  la  ville  d'Athènes  la  place  qui  lui  ap- 
partenait dans  les  souvenirs  et  l'intérêt  de  l'Europe  civilisée.  Depuis  cette 
époque ,  datant  seulement  des  premières  années  du  dix-septième  siècle  et 
à  partir  de  l'ambassade  de  Louis  desHayes,  il  n'est  pas  une  de  nos  mis- 
sions au  Levant  qui,  avec  des  résultats  diplomatiques  d'une  tout  autre 
importance,  n'apporte  à  la  science  des  connaissances  nouvelles  sur  quel- 
ques-uns des  monuments  antiques  existant  encore  en  Turquie,  et  particu- 
lièrement dans  les  provinces  helléniques.  Constatons  avec  satisfaction  ce 
résultat  à  l'honneur  de  notre  pays,  malgré  sa  tardive  manifestation ,  parce 
que  les  autres  nations  de  l'Europe,  à  l'exception  des  Vénitiens,  nos  aînés, 
en  étaient  encore  à  cette  époque  à  solliciter  les  bons  offices  de  la  France 
pour  obtenir  des  relations  directes  avec  la  cour  de  Constantinople.  Bientôt 


289 

la  grande  ambassade  du  marquis  de  Noinlel ,  qui  tint  à  montrer  en  Orient 
la  puissance  de  la  France  en  voyageant  avec  apparat,  accompagné  de  sa- 
vants et  d'artistes  choisis,  révéla  les  notions  les  plus  sûres  et  les  plus  abon- 
dantes sur  les  monuments  les  plus  célèbres  de  l'art  grec.  Dès  ce  moment 
la  direction  fut  donnée,  et  l'usage  établi  :  le  Pirée  devint  la  relâche  obligée 
de  nos  voyageurs  et  de  nos  agents,  et  bientôt  de  tous  les  voyageurs  en 
Orient.  Les  rapports  avec  la  Porte,  ouverts  par  la  France  à  l'Angleterre,  fa- 
cilités ensuite  aux  autres  puissances,  rendirent  de  plus  en  plus  possibles, 
malgré  raille  périls  aujourd'hui  inconnus ,  les  voyages  au  Levant,  et  con- 
tribuèrent à  répandre  ainsi  en  Europe  la  connaissance  des  arts  de  l'anti- 
quité, et,  à  sa  suite,  l'amour  et  la  recherche  des  médailles,  des  inscriptions 
et  des  statues.  L'Angleterre  adopta  ces  goûts  dispendieux  avec  son  enthou- 
siasme ou  sa  grandeur  habituelle,  et  l'on  put  croire  un  moment ,  à  voir  les 
travaux  prescrits  en  Grèce  par  le  comte  d'Arundel,  précurseur  de  lord 
Elgin,  que  le  noble  seigneur,  comme  les  critiques  ouïes  jaloux  lui  en  at- 
tribuèrent la  pensée,  voulait  transporter  la  ville  d'Athènes  en  Angleterre. 

Au  milieu  de  ces  actes  d'une  exagération  si  fatale  aux  productions  de 
l'art  antique,  mais  qu'il  est  bien  difficile  de  ne  pas  excuser,  on  retrouve 
avec  plaisir  les  pauvres  capucins  français  d'Athènes,  mettant  leurs  soins 
et  leur  amour -propre  à  étudier  les  vieux  monuments  de  la  ville  et  à 
préserver  de  la  destruction  le  précieux  édifice  choragique  de  Lysicrate, 
longtemps  appelé  la  Lanterne  de  Démosthène ,  en  le  renfermant  dans  les 
murs  de  leur  couvent,  où  il  a  traversé  intact  jusqu'à  nos  jours  les  boule- 
versements et  les  ravages  des  Turcs  et  des  chrétiens.  C'est  au  zèle  de  ces 
laborieux  missionnaires  que  l'on  est  aussi  redevable  du  premier  plan 
connu  de  la  ville  d'Athènes. 

A  ces  noms,  aux  noms  de  des  Hayes ,  de  Nointel,  d'Arundel ,  du  père 
Babin,  se  mêlent  ou  succèdent  ceux  de  d'Arvieux,  de  Galland  ,  de  Carrey, 
de  San-Gallo,  d'André  Thevet,  de  Zygomalas,lde  Guillet,  de  Vernon,  de 
Spon,  à  qui  M.  de  Laborde  rend  une  estime  bien  méritée,  enfin  le  nom 
de  Wheler,  parti  pour  la  Grèce  en  1682,  et  resté  ainsi  le  dernier  voyageur 
célèbre  à  qui  il  a  été  donné  d'admirer  dans  leur  intégrité  les  frontons 
du  Parthénon,  la  merveille  d'Athènes  et  de  l'antiquité.  Peu  après  cette  épo- 
que, la  guerre  se  ranime  entre  Venise  et  Constantinople.  Morosini,  ayant 
battu  les  Turcs  dans  les  îles  et  dans  la  Morée,  entreprend,  en  1687,  la  con- 
quête de  l'Attique.  Les  événements  de  cette  campagne  occupent  la  plus 
grande  partie  du  second  volume  de  M.  de  Laborde  et  terminent  l'ouvrage 
di  Athènes  du  quinzième  au  dix-septième  siècle. 

En  arrivant  à  la  fin  de  cette  histoire,  et  rapprochant  par  la  pensée  tous 
les  dangers ,  toutes  les  dévastations  qu'ont  soufferts  les  monuments  d'A- 
thènes, soit  de  la  part  des  Turcs,  soit  de  la  part  des  chrétiens,  on  est 
amené  à  reconnaître  qu'à  tout  prendre ,  les  Turcs  ont  occasionné  aux  mo- 
numents de  l'Attique  moins  de  dégâts  peut-être  que  les  chrétiens.  Nous 
disons  peut-être,  car  où  trouver  aujourd'hui  le  détail  des  désastres  de 


290 

toutes  sortes  qu'a  dû  accumuler  pendant  trois  cents  ans  un  peuple  icono- 
claste et  plein  de  fanatisme  dans  les  villes  chrétiennes  de  la  Morée  et  de 
l'Attique  tour  à  tour  assiégées ,  saccagées ,  reprises  et  incendiées,  dans  le 
délire  de  la  victoire  ou  la  rage  de  la  vengeance?  Nous  avons,  au  contraire, 
le  compte  exact,  et  par  malheur  trop  considérable,  des  pertes  que  l'Europe 
civilisée  a  occasionnées  à  la  Grèce  par  suite  des  nécessités  de  la  guerre 
et  du  goût  exagéré  de  ses  antiquités,  qui  s'était  répandu  parmi  ses  savants 
et  ses  voyageurs  opulents.  Mais  les  monuments  antiques  auraient-ils  eu 
moins  à  souffrir  encore  de  la  part  des  Turcs,  qu'on  ne  saurait  tirer  de  ce 
fait  accidentel  et  fortuit  la  moindre  conséquence  en  faveur  de  la  civilisa- 
tion des  fils  d'Osman;  bien  moins  peut-on  y  voir  le  résultat  d'une  pensée  de 
protection  des  beaux-arts.  C'est  là  un  ordre  d'idées  qui  est  tout  à  fait 
éloigné  de  leurs  préoccupations  et  étranger  à  leur  gouvernement.  La  spolia- 
tion et  la  ruine,  telles  ont  été  jusqu'à  ces  derniers  règnes ,  qui  le  niera  ? 
l'essence,  la  nature  et  la  vie  même  du  régime  turc,  partout  où  il  s'est 
établi  :  témoin  ces  larges  plaies  qui  dévorent  encore  comme  des  cancers  les 
plus  belles  provinces  de  son  empire,  en  Syrie  ,  dans  les  îles ,  en  Morée,  en 
Asie  Mineure ,  aux  portes  mêmes  de  Constantinople.  Là  où  un  Turc  a  mis 
le  pied,  l'herbe  met  sept  ans  à  repousser  ;  M.  de  Laborde  connaît  aussi 
bien  que  nous  ce  triste  proverbe,  que  tout  l'Orient  répète  au  voyageur  et 
que  tout  atteste  autour  de  lui.  La  dévastation  des  villes  et  l'épuisement  du 
sol  ne  sont-ils  pas  les  monuments  les  plus  manifestes  et  les  plus  irrécusa- 
bles de  l'administration  turque  jusques  aux  temps  réparateurs  de  Mah- 
moud et  de  son  fils  ?  Ignore-t-on  que,  pendant  trois  cents  ans,  les  Turcs,  et 
à  leur  exemple  les  Grecs,  on  n'en  disconvient  pas,  n'ont  vu  dans  les  monu- 
ments antiques  que  des  carrières  de  pierre  à  bâtir,  et  que  s'ils  n'ont  pas 
tout  renversé  de  fond  en  comble,  c'est  que  l'œuvre  de  destruction  leur  eût 
demandé  trop  d'effort  ? 

Qu'on  nous  permette  d'insister  sur  ces  observations  et  sur  ces  faits, 
parce  qu'ils  tiennent  une  grande  place  dans  l'histoire  de  l'Athènes  mo- 
derne, et  qu'ils  sont  présentés  dans  le  livre  de  M.  de  Laborde  d'une  façon 
regrettable  à  beaucoup  d'égards. 

Lors  de  la  campagne  de  1688,  les  Turcs ,  réfugiés  au  haut  de  l'Acropole, 
avaient  transporté  des  armes  et  de  la  poudre  dans  le  temple.  Il  était  d'une 
très-bonne  guerre  de  bombarder  et  de  faire  sauter  le  monument.  Par  mal- 
heur c'était  le  Parthénon-,  mais  qui  voudrait  aujourd'hui  faire  un  crime  au 
généralissime  vénitien  de  n'avoir  pas  suspendu  son  attaque  et  compro- 
mis peut-être  l'issue  de  l'expédition  entière  dont  il  avait  la  responsabilité, 
pour  sauver  l'auguste  édifice.'' Vainement  objecterait-on  l'exemple  récent 
d'un  siège  célèbre,  où  tous  les  ménagements  de  l'art  ont  été  employés  pour 
épargner  la  ville.  Les  situations  n'ont  rien  de  semblable;  l'obligation  où  se 
trouvait  Morosini  sera  bien  mieux  comprise,  si  on  la  compare  aux  circons- 
tances mêmes  où  nous  nous  trouvons  actuellement.  La  ville  qu'assiègent  en 
ce  moment  nos  armées,  renfermât- elle  les  plus  précieux   monuments  de 


291 

l'antiquité,  croit-on  que  les  travaux  de  l'attaque  fussent  en  quoi  que  ce  soit 
modifiés?  La  conduite  de  Morosini  trouve  donc  sa  justification  dans  la  si- 
tuation où  était  placé  le  généralissime,  et  c'est  perpétuer  une  sévérité  histo- 
rique, qui  va  jusqu'à  l'injustice,  que  de  faire  avec  insistance  peser  sur 
son  nom  le  souvenir  déplorable  de  la  destruction  du  Parthénon.  C'est  avec 
peine  que  l'on  voit  un  esprit  élevé  entretenir  ainsi  dans  le  monde  des  arts 
et  de  la  science  une  idée  fausse  et  un  sentiment  contraire  à  l'équité,  qualité 
qu'il  ne  faut  pas  négliger  même  en  histoire.  Aussi  voudrions-nous  effacer 
du  livre  de  M.  de  Laborde  ce  projet  de  médaille  destinée  à  conserver  la  mé- 
moire de  l'explosion  du  Parthénon  sous  les  bombes  vénitiennes.  Le|texte, 
dans  lequel  l'auteur  reconnaît  l'impérieuse  obligation  de  la  guerre,  a  beau 
servir  de  correctif  à  la  médaille  ;  l'image  est  là  et  fait  tache,  à  notre  avis, 
dans  ce  sérieux  et  bel  ouvrage. 

Ne  nous  arrêtons  pas  plus  longtemps  sur  l'épisode  final  de  l'histoire  d'A- 
thènes au  dix-septième  siècle ,  et  ajoutons  un  mot  en  terminant  à  ce  que 
nous  avons  dit  de  l'ensemble  du  livre  de  M.  de  Laborde.  Ce  n'est  pas 
seulement  une  œuvre  de  science ,  c'est  en  même  temps  une  histoire  instruc- 
tive et  d'une  lecture  extrêmement  agréable.  On  n'a  qu'à  négliger  momen- 
tanément les  notes  placées  au  bas  des  pages,  pour  suivre  dans  le  texte  une 
narration  intéressante  des  relations  et  des  guerres  de  l'Europe  chrétienne 
contre  les  Turcs  pendant  les  deux  cents  ans  où  l'expansion  de  l'empire  de 
Mahomet  II  inquiétait  l'Europe,  qu'alarme  aujourd'hui  son  délabrement. 
Ces  notes  sont  à  elles  seules  un  travail  considérable,  et  d'une  valeur  parti- 
culière. Extraits  de  dépêches  officielles,  dissertations  archéologiques,  no- 
tices historiques  et  Httéraires,  M.  de  Laborde  a  réuni  dans  ses  annotations 
et  ses  appendices  des  documents  et  des  notions  qui  ajoutent  un  prix  nou- 
veau à  son  histoire,  en  complétant  quelques-uns  des  points  importants  sur 
lesquels  il  n'avait  pu  suffisamment  s'arrêter  dans  le  corps  de  l'ouvrage. 
On  lira  surtout  avec  intérêt  les  rapports  de  Morosini  au  sénat  de  Venise 
pendant  son  expédition  d'Athènes,  les  détails  ignorés  jusqu'ici  sur  la  fa- 
mille de  Kœnigsmarker,  général  de  l'armée  de  terre  vénitienne,  les  recher- 
ches sur  les  inscriptions  inexpliquées  et  probablement  runiques  des  lions 
de  l'arsenal  de  Venise,  provenant  d'Athènes,  etc.  On  s'associe  aux  craintes 
et  à  la  légitime  satisfaction  de  M.  de  Laborde  dans  le  récit  des  négocia- 
tions qui  l'ont  rendu  possesseur  en  1840  de  la  tête  de  la  Victoire  sans  ailes, 
un  des  débris  les  plus  parfaits  de  la  sculpture  antique,  et  l'unique  tête  in- 
tacte qui  ait  été  sauvée  du  Parthénon.  M-L. 

LIVRES  NOUVEAUX. 

Novembre  —  Décembre  1854. 

116.  Paléographie  des  Chartes  et  des  manuscrits  du  onzième  au  dix-hui- 
tième siècle  ;  par  Alphonse  Chassant.  4«  édition ,  revue ,  corrigée  et  aug- 


292 

mentée,  etc.  In-12  de  7  feuilles,  plus  9  pi.  in-4''.  —  A  Paris,  chez  Dumou- 
lin (8  fr.). 

117.  Des  influences  bysantines. Lettre  à  M.  Vitet,  par  Félix  de  Verneilh. 
In-4»  de  6  feuilles,  plus  3  planches.  —  A  Paris ,  chez  Victor  Didron ,  1855 
(5fr.). 

118.  Essai  sur  l'architecture  militaire  au  moyen  âge,  par  M.  Viollet-le- 
Duc.  Grand  in-8°  de  15  feuilles  1/4,  illustré  de  153  gravures  sur  bois.  —  A 
Paris,  chezBance,  rue  Bonaparte,  13  (25 fr.)- 

Extrait  du  Dictionnaire  raisonné  de  l'architecture  française  du  onzième  au  seizième 
siècle. 

119.  Études  sur  les  poètes  dans  leurs  relations  avec  les  cours,  et,  par 
extension,  sur  les  bouffons,  les  nains,  les  abbés,  etc.;  par  Montalant-Bou- 
gleux.  Tome  1er.  in-so  de  20  feuilles  1/4.  Impr.  de  Montalant-Bougleux ,  à 
Versailles. 

120.  Das  Asylrecht.  —  Le  droit  d'asile  dans  son  développement  his- 
torique; par  Aug.  Bulmerincq.  Dorpat.  Karow,  1853.  165  p.  gr.  in-8°. 
(3  fr.  25  c). 

121.  Patrologiae  cursus  completus ,  sive  Bibliotheca  universalis,  etc.  Sé- 
ries secunda,  accurante  J.  B.  Migne. 

Patrologiae  tomus  CLXII.  S.  Ivo  Carnot.  episc.  Petrus  Chrysolanus  Mediol.  Archiep. 
Richardus  Card.  Lambertus  Atrebat.,  Galo  Paris.,  Godefridus  Ambian.,  episcopi.  An- 
selmus  scholas.  et  can.  Laudun.  B.  Robertus  de  Arbrisseilo.  Seherus  Calmosiac,  abb. 
Joannes  mon.  S.  Audoeni,  etc.  In-S"  de  51  feuilles.  —  8  fr. 

Tomus  CLXIII.  Paschalisll,  Gelasius  II,  Calixtus  II,  romani  pontifices.  Conon  S.  R. 
£.  card.  Radulfus  Rem.,  Radulfus  Cantuar.,  archiep.  Guiilelmus  de  Campeliis  Calai., 
Theogerus  Meten.,  ErnulfusRoff.,  Marbodus  Redon.,  episcopi.  Placidusincertœ  sedis 
episcop.,  etc.  Tomus  unicus.  ln-8°  de  47  feuilles  1/2.  —  8  fr. 

Tomi  CLXIV  et  CLXV.  S.  Bruno  Astensis,  abbas  Montis  Casini  et  episcopus  Signien- 
sium.  Oddo  Astensis  monachus  benedictinus.  Deux  volumes,  ensemble  de  82  feuil- 
les. — 14  fr. 

Tomi  CLXYII  à  CLXX.  R.  D.  D.  aupertus  abbas  monasterii  S.  Heriberli  Tuitiensis. 
Quatre  volumes,  ensemble  de  204  feuilles.  —  32  fr. 

Imp.  de  Migne,  au  Petit-Montrouge.  —  Au  Petit-Montrouge,  rue  d'Amboise,  près  la 
barrière  d'Enfer. 

122.  Lateinische  Hymnen.  —  Hymnes  latines  du  moyen  âge,  publiées 
d'après  les  manuscrits  et  expliquées  par  le  docteur  Mone.  Tome  IL  Chants 
en  l'honneur  de  Marie.  Fribourg,  Herder.  Grand  in-S»  de  479  pages  (7  fr.). 

123.  Lettres  de  Jean  Calvin,  recueillies  pour  la  première  fois  et  publiées 
d'après  les  manuscrits  originaux,  par  Jules  Bonnet.  Lettres  françaises.  Deux 
volumes  in-8'',  ensemble  de  68  feuilles  1/2,  plus  un  fac-similé.  —  A  Paris, 
chez  Meyrueis,  rue  Tronchet,  2  (12  fr.). 

124.  loseph  Ibn  Zadik ,  philosophe  juif  du  douzième  siècle,  par  le  doc- 
teur Béer  (en  allemand).  Leipzig,  Hunger.61  p.  gr.  in-8o.  (75  c). 

125.  Notice  nécrologique  sur  la  vie  et  les  travaux  de  M.  J.  B.  A.  U.  Du- 


293 

clialais ,  élève  de  l'école  des  Chartes,  etc.;  par  C,  F.Vergnaud-RomagDesi. 
Ia-8°  d'un  quart  de  feuille.  Imp.  de  Pagnerre,  à  Orléans. 

Avec  la  liste  des  publications  de  Jean-Baptisle-Âdolphe  Ursin  Duciialais,  né  à  Beau- 
gency  (Loiret)  le  17  janvier  1815,  mort  à  Mer  (Loir.et-Cher),  le  21  août  1854. 

126.  Topographie  ecclésiastique  de  la  France;  par  M.  J.  Desnoyers. 
r»  partie.  In-8°  de  9  feuilles  3/4.  Imp.  de  Lahure,  à  Paris. 

Extrait  de  l'Annuaire  de  la  Société  de  l'histoire  de  France. 

127.  Grammaire  de  la  langue  d'oil,  ou  Grammaire  des  dialectes  français 
aux  douzième  et  treizième  siècles;  par  J.  F.  Burguy.  Tome  II.  Berlin, 
Schneider.  416  p.  gr.  in-8°.  (8  fr.). 

128.  Les  Galants  du  temps  jadis.  Essais  littéraires  sur  le  moyen  âge;  par 
Alexandre  Raymond.  In-16  de  3  feuilles  3/4.  Imp.  d'Arbieu,  à  Poissy.— A 
Paris,  chez  Coulon-Pineau,  Palais-Royal.  1855. 

129.  Maistre  Pierre  Patelin.  Texte  revu  sur  les  manuscrits  et  les  plus  an- 
ciennes éditions,  avec  une  introduction  et  des  notes  ;  par  F.  Génin.  Grand 
in-S"  de  23  feuilles  1/2.  —  A  Paris,  chez  Chamerot,r.  du  Jardinet,  13.  Car- 
tonné (20  fr.). 

130.  Ronsard ,  considéré  comme  imitateur  d'Homère  et  de  Pindare. 
Thèse;  par  Gandar.  In-S"  de  13  feuilles  3/4.  Imp.  de  Blanc,  à  Metz. 

131.  Mémoires  inédits  sur  la  vie  et  les  ouvrages  des  Membres  de  l'Aca- 
démie royale  de  peinture  et  de  sculpture ,  publiés  d'après  les  manuscrits 
conservés  à  l'École  impériale  des  Beaux-Arts,  par  MM.  L.  Dussieux,  E. 
Soulié,  Ph.  de  Cliennevières,  Paul  Mantz,  A.  de  Montaiglon,  sous  les  auspi- 
ces du  ministre  de  l'intérieur.  Tome  II.  In-8°  de  33  feuilles. — A  Paris,  chez 
Dumoulin.  Prix  des  deux  volumes,  15  fr. 

132.  Les  Archives  de  la  France,  ou  Histoire  des  archives  de  l'empire, 
des  archives  des  ministères,  des  départements  ,  des  communes,  des  hôpi- 
taux, des  greffes,  des  notaires,  etc.,  contenant  l'inventaire  d'une  partie  de 
ces  dépôts,  partHenri  Bordier,  ancien  archiviste  aux  archives  de  l'em- 
pire, etc.  In-80  de  26  feuilles  1/4. — A  Paris,  chez  Dumoulin  (8  fr.). 

133.  Histoire  des  troupes  étrangères  au  service  de  France,  depuis  leur 
origine  jusqu'à  nos  jours,  et  de  tous  les  régiments  levés  dans  les  pays  con- 
quis sous  la  première  république  et  sous  l'empire;  par  Eugène  Fieffé. 
Deux  volumes  in-8",  ensemble  de  54  feuilles,  plus  24  pi.  coloriées.  —  A 
Paris,  chez  Dumaine  (20  fr,). 

134.  Notice  historique  sur  le  cardinal  Jean  de  Rochetaillée;  par 
M.  l'abbé  Christophe.  In-8«  d'une  feuille  1/2.  Imp.  de  Vingtrinier,  à  Lyon. 

135.  Du  nom  de  Jeanne  d'Arc.  Examen  d'une  opinion  de  M.  Vallet  de 
Viriville,  par  Renard  (Athanase).  In-S»  d'une  feuille  1/4.  —  A  Paris,  chez 
Garnier  frères. 

136.  Notice  sur  des  lettres  de  créance  émanées  de  Louis  XII,  concer- 
nant Rigaud  d'Aurelle,  Tristan,  Salazar  et  Florimond  Robertet,  ses  con- 


294 

temporains;  par  M.  de  Sartiges  d'Angles.  In-8°  d'une  demi-feuille.  Imp.  de 
Ïhibaud-Landriot,  à  Clermont-Ferrand. 

137.  Essai  sur  la  vie  d'Antoine  du  Prat,  chancelier  de  France,  archevê- 
que de  Sens,  cardinal  à  latere^  etc.;  par  le  marquis  du  Prat.  In-8°  de  11 
feuilles  1/2. — A  Versailles,  chez  Dagneau  jeune. 

138.  La  Noue.  Notice  sur  sa  vie  et  ses  écrits.  Thèse;  par  C.  Seguer,  de 
Montbéliard  (Doubs).  In-S"  de  2  feuilles  1/2,  Imp.  de  madame  veuve  Decker, 
à  Colmar. 

139.  Montaigne,  magistrat;  par  Alph,  Grûn.  Iu-8°  de 3  feuilles.  Imp.  de 
Dubuisson,  à  Paris. 

140.  Histoire  des  luttes  et  rivalités  politiques  entre  les  puissances  mari- 
times et  la  France  durant  la  seconde  moitié  du  dix-septième  siècle;  par  le 
baron  Sirtema  de  Grovestins.  Tomes  III  à  VIII.  Six  volumes  in-S",  ensem- 
ble de  198  feuilles  3/4.  —  A  Paris,  chez  Amyot,  rue  de  la  Paix ,  6. 

141.  Portraits  historiques ,  par  Pierre  Clément.  In-8»  de  34  feuilles ,  ou 
in-12  de  22  feuilles  2/3.  —  A  Paris,  chez  Didier,  (1855).  7  fr.  et  3  fr.  50  c. 

Suger.  —  Sully.  —  Le  président  de  Novion.  —  Le  comte  de  Grignan.  —  Le  garde  des 
sceaux  d'Argenson.  —  Jean  Law.  —  Machault  d'Arnouville —  Les  frères  Paris.  — 
L'abbé  Terray.  —  Leduc  deGaëte —  Le  comte  MoUien. 

142.  Monuments  religieux  de  Cambrai  avant  et  depuis  1789;  par  A. 
Bruyelle.  In-S"  de  17  feuilles  1/4 ,  plus  9  gravures.  Imp.  de  Prignet ,  à  Va- 
lenciennes. 

143.  Le  Château  de  Roissac  sous  ses  seigneurs,  suivi  d'aperçus  histori- 
ques sur  Salles  et  Genté,  Gensac,  Ambleville,  Saint-Fort,  Angeac,  Ars, 
Bourg,  Angles,  Bouteville,  .larnac-Charente^  Bessac,  et  d'une  légende  du 
treizième  siècle;  par  P.  Lacroix.  In-8°  de  4  feuilles  1/2.  Imp.  de  Durosier, 
à  Cognac. — A  Cognac,  chez  Gérard  (1  fr.  25  c.) 

144.  Notice  historique  sur  Hauterive  (Drôme);  par  A.  Lacroix.  In-18 
d'une  feuille. — A  Valence,  chez  Marc  Aurel. 

145.  Notice  historique  sur  Loriol  (Drôme);  par  M.  l'abbé  A.  Vincent.  In- 
12  de  3  feuilles.  —  A  Valence,  chez  Marc  Aurel. 

146.  Histoire  de  l'abbaye  de  Saint-Claude,  depuis  sa  fondation  jusqu'à 
son  érection  en  évêché  ;  par  M.  l'abbé  de  Ferroul-Montgaillard.  Tome  I*"". 
In-8''  de  24  feuilles  1/2,  plus  6  lithogr.  Imp.  de  Gauthier,  à  Lons-le- 
Saulnier. 

147.  Cartulaire  général  de  l'Yonne.  Recueil  de  documents  authentiques 
pour  servir  à  l'histoire  des  pays  qui  forment  ce  département.  Publié  par  la 
Société  des  sciences  historiques  et  naturelles  de  l'Yonne,  sous  la  direction 
de  M.  Maximilien  Quantin,  archiviste  du  département,  etc.  Tome  P*^.  In-4» 
de  84  feuilles  1/2,  ^Xxxs  2  fac-similé.  —  A  Paris,  chez  Durand  (17  fr.). 

148.  Histoire  de  l'abbaye  de  Saint-Germain  d'Auxerre,  ornée  de  plu- 


295 

sieurs  plans  et  vues  de  labbaye;  par  V .  B.  Henry,  etc.  In-S»  de  38  feuilles, 
plus  7  pi.— Auxerre,  chez  Gallot  (1853). 

149.  Mémoires  historiques  sur  la  ville  de  Seignelay,  avecles  principales 
pièces  justificatives;  par  M.  Waast  Barthélemi-Henry.  Tome  II.  In-8°  de 
23  feuilles  1/4. — A  Auxerre,  chez  Gallot-Fournier  (1853). 

150.  Troyes  depuis  le  cinquième  siècle  jusqu'au  dix-huitième.  Notes  de 
J.  B.  Breyer,  trésorier  et  chanoine  de  l'église  papale  et  collégiale  de  Saint- 
Urbain,  et  de  Hugot,  chanoine  de  l'église  collégiale  de  Saint-Étienne;  re- 
cueillies et  mises  en  ordre  par  Michel  Sémilliard  ,  avocat  à  Troyes.  In-4°  de 
3  feuilles  1/2.  —  A  Troyes,  chez  Varlot  père,  antiquaire,  éditeur. 

151.  Deutsche  Rechtsalterthiimer.  —  Antiquités  du  droit  germanique; 
par  J.  Grimm.  2"  édition.  Gœttingue,  Dieterich.  991  p.  gr.  in-S"  (16  fr.). 

152.  De  Codice  saec.  XV  Erlangensi  inedito  cui  promptuarium  juris  maxi- 
mam  partem  asaxonicis  romanisque  fontibus  repetitum  inest.  Scrips.  G.  Ph. 
Gengler.  Erlangae,  .Tunge,  44  p.  gr.  in-8°. 

153.  Essai  sur  la  RigsmaaI-Saga  et  sur  les  trois  classes  de  la  société  ger- 
manique; par  M.  de  Ring.  In-12  de  5  feuilles  1/6.  —  A  Paris ,  chez  Benja- 
min Duprat  (3  fr.  50  c). 

154.  Mùnchen.  —  Munie  et  ses  environs,  principalement  au  point  de  vue 
historique;  parle  professeur  Sœltl.  Avec  plans  de  1300,  1613, 1707  et  1837. 
—  Munie,  Franz.  301  p.  gr.  in-8°avec  grav.  et  pi.  (9  fr.  35  c). 

155.  Tableaux  d'histoire  de  la  Suisse  au  dix-huitième  siècle,  1715-1803  ; 
par  Charles  Monnard.  In-18  de  13  feuilles.  Imp.  de  Meyrueis,  àParis  ;  chez 
Meyrueis  (4  fr.). 

156.  Procès  du  comte  d'Egmont,  et  pièces  justiflcatives,  d'après  les  ma- 
nuscrits originaux  trouvés  à  Mons  ;  par  M.  de  Bavay.  1  vol.  in-8''  de  350  p. 
Bruxelles,  1854  (5  fr.  50  c). 

157.  L'Histoire  des  rois  de  Bretagne  de  Geoffroy  de  Monmouth  avec  in- 
trod.  et  notes,  et  la  Chronique  galloise  de  Brut  Tysylio;  trad.  allemande; 
publ.  par  San  Marte  (Schulz).  Halle,  Anton,  lxxvi  et  636  p.  gr.  in-S» 
(14fr.  50  c.). 

158.  Ingulph's  Chronicle.  — La  chronique  de  Croyland  d'Ingulfe,  avec 
les  continuations  de  Pierre  de  Blois  et  d'autres  écrivains.  Traduite  et  an- 
notée par  H.  F.  Riley.  Lond.,  Bohn.  546  p.  in-8o  (6  fr.). 

159.  Thomas  Morus  et  son  époque;  par  W.  Jos.  Walter.  Traduit  libre- 
ment de  l'anglais  par  Aug.  Savagner.  Suivi  d'une  analyse  de  l'Utopie  de 
Thomas  Morus.  2«  édition.  In-8''  de  23  feuilles  1/2,  plus  4  vignettes.  —  A 
Tours ,  chez  Mame. 

160.  Der  Aufstand.  —  L'insurrection  de  Constantinople  sous  Justi- 
nien  I";  par  le  prof.  Schmidt.  Zurich  ,  Meyer.  96  p.  gr.  in-S"  et  plan  de 
Constantinople  (2  fr.). 

161.  Die  Feldzùge.  —  Les  campagnes  de  Robert  Guiscard  contre  l'em- 


296 

pire  byzantin;  décrites  d'après  les  sources  par  Ch.  Scliwartz.  Fulde,  Mill- 
ier. 70  p.  gr.  in-4°  (1  fr.  35  c.)- 

162.  Geschichte.  —  Histoire  de  l'empire  ottoman  en  Europe  ;  par  J.  W. 
Zinkeiseu.  T.  H.  1453-1574.  Gotha,  Perthes.  973  p.  gr.  in-S"  (15  fr.  50  c). 

163.  Storia  documentata  di  Venezia.  —  Histoire  diplomatique  de  Ve- 
nise; par  S.  Romanin.  ï.  I.  Venise,  Naratovich.  1853.  23  feuilles  gr.  in-8° 
(7  fr.). 

L'ouvrage  aura  10  volumes. 

164.  Le  Relazioni.  —  Relations  des  ambassadeurs  vénitiens  au  sénat 
pendant  le  seizième  siècle  ;  publiées  par  Eug.  Alberi.  Vol.  8.  Florence, 
1853.  478  p.  gr.  in-8°. 

Les  relations  de  France  publiées  dans  ce  volume  prennent  les  pages  409  à  470. 

165.  Storia  di  Trento.  —  Histoire  de  Trente  depuis  les  temps  les  plus 
anciens  jusqu'en  1802-,  par  Th.  Gar ,  prof,  et  bibl.  T.  I.  Trente,  Monauni. 
1853.  32  feuilles  gr.  in-8°  (9  fr.). 

L'ouvrage  aura  4  volumes,  dont  le  dernier  consacré  aux  diplômes. 

166.  Statuti  inediti.  —  Statuts  inédits  de  la  ville  de  Pise  aux  12*,  13"  et 
14*  siècles;  publ.  par  Fr.  Bonaini.  T.  I.  Florence,  1853.60  feuilles  gr. 
in-4''  (24  fr.). 

L'ouvrage  aura  4  volumes. 

167.  Geschichte.  —  Histoire  de  l'origine  et  de  la  consolidation  des  États 
de  l'Église;  par  Sam.  Sugenheim.  Mémoire  couronné  par  l'Acad.  roy.  de 
Gœttingue.  Leipzig,  Brockhaus.  447  p.  gr.  in-8°  (10  fr.). 

168.  Die  Canarischen  Insein.  — Les  Canaries,  leur  passéet  leur  avenir; 
par  J.  de  Minutoli.  Berlin,  268  p.  gr.  in-8  (8  fr.). 


CHRONIQUE. 

Janvier  —  Février  1855. 

^-  Dans  ses  dernières  séances  ,  la  Société  de  l'École  des  chartes  a  reçu  au 
nombre  de  ses  membres  MM.  Chazaud,  Servois ,  Bertrandy,  Lacour  et 
Casati. 

—  Le  17  février,  M.  Fortoul ,  ministre  de  l'instruction  publique  et  des 
cultes,  a  été  élu  membre  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres , 
en  remplacement  de  M.  Raoul-Rochette. 

—  Notre  confrère  M.  Chatel  vient  d'être  nommé  archiviste  du  dépar- 
tement du  Calvados. 

—  Notre  confrère  M.  Fanjoux  vient  d'être  nommé  sous-préfet  de  Rocroy. 


ADOLPHE    DUCHALAIS 


La  Société  impériale  de  l'École  des  Chartes  doit  un  hommage 
et  un  témoignage  de  sympathie  à  la  mémoire  d'un  homme  qui 
a  été  l'un  de  ses  membres  les  plus  distingués,  et  l'un  de  ses  vice- 
présidents  :  en  me  confiant  la  mission  d'accomplir  ce  doulou- 
reux devoir,  mes  honorables  confrères  ont  pensé  que  les  rela- 
tions intimes  que  j'ai  entretenues  avec  Duchalais  me  mettaient  à 
même  de  répondre  plus  complètement  à  leurs  intentions.  Enlevé 
à  une  époque  de  la  vie  où  généralement  on  commence  à  peine 
à  compter  dans  la  république  des  lettres,  notre  confrère  avait 
déjà  beaucoup  produit;  j'essayerai  de  rappeler  ce  que  la  science 
doit  à  ses  travaux. 

Des  circonstances  indépendantes  de  ma  volonté  m'ont  em- 
pêché de  satisfaire  aussi  vite  que  je  l'aurais  souhaité  aux  vœux 
de  mes  amis  et  à  mon  entraînement  personnel.  Ces  lignes, 
quoique  tardives,  trouveront,  j'en  suis  sûr,  de  l'écho  chez  les 
nombreux  amis  de  Duchalais  :  quant  aux  autres  savants ,  je  me 
féliciterai  de  pouvoir  recommandera  leurs  études  et  à  leur  sou- 
venir les  ouvrages  nombreux  et  intéressants  que  notre  regretta- 
ble confrère  a  laissés. 

Jean-Baptiste-Ursiu-Adolphe  Duchalais  naquit  à  Baugenci, 
le  11  janvier  1814;  il  appartenait  à  une  famille  de  bonne  et 
vieille  bourgeoisie. 

Dès  son  enfance,  Duchalais  aima  les  livres  et  l'étude  :  il  se 
sentait  invinciblement  entraîné  vers  tout  ce  qui  se  rattachait 
aux  arts  et  aux  sciences  historiques.  Au  collège  d'Orléans ,  il 
se  distingua  par  sa  facilité  à  apprendre  la  mythologie,  l'his- 
toire et  aussi  la  géologie,  cette  archéologie  du  globe.  Parmi  les 
condisciples  de  Duchalais  il  n'en  était  pas  un  qui ,  dans  ces 
matières,  eût  osé  lui  disputer  la  supériorité.  Je  dois  ajou- 
I.  {Quatrième  série.)  20 


298 

ter  que  l'étude  de  la  langue  grecque  fut  alors  assez  négligée 
par  notre  confrère  ;  mais,  plus  tard ,  il  eut  le  courage  de  s'y 
remettre,  à  une  époque  où  les  jeunes  gens  en  oublient  avec  une 
si  complète  insouciance  le  peu  de  mots  restés  dans  leur  mé- 
moire. 

Dès  qu'il  eut  obtenu  le  diplôme  de  bachelier,  Duchalais  fut 
envoyé  à  Paris  pour  suivre  les  cours  de  l'école  de  droit  :  son 
père  le  destinait  au  notariat. 

Mais  M.  Duchalais  avait  compté  sans  la  vocation  bien  arrêtée 
de  son  fils  ;  celui-ci  se  souciait  peu  de  devenir  officier  ministé- 
riel dans  une  petite  ville ,  il  lui  fallait  les  musées ,  les  biblio- 
thèques, les  grandes  collections  de  tout  genre  que  l'on  ne 
trouve  qu'à  Paris.  Le  droit  était  pour  lui  une  étude  ingrate,  et 
si  vif  était  son  goût  pour  les  études  scientifiques,  qu'il  préféra 
longtemps  une  existence  gênée,  à  Paris,  à  une  position  qui  lui 
eût  assuré  une  vie  aisée,  au  milieu  des  dossiers  et  du  papier 
timbré,  dans  sa  ville  natale. 

Et  cependant,  il  l'aimait  cette  ville  natale!  Il  saisissait  toutes 
les  occasions  d'y  venir  passer  quelque  temps;  il  en  étudiait  les 
annales  avec  prédilection  ,  et  chaque  pierre  du  vieux  donjon  de 
Baugenci  lui  était  précieuse. 

Il  y  avait  peu  de  temps  que  Duchalais  était  établi  à  Paris, 
sous  prétexte  d'étudier  le  droit,  lorsque  je  le  connus;  notre 
vocation  commune  pour  l'archéologie  nous  attira  l'un  vers 
l'autre,  et  l'amitié  vint  bientôt  cimenter  des  relations  qui,  aprèà 
treize  années,  ne  m'ont  rendu  que  plus  vif  le  regret  de  les  voir 
cesser  brusquement.  Aujourd'hui  encore,  je  ne  puis  sans  émo- 
tion me  rappeler  ces  longues  heures  d'autrefois  où ,  pleins  d'ar- 
deur pour  la  science  que  nous  tentions  d'aborder,  nous  devisions 
ensemble  de  nos  études  favorites. 

L'analyse  de  tous  les  travaux  de  notre  cher  camarade  m'en- 
traînerait au  delà  des  bornes  de  cette  notice.  Je  m'attacherai 
seulement  à  quelques-uns  d'entre  eux,  qui  me  serviront  à  indiquer 
la  marche  ascendante  suivie  par  lui  dans  ses  études. 

Après  avoir  essayé  sa  plume  dans  des  notices  sur  quelques 
monuments  qui  l'avaient  particulièrement  frappé,  l'église  d'Ar- 
cueil  et  les  donjons  de  Baugenci  et  de  Montlhéry  ,  Duchalais 
s'occupa  spécialement  de  l'étude  des  monnaies  mérovingiennes  ; 
il  y  avait  alors  peu  de  temps  que  l'illustre  Lelewel  avait  démontré 
toute  l'importance  de  cette  série  monétaire.  Je  ne  parlerai  pas 


299 

de  la  sagacité  avec  laquelle  notre  confrère  déchiffrait  ces  petites 
pièces  d'un  travail  si  négligé,  traduisait  des  légendes  obscures, 
rapprochait  des  types  pour  les  éclaircir  les  uns  par  les  autres. 
Une  mémoire  imperturbable,  un  coup  dœil  sûr,  lui  permettaient 
de  donner  la  solution  d'une  foule  de  problèmes,  et  plus  d'une  fois 
des  preuves  matérielles  vinrent  ultérieurement  lui  donner  raison. 

Le  premier  mémoire  numismatique  de  Duchalais  fut  «  l'attri- 
«  bution  à  la  Canourgue  et  à  Bannassac  des  monnaies  mérovin- 
«  giennes  portant  pour  légendes  BANNACIACO  et  GAVALE- 
«  TANO  BAN.  »  Dans  ce  travail,  où  il  rectifiait  des  attributions 
fautives  faites  à  Bagneux ,  Bagnols  et  Javouls,  Duchalais ,  dès 
1838,  posait  des  principes  qui  sont  restés  acquis  à  la  science. 
Deux  ans  après,  il  faisait  faire  un  nouveau  pas  à  la  numisma- 
tique en  établissant  le  poids  de  Vaureus  romain  dans  la  Gaule  : 
de  nombreuses  pesées  et  une  étude  consciencieuse  lui  avaient 
démontré  que,  depuis  le  règne  de  Majorien  jusqu'à  celui  de 
Maurice,  le  sou  d'or  pesait  84  grains  et  le  triens  28,  ce 
qui  était  conforme  aux  prescriptions  du  code  Théodosien  ;  il 
avait  en  outre  constaté  que  depuis  Maurice ,  et  en  Occident,  le 
sou  avait  pesé  72  grains  et  le  triens  24,  et  il  avait  été  ainsi  amené, 
en  quelque  sorte  mathématiquement,  à  rapporter  au  règne  de  Mau- 
rice la  révolution  monétaire  qui  donna  naissance  au  système 
franc  proprement  dit,  et  produisit  les  solidi  francici  mentionnés 
par  Marculfe.  —  J'insiste  sur  cette  découverte,  qui  n'est  pas 
assez  connue,  bien  qu'elle  soit  l'objet  d'un  mémoire  publié  dans 
la  Revue  numismatique  de  1840;  à  notre  époque,  où  tant  de 
personnes  ne  se  font  pas  conscience  de  prendre  ce  qu'elles  trou- 
vent à  leur  gré,  et  de  s'en  emparer  comme  de  leur  propre  bien,  il 
est  juste  de  noter  avec  soin  les  noms  de  ceux  à  qui  revient  légi- 
timement la  priorité.  Dernièrement  ,  M.  Ch.  Lenormant ,  si 
compétent  en  pareille  matière,  donnait  aux  recherches  de  Du- 
chalais sur  ['aureus  romain  dans  la  Gaule  des  éloges  dont  ses 
confrères  et  ses  amis  ont  le  droit  d'être  fiers. 

Je  réunirai  à  la  fin  de  cette  notice  la  liste  des  ouvrages  de 
Duchalais  ;  il  faudrait  un  volume  pour  les  étudier  tous  en  détail  ; 
je  dois  donc  me  contenter  de  parler  ici  d'une  manière  générale 
de  chacune  des  branches  de  l'archéologie  entre  lesquelles  ils 
peuvent  se  classer. 

Dans  la  numismatique  du  moyen  âge,  notre  confrère  se  mon- 
tra encore  plus  perspicace  que  dans  ses  recherches  sur  les  mon- 

20. 


300 

naies  antérieures  au  neuvième  siècle;  le  champ  était  plus 
vaste,  les  connaissances  approfondies  qu'il  possédait  sur  l'his- 
toire contribuaient  à  lui  faciliter  l'interprétation  des  types  et 
des  légendes.  Ce  fut  Duchalais  qui,  le  premier,  commença  à  dis- 
tinguer dans  les  monnaies  carlovingiennes  celles  qui  émanaient 
du  pouvoir  royal  et  celles  qui  étaient  émises  par  les  premiers 
ateliers  féodaux  ;  il  donna  ainsi  à  l'étude  de  ces  monnaies  une 
valeur  nouvelle ,  et  ouvrit  une  large  voie  à  ceux  qui  veulent 
trouver  la  solution  de  problèmes  historiques  restés  indéchiffra- 
bles jusqu'à  présent  ;  il  posa  nettement  la  loi  de  la  dégénérescence 
des  types;  il  fixa  des  points  de  départ  qui  sont  et  resteront  des 
jalons  précieux. 

Elève  de  l'Ecole  des  Chartes  depuis  1840  ,  et  archiviste  paléo- 
graphe, Duchalais  avait  été  attaché  aux  travaux  historiques 
dirigés  par  M.  Augustin  Thierry;  il  était  auxiliaire  de  l'Institut, 
membre  de  la  Société  des  Antiquaires  de  France ,  et  affilié  à  un 
grand  nombre  de  sociétés  savantes  de  la  province  et  de  l'étran- 
ger, lorsqu'il  entra  au  Cabinet  des  médailles  de  la  Bibliothèque 
royale.  Là  était  sa  véritable  place  ;  là  il  se  trouvait  au  centre 
de  ses  études,  au  milieu  de  collaborateurs  dont  les  noms  font 
autorité  dans  le  monde  scientifique.  Duchalais  avait  alors  une 
réputation  personnelle  qui  lui  permettait  de  figurer  dans  cette 
réunion  d'hommes  dont  la  science  égale  la  courtoisie  :  il  pou- 
vait espérer  que  bientôt  le  dernier  admis  aurait  le  droit  de  figu- 
rer sur  le  même  rang  que  les  plus  anciens. 

Dès  ce  moment,  et  sans  abandonner  les  monnaies  des  Méro- 
vingiens, des  Carlovingiens  ainsi  que  celles  des  barons  de  la 
féodalité,  notre  ami  reconnut  qu'il  devait  s'attaquer  franchement 
à  l'antiquité  ;  il  publia  plusieurs  mémoires  que  les  maîtres  tels  que 
Mionnet  et  Eckhel  n'auraient  pas  désavoués  ;  il  entreprit  un 
ouvrage  auquel  l'Institut  a  décerné  le  prix  en  1846,  et  qui  a  sa 
place  dans  toutes  les  bibliothèques  des  savants,  je  veux  par- 
ler de  la  «  Description  des  médailles  gauloises  du  cabinet  de 
France.  » 

Il  fallait  du  courage  pour  aborder  un  pareil  travail ,  dans 
lequel  tout  était  à  faire ,  un  travail  qui  concernait  exclusivement 
une  classe  de  monuments  monétaires  généralement  dédaignés 
jusqu'alors  à  cause  de  leur  fabrique  barbare.  Duchalais  avait 
compris  que  là  se  trouvaient  les  plus  anciennes  archives  de  notre 
nation;  il  y  consacra  ses  longues  veilles,  et  eut  le  mérite  de 


301 

rendre  la  roule  praticable.  Nous  nous  écrivions  souvent  pour 
nous  communiquer  nos  appréciations,  et,  je  dois  l'avouer,  dans 
cet  échange  de  pensées,  je  recevais  bien  plus  que  je  ne  donnais. 
Je  ne  puis  m'empêcher  de  rappeler  ici  une  longue  lettre  qu'il 
m'adressa  quelques  mois  avant  la  maladie  qui  nous  l'enleva  ; 
c'est  un  véritable  mémoire  inédit  que  je  me  reprocherais  de 
garder  pour  moi  seul  aujourd'hui. 

«  Mon  cher  camarade , 

«  Vous  me  demandez  mon  opinion  sur  les  quadrilatères  que  vous 
remarquez  principalement  sur  les  statères  gaulois  que  vous  attribuez 
à  la  confédération  armoricaine  ;  à  mon  avis,  ce  ne  sont  ni  des phalères 
ni  des  bricoles  de  phalères;  j'y  vois  un  anathema  ou  ex-voto  d'une 
victoire  remportée.  Voici  mes  raisons  : 

«  L'aurige  gaulois  ne  tient  pas  un  stimulus  à  la  main,  mais  une  branche 
chargée  de  baies;  or,  sur  les  statères  macédoniens,  comme  sur  un  grand 
nombre  de  monnaies  dont  les  types  rappellent  les  triomphes  remportés 
dans  des  jeux  publics ,  l'aurige  porte  une  palme  qui  est  certainement 
l'équivalent  du  rameau  chargé  de  baies.  Cette  palme  ou  ce  rameau  sont 
regardés  par  tous  les  antiquaires  comme  un  objet  de  consécration  ;  j'ai 
ouï  parler  par  Longpérier  d'un  vase  du  Louvre  sur  lequel  on  voit  un 
personnage  tenant  de  chaque  main  une  palme  à  laquelle  pendent,  par 
deux  liens  très-courts,  il  est  vrai,  deux  objets  quadrilatéraux.  M.  Raoul- 
Rochette,  dans  son  traité  sur  la  peinture  murale  des  anciens,  donne  une 
planche  représentant  un  arbre  aux  branches  duquel  pendent  de  petits 
tableaux,  sur  quelques-uns  sont  figurés  des  dessins;  on  donne  à  ces 
petits  tableaux  le  nom  d'anathemata  ;  je  crois  donc  que  ce  sont  des 
anathemata  que  nous  devons  voir  sur  le  vase  du  Louvre,  comme  sur  vos 
monnaies  gauloises. 

«  Rappelez-vous  que  Mionnet,  le  premier  qui  a  eu  occasion  de  parler 
de  ces  objets,  les  a  appelés  des  tableaux;  que  M.  Lambert  y  a  vu  le 
péplum,  semblable  au  péplum  panathénaïque ,  le  péplum  de  la  Mi- 
nerve gauloise  ;  enfin ,  qu'à  mon  tour,  j'ai  proposé ,  quoique  très- 
timidement  ,  d'y  reconnaître  un  linge  sacré ,  un  symbole  analogue  à 
la  vitta.  Je  crois  fermement  que  j'étais  dans  le  vrai  ,  ainsi  que 
M.  Hucher  et  vous ,  lorsque  vous  y  reconnaissiez  un  vexillum ,  et  voici 
pourquoi  : 

«  La  peinture  publiée  par  M.  Raoul-Rochette  représente  indubitable- 
ment des  tableaux  appendus  à  un  arbre,  en  guise  d' anathemata;  le 


30-2 

péplum  pauathénaique  était  une  autre  sorte  à'anathema,  tissé  par  les 
jeunes  filles  d'Athènes  et  porté  au  Parthénon ,  en  grande  cérémonie , 
dans  les  fêtes  des  Panathénées  ;  il  représentait  les  victoires  de  Pallas  sur 
les  Géants.  Ce  qui  a  fait  croire  à  M.  Lambert  que  sur  les  monnaies 
gauloises  il  s'agissait  d'un  objet  analogue  consacré  à  une  Minerve  gau- 
loise ,  c'est  qu'à  propos  de  la  guerre  des  ïnsubriens  d'Italie  contre  les 
Romains,  ces  Gaulois,  pour  exciter  l'ardeur  de  leurs  soldats,  faisaient 
porter  devant  l'armée  un  péplum  nommé  les  Immobiles ,  qu'ils  conser- 
vaient dans  le  temple  de  Minerve  pour  ne  le  faire  sortir  que  dans  les 
grandes  occasions,  lorsqu'il  y  avait  une  guerre  nationale.  C'était  leur 
chape  de  saint  Martin,  leur  oriflamme;  c'est  de  Polybe,  qu'il  ne  cite 
pas,  je  crois,  que  M.  Lambert  a  tiré  ce  fait  important. 

«  Si  j'ai  dit  à  mon  tour  que  ce  symbole  était  analogue  à  la  viifa,  c'est 
que  je  savais  que  la  vitta  était  un  objet  de  consécration ,  et  que  j'y 
voyais  une  sorte  d'ex-voto;  ainsi  à  Crotone,  et  ailleurs  encore,  la  vitta 
orne  le  trépied  d'Apollon.  Sur  les  vases  peints,  la  Victoire  l'offre  au 
vainqueur,  en  ceint  son  front,  ou  l'attache  à  la  colonne  élevée  sur  les 
tombeaux;  en  Eubée,  elle  est  appendue  aux  cornes  du  taureau,  sym- 
bole parlant  du  nom  de  cette  île;  enfin,  pour  ne  pas  multiplier  fasti- 
dieusement  les  exemples,  je  vous  rappellerai  les  monnaies  de  Sicile  et 
d'Élide  sur  lesquelles  Nice  tient  à  la  main  ,  soit  une  vitta  seule  ^  soit  une 
vitta  attachée  à  une  palme. 

«  Je  n'ai  pas  eu  le  loisir  de  lire  tous  les  passages  que  M.  Raoul-Rochette 
consacre  à  ces  anathemata;  je  ne  puis  donc  vous  dire  s'il  admet  seule- 
ment qu'un  ex-voto  de  ce  genre  fût  exclusivement  un  tableau.  Comme 
il  m'est  impossible  de  voir  dans  le  péplum  panathénaïque  autre  chose 
qu'un  objet  de  cette  nature ,  je  crois  fermement  qu'il  y  avait  des  ex-voto 
de  tous  genres,  vitta,  tableaux ,  statues  (plus  particulièrement  appelées 
agalmata)  et  tapisseries. 

«  L'anathema  des  statères  gaulois  est  donc  pour  moi  une  tapisserie  , 
un  linge  sacré,  un  péplum ,  un  vexillum,  comme  vous  le  voudrez;  ce 
qui  me  le  démontre,  ce  sont  les  franges  dont  la  partie  inférieure  est 
quelquefois  ornée. 

«  J'aborde  maintenant  une  autre  série  de  preuves  que  je  crois  pou- 
voir invoquer  à  l'appui  de  mon  opinion ,  et  que  j'estime  être  d'une  cer- 
taine importance. 

«  Vous  savez  que  de  tous  les  peuples  de  l'antiquité,  les  Siciliens  étaient 
ceux  qui  attachaient  le  plus  de  prix  aux  palmes  cueillies  aux  jeux 
isthmiques,  olympiques  et  pythiques;  leurs  médailles  suffiraient  pour 
en  faire  foi ,  si  les  odes  de  Pindare  n'étaient  là  pour  l'attester.  Or,  sur 


303 

les  tétradrachmes  de  presque  toutes  leurs  villes,  on  voit  un  bige  ou  un 
quadrige  dont  le  conducteur  est  couronné  par  la  Victoire;  quelquefois 
même  Nice  prend  sa  place  dans  le  char.  Je  vous  citerai  particulière- 
ment trois  pièces  qui  ont  attiré  votre  attention  lors  de  votre  dernière 
visite  au  Cabinet. 

«  Un  magnifique  médaillon  d'Agrigente,  qui  fait  l'ornement  de  la 
collection  de  France ,  représente  un  char  attelé  de  quatre  chevaux , 
précédé  par  un  aigle  étreignant  un  serpent  dans  ses  serres  ;  Homère 
nous  a  appris  que  cet  emblème  était  un  signe  de  victoire.  Un  autre  té- 
tradrachme  offre  le  même  quadrige,  dont  l'aurige  est  couronné  par  la 
Victoire;  enfin,  sur  un  troisième,  on  ne  voit  ni  l'aigle  du  premier  ni  la 
Victoire  du  second ,  mais  un  quadrilatère  auquel  s'attache  un  ruban , 
et  sur  lequel  est  écrit  en  toutes  lettres  AKPArANTiiNON  ;  seulement 
l'espace  ayant  fait  défaut ,  les  trois  dernières  lettres  sont  placées  dans  le 
champ  de  la  médaille. 

«  Eh  bien  !  ne  faut-il  pas  reconnaître  ici  l'équivalent  de  la  Victoire 
couronnant  le  vainqueur  agrigentin ,  l'équivalent  de  l'aigle  déchirant 
le  serpent,  l'équivalent  enfin  de  notre  symbole  gaulois  ? 

«  TransportODS-nous  maintenant  à  Syracuse;  nous  y  trouvons,  devant 
le  char  de  triomphe,  la  Victoire  elle-même  tenant  un  quadrilatère  ana- 
logue, attaché  par  deux  liens,  et  sur  lequel  on  lit  EYAINHÏ02.  Évé- 
nète  était  un  célèbre  graveur,  l'émule  de  Cimon,  et  tous  deux  ont  signé 
plusieurs  médailles  syracusaines ;  mais  que  vient  faire,  me  direz-vous, 
le  nom  du  graveur  sur  Xanathema? —  Voici  ma  réponse;  vous  me  direz 
ce  que  vous  en  pensez. 

«  Les  graveurs  de  l'antiquité ,  à  l'exception  d'Évantos  de  Cydonia, 
ont  soigneusement  dissimulé  leurs  signatures  sur  les  monnaies;  ainsi  un 
graveur  massaliote  cachait  son  nom  ATPI  dans  les  favoris  de  la  tète 
du  dieu  local  (Apollon);  Cimon  et  Événète  mettaient  eux-mêmes  leurs 
signatures  dans  des  ornements  secondaires,  tels  que  la  chevelure  de  Pro- 
serpine  ou  d'Aréthuse ,  sur  un  des  dauphins  qui  accompagnent  cette 
magnifique  tête,  sur  le  bandeau  qui  ceint  son  front,  etc.  Je  crois  que 
si  Événète,  ayant  gravé  un  anathema ,  mit  son  nom  dessus ,  il  avait  de 
bonnes  raisons  :  en  grec ,  eO  aivvi  signifie  heureuse  louange.  En  écrivant 
son  nom  de  manière  à  ce  que  les  trois  dernières  lettres  fussent  dans  le 
champ,  il  faisait  un  jeu  de  mots  comme  on  en  trouve  si  fréquemment 
sur  les  monnaies  grecques. 

«  A  Damastium  d'Épire,  dont  le  nom  fait  allusion  à  celui  de  la  Vic- 
toire, oa|xaa),  vaincre,  nous  trouvons  encore  un  quadrilatère,  comme 
l'un  des  types  principaux;  dans  cet  objet,  dont  on  a  déjà  donné  les 


304 

explications  les  plus  invraiiàemblables,  je  vois  un  anaihema;  quelque- 
fois on  y  lit  le  nom  d'un  magistrat,  KH<1>I;  les  caractères  en  sont  trop 
gros  pour  que  l'on  doive  y  voir  le  nom  d'un  graveur.  » 

Dùchalais  devait  rendre  de  grands  services  à  la  numismatique 
gauloise ,  et  je  lis  encore  dans  une  de  ses  lettres  ce  passage 
que  je  cite  avec  un  certaiu  orgueil,  et  qui  résume  la  marche  qu'il 
comptait  suivre  : 

«  C'est  à  l'aide  des  monuments  de  la  Grèce  que  je  tâche  d'élucider  les 
obscurités  de  nos  médailles  nationales.  Je  ne  sais  ce  que  vous  en  pen- 
serez, mais  je  crois  que  nos  pères  n'étaient  pas,  comme  on  le  suppose 
généralement,  et  comme  l'ont  dit  les  Romains,  leurs  vainqueurs,  étran- 
gers au  mouvement  de  la  civilisation.  Je  me  confie  d'autant  plus  volon- 
tiers à  vous,  que  vous  avez  dernièrement  démontré  que  Pythagore  leur 
devait  une  partie  de  ses  doctrines,  sinon  sa  doctrine  tout  entière.  Je 
crois  fermement  que  les  emprunts  ont  été  réciproques,  et,  faisant 
amende  honorable,  j'avoue  maintenant  qu'à  une  certaine  époque  que  je 
crois  pouvoir  fixer  vers  l'an  60  ou  70  avant  notre  ère,  les  Gaulois  sa- 
vaient, en  copiant  les  types  grecs  et  romains,  les  approprier  à  leurs 
mythes.  » 

Espérons  que  les  nombreuses  notes  et  les  manuscrits  de 
Dùchalais,  confiés  à  des  mains  amies,  pourront  être  mis  en 
état  de  voir  le  jour  ;  ce  sera  un  service  rendu  à  la  science,  et 
un  digne  hommage  à  sa  mémoire. 

Quelques  mots  encore  et  je  termine. 

Dùchalais  était  bon  ami ,  confrère  obligeant  et  savant  mo- 
deste; ferme  dans  la  discussion,  il  ne  cédait  que  lorsqu'il 
était  convaincu.  Je  n'ai  connu  chez  personne  la  probité  litté- 
raire plus  développée  que  chez  lui.  C'était  un  noble  carac- 
tère. 

Passionné  pour  l'étude,  il  a  travaillé  jusqu'au  jour  où  la  ma- 
ladie est  venue  paralyser  un  zèle  jusqu'alors  infatigable;  il  est 
mort  près  de  sa  mère,  le  20  août  1854,  dans  les  sentiments  d'un 
vrai  chrétien. 

A.  de  Barthélémy. 


305 
LISTE  DES  OUVRAGES  DE  J.  B.  U.  A.  DUCHALAIS. 

ABCHÉOLOGIE. 

1 .  Observations  sur  les  cachets  des  médecins  oculistes ,  à  propos 
de  cinq  pierres  sigillaires.  (Mém.  des  antiq.  de  France,  nouvelle  série, 
t.  VIII.) 

2.  Note  sur  une  tète  de  bronze  antique,  attribuée  à  Marcus  Cœlius 
Caldus,  et  restituée  à  Lépide.  (Ib.,t.  Xi.) 

3.  Recherches  sur  les  antiquités  gauloises  et  gallo-romaines  de  Suè- 
vres.  (Bull,  de  la  Soc.  arch.  de  l'Orléanais.) 

4.  Explication  de  quelques  bas-reliefs  de  la  cathédrale  de  Paris. 
(Mém.  des  antiq.  de  Fr.,  t.  VI.) 

5.  Explication  d'un  bas-relief  de  la  cathédrale  de  Parme.  (Ib., 
t.  XII.) 

6.  Le  rat  employé  comme  symbole  au  moyen  âge.  (Bibl.  de  l'Ecole 
des  Chartes,  t,  IX  et  X.) 

7.  Etudes  sur  l'iconologie du  moyen  âge:  chasteté  et  luxure;  no- 
blesse et  vilenie.  (Ib.,  t.  X.) 

8.  Mémoire  archéologique  sur  la  tour  deBaugenci.  (Bull,  de  la  Soc. 
bibliophile-historique,  1836-37;  reproduit  dans  la  Mosaïquede  l'Ouest 
et  du  Centre.) 

9.  Études  archéologiques  sur  le  département  de  la  Meuse.  (Rev.  de 
la  Meuse.) 

10.  Mémoire  archéologique  sur  la  tour  de  Montlhéry. 

11.  Mémoire  sur  Arcueil,  bas-relief  de  l'église.  —  Sceaux,  imp.  de 
Dépée. 

12.  Notice  sur  le  diptyque  de  l'office  des  fous,  envoyée  à  la  Société 
archéologique  de  Sens.  (Ce  mémoire  est  encore  inédit.) 

Duchalais  avait  réuni  des  notes  considérables  pour  un  travail  sur 
Varbre  paradision. 

Je  ne  citerai  pas  dans  cette  nomenclature  les  nombreux  articles  de 
critique  et  de  compte  rendu  qu'il  a  publiés  dans  un  grand  nombre 
de  Revues,  mais  principalement  dans  la  Revue  numismatique  et  dans  la 
Bibliothèque  de  l'École  des  Chartes. 

Histoire. 

13.  Dissertation  sur  une  charte  inédite  de  l'an  1138,  relative  à 
l'histoire  des  vicomtes  de  Melun.  (Bibl.  de  l'École  des  Chartes,  t.  VI  et 


306 

Vil.)  —  Dans  ce  travail  qui  concerne  une  charte  scellée  avec  une  mon- 
naie, on  trouve  une  bonne  classification  des  pièces  des  comtes  de 
Champagne. 

14.  Recherches  historiques  sur  la  ville  et  le  canton  de  Baugenci. 
(Aun.  de  Baugenci  de  1845.)  —  Ce  travail ,  ainsi  que  le  mémoire  ar- 
chéologique sur  le  donjon  de  la  même  ville,  devait  être  refondu  dans 
une  histoire  générale. 

Numismatique. 

Je  ne  puis  noter  les  nombreux  articles  du  Dictionnaire  de  l'histoire 
de  France^  publié  sous  la  direction  de  M.  Le  Bas ,  qui  sont  dus  à  la 
plume  de  Duchalais  :  il  y  a  mis  un  bon  résumé  de  la  numismatique 
nationale,  depuis  l'époque  gauloise. — Notons  ici  que  notre  confrère  avait 
l'intention  de  recueillir  les  documents  nécessaires  pour  la  rédaction  d'un 
catalogue  général  et  raisonné  des  monnaies  mérovingiennes. 

15.  Mémoire  sur  Apollon  Sauroctone.  (Rev.  archéologique.)  Ce  mé- 
moire contient  des  renseignements  importants  sur  la  numismatique 
gauloise  des  Rémi. 

16.  Observations  sur  quelques  points  de  numismatique  gauloise. 
(Rev.  numismatique,  1847.) 

17.  Le  type  du  Douisien  est-il  d'origine  celtique?  Les  types  moné- 
taires des  Gaulois  ont-ils  eu  quelque  influence  sur  les  types  monétaires 
du  moyen  âge?  (Ib.,  1848.) 

18.  Des  médailles  des  Sotiates.  (Ib.,  1846.) 

19.  Description  des  médailles  gauloises  du  cabinet  de  France  ;  1  vol. 
in-8°.  Paris,  1846.  FirminDidot.  (Couronné  par  l'Académie  des  ins- 
criptions et  bel  les- lettres.) 

20.  Monnaies  gauloises  trouvées  à  Basoches  en  Dunois.  (Rev.  num., 
1840.) 

21.  Restitution  à  la  Mauritanie  de  deux  médailles  d'Auguste  et 
d' Agrippa  attribuées  à  l'Espagne.  (Rev.  num.,  1842.) 

22.  Restitution  à  Éphèse  et  à  l'Egypte  de  cinq  monnaies  autrefois 
classées  à  Arsinoé  de  Cyrénaïque  et  à  Éleusa  de  Cilicie.  (Ib.,  1848.) 

23.  Restitution  à  Ptolémaïs  de  Pamphylie  et  à  Ptolémée,  roi  d'Epire, 
de  deux  pièces  de  bronze  attribuées  à  Ptolémaïs  de  Cyrénaïque.  —  Mé- 
daille inédite  de  Ptolémaïs  de  Galilée.  (Ib.,  1848.) 

24.  Restitution  à  Olbasa  de  Pisidie,  à  Jérusalem  et  aux  contrées 
occidentales  de  la  haute  Asie,  de  trois  monnaies  coloniales  attribuées  à 
Océa  de  Syl-tique.  (Ib.,  1849.) 


307 

25.  Observations  sur  les  monnaies  de  Cardia.  — Restitution  à  La- 
rissa de  Thessalie  et  à  la  Cyrénaïque  de  quelques  médailles  attribuées 
à  Cardia.  (Ib.,  1849  et  1850.) 

26.  Monnaies  inédites  de  la  Cyrénaïque.  —  Attribution  à  cette  con- 
trée de  quelques  médailles  laissées  parmi  les  incertaines.  (Ib.,  1850  et 
1851.) 

27.  Mémoire  sur  les  monnaies  antiques  frappées  dans  la  Numidie 
«t  dans  la  Mauritanie.  (Mémoire  des  ant.  de  France  ,  nouvelle  série , 
t.  IX.) 

28.  Restitution  à  la  Chersonèse  Taurique  d'une  médaille  attribuée 
aux  îles  de  Clides.  (Rev.  num.,  1851.) 

29.  Restitution  à  Corinthe  d'une  médaille  de  bronze  attribuée  à  Eriza 
de  Carie.  (Ib.,  1851.) 

30.  Recherches  sur  quelques  points  de  l'histoire  numismatique  de  la 
ville  de  Cnide.  (Méra.  des  ant.  de  France,  t.  X.) 

31.  Observations  sur  quelques  médailles  de  l'Élide.  (Rev.  num., 
1852.) 

32.  Monnaies  de  Cyrène  au  type  de  l'abeille.  (Ib.,  ib.) 

33.  Monnaies  frappées  en  commun  par  les  villes  de  Phères,  Atrax, 
Argissa,  Castanea  et  des  Athamans.  (Ib.,  1853.) 

34.  Octavie  représentée  en  Victoire  sur  un  denier  et  un  aureus  des 
familles  Mussidia  et  Numonia.  (Ib.,  ib.) 

35.  Petit  bronze  de  Maurice-Tibère  frappé  à  Carthage.  (Ib.,  ib.) 

36.  Poids  de  Vaurens  romain  dans  la  Gaule.  (Rev.  num.,  1840.) 

37.  Attribution  à  la  Canourgue  et  à  Bannassac  de  monnaies  méro- 
vingiennes portant  pour  légendes  BANNACIAGO  et  GAVALETANO 
BAN.  (Bull,  delà  Soc.  bibliophile-historique,  1836-1837.) 

38.  Études  numismatiques  sur  le  département  de  la  Meuse;  restitu- 
tion à  Sorcy ,  en  Barrois,  d'un  triens  mérovingien  attribué  à  Saucourt. 
(Rev.  de  la  Meuse,  1841.) 

39.  Note  sur  un  triens  mérovingien  frappé  à  Dourdan.  (Bull,  de  la 
Soc.  arch.  de  l'Orléanais,  1851.) 

40.  Restitution  à  Baugé  et  Loudun  de  deux  monnaies  mérovingien- 
nes attribuées  à  Baugenci,  à  Baugi  et  à  Laon.  (Rev.  num.,  1839.) 

41.  Observation  sur  quelques  monnaies  mérovingiennes.  (Ib.,  1842 
et  1845.) 

42.  Triens  de  Lyon.  (Ib.,  1850.) 

43.  Triens  du  Gévaudan.  (Ib.,  ib.) 

44 .  Observations  sur  quelques  monnaies  mérovingiennes  publiées 
en  Belgique  et  en  Russie.  (Ib.,  1854.) 


308 

45.  Triens  de  la  Frise.  (Ib.,  1854.) 

46.  Un  mot  sur  le  type  du  portail.  (Ib.,  1840.) 

47.  Attribution  à  Baugenci  d'une  monnaie  carlovingienne  inédite. 
(Ib.,  1839.) 

48.  Obole  inédite  de  Thibaut  le  Tricheur,  frappée  à  Baugenci.  (Ib., 
1846.) 

49.  Observations  sur  quelques  monnaies  des  dixième  et  onzième 
siècles,  frappées  àSenlis,  Chinon,  Orléans,  Étampes,  le  Mans  et  Ca- 
teau-Cambrésis.  (Ib.,  1840.) 

50.  Notice  sur  la  maille  d'or  de  Baugenci.  (Ib.,  1838.) 

51.  Monnaies  lorraines  au  douzième  siècle  :  restitution  à  Thierry, 
duc  de  Lorraine,  de  monnaies  de  Neuf-Chateau,  attribuées  par  M.  Ro- 
bert aux  évêques  de  Toul.  (Ib.,  1845.) 

52.  Monnaies  de  Rethel  et  de  Mézières.  (Ib.,  1851.) 

53.  Observations  sur  le  type  des  monnaies  de  Morlas.  (Ib.,  1840.) 

54.  Observations  sur  quelques  monnaies  frappées  à  Orange  pendant 
le  moyeu  âge.  (Ib.,  1844.) 

55.  Monnaie  inédite  du  Bourbonnais  et  de  Souvigni.  (Ib.,  1852.) 

56.  Mémoire  sur  une  monnaie  d'un  roi  de  Naples.  (Mém.  de  la  Soc. 
desant.  de  France,  t.  XII.) 

57.  Observations  sur  quelques  jetons  relatifs  à  l'histoire  du  Blésois. 
(Rev.  uum.,  1847.) 

58.  Jeton  de  Blanche  de  France.  (Ib.,  1851.) 

59.  Méreau  de  l'église  Saint-Nicolas  de  Maintenon.  (Ib.,  1851.) 


-»•♦♦•*— 


L'ÉVÉQUE  DE  MENDE 


ET    LES 


SEIGNEURS  DU  TOURNEE. 


Les  pièces  suivantes,  que  nous  croyons  inédites,  nous  ont  paru  of- 
frir un  certain  intérêt  :  le  texte  que  nous  en  donnons  a  été  copié,  sur 
l'original  pour  la  première,  et  sur  deux  vidimus,  l'un  de  1249,  l'autre 
de  1271,  pour  la  seconde. 

Nous  les  devons  l'une  et  l'autre  à  l'obligeance  de  M.  le  comte  de 
Châteauneuf  de  Randon,  qui  a  bien  voulu  nous  permettre  de  puiser 
dans  les  précieuses  archives  de  sa  famille. 

La  première  pièce  est  un  traité  de  paix  intervenu  entre  l'évêque  de 
Mende  et  le  seigneur  du  Tournel,  en  1249,  à  la  suite  d'une  de  ces 
guerres  privées  si  communes  avant  les  règlements  de  saint  Louis  sur 
l'asseurement  et  la  Quarantaine  le  Roy. 

La  seconde,  intercalée  dans  la  première ,  est  le  procès- verbal  de  la 
prestation  de  foi  et  hommage  à  l'évêque  de  Mende,  par  Odilon  Guérin, 
seigneur  de  Châteauneuf,  pour  le  château  du  Tournel ,  en  1209.  Cette 
pièce,  outre  la  curieuse  formule  de  serment  qui  la  termine,  et  les  dé- 
tails circonstanciés  qu'elle  donne  sur  les  obligations  qu'entraînait  la 
vassalité  au  treizième  siècle,  contient  encore  des  indications  qui  per- 
mettent de  préciser  davantage  certains  faits  rapportés  inexactement 
par  les  auteurs  du  Gallia  christiana.  Par  exemple,  le  départ  de  Guil- 
laume, évêque  de  Mende,  pour  la  Terre  Sainte,  ne  doit  pas  être  fixé  à 
la  date  de  1223,  puisqu'en  1209  ses  diocésains  le  croyaient  déjà  outre 
mer;  et  si  à  cette  date  de  1223  il  a  résigné  ses  fonctions,  il  esta 
croire  que  ce  n'est  pas  uniquement  à  cause  de  son  départ  pour  la  Terre 
Sainte,  puisque  déjà,  en  1209,  il  avait  conservé,  quoique  absent,  son 
évêché,  dont  il  s'était  contenté  de  confier  l'administration  à  son  vicaire 
Guillaume  de  Peyre,  archidiacre  de  Mende. 

Voici  l'analyse  de  ces  deux  pièces  dans  l'ordre  même  où  elles  se  pré- 
sentent. 


310 


Traité  de  "paix,  de  1249. 

En  1249,  le  13  août,  l'élu  de  Mende,  au  nom  de  l'évêque  de 
cette  ville,  et  Guigue  ou  Gui,  seigneur  du  Tourne),  tant  en  son  nom 
que  pour  Odilon,  son  fils,  et  Guérin  de  Châteauneuf,  fils  deGuérin 
d'Apchier  i ,  s'accordent  pour  traiter  de  la  paix  par-devant  Guillaume 
Pons,  notaire  public  à  Beaucaire ,  aux  conditions  suivantes  : 

I.  Les  deux  parties  se  pardonnent  réciproquement  le  mal  qu'elles 
se  sont  fait,  sauf  à  faire  régler  à  l'amiable  par  des  arbitres  nommés  de 
concert  certaines  questions  réservées. 

II.  Guigue  reconnaît  tenir  en  fief  de  relu  de  Mende  :  1°  les  château 
et  mandement  de  Chapieu,  pour  lesquels  il  se  reconnaît  l'homme  de 
l'évêque ,  auquel  il  promet  de  prêter  serment  de  foi  et  hommage  ; 
2°  les  château  et  mandement  du  Tournel,  aux  conditions  spécifiées  dans 
un  acte  de  1209  reproduit  textuellement  et  dont  nous  donnons  plus 
loin  l'analyse  ;  3»  les  châteaux  et  mandements  de  Montmirat  et  de 
Montgeloux  ,  aux  mêmes  conditions  que  le  château  du  Tournel. 

III.  Dix  personnes  de  chaque  châtellenie  ou  mandement  promettent 
avec  serment  à  l'élu  de  Mende  d'observer  et  de  faire  observer  ce  traité, 
et  s'engagent,  en  cas  d'infraction  de  la  part  de  Guigue,  à  prendre 
parti  contre  lui,  malgré  le  serment  de  fidélité  qu'elles  lui  ont  prêté. 

IV.  Le  château  ou  les  châteaux  que  le  seigneur  du  Tournel  n'aura 
pas  remis  à  l'évêque,  dans  les  cas  spécifiés  par  l'acte  de  1209,  tombe- 
ront en  commise,  et  l'évêque  pourra  les  saisir  d'autorité. 

V.  Guigue  et  les  siens  promettent  avec  serment  de  rester  fidèles  à 
ce  traité. 

VI.  Plusieurs  amis  ou  parents  de  Guigue  se  rendent  cautions  de  sa 
fidélité  et  promettent  leur  secours  à  l'évêque  en  cas  d'infraction  de  la 
part  de  Guigue  ou  des  siens. 

VII.  Les  hommes  de  Chanac  Vilar  et  Mende  (selon  toute  apparence 
vassaux  de  l'évêque  )  seront  exempts  de  tout  péage  sur  les  routes  de 
Guigue  dans  l'évêché  de  Mende. 

VIII.  Guigue  s'engage  à  satisfaire  ses  créanciers  de  Mende  d'a- 
près le  jugement  de  l'élu,  qui,  alors,  lui  rendra  le  château  de 
Chapieu. 

IX.  Il  s'engage  encore  à  s'expliquer,  devant  l'élu ,  sur   toutes  les 


1.  c'est  probablement  le  même  dont  on  trouve  une  courte  biographie  dans  Ray- 
nouard.  Choix  despoésies  des  troubadours,  tom.  v,  p.   liis. 


311 

questions  personnelles  élevées  contre  lui^  soit  par  l'élu  lui-même,  soit 
par  d'autres. 

X.  GuiguC;  et  le  doyen  du  Puy,  pour  Guérin  de  Châteauneuf,  jure- 
ront, avec  dix  chevaliers,  de  travailler  de  bonne  foi  à  remettre  l'élu  en 
possession  du  château  de  Castelboe. 

XI.  Guigue  rendra  à  l'élu  et  à  Randon  le  château  de  Montmirat 
qu'ils  garderont  jusqu'à  parfait  accord  entre  R.  d'Anduse  et  Guigue. 

L'acte  est  alors  signé,  et  les  ratifications,  c'est-à-dire  les  serments, 
reçues  par  le  notaire  ;  on  prend  note  de  l'exception  faite  en  faveur  de 
l'élu,  qui  promet  sans  prêter  serment;  enfin,  le  notaire  signe  lui-même 
pour  donner  à  l'acte  toute  son  authenticité. 

Voici  maintenant  l'analyse  de  la  seconde  pièce  : 

Prestation  de  serment  de  foi  et  hommage  par  Odilon  Guérin,  seigneur 
du  Tournel,  à  Vévêque  de  Mende  (5  juillet  1209). 

Odilon  Guérin  reconnaît  à  l'évêque  et  à  l'église  de  Mende  la  régale 
et  tous  les  biens  et  droits  qui  en  dépendent  dans  tout  l'évêché  de  Gé- 
vaudan.  Par  suite,  il  prête,  comme  ses  prédécesseurs  i,  le  serment  de 
foi  et  hommage  entre  les  mains  de  Guillaume  de  Peyre,  archidiacre  de 
Mende,  vicaire  de  Mende. 

Ce  serment  impose  au  seigneur  du  Tournel  et  à  ses  successeurs  les 
obligations  suivantes  : 

I.  A  tout  changement,  soit  d'évêque,  soit  de  vassal,  les  châteaux 
tenus  en  fief  de  l'évêque  lui  seront  rendus  à  première  réquisition,  à  lui 
ou  à  son  mandataire. 

II.  Si  l'église  ou  l'évêque  de  Mende  a  procès  ou  guerre,  le  seigneur 
du  Tournel  lui  doit  rendre  le  château  qui  serait  le  plus  utile  pour  venir 
à  bout  de  ses  ennemis ,  sans  être  pour  cela  dégagé  de  l'obligation  de 
lui  porter  secours  autant  qu'il  pourra. 

III.  Même  obligation  encore  si  l'un  des  hommes  du  seigneur  du 
Tournel  devient  l'ennemi  de  l'évêque  ou  de  l'église  de  Mende. 

IV.  Dans  les  châteaux  ainsi  remis  entre  ses  mains ,  l'église  ne  se 
doit  entremettre  ni  de  daims,  ni  de  justice,  fors  de  batailles  de  trahi- 
son, à  moins  toutefois  que  le  seigneur  du  Tournel  ne  fasse  pas  justice 
du  mal  qui  a  été  commis. 

1.  Et  en  effet  il  existe  aux  archives  de  la  Lozère  un  acte  contenant  la  prestation 
d'un  serment  de  ce  genre  par  un  seigneur  du  Tournel ,  en  1134.  Cet  acte,  en  langue 
vulgaire,  a  été  publié,  mais  d'une  façon  peu  correcte,  dans  les  Documents  histori- 
ques sur  le  Gévaiidan,  par  M.  G.  de  Burdin,  archiviste  de  la  lx)zère.  2  vol.  in-8". 


312 

V.  Si  le  seigneur  du  Tournel  appelle  un  vassal  de  Téglise,  ou  est  ap- 
pelé par  lui  pour  trahison,  c'est  à  l'évêque  que  revient  le  droit  de  con- 
naître de  l'affaire  et  de  confisquer  les  biens  du  coupable. 

VI.  L'église  ne  doit,  à  titre  de  seigneurie,  tenir  ou  forcer  absolument 
que  les  châteaux  forts,  et  ce,  sans  dommage  ni  perte  pour  le  seigneur 
du  Tournel,  et  sans  rien  demander  dans  les  autres  terres  qui  appar- 
tiennent audit  seigneur. 

VIL  Armand  de  Peyre,  prévôt,  et  Guillaume  de  Peyre,  archidiacre 
de  Mende,  vicaire  de  l'évêque  Guillaume,  du  consentement  exprès 
des  chanoines  et  du  chapitre  de  Mende,  promettent  au  seigneur  du 
Tournel  que  l'église  le  garantira  de  toute  attaque  et  de  toute  réclama- 
tion au  sujet  de  ce  qu'il  tient  d'elle  et  de  l'évêque ,  ainsi  que  de  toute 
guerre  ou  tort  que  lui  ferait  homme  de  l'évêché  ou  étranger  à  l'évêché. 

Suit  la  formule  assez  curieuse  du  serment  prêté  par  Odilon  Guérin. 

Pour  la  pièce  de  1209,  nous  donnons  en  note  les  variantes  que  four- 
nit le  vidimus  de  1271. 

Anuo  dominice  incarnationis  m"  ce"  xl"  viiii'',  m*  indictione, 
idibus  augusti ,  régnante  Ludovico  rege  Francorum ,  super  di- 
scordia  sive  giierra  que  fuerat  inler  dominum  0.  electum  Mima- 
tensem.  ex  una  parte,  nomine  suo  et  nomine  episcopi  Mimatensis, 
et  dominum  Guigonem  de  Tornello,  ex  altéra,  idem  dominas 
electus  et  dominus  Guigo  de  Tornello,  intendentes  paci  et  con- 
cordie,  ad  invicem,  in  formam  infra  scriptam  convenerunt.  Et 
est  sciendum  quod  tam  dominus  electus,  pro  se  et  hominibus 
et  valitoribus  suis,  quam  dominus  Guigo,  pro  se  et  0.  filio  suo 
et  hominibus  et  valitoribus  suis ,  facturi  firmum  teneri ,  pacem 
et  concordiam  faciunt  in  perpetuum  tenendam  et  inviolabiliter 
observandam ,  rémittentes  sibi ,  ad  invicem ,  uterque  pro  se  et 
hominibus  et  valitoribus  suis ,  alteri  pro  se  et  hominibus 
et  valitoribus  ejus,  et  omne  odium,  omnem  discordiam,  omnia 
dampna  ,  quocumque  modo  contigerint,  usque  modo,  ob  dictam 
guerram,  vel  occasione  dicte  guerre ,  libérantes  alter  alterum, 
pro  se  et  hominibus  et  valitoribus  suis ,  ab  omni  petitione  et 
obligatione,  quibus  alter  alteri  teuebatur,  et  a  dampnis,  rancuris 
et  injuriis  sibi  ad  invicem, usque  in  hune  diem,  qualitercumque 
illatis,  salvis  eisdem  domino  electo  et  domino  Guigoni  de  Tor- 
nello et  domino  decano  Podiensi ,  pro  ipso  et  pro  Garino  de 
Castro  Novo,  filio  quondam  dominiGarini  de  Apcherio,  quibus- 
dam  questionibus  realibus  ad  invicem  compçtenlibas,  percompo- 


;M3 

sitores  amicabiles  terminandis,  inquisita  a  scientibus  veritate. 
0.  quidem  dominas  electus,  et  dominus  Guigo,  et  dominus  de- 
canus,  pro  se  et  Garino  filio  quondam  dicti  domini  de  Apcherio , 
pacem  faciunt,  pro  se  et  hominibus  et  valitoribus  suis,  in  for- 
mam  superius  nominatani ,  et  se  ad  invicem  liberaverunt  et 
aboliverunt  de  omnibus  dampnis  ,  petitionibus  et  gravaminibus 
et  obligationibus  sibi  ad  invicem  usque  ad  hune  diem  qualiter- 
cumque  illatis,  et  ab  omnibus  petitionibus,  rancuris  et  demanda- 
mentis ,  et  omnibus  obligationibus  et  quasi  obligationibus,  qui- 
bus  ad  invicem  tenebantur.  Omnibus  peractis ,  dominus  Guigo 
de  Tornello  recognovit  et  professas  fuit  domino  electo ,  nomine 
episcopi  et  ecclesie  Mimatensis ,  se  tenere  ad  feudum  ,  ab  eodem 
domino  electo,  nomine  episcopi  ecclesie  Mimatensis,  et  ab 
eadem  ecclesia,  castrum  de  Capione,  et  castra  sive  fortalicias 
factas  modo  et  in  posterum  faciendas  in  mandamento  dicti 
castri  de  Capione.  Recognovit  etiam  se  esse  hominem,  pro  dicto 
Castro  et  pertinenciis  suis ,  dicti  domini  electi ,  nomine  episcopi 
dicte  ecclesie  Mimatensis,  et  ejusdem  ecclesie  Mimatensis,  et 
se  debere  jurare  fidelitatem  et  bomagium  facere,  pro  dicto 
Castro  et  pertinenciis  suis,  ecclesie  Mimatensi  et  electo  sive 
episcopo  Mimatensi,  nomine  episcopi  Mimatensis  qui  pro  tem- 
pore  fuerit.  Recognovit  etiam  dicto  electo,  nomine  episcopi  dicte 
ecclesie ,  se  debere  reddere  dictum  castrum  et  fortalicias  factas 
et  faciendas  in  mandamento  dicti  castri,  dicto  domino  electo 
et  successoribus  suis  ad  omnem somesiam  sive  requisitionem...,, 
scilicet  quociens  fuerit  requisitus  a  domino  electo,  vel  per  ipsum 
dominum  electum ,  vel  per  successores  ejusdem ,  viva  voce  vel 

per  patentes  litteras  sigillo  pendenti  sigillatas vel  successo- 

rum,  vel  per  certum  nuncium  ipsius  electi  vel  successorura 
ejusdem ,  castra,  inquam  ,  et  fortalicias  factas  et  faciendas,  mu- 
nienda  et  muniendas  a  dicto  domino  electo  vel  successoribus 
ejus  ,  pro  eorum  omnimoda  voluntate. 

Item  recognovit  dicto  domino  electo ,  nomine  episcopi  eccle- 
sie Mimatensis,  se  tenere  ab  eodem  et  successoribus  suis,  ad 
feudum ,  castrum  de  Tornello  et  forcias  et  fortalicias  factas  et 
faciendas  in  ejusdem  castri  mandamento,  in  forma  que  conti- 
netur  in  quadam  carta  sigillata  cum  quadam  bulla  plombea, 
cujus  ténor  talis  est  : 

Dominice  incarnacionis  anno  m"  cc°  viiii",  indictione  vu*, 

I.  (Quatrième  série.)  31    , 


314 

quinta  die  intrante  mense  julii  (Philippe  rege  Francorum  *) , 
Guillelmo  ii°  Mimatensi  episcopo.  Connoguda'  causa  sia^  (a 
totz  homes) ,  que  eu  ^  Odil  ''  Garis ,  davaii  Deu  et  davan  l'altar 
de  madona  Sancta  Maria,  e  davan  las  reliquias  del  glorios 
raartir^  saing  Privât,  en  lagleisa®  de  Meinde,  en  la  presencia' 
del  Capitol  (e  de  gran  partida  dels  baros  e  dels  chastelas  de 
l'evesquat),  e  del  prebost  de  Monmiraut^,  que  i  era  da^  part  lo 
dig  rei  de  Fransa ,  conosc  et  confes  que  li  gleisa  ^  ^  de  Meinde  deu 
aver  e  ha^*  la  regalia  e  las^^  razos  e  las  '*  segnorias*^  que 
perteno  a  la  regalia,  en  tôt  l'evesquat  de  Gavalda,  si  que,  per 
nom  de  regalia  ^\  mei  ancessor  e  tug  l'altre  (baro)  ancessor 
d'aquels,  que  ara  y  ^^  son,  e  nos  meseys  avem,  sai  en  reires,  fag 
homenest  efezeltat  *",  absagramen  ^  ^,  ai'evesqueGuillelm  monse- 
nor  ^  ^,  que  cresem  ^^  que  sia  oltra  mar;  e  aoras  eu^  Odil  "  Garis 
sobredigz  ^^ ,  per  reconoisensa  "'  de  la  sobredicha  regalia,  faz  ^^ 
homenest  e  jure  fezeltat'**  (ab  sagramen),  per  nom  de  l'evesque, 
et  de  la  dicha  gleisa  ^,  a  te  Guillelm  de  Peyra,  archadyaque^^ 
de  Meinde,  que  tenes  aora  lo  loc  de  l'evesque  e  la^*  vicaria  de 
tôt  l'evesquat,  per  voluntat  e  per  mandament  ^^  del  sobredig 
evesque,  e  promet  que  eu  ^  ti  reda^",  per  la  sobredicha  segno- 
ria  ^^,  lo  chastel  delTornel  (els  altres  chastels  que  son  bastit  ei 
mandament  delïornel),  zo^^  esa  saber  :  Tornamira,  el  chastel 
de  Baiet^**,  e  Cubeyra,  e  Cerver^**,  e  Valescura,  et  la  metat 
delein^\  et  Montorser  ^^;  e  generalment  ^ ^  totas  las  forsas  que 
i  son  0^"*  i  serion  per  adenan^^  bastidas,  conosc  que  dei""^  redre^% 
ad  evesque  mudan,  o  a  segnor  ^*  mudan  dans  la  mia  part. 
Tots  ^^  aques"*"  davandig  chastels  o  forzas''^  que  ara  son  bastit  ^ 
o  que  serau,  et  tots-  los  altres  chastels,  e  las  forsas  que  (eu  ai, 
ni  per  adenant  auria  en  tôt  l'evesquat,  e)  aoras  non  ténia  ^^  de. 

*  Les  mots  entre  parenthèses  ont  été  omis  dans  le  vidimus  de  1 27 1 . 

1.  Conoguda.  —  2.  Sya —  3.  Heu.  —  *.  Odjls. 

5.  Martyr.  —  6.  Gleysa —  7.  Presensa.  ^  8.  Montmirau. 

9.  De.  —  10.  Ligleysa —  il.  A.  —  12.  Elias. 

13.  senhorias 14.  De  la  regalia.  —  15. 1.  —  16.  Fedeltat. 

17.  Sacreraens.  —  18.  Monsenher. —  19.  Crezem.  —  20.  Sobredigs. 

21.  Reconoysensa.  —  22.  Fas.  —  23.  Archidyaque.  —  24.  Ella. 

25.  Mandamen.  —  26.  Renda.  —  27.  Senhoria.  —  28.  So. 

29.  Baet.  —  30.  Servier.  —  31.  Delleng.  —  32.  Montorsier. 

33.  Generalmen.  —  34.  E.  —  35.  Adenant.  —  36.  Dey.. 

37.  Rendre.  —  38.  Senhor.  —  39.  Toslz.  —  40.  Aquels. 

41.  Forsas — 42.  Tenba. 


315 

segnor*' ,  conosc  que  dei  tener  de  la  gleisa  ",  e  redre  ^^  d'aital** 
maneira*"*,  que  quan  l'evesques  que  (i)  venria'"'  novels,  volria 
recebre  lo  Tornel  o  un  des  altres  chastels ,  o  poscha  far,  e  quant 
auria  aquel  receubut*'^,  o  hom  per  el,  e  pois'^^  redut*"  a  me, 
o  ad  aquels  que  après  me  teno  los  chastels  e  las  altras  forzas'" 
pot  en  altre  somonre^'  el  o  hom  per  el,  e  det  lo  li  redre ^',  eu' 
o  aquels  que  après  me  venrau  ;  e  atressi  com  es  de  sobre  dig , 
pos  aquel  aura  l'evesques  a  me  o  als  meus  redut  *" ,  pot  en  altre 
somonre  ^*  e  recebre,  el  o  hom  per  el  ;  e  en  aisi  ^^  cou  d'aquest  es 
dig,  deu  ^'  somoure  e  recebre  e  redre  tots  los  altres  chastels 
sobre  digs,  que  son  o  serau'^*  baslit  en  tota  ma  terra,  que  ad 
ora  ^^  non  tenc de  sengnor,  a  la  muda  del  segnor  '*  delà  gleisa  ''y 
0  daus  la  mia  part  segnor  ^^  mudan.  E  si  la  gleisa®  avia  plags 
o  guerra  ab  negun  home,  que  no  volgues  penre  ^'  sa  razon  ^', 
deg  l'en  valer  eu',  o  aquil  ***  que  après  me  venrau ,  et  se  valer 
no  il  Yolia,  dei  ^^  li  redre  a  l'evesque,  o  ad  aquel  qu'il  mandaria, 
aquel  chastel  que  séria  plus  profoitables  ®'  a  destregner  "*  los 
enimics  ^*  de  la  gleisa^,  e  per  tôt  aquo  eu'  no  séria  escorts** 
que  non  aiudes  a  la  gleisa  ®  a  bona  fe  segon  mom  poder  ;  e  per 
sens  covinents  l'igleisa  ®  deu  mi  valer  e  mantener  de  tôt  home , 
que  no  volgues  penre  mon  dreg ,  e  quant  eu  '  fronteiramen  ''^11 
valria  de  plag  o  de  guerra,  poyria  l'evesque  o  il  seu,  tornar  els 
chastels  que  eu'  ai®",  ni  auria,  que  de  segnor  ^^  altre  non  ten- 
gues ,  sas  *'  recebre  las  forzas  ®*,  e  sas  dan,  e  sans  messio  de  me 
0  de  mes  homes.  Atressi  promet  e  conosc ,  que  si  alcus  hom , 
chavalliers  o  altre ,  qui  que  fos ,  de  tota  ma  terra ,  fraignia  ®  ' 
paz,  e  eu  '  nol  volia  o^**  nol  podia  destrengner  ^^  ad  emendar'^ 
lo  forfag,  aquel  chastel  que  fos  plus  aisies'^'  ad  aquel  a  forsar 
e  destrengner^',  dei"*  redre  a  l'evesque  perla  paz'*,  e  als'* 
pasers  ;  se  y  11  '  ®  y  eron  tug  o  '  ®  parts,  e  se  negu  non  iavia,  redria  '  ' 

43.  Senher.  —  44.  Daytal. 

45.  Maneyra.—  46."  Vienra.  —  47.  Receput.  —  48.  Poys. 

49.  Rendut —  50.  Forsas —  51.  En  semonre  attio 52.  Aysi. 

53.  Deu  hom  semonze.  —  54.  Seriau —  55.  Que  a  ora  non  teing  de  senhor. 
56.  Senhor.  —  57.  Penra.  —  58.  Razo.  —  59.  Aquel.  Dans  le  texte  de  1249,  il  y 
avait  d'abord  «  aquel  »  qui  a  été  corrigé  en  «.  aqvil  »  de  la  même  main. 
60.  Dey.  —  61.  Profeytables.  —  62.  Destreinhcr.  —  63.  Enemics.  —  64.  Escortz. 
65.  Fronteyramen.  —  66.  Ay.  —  67.  Sans.  —  68.  Forsas. 
69.  Franhia  pas —  70.  E.  —  71;  Destrenher.  —  72.  Hesmendar. 
73.  Aysiez.  —  74.  Pas.  —  75.  Al.  —  76.  II.  —  77.  Rendut. 

21. 


31G 

lo  chastel  a  l'evesque  e  ad  aquels  per  cui  le  pais  ''  ^  adonc  sic 
governaria,  tro  aquel  o  aquil  fosso  ^®  ad  adobamen  *"  vengut 
o  lur  agues  le  ^*  paz  '''*  fag  lo  mal  que  ad  aquel  temps  poyria 
far*';  e  tan*'  quan  aquel  chastel  tenrio,  non**  fario  dau  ni 
messio  a  me  nil**  als  meus;  e  en  tots  aques*^  digs  covinens, 
voil  que  sia  a  tots  homes  certa  quels  mazes ,  en  ques  forsas  non 
ha,  ni  per  adenan  non*^  serio,  els  quais  eu*  ay  alo,  reteing 
francs,  que  il  **  gleisa  ^,  per  la  segnoria^''  dels  chastels,  no 
poscha  ren  querre  ni  demandar ,  si  per  aventura  chastels  o 
forsa  no  si  baslia,  laquai  ***  tenria  de  la  gleisa  ^,  ella  ^'^  reconnois- 
seria,  ellaredria  asegnor'**  mudan  de  sai  o  de  lài  (aisi)'",con  es 
de  sobres  "^  digeescrig;  atreissi^*  els  chastels  que  li  gleisa  tenria 
segon  los  ^^  davandigs  covinens,  nos  deu  eutremetre ** ^  de  clams , 
ni  justicias^®,  fora  bataillas  "^  de  tracio.  Se  li  mei  **  home,  fosso 
chavalier  o  altre,  s'encolppavo'"',eeu'  nonomenavaaisi  *°"  com 
devria,  quar  l'encolpameusdemes  homes  devo  ^"'  venir  davan^"* 
me  e  eu  dec  o  menar  a  rado,  e  se  non  o  fasia,  l'evesques,  comma 
segner  ^®  mager,  o  poiria  ^  "^  adoncs  menar  e  destrengner  ' '  davan 
se.  Pero  las  terras  ellas  fazendas  del  trachor  remenrau  a  me, 
mas  s'ieu'  encolpava  altre  chastella,  d'equels^"''  que  teno  los 
chastels  de  la  gleisa **,  o  altre  me,  aquo  que  deu  venir  davan 
l'evesque  per  menar  e  per  destrengner  '^  a  rado,  o  per  aver  a  son 
ops  las  terras  et  las  fazendas  d'aquel  que  séria  trachor  prohatz 
davan  sa  cort,  per  paraula  e  per  batalla  ^''^;  ni  deu  tener  ni  forzar 
li  gleisa^"®  neguna  mayso ,  per  non  de  segnoria^',  mas  aquellas 
del  chastel  on  séria  la  forsa ,  ses  tota  mession  *  ''^  e  ses  *  "*  tôt  dan 
meu ,  de  me  e  ^"^  de  mes  homes;  ni  pot  ni  deu  ren  demander, 
per  nom  de  segnoria  '  ^  ",  dels  chastels ,  en  cui  terradors  o  men- 
daraens  serio,  els  homes,  ni  en  las  aigas  ^  '  %  ni  els  bocs  ^  '  ^,  ni  els 
paschers  ^  '  %  ni  els  molis  "  *,  ni  en  las  altras  terras  laoradas  ^  ^  ^  o 


78.  Per  cui  adoncs  li  pas  si  governaria.  —  79.  Fosson.  —  80.  Adobramen. 

81,  Li 82.  Lur  poyria  far.  —  83.  Tant  quant —  84.  No. 

8b.  Ne.  —  86.  Aquests.  —  87.  No.  —  88.  QueyI.  —  89.  Loqual. 

90.  E  la  reconoysecia  e  la  tenria.  —  91.  De  say  o  de  lay.  —  92.  Sobre. 

93.  Atressi.  —  94.  Las.  —  95.  Entrametre.  —  96.  Ni  de  justicias. 

97.  Batalhas.  —  98.  Meu  homes.  —  99.  Sencolpava.  —  100.  Aysi.  —  101.  Deu. 

102.  Davan 103.  Poyria.  —  104.  D'aquels.  —  105.  Batalha. 

106.  La  gleysa.  —  107.  Messio.  —  108.  Sans.  —  109.  O. 

110.  La  senhoria.  —  111.  E  las  aygas —  112.  Bases.  —  113.  Paschiers. 

114.  Molins.  —  115.  Lamadas  ehermas.  — 


317 

ehermas,  que  eu  ay,  o  li  meu  " ',  en  tots  '  ♦  Mos  tcrradors  de  mes 
cbastels,  e  els  mandamens. 

Daus  l'autra  *  **  part  eu  ^  Aremans  *  '  '  de  Peyra  prebost,  e  eu  * 
Guilhelms  de  Peira  arehediaques^^"  de  Meinde,  tenens  la  vicaria 
de  l'evesquat,  per  nom  e  per  mandamen  de  monsenher^^'  En 
Guillem  l'evesque,  ab  voluntat  e  ab  cossentimen  espres  dels 
chanonis'^^,  e  ôel*  c/iapitol  de  la  gîeisa,  prometem  a  te ,  Odil 
Gari,  que  jamais '^^  l'evesque,  nil  gleisa  ®  o  negun  hom  del 
mon ,  clergue  ni  laie  ''^^  no  do  ni  auctore  lo  menatge ,  ni  negun 
dels  fieus  que  tu  tes  de  la  gleisa^,  per  so  que  tu  aquels  tengues 
de  la  gleisa*',  e  tu  d'aquel,  se  tu  aiso'^'^  no  volias,  e  li  toa  vo- 
luntats  *  ^*  ab  aqueila  '  ^^  de  l'evesque  e  de  la  gleisa®  nons'acordava 
E  se  en  ta  terrUy  on  que  sia,  dans  l'evesquat  de  Javalda  ,  baslias 
chastel  o  cbastels,  de  que  bom  ti  *  ^^  mogues  guerra  o  rancura  *  ^"j 
que  non  volgues  penre  ton  dreg^^",  li  gleisa  t'en  deu  valer  e 
mantener  a  bona  fe,  ab  tôt  son  poder.  E  se  negus  hom  de  l'e- 
vesquat o  deforo  l'evesquat  te  movia la  guerra,  nit  fasia'^'  ran- 
cura ,  que  non  volgues  penre  ta  rado ,  nos  te  prometen  que 
il  gleisa  ^  t'en  valla  ^^'"^  tos  temps  ab  tôt  son  poder. 

Li  '^^  maneira  de  la  feseltat  es  aitals  :  Eu  Odils  Garis,  davan 
lo  cor  Deu  '  ^  *,  jure  sobre  saings  *  ^  ^  evangelis  tocatz  '  '*,  e  sobre  las 
reliquias  de  mosegnor  * ^^  saing  Privât,  qu'eu *^%  d'aquesta  hora 
anans  ''^^  serai  tizels*"*"  a  monsegnor  saing  Privât,  a  la  gleisa  de 
Meinde,  e  a  mosegnor  En  Guillelm  l'evesque ,  et  a  tots  los  altres 
que  après  lui  ^  ^  '  venrau,  e  al  chapitol  ^^^^eue  serai  en  conceil  '  ''  ^ 
ni  en  fag  per  que  perdo  vida  ni  membre*'*'*  ni  syon  près;  lo 
cossoil  quem  dirau^*''  per  se  o  per  lur  messatge  o  per  lur 
letras ,  no  manifestarai*"*"  a  lur  dan ,  anan  e  venen  los  défendrai 
els  gardarai  *  "  de  tôt  mon  *  *^  poder. 

Aiso  '"^  fon  fag  a  Meinde,  en  la  gleisa **  major,  davan  l'altar  de 

116.  El  meu.